Histoire de la Croatie

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La Croatie est un point de contact entre divers peuples, cultures et civilisations. Ceci est en grande partie dû à la situation géographique du pays, entre la plaine de Pannonie et la Mer Adriatique, entre les Alpes et les Balkans, entre l'Europe centrale et le monde méditerranéen, entre l'Europe occidentale de l'Europe orientale, près de la frontière orientale de la botte italienne. Au cours des vingt derniers siècles, la Croatie a été traversée par la frontière entre :

L'histoire de la Croatie peut être divisée en 6 grandes périodes :

  • La région avant l'arrivée des peuples slaves (de la préhistoire au VII e siècle) ;
  • L'arrivée des Croates dans la péninsule balkanique et la fondation de l'État médiéval des Croates (du VII e siècle à 1102) ;
  • L'union avec la Hongrie (1102-1526) ;
  • L'intégration aux États des Habsbourg (1527-1918) ;
  • La Croatie au sein de la Yougoslavie (1918-1991) ;
  • La République de Croatie indépendante (depuis 1992).

Sommaire

[modifier] Les terres croates avant les Croates (jusqu’au VIIe siècle)

[modifier] Préhistoire

Dès l’origine, le territoire que bordent la Drave et le Danube au nord, la Drina à l’est et l’Adriatique à l’ouest constitue une espace géographique délimité. La région fut habitée pendant la Préhistoire, depuis l'Age de pierre. Au cours du Paléolithique moyen, l'Homme de Néandertal occupa la région du Zagorje, dans le nord de la Croatie. Dragutin Gorjanović-Kramberger a découvert sur une colline près de la ville de Krapina des ossements et d'autres restes d'un Homme de Néandertal, appelé par la suite Homo krapiniensis. Au début du Néolithique, les cultures Starčevo, Vinča et Sopot étaient éparpillées dans la région. Les sites d'excavation les plus remarquables sont ceux de Ščitarjevo près de Zagreb, de Sopot près de Vinkovci, de Vučedol près de Vukovar, et de Nakovanj dans la péninsule de Pelješac. La civilisation néolithique ultérieure présente aussi trois aires nettement différenciées en Croatie, mais non imperméables les unes aux autres : la civilisation de Vučedol dans l'entre-Save-et-Drave (la Slavonie actuelle), la civilisation de Butmir dans l'hinterland (Bosnie actuelle) et la civilisation de Hvar dans les régions maritimes (Dalmatie centrale).

L'Age de fer a laissé des traces de la culture de Hallstatt et de la culture La Tène (Illyro-celte).

[modifier] Antiquité

Vers -1900, les régions croates virent le bronze remplacer le cuivre. Ce fait concorde avec le début d'une série de migrations qui ne prendront fin qu'avec l'installation des Celtes au V e siècle av. J.-C..

C'est d'abord l'installation des Illyriens (1200-500), contemporaine de celle des Doriens en Grèce, et qui apporte la civilisation du fer. Ces tribus, qui parlaient une langue illyrienne, sont une branche de la famille des Indo-Européens. Parmi ces tribus, on peut noter les Dalmates ou Delmates (qui donnera son nom à la région), mais aussi les Liburnes et les Lapides - dont l'ethnicité demeure moins claire -, qui ont habité différentes parties de la côte Adriatique et de l'intérieur, entre les actuelles Istrie et Herzégovine. Les Phéniciens créèrent des colonies sur la côte Adriatique au VIII e siècle av. J.-C.. L'Age de fer tardif a laissé des traces de la culture de Hallstatt et de la culture La Tène (illyro-celte).

Les Celtes ou "peuple du champ des urnes", pénétrèrent sur le sol croate aux environs de -500, soit en s'imposant militairement (là où les autochtones résistent : la ruine de la "Halstatt-Kultur" de Glasinac), soit pacifiquement par d'intenses relations commerciales (la "Halstatt-Kultur" de Ripač). Le nord de l'actuelle Croatie fut aussi colonisé par la tribu des Scordisques. D'autres peuplades celtes se sont peut-être intégrées ailleurs avec les Illyriens. Des colonies grecques se créèrent sous Denys de Syracuse (début du IV e siècle av. J.-C.), qui jeta les bases de la fondation des principales cités côtières dalmates : Corcyra Negra (ile de Korčula), Issa (ile de Vis), Pharos (ile de Hvar), Tragurion (Trogir), Epidaure, Dimos, Héraclée, Epethion, Asseria, Barbaria)... Un royaume illyrien fut constitué et il vainquit la Macédoine en -355.

L'activité pirate des corsaires de la tribu illyrienne des Ardiéiens, sous le règne de la reine Teuta (-231), qui écument les côtes italiennes et pillaient les marchands Romains, entrainèrent l'ouverture les hostilités par la République romaine en -229 (prise de Dyrrachium). La "pacification" romaine de l'Illyrie (Croatie actuelle) fut une des plus ardues que Rome ait dû entreprendre dans son histoire. Par la suite, Rome déclara la guerre au royaume d'Illyrie et remporta la victoire en -168 face à Genthius, dernier roi illyrien. Toutefois, plusieurs expéditions furent nécessaires avant que Servius Fulvius Flaccus ne réussit, en -135, à réduire les Ardiéiens par des moyens particulièrement cruels et à les déplacer dans l'hinterland. La tribu des Dalmates reprit le flambeau et il s'en suivit une série de guerres sanglantes (entre -155 et -27) au cours desquelles deux armées romaines - dont une de Jules César en -50 - furent écrasées. Auguste achèva la pacification de l'Illyrie en soumettant définitivement en -35 les Iapodes et en -34 les Delmates ; en -27 il remit l'Illyrie au Sénat de Rome.

Après l'extension de la conquête romaine jusqu'au Danube, sous Auguste, la province romaine d'Illyrie (Illyricum) fut créée en -9. En 10, cette province fut divisée entre la Pannonie et la Dalmatie et le terme Illyrie tomba en désuétude. La région fut totalement pacifiée en 27. Les Romains dominèrent l'ensemble des Balkans et des Illyriens romanisés des régions croates actuelles devinrent empereurs romains (Aurélien, Probus, Dioclétien et autres). Dioclétien, né à Salone, divisa la région côtière, en 284, en Dalmatia salonitana (capitale : Salona) et Dalmatia Praevalitana (capitale Scodra) puis il abdiqua en 305 et se retira dans son palais de Split près de Salone.

Après le partage de l’Empire Romain par l'empereur Théodose Ier, en 395, les territoires croates actuels se situèrent dans l'Empire romain d'occident.

Lors des Grandes invasions barbares, le contrôle de ces provinces passa aux Huns, aux Avars, aux Ostrogoths puis aux Byzantins.

[modifier] La migration des Croates

L'origine des Croates avant la grande migration des Slaves est incertaine. L’origine du nom "Croate" (en croate: Hrvat) reste une énigme historique. Elle n’est en tout cas pas slave. Plusieurs hypothèses ont été avancées dont, la plus vraisemblable est la "thèse iranienne" ; cependant, celle-ci est remise en question par de récentes études génétiques.

Aucune trace écrite de la migration des Croates vers les Balkans n'a été préservée jusqu'à nos jours, en particulier qui proviendrait de cette région-même et concernerait l'ensemble de ces événements. À la place, les historiens s'appuient sur des écrits datant de plusieurs siècles après les faits, et même ces écrits dérivent sans doute d'une tradition orale.

Oton Iveković. L'arrivée des Croates à la Mer Adriatique
Oton Iveković. L'arrivée des Croates à la Mer Adriatique

Le livre De Administrando Imperio, écrit au X e siècle, est la source la plus référencée concernant la migration des peuples slaves vers l'Europe du Sud-est. Il y est précisé que les Croates habitaient à l'origine en Croatie blanche, qui se situe au nord des Carpathes et à l'est de la Vistule, dans la région qui couvre maintenant la Galicie. Cet État de Croatie blanche englobait une grande partie du sud de la Pologne actuelle ainsi que des parties de la Bohême et de la Slovaquie ;il disparut en 1004. Les Croates migrèrent d'abord, vers l'an 600, vers les régions à l'est et au nord du Danube, sur les versants des Carpates, menés par le peuple turc des Avars. Dans le Geographon bavarois (rédigé entre 666-890) sont décrites diverses tribus - parmi lesquelles sont mentionnées les Croates - dans le nord des Carpates et dans les monts [sudètes]. Les Avars alliés aux Slaves orientaux pénétrèrent en dans l'ouest des Balkans jusqu'à l'Adriatique, détruisant Salone. Selon De Administrando Imperio, le deuxième mouvement de migration des Croates commença, autour de l'an 620, quand l'empereur byzantin Héraclius demanda l'aide des Slaves du Nord des Carpates - dont les Croates - pour contrer les Avars qui menaçaient l'Empire byzantin. Un certain nombre de tribus croates - sept selon la légende - franchirent le Danube et la Drave, conquirent les provinces romaines de Pannonie, Dalmatie, Illyrie et Norique occupées par les Avars. Ils étaient menés par cinq frères — Klukas, Lobel, Kosenc, Muhlo et Hrvat — et leurs deux sœurs — Tuga et Buga. En 625, les Croates battirent les Avars et arrivèrent sur l'Adriatique. Ils s’installèrent comme fédérés de l’Empire byzantin en Illyrie occidentale, en (Pannonie et en Dalmatie).

De Administrando Imperio mentionne également une autre version des évènements, où les Croates ne furent pas invités par Héraclius, mais vainquirent les Avars et s'installèrent de leur propre initiative après avoir émigré depuis les environs de l'actuelle Galicie. Cette version est confirmée par les écrits d'un certain archidiacre Thomas, Historia Salonitana, datant du XIII e siècle. Pourtant, le rapport de l'archidiacre Thomas, de même que la Chronique du prêtre de Dioclée du XII e siècle, affirment que les Croates n'arrivèrent pas de la façon décrite par le texte byzantin. À la place, ces travaux prétendent que les Croates furent un groupe slave qui resta après l'occupation et le pillage de la province romaine de Dalmatie par les Goths et leur chef "Totila". La Chronique de Dioclée, en revanche, parle de l'invasion des Goths (sous le commandement de "Svevlad", puis de ses descendants "Selimir" et "Ostroilo") après laquelle les Slaves n'ont fait que prendre la suite.

Quelles que soient les différentes interprétations, les peuplades slaves s'installèrent finalement dans la région située entre la Drave et la Mer Adriatique, à l'ouest des provinces romaines de Pannonie et de Dalmatie. Ces peuples slaves organisèrent la Croatie en deux parties : le duché de Pannonie au nord et celui de Dalmatie au sud.

[modifier] L'État croate médiéval (de l'arrivée des Croates jusqu'en 1102)

Après avoir été traversées par les Goths, les Huns, les Ostrogoths, les Gépides et les Lombards, les régions croates actuelles passent sous domination de Byzance ( VI e siècle). Les premières populations slaves de Croatie s'y installent au début du VII e siècle, organisant la Croatie en deux parties. Lors de l'expansion de l'empire franc, la Croatie fut partagée entre l'Empire carolingien et l'Empire byzantin mais, après la mort de Charlemagne, les ducs croates regagnèrent rapidement leur autonomie. La christianisation des Croates fut achevée au IX e siècle ce qui valut à Branimir d'être le premier chef des slaves de Croatie à être reconnu reconnu par la papauté comme Duc des Croates (879). Son descendant Tomislav fut couronné "Roi des Croates" en 925 et ce royaume atteignit son apogée sous Petar Krešimir IV, dans la deuxième moitié du XI e siècle. À la suite de luttes successorales et de la disparition de la principale dynastie croate à la fin du XI e siècle, les Croates reconnurent, en 1102, le souverain hongrois Coloman comme le roi commun de la Croatie et de la Hongrie. À partir de ce moment, l'avenir de la Croatie fut lié à celui de la Hongrie jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale.

[modifier] La christianisation

La première trace de contact entre le Pape et les Croates remonte à un écrit du milieu du VII e siècle dans le Liber Pontificalis. Le Pape Jean IV (Jean le Dalmate, 640-642) envoya un abbé du nom de Martin en Dalmatie et en Istrie afin de payer la rançon pour plusieurs prisonniers et pour les reliques de martyrs chrétiens. On rapporte que cet abbé traversa la Dalmatie avec l'aide des chefs Croates, et qu'il établit les bases des futures relations entre le Pape et les Croates. Jean de Ravenne fut chargé par le pape Jean IV de restaurer l’antique archevêché de Salone (Split). D'après les écrits de l'empereur byzantin Constantin VII Porphyrogénète, les Croates passèrent un accord avec le pape Agathon, dès 679, par lequel ils s'engagèrent à n'entreprendre aucune guerre offensive contre les États chrétiens voisins.

La christianisation des Croates débuta probablement au VII e siècle, peu après leur arrivée dans les Balkans, par des missionnaires des cités côtières romaines et par les missionnaires francs du patriarcat d’Aquilée. Elle fut influencée par la proximité des anciennes villes romaines de Dalmatie. Les débuts de la christianisation sont également débattus dans les textes historiques : les textes byzantins parlent du duc de Porin qui la commença sur incitation de l'empereur Héraclius, puis du duc de Porga qui christianisa son peuple en grande partie sous l'influence de missionaires romains, tandis que la tradition nationale soutient que la christianisation eut lieu sous le duc dalmate de Borna. Il est possible qu'il s'agisse en fait d'interprétations différentes du nom du même duc. La christianisation fut achevée au nord avant le IX e siècle.

Le duc Trpimir Ier invita les moines bénédictins à s'installer sur ses terres. Uns des plus anciens monastères bénédictins en Croatie sont ceux de Karin (850), Bisevo (850), Rizinice (852), Sveti Krsevan (908), Sveti Ambrosius (941), Sveta Maria (948), Ugljan (988). Au XI e siècle, il y eut plus de 40 monastères bénédictins dans le royaume des Croates, la plupart étant situés sur la côte de l'Adriatique.

Assez curieusement, les Croates ne furent jamais contraints à l'emploi du latin : ils célébraient la messe dans leur propre langue et utilisaient l'alphabet glagolitique. Ce fut seulement en 1248 que le Pape Innocent IV condamna cela officiellement et que l'alphabet latin commença à prévaloir. Le rite latin s'imposa sur le rite byzantin relativement tôt grâce à de nombreuses interventions du Saint-Siège. Beaucoup de synodes furent tenus en Dalmatie au XI e siècle, en particulier après le Grand Schisme d'Orient, ce qui renforça continuellement l'emploi du rite latin jusqu'à ce qu'il devînt prédominant.

[modifier] L'essor des Croates

Pendant le Haut Moyen-Age, les terres croates étaient comprises entre trois grandes entités : l'Empire romain d'orient qui souhaitait s'approprier les cités-États de Dalmatie et les îles, les Francs qui souhaitaient occuper le nord et le nord-ouest, et au nord-est les Avars, puis plus tard les Magyars, et d'autres jeunes États. Le quatrième groupe, mais pas notablement puissant par rapport à l'État croate, était celui des Slaves voisins au sud-est, les Serbes et les Bulgares.

En 796, le duc Vojnomir de Pannonie changea de camp entre les Avars et les Francs. Dès la défaite et la destruction de l’État avar en 799, la Croatie panonienne (Slavonie actuelle) et, un peu plus tard, la Croatie méridionale, dite aussi "Croatie Blanche" furent soumises manu militari à l’autorité du margrave de Furlande. Charlemagne envahit la Dalmatie en 799, la contestant aux Byzantins, et la conquit finalement en 803. Le duc qui mena les Croates vers le sud à cette époque s'appelait Višeslav. Le patriarcat d'Aquilée put alors christianiser les slaves qui restaient dans la région. L'invasion des cités dalmates par Charlemagne provoqua une guerre avec l'Empire Byzantin. La situation est consacrée juridiquement par la Paix d’Aix-la-Chapelle (812) mettant fin à la guerre avec l’Empire d’Orient qui avait refusé de reconnaître le titre impérial à Charlemagne. La Croatie méridionale ("Blanche") est rétrocédée aux Francs, alors que Byzance conserve la souveraineté sur la Dalmatie côtière de population romane et constituée de trois îles (Osor, Krk et Rab) et cinq cités (Zadar, Trogir, Split, Dubrovnik et Kotor).

L'influence franque s'affaiblit après la mort de Charlemagne en 814 et, en 819, le duc croate Ljudevit Posavski souleva une rébellion en Pannonie. Les margraves francs envoyèrent des armées en 820, 821 et 822 mais ne parvinrent pas à mater les rebelles avant que finalement les forces de Ljudevit ne se retirent en Bosnie. Ce qui est de nos jours l'est de la Slavonie et de la Syrmie fut conquis par les Bulgares en 827 et les Francs ne le reprirent qu'en 845. Après les guerres entre l’empire franc et les Bulgares (827-829), le margraviat de Furlande est supprimé, la Croatie méridionale fut soumise à l’autorité du roi d'Italie Lothaire Ier (828) et la Croatie pannonienne à l’autorité du roi de Germanie (838). On peut lire aisément dans ces évènements les prémices du destin politique ultérieur de la Croatie, partagée entre les zones d'influence italienne et germanique. La plus grande part de la Croatie pannonienne resta sous domination franque jusqu'à la fin du IX e siècle.

Le duc Mislav (835845) construisit une formidable armada, et signa en 839 un traité de paix avec le doge de Venise Pietro Tradonico. Les Vénitiens entamèrent rapidement une série d'affrontements avec les pirates slaves indépendants de la région de Paganie, mais ne réussirent pas à les vaincre. Le tsar bulgare Boris Ier commença également une longue guerre contre les Croates de Dalmatie, pour essayer d'agrandir son État vers l'Adriatique.

Le duc Trpimir Ier (845864) succéda à Mislav et il est considéré comme le fondateur de la dynastie des Trpimirović, qui gouverna la Croatie de 845 à 1091 (avec des interruptions). Il réussit à remporter la guerre contre les Bulgares et leurs sujets rasciens et il vainquit, également, les Byzantins à Zadar. Trpimir Ier agrandit son domaine en y incluant toute la Bosnie jusqu'à la Drina. Il consolida son pouvoir sur la Dalmatie et sur une grande partie de l'intérieur des terres vers la Pannonie, et institua des comtés pour contrôler ses vassaux (une idée qu'il emprunta aux Francs). Trpimir invita les moines bénédictins - connus comme étant des prmomoteurs de l'éducation et de l'économie - à s'installer sur ses possessions. La première mention écrite connue des Croates date du 4 mars 852, dans un édit de Trpimir.

Dans les années 840, les Sarrasins, un groupe de pirates arabes, envahirent Tarente et Bari. Leurs activités poussèrent Byzance à accroître sa présence militaire dans le sud de l'Adriatique. En 867, une flotte byzantine leva le siège des Sarrasins sur Dubrovnik (alors appelée Raguse) et triompha aussi des pirates de Paganie.

Face à plusieurs menaces navales, le duc Domagoj (864876) reconstruisit la flotte croate et aida les Francs à conquérir Bari en 871. Les vaisseaux croates obligèrent également les Vénitiens à payer un tribut pour pouvoir naviguer près de la côte Adriatique orientale.

Le fils de Domagoj, dont on ne connaît pas le nom, régna sur la Croatie dalmate entre 876 et 878. Ses forces attaquèrent les cités de l'Istrie de l'ouest en 876, mais furent ensuite battues par la flotte vénitienne. Ses forces terrestres triomphèrent du duc de Pannonie Kocelj (861–874), qui était soumis aux Francs. Les guerres de Domagoj et de son fils libérèrent donc les Croates dalmates de l'emprise des Francs.

Le duc suivant, Zdeslav (878–879), renversa le fils de Domagoj, mais ne régna que brièvement, sans pouvoir empêcher l'Empire Byzantin de conquérir de vastes parties de la Dalmatie. Il fut alors renversé à son tour par le duc Branimir (879–892), qui était soutenu par l'Église d'Occident. En 879, le pays fut reconnu comme un duché indépendant par le Pape Jean VIII et Branimir fut surnommé dux Chroatorum (879). Branimir continua à repousser les incursions byzantines et renforça son État sous l'égide de la papauté.

Après la mort de Branimir, le duc Muncimir (892910), le frère de Zdeslav, prit contrôle de la Dalmatie et la gouverna indépendamment de Rome et de Byzance sous le titre de divino munere Croatorum dux (duc des Croates avec l'aide de Dieu).

Le dernier duc des Croates de Pannonie sous l'autorité des Francs fut Braslav qui mourut en 897(?), lors d'une guerre contre les Magyars qui étaient en train de migrer vers la plaine de Pannonie. En Dalmatie, le duc Tomislav (910–928) succéda à Muncimir. Ayant refoulé les Magyars au-delà de la Drave, le Tomislav unit les croates de Pannonie et de Dalmatie en un seul État, se fit acclamer roi aux environs de 925.

Trois principautés serbes - Paganie, Zachoumlie et Travounie - se formèrent, IX e siècle, dans le centre et le sud de la Dalmatie. D'abord indépendantes, la Paganie et la Travounie passèrent sous l'autorité du royaume serbe de Rascie entre 930 et 950, puis passèrent sous domination Byzantine.

[modifier] Le Royaume de Croatie (925-1102)

Le couronnement du Roi Tomislav
Le couronnement du Roi Tomislav

Tomislav, de la dynastie des Trpimirović, fut couronné "rex Chroatorum" ("Roi des Croates") sur le champ de Duvno en 925. La ville au centre du champ de Duvno s'appelle aujourd'hui Tomislavgrad en son honneur. Tomislav était un descendant de Trpimir Ier, et il est donc considéré comme le fondateur de la dynastie Trpimirović. Il fut reconnu roi par le Pape Jean X et l’archevêché métropolitain de Salone (Split) regagna définitivement le giron de l’église de Rome avec, en contrepartie, l’obligation et la suprématie de la liturgie latine sur la liturgie glagolitique croate traditionnelle. Tomislav, rex Chroatorum, créa un vaste État, comprenant la plupart de la Croatie centrale actuelle, la Slavonie, la Dalmatie et la plus grande partie de la Bosnie. Le pays fut administrativement divisé en onze comtés (župa(nija)) ayant à leur tête un banat (banovina) et chacune de ces régions ayant une cité royale fortifiée. Au nord-est, Tomislav fit la guerre à Siméon Ier de Bulgarie. Tomislav fit un pacte avec Byzance contre les Bulgares, ce qui lui permit de contrôler les cités-États de Dalmatie, avec le titre de proconsul, tant qu'il put contenir l'expansion bulgare. Siméon Ier essaya de vaincre le pacte croato-byzantin en envoyant contre Tomislav le duc Alogobotur à la tête d'une puissante armée en 926, mais il fut vaincu à la bataille des hautes terres de Bosnie. Selon De Administrando Imperio l'armée de Tomislav était forte d'environ 100.000 fantassins, 60.000 cavaliers, 80 grands navires de guerre (40 hommes) et 100 petits navires de guerre (10 à 20 hommes).

Tomislav fut suivi par Trpimir II (928–935) et Krešimir Ier (935–945), qui préservèrent leur pouvoir et gardèrent de bons rapports avec le Pape et avec l'Empire byzantin. Au milieu du X e siècle la Croatie fut une importante puissance militaire mais elle fut confrontée au principal problème des familles régnantes de cette époque - à commencer par la plus célèbre, celle des Carolingiens - qu'était le droit de succession. Il était basé sur le droit coutumier ancestral du séniorat, que divers souverains européens - encouragés par l’Église qui cherchait à pouvoir appuyer son action missionnaire sur un pouvoir stable - tentèrent tant bien que mal de remplacer par le droit de succession par primogéniture qui leur paraissait entraîner moins de contestations et donc moins de conflits. Ces véritables guerres civiles entrainèrent, immanquablement, des interventions des puissances extérieures (voisines), tentées de jouer le rôle de l’arbitre du conflit. La dynastie croate n’échappa pas à cette règle. Cette série de lutte commença après le décès de Krešimir I en 945 : la rivalité entre ses deux fils - Miroslav (945-949) et Mihajlo Krešimir II (949-969) déclencha une guerre civile qui couta à la Croatie la perte des cités dalmates et entraina l’affaiblissement de sa puissance militaire. En 949, le roi Miroslav fut tué, par son ban Pribina, au cours d'une querelle de pouvoir interne, et la Croatie perdit les îles de Brač, Hvar et Vis au profit des ducs de Paganie, les cités-États de Dalmatie au profit de l'Empire byzantin, le duché de Bosnie, tandis que la Slavonie orientale et la Syrmie furent prises par la Hongrie.

Mihajlo Krešimir II (949–969), le jeune frère de Miroslav, fut le roi suivant, et il restaura l'ordre au cœur de l'État. Il resta en très bons termes avec les cités dalmates, lui et sa femme Jelena faisant don de terres et d'églises à Zadar et à Solin. L'église Sainte-Marie à Solin porte une inscription de 976 qui mentionne la couronne croate.

Mihajlo Krešimir II fut suivi par son fils Etienne Drjislav (Stjepan Držislav) (969–997). Améliorant les relations avec l'Empire Byzantin, il s'allia avec l'empereur Basile II contre le tsar bulgare Samuel et reçut, de nouveau, l’administration des cités dalmates avec le titre d’éparque et de patrice impérial mais aussi, pour la première fois dans l’histoire, les insignes royaux et le titre de "roi de Croatie et de Dalmatie" (988).

A la mort de Stjepan Držislav, une nouvelle guerre civile éclata entre son fils aîné Svetoslav Suronja (997–1000) et ses deux frères cadets, Krešimir III (1000–1030) et Gojslav (co-souverain avec Krešimir, 1000–1020). Chacun réclama le trône, ce qui affaiblit l'État et permit au doge Pietro II Orseolo et au tsar bulgare Samuel Ier d'empiéter sur les possessions croates de l'Adriatique. L’issue de ce conflit fut encore plus désastreuse que le précédant conflit successoral. En l'an 1000, Pietro Orseolo fit payer cher son alliance à Svetoslav : il récusa le tribut de libre navigation que Venise payait au souverain croate depuis un siècle, il mena la flotte vénitienne dans l'est de l'Adriatique et en prit progressivement le plein contrôle, il annexa les cités dalmates avec l’autorisation de l'empereur de Byzantin, et amena le fils de Svetoslav - Stjepan - à Venise comme otage. Ce dernier épousera la fille du doge - Hicela - et cette union jeta les fondements du rameau slavonien de la dynastie croate, lié ultérieurement par d’autres liens matrimoniaux à la dynastie hongroise des Arpadiens, ce qui créa les bases de la future union croato-hongroise. Pietro Orseolo prit le titre de dux Dalmatiae. Les frères cadets de Svetoslav Suronja furent contraints, de leur côté, à reconnaître de nouveau, après plus d’un siècle d’indépendance, l’autorité de l'Empire byzantin sur la Croatie.

Le X e siècle vit une segmentation de la société, où les chefs locaux župani furent remplacés par les sujets du roi, qui prirent les terres à leurs propriétaires et instaurèrent un système féodal. Les paysans auparavant libres devinrent des serfs et ne servirent plus comme soldats, ce qui provoqua le déclin de la puissance militaire de la Croatie.

Le roi suivant, Krešimir III, tenta de récupérer les cités dalmates et y parvint dans une certaine mesure jusqu'en 1018, quand il fut battu par Venise en même temps que par le royaume d'Italie.

Son fils Etienne Ier (Stjepan I) (1030–1058) lui succéda. La principauté serbe de Dioclée engloba à partir de 1037 une partie du sud de la Dalmatie (portions de la Travounie et de la Zachoumlie). Devenue royaume indépendant, la Dioclée s'étendit sur toute la Dalmatie jusqu'à la cité de Knin et son souverain prit le titre de "roi de Dioclée et de Dalmatie". Le seul succès de Stjepan fut de rallier le duc serbe de Paganie à son État après 1050. Le schisme de 1054 brisa l'unité de la communion entre, d'une part, l'Église de Rome - à laquelle la Croatie demeura attachée - et, d'autre part, l'Église de Constantinople. Désormais la frontière entre chrétiens catholiques et orthodoxes passa entre la Croatie, à l'ouest, et la Bulgarie et les duchés serbes, à l'est.

Au courd du règne de Petar Krešimir IV (1058–1074), le royaume médiéval croate atteignit son apogée. Petar Krešimir IV obtint de l'Empire Byzantin d'être reconnu comme le souverain officiel des cités dalmates. Il permit aussi à la Curie de Rome de s'impliquer davantage dans les affaires religieuses de la Croatie, ce qui renforça son pouvoir mais perturba son emprise sur le clergé qui utilisait l'alphabet glagolitique dans des parties de l'Istrie en 1060. La Croatie sous Petar Krešimir IV était composée de douze comtés et légèrement plus grande qu'au temps de Tomislav. Elle incluait au plus proche le duché de Paganie au sud de la Dalmatie, et son influence s'étendait jusqu'à Zahumlje, Travunia et Dioclée. Cependant, en 1072 Krešimir aida la révolte des Bulgares et des Serbes contre Byzance, après quoi l'Empire Byzantin riposta en 1074 en envoyant le duc normand Amik assiéger Rab. Ils ne prirent pas l'île, mais réussirent à capturer le roi, et les Croates furent contraints d'abandonner Split, Trogir, Biograd, Nin et Zadar aux Normands. En 1075, les Vénitiens bannirent les Normands et gardèrent la cité pour eux.

Le troisième drame successoral allait se jouer après le décès Petar Krešimir IV mais il allait, cette fois ci, se terminer par la fin de l'indépendance de la Croatie. La mort de Petar Krešimir IV en 1074, sans descendant direct, marqua de facto la fin de la dynastie des Trpimirović, qui avait régné sur les territoires croates pendant plus de deux siècles. Petar Krešimir avait désigné son neveu Stjepan comme successeur mais une période de troubles s’installa et le successeur désigné fut contraint de se retraiter dans un monastère. Un roi croate, dont les historiens ne parviennent pas à établir l'identité, est amené en captivité lors d’une incursion du comte normand Haming Guiscard, comte de Giovinazzo, dans les affaires croates, à l’initiative du Saint-Siège.

C’est finalement un descendant des Trpimirides de Slavonie, Dmitar Zvonimir (1076-1089), ban de Slavonie, qui fut couronné "roi de Croatie et de Dalmatie" par le légat du pape, Gébison, dans la basilique de Salone (début octobre 1076). Il assista les Normands dans leur lutte contre l'Empire Byzantin et Venise entre 1081 et 1085. Zvonimir aida à transporter leurs troupes à travers le détroit d'Otrante lors de l'occupation de Durazzo et des batailles le long des côtes Albanaises et Grecques. À cause de cela, les Byzantins cédèrent à Venise leurs droits sur la Dalmatie en 1085. Le règne de Zvonimir est gravé dans la pierre de la stèle de Baška, le plus vieil écrit croate connu à ce jour, conservé au muséee archéologique de Zagreb. On se souvient de ce règne comme d'une période pacifique et prospère, pendant laquelle les liens avec le Saint-Siège furent renforcés, à tel point que Rome accorda aux Croates le privilège unique d’employer dans la liturgie leur propre langue, écrite alors en caractères glagolitiques. Les titres de noblesse en Croatie imitèrent ceux utilisés dans le reste de l'Europe, avec comes et baron utilisés pour les župani et les courtisans, et vlastelin pour les hommes nobles.

Le fils unique de Dmitar Zvonimir - Radovan - étant décédé en bas âge, la guerre de succession repris de plus belle après la mort sans héritier du roi. Etienne II (Stjepan II) (1089–1091), de la dynastie des Trpimirović, fut alors sorti d'un monastère et monta sur le trône. Mais il ne régna que deux ans sur la Croatie avant de mourir de vieillesse. À sa mort, une partie des croates se groupe autour du champion de la cause "nationale", Petar Svačić, de la fratrie des Snačić, une autre partie se groupa autour du souverain narentais Sloviz (Slavac) et une troisième soutint le droit "héréditaire" de succession de la veuve de Dmitar Zvonimir, Jelena dite "Lijepa" (=la Belle), sœur du roi de Hongrie, Ladislas. Il devint évident que Ladislas Ier de Hongrie était le meilleur candidat à la succession, grâce à la forte influence en Pannonie de sa sœur Jelena. Fort de son "droit héréditaire", Ladislas envahit la Croatie après la mort de Stjepan en 1091 et occupa rapidement toute la Pannonie, avant de rencontrer en Dalmatie une résistance désorganisée. L'Empereur Byzantin Alexis Ier, inquiet de l’incursion hongroise en Croatie, réagit en incitant les "fédérés" Coumans à envahir la Hongrie. Ladislas fonda en 1094 l’évêché de Zagreb mais dut se retirer de Croatie mais il laissa derrière lui le Prince Álmos (Almoš en croate) comme roi de Slavonie, ce qui scinda de nouveau administrativement la Croatie.

La mort du Roi Petar Svačić. 1097.
La mort du Roi Petar Svačić. 1097.

Les seigneurs croates luttèrent pour obtenir l'indépendance par rapport à la Hongrie, et ils élirent un nouveau roi croate : Petar Svačić (1093–1097). Il parvint à unifier le royaume autour de la ville de Knin, et bannit Almoš de Slavonie en 1095. Après la mort de Ladislas la même année, Coloman de Hongrie, le frère d'Almoš, vint au pouvoir et fit la paix avec le Pape Urbain II. Il décida, en 1097, d’en finir définitivement avec la Croatie. Dans cette perspective, il mena une armée en Croatie et Petar Svačić - le dernier roi croate de souche - fut battu et tué à la bataille de la montagne de Gvozd. Coloman rappela ses troupes au nord-est pour combattre les Ruthènes et les Coumans en Galicie en 1099. Les nobles croates saisirent cette occasion pour essayer de se libérer des Hongrois. Coloman revint en Croatie et les nobles croates du accepter le traité connu sous le nom de Pacta Conventa (1102). Sur la Drave, les représentants des douze principales tribus croates reconnurent Coloman comme roi légitime de Croatie et de Dalmatie. La Croatie fut associée à la couronne de Hongrie par une "union personnelle" grâce à laquelle elle sera gouvernée par un ban (vice-roi), en conservant son Sabor (diète), son armée, les anciens privilèges de la noblesse croate et les statuts des cités dalmates  ; en revanche, elle perdit sa flotte et dut au roi de répondre à ses appels aux armes. Ce traité de 1102, dont l'authenticité fut contestée par certains historiens, valut pendant huit siècles comme charte juridique de base dans les relations entre la Croatie et la Hongrie. Coloman de Hongrie fut couronné solennellement comme roi de Croatie et de Dalmatie (1102-1116) dans la ville royale de Belgrade sur l'Adriatique.

Malheureusement, ce même fléau qui rongeait la dynastie croate des Trpimirides - les querelles dynastiques à propos du droit de succession - allait également toucher les Arpadiens, donnant souvent l’occasion aux puissances voisines de s’immiscer dans les affaires hongroises. Les couronnes de Hongrie et de Croatie demeurèrent liées, à travers la personne du roi, jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale.

[modifier] L'union avec la Hongrie (1102-1526)

Le rattachement officiel de la Croatie à la Hongrie eut plusieurs conséquences importantes.

Le pays fut dirigé au nom du roi par un Ban, faisant de ce titre préexistant l'un des plus élevés de Croatie. Un seul ban gouverna toutes les provinces de Croatie jusqu'en 1225, date à laquelle l'autorité fut divisée entre un ban pour la Slavonie et un ban pour la Dalmatie et la Croatie. Après 1345 ces deux positions sont occupées tour à tour par la même personne, et finalement regroupées en une seule en 1476.

Le rattachement à monarchie hongroise entraîne l'introduction du féodalisme et l'émergence de familles nobles locales comme les Frankopan et les Šubić. Par la suite, les rois cherchent à rétablir une partie de leur influence perdue en donnant aux villes certains privilèges. Plus tard, les Angevins interviennent et restaurent le pouvoir royal. Ils vendent également toute la Dalmatie à la République de Venise en 1409.

Tandis que commence l'incursion Ottomane en Europe, la Croatie redevient région frontalière. Les Croates participent à un nombre considérable de batailles et perdent progressivement des territoires au profit de l'Empire ottoman.

[modifier] Le féodalisme et les conflits avec Venise et l'Empire byzantin

Le taureau d'or du roi Béla IV de Hongrie
Le taureau d'or du roi Béla IV de Hongrie

Le roi de Hongrie introduit une variante du système féodal. De larges fiefs sont accordés à ceux qui sont prêts à les défendre contre les incursions extérieures, ce qui assure ainsi la protection du pays tout entier. Cependant, en permettant à la noblesse d'accroître son pouvoir économique et militaire, le royaume perd de son influence au profit de familles comme les Frankopan, les Šubić, les Nelipčić, les Kačić, les Kurjaković, les Drašković, ou les Babonić. Au XIIe siècle, après plusieurs postes en Hongrie et en Rascie, le prince serbe Beloš devient à la fin de sa vie ban de Croatie.

Coloman Ier arracha aux Vénitiens, avec l’accord de Byzance, la souveraineté sur les cités dalmates, mais lors du conflit avec l'empereur Alexis Comnène, les Vénitiens reprirent en 1115 Zadar, Belgrade-sur-mer et l’archipel du Quarner. Sous le règne de son fils Étienne II de Hongrie (1116-1131), ils obtinrent également l’allégeance des autres cités dalmates. Le roi réussit un moment à récupérer les cités dalmates, à l’exception de Zadar, mais Venise les reconquit aussitôt en faisant raser la ville croate de couronnement, Belgrade-sur-mer, au raz des fondations, en 1125. La cité ne s’en remettra jamais plus. L’enjeu des guerres entre Venise et le royaume hungaro-croate fut surtout la possession de Zadar, la cité dalmate la plus opulente. Béla II de Hongrie (1131-1141), fils d’Almos reprit les cités dalmates à l’exception de Zadar (1133). En 1137, les seigneurs de Bosnie (Rama) s’associent au royaume de Hongrie-Croatie dont le souverain porte désormais aussi le titre de "Rex Ramae" (1138).

Outre avec Venise, les Arpadiens eurent aussi maille à partir avec Byzance. Intervenant dans les querelles dynastiques de la couronne hongroise, l'empereur Manuel Ier Comnène, réussit en 1167 à s’emparer de la Bosnie, de la Croatie méridionale et de toutes les cités dalmates à l’exception de Zadar, de la Syrmie et du Banat). La mort du dernier grand basileus en 1180 marqua la fin définitive de l’hégémonie byzantine dans les Balkans.

Béla III de Hongrie (1172-1196), élevé à la cour de Byzance, prit le pouvoir en Croatie à la mort de son père d’adoptif le basileus Emmanuel Comnène. Il reprit les cités dalmates aux Vénitiens et reçut l’allégeance du ban Kulin de Bosnie et du prince Miroslav de Chulmie (Herzégovine actuelle). Toutefois, il perdit au début des années 1180 le sud de la Dalmatie au profit du royaume serbe de Rascie. Bela III réussit à imposer définitivement la primogéniture comme droit de succession au trône. Il favorisa, par ailleurs, en Croatie - par des donations - l’extension du système féodal au détriment de l’ancien système des fratries.

Les querelles dynastiques d'Émeric de Hongrie (1196-1204) avec son frère cadet André (futur André II de Hongrie) fournit l’occasion propice au grand doge Enrico Dandolo de plusieurs villes côtières. Détournant à leur profit la Quatrième croisade, les Vénitiens s’emparent de Zadar en 1202, la plus importante ville côtière de Dalmatie supérieure. En 1205, la ville libre de Dubrovnik reconnaît la suzeraineté de Venise. Durant cette période, l'Ordre des Templiers et l'Ordre de Malte acquièrent un quantité considérable de terres en Croatie.

Andrija II (André II de Hongrie) (1205-1235) dut renoncer à tous ses droits sur Zadar en guise de dédommagement pour le transport de ses troupes croisées vers la Terre Sainte. Lasse de son gouvernement capricieux et dispendieux, la petite noblesse s’insurgea et contraignit ce souverain à promulguer en 1222 la fameuse "Bulle d’or" qui limita drastiquement le pouvoir absolu du souverain en autorisant explicitement la noblesse à se soulever par les armes contre le souverain s’il ne respectait pas la loi. On la compare souvent "Bulle d’or", à juste titre, à la "Magna Charta Libertatum" anglaise. Elle servit de charte de couronnement des rois hungaro-croates jusqu’à Joseph II au XVIIIe siècle.

A partir de Béla IV de Hongrie (1235-1270), les rois ne pratiquent plus un couronnement séparé pour la Croatie. Le duc Coloman, duc souverain du royaume croate, soumit la Bosnie (1237) et tenta d’ériger sans succès Zagreb en archevêché. L’événement le plus remarquable de ce règne fut l’invasion de la Hongrie et de la Croatie par les cavaliers mongols de la Horde d'Or. Pratiquant une tactique éprouvée avec succès en Moscovie et en Pologne (capturer et tuer le souverain pour déstabiliser le pays), ayant défait l’armée hongroise à la Mohi sur les rives de la Sajó (11 avril 1241), ils poursuivent le roi. Béla, sa suite et les restes de son armée durent se réfugier auprès du prince Frédéric d’Autriche, qui au lieu de les aider, profita de l’occasion pour arracher trois comtés au roi. Le roi prit alors le chemin de la Dalmatie et s’installa à Trau (Torgir), en attendant l’aide de l’Occident. Les Mongols pillent le pays et massacrent une partie de la population ; ils incendièrent Zagreb en descendant vers la côte dalmate. En mars 1242, l’avant-garde mongole atteignit l’Adriatique et le roi Béla IV ne dut son salut qu’en embarquant sur un navire en rade de Trogir. Mais l’annonce de la mort du grand khan contraignit bientôt les armées mongoles à évacuer l’Europe centrale.

Cette chevauchée dévastatrice eut pour conséquence immédiate d'amener le rois à vouloir rétablir son influence en donnant certains privilèges aux cités, qui peuvent devenir des Quartiers Royaux ou des "ville royale libre" (similaires aux Villes Impériales Libres du Saint-Empire romain germanique) ; en échange de leur soutien, le villes obtenaient la protection du roi contre les seigneurs. De nombreuses "villes franches royales" (Zagreb en 1242, Križevci en 1252 et Bihać en 1264), forteresses et églises fortifiées furent érigées, dont la cathédrale de Zagreb est certainement un des fleurons européens. Béla IV divisa administrativement la Croatie en "royaume de Croatie et de Dalmatie" et en "royaume de Slavonie", le ban (vice-roi) de "toute l’Esclavonie" (totius Sclavoniae) ayant la préséance sur le ban croato-dalmate. En 1248, le pape Innocent IV, accorda à l’évêché de Senj (Segna) le droit de pratiquer la liturgie slavonne glagolitique, à l'issue d’une lutte de trois siècles contre la mainmise absolue de la liturgie latine dans l’Église croate.

Les guerres civiles reprirent sous le règne de Étienne V de Hongrie (1270-1272) et Ladislas IV de Hongrie (1272-1290). Le règne du dernier Arpadien, André III de Hongrie (1290-1301) fut contestée par une partie des grands hongrois et surtout croates. À l’initiative de Marie de Naples, sœur de Ladislas IV, qui revendiquait la succession du trône hungaro-croate pour son fils Charles Martel, les puissants princes croates de Bribir - qui avaient obtenu la dignité de ban à titre héréditaire pour leur famille - firent couronner à Zagreb en 1301, comme roi de Croatie et de Dalmatie, Charobert d'Anjou-Sicile, le fils de Charles Martel. Les princes de Bribir issus de la famille des Šubić deviennent particulièrement influents avec Pavao Šubić Bribirski (1272-1312), qui prend le contrôle de larges parts de la Dalmatie, de la Slavonie et de la Bosnie pendant un conflit interne entre les dynasties d'Árpád et d'Anjou.

[modifier] Les tentatives de restauration du pouvoir royal (1301-1490)

En 1301, Charles Robert d’Anjou (Charles Robert de Hongrie) accéda au trône de Croatie (1301-1342). Après une décennie de guerre civile au cours de laquelle il fut mis en balance avec deux autres prétendants au trône hongrois - Venceslas III de Bohême et Otton III de Bavière - Charles Robert (Charles Robert de Hongrie) fut couronné roi de Hongrie, de Croatie et de Dalmatie en 1310, avec l’assentiment alors de la majorité des notables hongrois et croates.

Dès le retour de la paix, la nouvelle dynastie mis en application la politique capétienne traditionnelle du renforcement du pouvoir central (royal) et de la restriction des prérogatives des grands du royaume. Le règne des Angevins se caractérisa par une politique absolutiste et centraliste et donc des convocations rarissimes des États généraux (deux fois en quelque quatre-vingts ans : 1342, 1351), les décisions politiques se prenant - à l’instar de leurs cousins français - au sein d’un conseil royal (consilium regium) composé de prélats et de notables. Les Anjou favorisèrent l'essor des villes, introduisirent la chevalerie et renforcèrent le rôle de la petite noblesse. Charles-Robert parvient en 1322 à s’emparer du ban Mladen de Bribir, qui régnait pratiquement en souverain absolu sur la Croatie et une bonne partie de la Bosnie actuelle, et à rétablir l’autorité royale en Croatie. Le ban de Bosnie Étienne Cotroman en profita pour annexer à la Bosnie les Pays du Ponant.

Son fils, Louis Ier de Hongrie (1342-1382) chercha à étendre son influence en Europe centrale et dans les Balkans. Il mâta d’abord les princes Nelipić, qui lui remirent leur forteresse de Knin en 1345, et les princes de Bribir en 1357, qui reçurent, en contrepartie de leur castrum d’Ostrovica, Zrin en Slavonie, d’où leur nom ultérieur de Zrinski (Zrinyi en hongrois). Le roi rétablit ainsi son autorité dans toute la Croatie. Par son mariage avec Élisabeth Kotromanić - la fille du ban de Bosnie - il acquit la Chulmie (l’Herzégovine occidentale actuelle). Dans une guerre éclair contre Venise, conclue par la paix de Zadar en 1358, il récupéra toute la Dalmatie, contraignit le doge à abandonner le titre de "duc de Croatie et de Dalmatie" et obligea Venise à lui promettre la construction d’une flotte de guerre (cette promesse ne sera jamais tenue). La République de Dubrovnik le reconnut aussitôt comme son seigneur et il lui accorda le droit de porter l’écusson royal. En 1366, il arracha à Stefan Uroš V de Serbie la région de la Mačva et contraignit son allié, le ban de Bosnie Tvrtko Ier, qui s’était rebellé contre la Hongrie, à reconnaître de nouveau son autorité. Il obligea aussi le tsar bulgare Jean X Strajimir à lui faire allégeance en échange de sa liberté personnelle. En 1370, encore une fois à la faveur des liens matrimoniaux, il devint roi de Pologne, régnant désormais sur un pays qui s’étendait de la Baltique à l’Adriatique. En 1377, la province de Bosnie s’émancipa définitivement de la tutelle hungaro-croate et devient un royaume indépendant sous la dynastie des Kotromanić, lequel engloba alors la majeure partie de la Dalmatie. La famille des Angevins réagit face à la noblesse croate. La famille Šubić fut dispersée à travers le pays (la famille Zrinski en sera une branche importante).

Louis Ier n’avait que deux filles : Marie (1382-1395) - qui devint reine de Hongrie et de Croatie sous l’égide de sa mère Élisabeth de Bosnie - et Hedvige qui devint reine de Pologne et qui allait, en épousant ultérieurement le grand duc de Lithuanie, fournir à la Hongrie et à la Croatie ses derniers rois avant l'arrivée au pouvoir des Habsbourgs. Cette succession féminine va entraîner de nouvelles querelles dynastiques et de sanglantes guerres civiles. Les mécontents introduisent Charles de Durazzo (1385-1386), proche parent du défunt roi, en Croatie et en Hongrie mais il est rapidement assassiné à l'instigation par la reine douairière Élisabeth et son complice le palatin Gorjanski. Cet assassinat coalisa tous les adversaires de la reine Marie, qui avait entretemps épousé l’empereur Sigismond de Luxembourg.

Dès son élection comme roi de Hongrie et de Croatie, Sigismond de Luxembourg (1386-1437), souverain rusé et sans scrupules, accourut au secours de son épouse emprisonnée par des mécontents à Novigrad-lez-Zadar. Mais il ne réussit pas à empêcher le roi de Bosnie, Tvrtko Ier, beau-frère de Louis Ier de Hongrie, de s’emparer de presque toute la Croatie méridionale, grâce à l’appui des grands féodaux mécontents, et de se faire couronner en 1390 "roi de Croatie et de Dalmatie". Signant un armistice avec son vassal bosniaque Stefan Dabiša, successeur Tvrtko Ier, Sigismond Ier défait les coalisés à Dobor (1393) mais subit à la tête d’une armée européenne une cuisante défaite à la bataille de Nicopolis (1396) contre les Turcs. Cet événement ouvre définitivement la porte des Balkans aux Turcs.

Après que le roi Sigismond eut été donné pour mort à la bataille de Nicopolis, des seigneurs croates qui lui étaient hostiles saisirent l'occasion pour faire d'élire, avec l’appui de certains barons hongrois mécontents, Ladislas Ier de Naples, fils du défunt Charles de Durazzo. Après son retour, Sigismond décida de punir cette trahison. Comme il l’avait fait avec Jean Huss, Sigismond Ier convoqua des États généraux en 1397 - soit-disant en vue d'une réconciliation avec les nobles - mais lors de ce "Sabor sanglant de Krizevci", il fit massacrer plusieurs seigneurs croates qui lui étaient hostiles afin de se venger de leur "trahison". Les nobles croates, las des violences de leur roi, se révoltèrent à nouveau sous la conduite du puissant seigneur bosniaque Hrvoje Vukčić Hrvatinić. Ils réussirent même à se rendre maîtres de la personne de l’empereur et l’emprisonnent à la forteresse de Višegrad en 1401, mais ils le relaxent et se réconcilient avec lui grâce à la médiation du prince palatin Gorjanskiet. Ladislas Ier fut couronné à Zadar, en 1403, comme roi de Hongrie, de Croatie et de Dalmatie. Il n’en fallut pas moins de quatre expéditions, dont la dernière fut organisée comme croisade, pour en venir à bout des rebelles et à contraindre leur chef de lui faire allégeance. Mais le duc Hrvoje avait appelé les Turcs à la rescousse, donnant à ceux-ci une occasion de s’immiscer dans les affaires bosniaques. Sigismond reprit la couronne et Ladislas, occupé par d'autres projets, se désintéressa de la Croatie. Ladislas vendit ses possessions dalmates, ainsi que tous ses droits sur la Croatie et la Dalmatie aux Vénitiens, en juillet 1409, pour cent mille ducats. Malgré deux guerres que Sigismond fit aux Vénitiens à cause de la Dalmatie (1411-1413 et 1418-1420), Venise obtint, en moins d'une décennie (1420), l’allégeance de toutes les cités dalmates à l’exception de Raguse (Dubrovnik). La perte de la Dalmatie représenta un des évènements les plus marquants de l’histoire croate depuis la perte de "l’indépendance" en 1102. À partir de ce moment, le centre de gravité politique de la Croatie va se déplacer vers Zagreb et le nord en général.

A la mort de Sigismond, les États généraux de Hongrie et de Croatie élisent comme roi Albert de Habsbourg (1438-1439) qui meurt rapidement de peste aux cours des préparatifs d’une expédition contre les Turcs. Les conflits de succession reprirent aussitôt. La majorité des magnats hongrois et croates soutinrent le roi de Pologne Vladislas Ier (1439-1444) alors que la minorité soutint Ladislas Ier de Bohême, le fils posthume d’Albert d’Autriche. Après avoir passé un accord de succession avec la mère de Ladislas, Vladislas défit les Turcs à Kunovica et conclut avec eux la paix de Szeged en 1444. Suivant l’accord passé avec la reine douairière, Ladislas Habsbourg (1444-1457) prit la succession. Le roi étant encore mineur, Jean Hunyadi fut nommé gouverneur du royaume et il fit subir, en 1456, une cuisante défaite au sultan Mahomet II devant Belgrade. Les Croates contribuent à cette victoire temporaire de la chrétienne avec le frère Ivan Kapistran.

A la mort de Ladislas, les États généraux hongrois et les États croates élirent alors comme roi de Hongrie, de Croatie et de Dalmatie le fils de Jean Hunyady, Mátyás Hunyadi (Matthias Ier de Hongrie) (1458-1490). Autant la personnalité que le règne de ce souverain constituent à tous égards une parenthèse et un exception en cette fin du Moyen-âge hongrois et croate. D’origine roturière, organisateur né et stratège hors pair, il excellait autant dans la conduite des affaires que dans l’art de la guerre et dans la protection et la promotion des arts et des lettres. Après un conflit avec Frédéric III d'Autriche (Frédéric III du Saint-Empire), il conclut un accord de succession avec celui-ci à Wiener Neustadt, aux termes duquel le droit de succession du trône hungaro-croate fut assuré aux Habsbourgs. Il arracha au sultant Mahomet II, qui venait de s’emparer de la Bosnie (1463), la forteresse de Jajce et organisa deux banats contre les incursions turques dans la Bosnie septentrionale. Reprenant la politique centralisatrice de ses prédecesseurs angevins, il envoya le ban Blaise Podmanicky contre les puissants seigneurs croates Frankopan (siège de Senj en 1469), mais Jean Frankopan préféra céder les restes de son domaine - Krk, la dernière île croate de l’Adriatique - aux Vénitiens plutôt qu’à son suzerain légitime.

En 1483, moins de trente ans après la Bible de Gutenberg, le premier missel en caractères glagolitiques croates est imprimé à Senj.

[modifier] Les Jagellons et les guerres ottomanes (1490-1526)

A la mort de Matthias Ier de Hongrie, les États généraux de Hongrie et de Croatie eurent recours aux derniers descendants angevins polonais, Vladislas II Jagelon et Louis II. Les rois faibles ne réussirent pas à empêcher l'arrivée des Ottomans en Croatie.

Dès son accession au trône, Vladislas II Jagellon (1490-1516) renouvelle l’accord du succession au trône de Hongrie et de Croatie de son prédecesseur avec l’empereur Maximilien, le fils de Frédéric III. Contraint par les grands à supprimer les impôts spéciaux en raison du danger turc, le royaume est en faillite financière. Après la Bosnie et l’Herzégovine voisines, les Turcs s'attaquèrent à la Croatie et il lui infligèrent en 1493 une importante défaite lors de la bataille du champ de Krbava dans la Lika, en Croatie. Cet évènement marqua le début de l’amputation par les Ottomans de près de la moitié de la Croatie, suivie de l’islamisation de la population locale (tout particulièrement dans la région dite de la « Croatie turque », territoire situé entre les rivières Una et Vrbas). Vladislas II s'étant révélé incapable de lever une armée pour secourir l’armée croate, les bans croates en furent réduits à demander secours et assistance à l’empereur et au pape. Pour contrer cette évolution des évènements, le palatin hongrois Istvan Szapolyai fit adopter aux États généraux, en 1505, avec l’appui de la petite noblesse rebelle, une loi interdisant l’accession au trône d’un étranger, mettant ainsi en place les enjeux d’une nouvelle guerre civile de succession. Par mesure de rétorsion, le roi ratifia une troisième fois le droit de succession des Habsbourgs au trône de Hongrie et de Croatie, en le confirmant par les fiançailles réciproques entre ses enfants, Anne et Louis, et les petits enfants de l’empereur, Ferdinand et Marie. Le pape Léon X attribua, en 1510, le titre de Rempart de la chrétienté (Antemurale christianitatis) au royaume de Croatie.

Louis Ier Jagellon (Louis II de Hongrie) (1516-1526) ayant accédé au trône à l’âge de dix ans, le royaume fut dirigé par des régents incapables qui approfondirent la crise financière et l’anarchie générale. Les Turcs s’emparèrent de Belgrade en 1521, de Knin et de Skradin (1522). Les États généraux croates réunis à Križevci exigèrent la sécession d’avec la Hongrie et l’élection de Ferdinand de Habsbourg comme roi de Croatie et de Dalmatie. Le 29 août 1526, l’armée hongroise, dans laquelle se trouvaient aussi des troupes croates de Slavonie, fut battue par les Turcs lors de la bataille de Mohács. Cet évènement fut crucial car le règne de la dynastie des Jagellon pris fin avec la mort du roi Louis II et cette défaite ouvrit aux Ottomans la porte de la Hongrie dont ils occuperont une grande partie. Par ailleurs, cette défaite souligne l'incapacité du système militaire féodal de la Chrétienté à stopper les Ottomans, qui vont rester une menace majeure pendant des siècles.

[modifier] Au sein de l'Empire des Habsbourg (1527-1918)

Icône de détail Article détaillé : la Croatie au sein de l'Empire des Habsbourg.

[modifier] La domination habsbourgeoise (1527-1830)

La bataille de Mohács, en 1526, fut un évènement crucial qui ouvrit la porte de l'Europe centrale aux Ottomans. L'Empire ottoman s'étendit au XVIe siècle pour inclure la plus grande partie de la Slavonie, la Bosnie occidentale et Lika. Bien qu’ils soumirent Buda, les turcs ne réussirent jamais à atteindre Zagreb.

La vacance du trône entraina une nouvelle guerre civile au pire des moments de l’histoire des deux royaumes. La majorité des magnats hongrois, suivie par les Croates de Slavonie, s’appuyant sur l’article de 1505 interdisant l’accession au trône d'un étranger, élirent comme roi János Szapolyai (Jean Ier de Hongrie) (1526-1540). Une infime partie des dignitaires et certains comitats de l’ouest de la Croatie élirent quelques jours après (17 novembre 1526), à Presbourg, Ferdinand de Habsbourg. Réuni à Cetin, le Sabor (diète croate) désigne, le 1er janvier 1527, Ferdinand Ier de Habsbourg, beau-frère de Louis II Jagellon, comme roi de Croatie et de Dalmatie mais, sans pour autant révoquer les Pacta Conventa. Les membres du Sabor écrivirent fièrement au nouveau roi, qui s’était engagé à respecter les privilèges spécifiques du royaume croate et à entretenir une armée permanente de 1000 cavaliers et de 200 fantassins : "Que votre Majesté sache qu’on ne peut trouver dans l’histoire qu’un seigneur se fut rendu maître de la Croatie par la force. Après le décès de notre dernier roi Zvonimir de bienheureuse mémoire, nous nous sommes joints de notre plein gré à la sainte couronne du royaume de Hongrie et, après cela, à votre Majesté." Touefois, dès le début de son règne en Croatie, en Hongrie et en Bohême, Ferdinand Ier poursuivra une politique absolutiste et centralisatrice.

Débute alors l’ère habsbourgeoise des pays de la Croatie continentale, tandis que la Dalmatie demeura vénitienne. Les armées de János Szapolyai furent défaites à Tokay, ce qui l’obligea à demander l’appui de Soliman le Magnifique, qu'il reconnut comme roi moyennant le payement d’un tribut de vassalité. Pendant ce temps, les armées turques poursuivirent leur progression et prirent, en 1528 les gouvernorats de Licca et de Krbava (1528), en 1537 Požega en Slavonie et la forteresse de Klis - porte continentale juchée sur les hauteurs de Split -, ce qui signifiait la perte de toute la Croatie méridionale au sud du mont de Velebit. Dès la bataille de Mohács, la République de Dubrovnik se mit sous la "protection" de la Sublime Porte, moyennant un tribut annuel d’allégeance qui lui garantira l’indépendance pendant près de trois siècles. Ferdinand tenta de passer un accord de succession avec l’anti-roi János Szapolyai (1538), pour couper court à la guerre civile, mais cet accord resta sans suite car, dès la mort de ce dernier, ses conseillers appelèrent de nouveau à la rescousse le sultan pour assurer l’héritage de János Zsigmond Szapolyai. Soliman le Magnifique accorda à Jean II de Hongrie la Transylvanie jusqu’à la Tisza, mais il organisa la partie conquise de la Hongrie entre la Tisza et le lac Balaton, ainsi que la Slavonie, en pachalik turc (1541). Après une tentative militaire infructueuse, Ferdinand signa un trève de cinq ans avec Soliman le magnifique (1547). Les hostilités reprirent dès 1551 : la Croatie perdit au profit des Ottomans Virovitica et Čazma (1552) et Kostajnica et Novi s/Una (1556). Ferdinand demanda alors une nouvelle trêve en 1562.

Nikola Šubić Zrinski
Nikola Šubić Zrinski

Plusieurs soldats croates contribuèrent grandement à la lutte contre les Turcs. Parmi eux on peut citer le ban de Croatie Petar Berislavić, qui l'emporta à Dubica, sur la rivière Una, en 1513 mais perdit à la bataille de Korenica (1520), le capitaine de Senj - Petar Kružić - qui defendit la forteresse de Klis pendant 15 ans ou le capitaine Nikola Jurišić qui repoussa une force turque plus importante en route vers Vienne en 1532. Le ban Nikola Šubić Zrinski s'illustra en aidant à sauver la ville de Pest de l'occupation (1542), en défendant héroïquement de la place forte de Siget (Szeged) (1566) face à l’armada ottomane, commandée par Soliman le Magnifique, mais il perdit la vie à la bataille de Szigetvar en 1566.

A partir de 1559, de larges régions de la Croatie et de la Slavonie voisines de l'Empire Ottoman sont découpées en une "frontière militaire" (Vojna Krajina, ou Militärgrenze en allemand), placée sous l'autorité directe de l'empereur d'Autriche. Cette zone tampon est relativement désertée et colonisée par la suite par des Serbes, des Valaques, des Allemands et des Autrichiens. En compensation du service militaire obligatoire dû à l'Empire Habsbourg pendant le conflit avec l'Empire ottoman, la population de la frontière militaire n'est pas soumise au servage et bénéficie d'une certaine autonomie politique, à la différence de la population vivant dans les régions sous contrôle hongrois.

Le règne de Maximilien II de Habsbourg (1564-1576) fut marqué par les jacqueries paysannes éclatent du nord de la Croatie en 1572. À la suite de la défaite à Stubićke Toplice le 9 février 1573, les révoltes sont étouffées dans le sang et leur meneur, Matija Gubec, est brûlé vif le 15 février 1573.

Le point culminant des conquêtes ottomanes fut atteint sous le règne de Rodolphe II de Habsbourg (Rodolphe II du Saint-Empire) (1576-1608). Du fait du danger ottoman, la cour dut se déplacer de Vienne à Prague. Souverain introverti nullement intéressé par les affaires de l'État, il confia la gestion des affaires du royaume à son frère l'archiduc Charles de Styrie qui fut à l'origine d'une création politique originale en 1578. À l'instar des anciennes marches carolingiennes, il organisa deux régions militaires : - les Confins militaires croates, avec pour siège une nouvelle place forte (1579) qui porte son nom et qui est l'ancêtre de l'actuelle ville de Karlovac (Carlstadt) ; - les Confins militaires slavons, avec pour siège Varaždin (Warasdin). Il s'agissait de régions soustraites de facto, sinon de jure, à l'autorité du ban et des États généraux, libérées du servage et de la corvée, mais dont les habitants étaient sur pied de guerre en permanence. Les officiers autrichiens des Confins militaires se mirent à solliciter des colons orthodoxes en provenance du pachalik de Bosnie pour s'installer dans les régions désertées par les populations croates. Ces populations orthodoxes n'étaient pas autochtones en Bosnie ; ils descendaient des bergers valaques, originaires de Serbie méridionale, d'Herzégovine et de Macédoine, qui furent déplacés en Bosnie par les Ottomans pour occuper les terres désertées par les Croates. Les Confins militaires devinrent, avec le temps, un véritable État dans l'État ; ils furent commandés par des officiers supérieurs autrichiens, financés par les États généraux autrichiens et relevèrent exclusivement du Conseil de guerre de Graz créé spécialement à cet effet. Tout au long de l'histoire de la monarchie danubienne, ces régions furent l'occasion de multiples conflits juridiques, politiques et constitutionnels entre les royaumes de Hongrie et de Croatie, d'une part, et la Cour impériale, d'autre part. Après la chute du fort de Bihać en 1592 et malgré la victoire de Sisak, en 1593, d'une armée croate dirigée par Tomas Erdödy (1558-1624), la Croatie est réduite (16.800 km²) au tiers de sa superficie actuelle (ouest d'une ligne Virovitica-Karlovac-Karlobag). Le territoire du royaume croate se réduisant comme une peau de chagrin, les États généraux dalmato-croates et slavons décident de s'unifier en un seul corps constitué et d'unifier également la charge de ban, le royaume se dénommant désormais "Royaume de Croatie, de Dalmatie et de Slavonie". Peu avant sa mort, Rodolphe fut contraint de céder la couronne à son frère Matthias.

La nomination comme pacha de Bosnie du belliqueux Hassan Predojević marqua les dernières avancées turques en Croatie. Ayant érigé en 1592 une nouvelle place forte Petrinja et s'étant emparé de Bihać, il tenta d'investir Sisak l'année suivante, mais y subit une défaite cuisante que les historiens considèrent généralement comme le début du déclin de la puissance ottomane dans les Balkans.

En 1600 Ferdinand d'Autriche nomma le Duc ( voidvoide) Micheal Radic ( Mihovil Raditsch) comme chef de guerre le 1er décembre 1600. La famille Radic est liée aux Anjou et Micheal Radic était cousin de Ferdinand 1. Le nom Radic vient d'une bataille. En effet à la bataille de Calugareni à Trgoviste le 13 août 1595 un guerrier turc frappa le Duc. Il s'écria en s'exclamant et en rigolant : " Ce n'est que cela, le plus fort que vous pouvez!" et il tua son ennemi. Rad= Joie, Jovialité.

En 1615 débute la guerre austro-vénitienne dite "guerre des Uskoks". Composés d'émigrés bosniaques, réfugiés d'abord dans la ville fortifiée de Klis (Clissa) jusqu'à sa prise par les Turcs (1537), puis à Senj (Segna) sur le littoral croate, ils servirent de corsaires et de mercenaires vénitiens contre les Turcs. Après l'armistice signé avec la Sublime Porte, les Uskoks tournèrent leurs armes contre Venise, considérant l'armistice comme une félonie. Ceci entraina une guerre entre Venise et l'Empire autrichien qui se termina par la "Paix des Uskoks" (1617) aux termes de laquel Matthias Ier (Matthias Ier du Saint-Empire) (1608-1619) s’engagea à disperser les Uskoks dans l’intérieur des terres.

C'est sous le règne de Ferdinand II de Habsbourg (Ferdinand II du Saint-Empire) (1619-1637) qu'eut lieu la première restriction grave des franchises dont jouissait le royaume croate comme résultat d'une politique centralisatrice de la cour de Vienne. C'est en vain que les États généraux croates exigeaient le retour des Confins militaires sous leur juridiction et celle du ban. Pour mener la lutte contre les Ottomans, Vienne décida, en 1630, d'administrer directement les confins militaires ; le reste du royaume de Croatie est appelé « Reliquiæ reliquiarum » (reste des restes). Cette même année est pris le Statut des Valaques (Statuta Valaquorum) qui codifie les droits et les devoirs des habitants des confins militaires. La Croatie civile et confins militaires furent placés sous l'autorité de Nikola Zrinsky, ban de Croatie et colonel général de la frontière (1647-1664), surnommé le "Le Fléau de l'empire ottoman". La restriction de la juridiction du Sabor à la Croatie civile (excluant les Confins militaires) est à l’origine de la montée d'un mouvement anti-autrichien.

Les Croates prennent part à la Guerre de Trente Ans (1618-1648). Des régiments de cavaliers croates servent dans l’armée royale de Louis XIII et de Louis XIV. Ils seront par la même occasion à l’origine de l’engouement de la Cour de Versailles pour la cravate, accessoire original de leur uniforme, qui connaîtra par la suite un succès inespéré. Le monde protestant se souvient d'eux pour leur brutalité. Un temple protestant à Aix-la-Chapelle rappelle encore aujourd'hui la réputation des Croates, comme les prières des Allemands de l'époque l'évoquaient : "Dieu, sauve-nous de la faim, des Croates, et de la peste" !

Sous Ferdinand III (Ferdinand III du Saint-Empire) (1637-1657), la cour de Vienne passa à la phase ultime de la centralisation des États dits "héréditaires" qui consista à transformer les royaumes de Hongrie et de Croatie et la Hongrie en provinces autrichiennes.

Cette politique atteignit son apogée sous Léopold I (Léopold Ier du Saint-Empire) (1657-1705). Les affaires transsylvaniennes l'entraînent dans une nouvelle mais victorieuse guerre avec les Ottomans (1663-1664) ; le front croate fut dirigé par les bans Nicolas et Pierre Zrini, descendants des puissants seigneurs de Bribir. La trêve de Vasvar (1664), conclue pour vingt ans à la hâte par la cour de Vienne sans la moindre exigence de concessions territoriales de la part des Ottomans vaincus, suscita une fronde des magnats croates et hongrois, qui cherchèrent appui à Venise, en Pologne, en France et même auprès des Ottomans. La noblesse croate soutint que la création des Frontières militaires et la paix trêve désastreuse de Vasvár constituèrent une violation de l’accord par lequel le Sabor confia en 1527 la couronne croate aux Habsbourg. Un correspondance secrète (1664-1669) se développe entre le ban de Croatie (Nicolas Zrinski, puis son frère Pierre Zrinski) et les diplomates français en poste à Venise et à Vienne ; les demandes d'un soutien militaire français restent sans suites. La révolte est matée par les autrichiens et le ban Petar Zrinsky ainsi que le prince Krsto Frankopan furent décapités à Wiener-Neustadt en 1671 pour félonie à la couronne. Ce fut le coup de grâce pour les franchises féodales croates et hongroises. Les États généraux et la charge de ban furent suspendues pour dix ans et on nomma un gouverneur pour la Croatie, devenue simple province de l'Empire. Mais l'échéance de la trève avec les Ottomans, ainsi que les hostilités avec Louis XIV, contraignirent l'empereur à restaurer l'autorité des États généraux et la dignité du ban en Croatie.

Les Ottomans déclenchèrent une nouvelle guerre (1683-1699), dans un ultime effort pour conquèrire l'Empire autrichien. Après l’échec du siège de Vienne en 1683 et la défaite des Ottomans à Harkany (1687), la Slavonie fut libérée. Dans la guerre contre les Ottomans qui suivit (1683-1699), les forces armées de la Sainte-Alliance (Saint-Empire, Pologne, Venise et vers la fin Russie) eurent raison de la puissance des Ottomans. Bien que les impériaux pénétrèrent jusqu'en Bulgarie - suscitant un soulèvement des Serbes - ils durent se retirer à cause de l'invasion de la Rhénanie par la France. La répression turque qui se déclencha contre les populations serbes entraina, en 1690, un exode massif (Grande Migration) des Serbes en Hongrie (Vojvodine actuelle) et en Slavonie, sous la conduite d'Arsenije III. En 1697, la victoire de la Sainte-Alliance permit la signature du Traité de Karlowitz (Srijemski Karlovici) (1699) qui consacra la délivrance de toute la Hongrie et d'une bonne partie de la Croatie. La Croatie de recouvra ses terres orientales jusqu’à Zemun (Sirmie), au confluent de la Save dans le Danube, Venise de recouvra la Dalmatie et le sultan céda la Hongrie à l'Autriche. Mais les tensions avec la Cour vont reprendre de plus belle, le roi, refusant de remettre les régions croates reconquises sur les Ottomans sous la juridiction du ban et des États généraux, les confie à la gestion de la Chambre de la Cour. La rébellion des magnats hongrois sous la conduite de François II Rákóczy, prince de Transylvanie et petit-fils du chef de la fronde croate Petar Zrini, contraignit l'empereur, en 1703, à remettre les Confins croates, au moins théoriquement, sous l'autorité du ban. La Croatie, la Dalmatie non vénitienne et la Slavonie formèrent le « royaume triunitaire » ou royaume d'Illyrie (40 200 km²). La majeure partie de l’actuel tracé frontalier croato-bosnien, confirmé en 1739 (traité de Belgrade), remonte à cette époque.

Sous le règne de Joseph I de Habsbourg (Joseph Ier du Saint-Empire) (1705-1711), profitant de l'appui que les grands de Croatie cherchèrent auprès de la Hongrie contre la politique absolutiste et centralisatrice de Léopold, les magnats hongrois tentèrent progressivement d'assimiler la Croatie en gommant les différences législatives entre les deux royaumes. En 1706, le baron Joseph Vojnović, agent du prince hongrois Rakoczy, tenta vainement de soulever la Croatie contre le Habsbourg et sollicite sans succès un appui militaire français.

Les tensions entre la Croatie et la Hongrie atteignirent leur comble sous le règne de Charles III d'Autriche (Charles VI du Saint-Empire) (1711-1740), lorsque les États croates, dans l'intention évidente de souligner l'indépendance du royaume vis-à-vis de la Hongrie, proclamèrent en 1712 la Pragmatique sanction par laquelle ils reconnaissaient aux Habsbourg le droit de succession matrilinéaire en Croatie. Le Sabor de Croatie souligna, ainsi, encore plus son autonomie vis-à-vis de la Hongrie. Le traité de Passarowitz (Požarevac), conclu en 1718, permit l'annexion de la partie restante de la Sérmie par la Croatie, la définition de la frontière croato-bosniaque et l'annexion de l'intérieur de la Dalmatie par Venise. Pour éviter d'avoir une frontière commune avec les Vénitiens, les patriciens de Dubrovnik cèdent à l’Empire ottoman les territoires de Herceg Novi et de Neum (ce dernier constitue aujourd’hui l’accès de la Bosnie-Herzégovine à la mer). Le Banat, le reste de la Sérmie, ainsi que la Bosnie et la Serbie septentrionale furent également conquise par la Hongrie mais elles furent perdues après la seconde guerre contre les Ottomans (1737-1739), à la Paix de Belgrade (1739). Ce traité fixa les frontières entre les deux empires sur la Save et le Danube pour près de cent quarante ans. Le Conseil de guerre impérial s'attela alors à organiser les Confins militaires croato-slavons en Land impérial. Les troupes autrichiennes fut remplacée par des autochtones mais le commandement suprême demeura autrichien.

L'Impératrice Marie-Thérèse (1740-1780) fut soutenue par les Croates au cours de la Guerre de Succession d'Autriche (17401748), et elle intervint, par la suite, en leur faveur sur différents sujets. Elle restitua à la Croatie les comitats slavons récupérés sur les Ottomans, à l'exception des régions le long de la Save (Posavina) rattachées aux Confins militaires slavons. Elle réorganisa ces Confins en trois généralités (Karlovac, Varaždin, Osijek) et leur gestion financière fut soumise directement à l'impératrice ; ceci suscita des rébellions tant en Croatie qu'en Hongrie. En 1767, Marie-Thérèse instaura, pour la Croatie, un Conseil royal, pendant du Conseil royal hongrois, composé du ban, d'un représentant du haut clergé, de l'aristocratie et de trois représentants de la petite noblesse. Elle restitua à l'autorité du ban, en 1777, les anciennes possessions confisquées des Zrini et des Frankopan. Face au mécontentement des Croates dû à la suspension de leurs États généraux et à l'instigation des Hongrois qui cherchaient à soumettre la Croatie, l'impératrice supprima, en 1779, le Conseil royal et transféra ses compétences au Conseil de la régence hongrois. Ce fut la première fois dans l'histoire des relations croato-hongroises que la Croatie fut administrativement directement subordonnée à la Hongrie. Le port de Rijeka reçut, à cette occasion, un statut autonome spécial (corps séparé sous l'autorité directe de la Cour), tout en restant partie intégrante du royaume croate.

Joseph II d'Autriche (1780-1790), "despote éclairé" et grand réformateur, tenta en vain de transformer par la force son empire multiethnique, pluriculturel et multiconfessionnel en un État laïque centralisé et germanisé. Il supprima les comitats, bastions de la résistance passive contre les réformes, et les remplaça par des districts gérés par des fonctionnaires de l'État (directeurs) nommés par la Cour. La langue administrative devint pour tout l'empire l'allemand. Le recrutement et la levée d'impôts supplémentaires pour financer une nouvelle guerre contre les Ottomans en 1787, ainsi que l'éclatement de la Révolution brabançonne, contraignirent le souverain à abroger toutes ses réformes à l'exception des lettres patentes sur la tolérance et l'émancipation des serfs, qui restèrent cependant lettres mortes. Il restitua aux États généraux à Presbourg la couronne de Hongrie qu'il avait envoyée comme "vieillerie" à Vienne et fit la promesse de convoquer les États généraux des deux royaumes et de se faire sacrer roi de Hongrie et de Croatie "suivant la coutume".

Son successeur, Léopold II d'Autriche (1790-1792), se fit couronner roi de Hongrie et de Croatie selon les règles traditionnelles, pour apaiser la colère de ses sujets vis-à-vis de son prédécesseur. Le traité de Svichtov (1791) permet l'annexion du reste de Lika par la Croatie qui atteint désormais 41 575 km². Néanmoins, la noblesse croate, inquiète des velléités centralisatrices et germanisatrices de la Cour de Vienne, accepta que la gestion des comitats croates fut déférée au Conseil royal de Hongrie, du moins aussi longtemps que les terres croates tenues par le Turc et Venise ne fussent réintégrées à la mère patrie. Les États croates refusèrent cependant de remplacer le traditionnel latin comme langue administrative par la langue hongroise et exigèrent que les contributions de guerre croates fussent votées exclusivement lors des sessions communes des États à Presbourg, séparément pour chaque royaume.

[modifier] Le réveil national croate (1797-1918)

Le traité de Campoformio signé en 1797 entraina la disparition de la république de Venise ; la Dalmatie et Istrie furent rattachées (vénitiennes depuis 1409) à l'Autriche. Lors de la paix de s guerres napoléoniennes, la France et l'Autriche se disputent les possessions dans l'est de l'Adriatique. Par le traité de Presbourg (1805), l'Autriche dut céder la Dalmatie au royaume d'Italie en 1806. Commandant militaire, puis gouverneur, Auguste de Marmont (duc de Raguse en 1808) encouraga le développement économique et social de la région. Le gouvernement de la république de Raguse fut dissout le 31 janvier 1809. Après la défaite Autrichienne à la bataille de Wagram, François Ier d'Autriche (1792-1835) céda par le traité de Schönbrunn (14 octobre 1809), tous ses pays au-delà de la rive droite de la Save. La Slovénie, une partie de la Croatie et des Confins militaires, la Dalmatie et Raguse furent unies pour constituer les Provinces Illyriennes avec pour chef-lieu Ljubljana. Ces provinces firent partie intégrante de l'Empire français. La réorganisation napoléonienne du pouvoir (communications, santé, instruction, administration et justice) et l’apport et la diffusion du concept de Nation firent naître une nouvelle période pour les descendants Croates : l’affirmation d’une identité croate forte. Des mesures furent notamment prises pour formaliser et institutionnaliser la langue croate. De nombreux régiments croates se distinguent par leurs faits d’armes en participant aux campagnes militaires de la Grande armée.

Lors du congrès de Vienne (1815), l'empire napoléonien est dépecé : la Dalmatie, l'Istrie et les autres territoires "illyriens" retournent aux Habsbourg ; la Dalmatie, l’Istrie et la Croatie militaire sont rattachées à l’Empire d’Autriche alors que la Croatie slavonne est intégrée à la Hongrie. Malgré leurs exigences croates, François Ier ne restitua la Croatie civile aux États croates qu'en 1822 ; en revanche, il refusa d'en faire de même pour la Dalmatie et les îles du Quarner furent rattachées au margraviat d'Istrie. Pour calmer la nervosité des grands, suscitée par l'absolutisme du chancelier Metternich, l'empereur convoque les États généraux en 1825 à Presbourg. Bien que les émissaires croates y refusèrent l'introduction de la langue hongroise dans l'administration et l'enseignement croate (qui est encore en latin), les États croates, sous la pression hongroise, votent néanmoins en 1827 l'introduction du hongrois comme branche obligatoire dans l'enseignement croate. Les États communs, réunis en 1830 à l'occasion du couronnement de l'archiduc Fredinand comme roi de Hongrie et de Croatie, sanctionnent non seulement la décision de 1825 d'imposer le hongrois à la Croatie, mais décident même que le hongrois sera la langue officielle du Conseil royal et de la Chambre de justice. Les tentatives de magyarisation et d'abolition de l'autonomie de la Croatie, qui s'en suivirent, allaient prograssivement mener vers un affrontement armé.

En 1830 débuta du renouveau culturel et politique croate [1830-1848] amorcé par Ljudevit Gaj. Celui-ci publia son "Abrégé de l'orthographe croato-slavonne", dans lequel il proposa de substituer à la diversité des graphies régionales (inspirées des graphies italienne, allemande et hongroise suivant les régions) l'adoption de la graphie tchèque, adaptée à la langue croate, pour tout le domaine linguistique croate. La même année, Josip Kušević diffusa un traité, en latin, sur les "droits municipaux" croates où il démontra juridiquement le caractère confédéral de l'association politique séculaire croato-hongroise. Le nationalisme romantique croate apparut au milieu du XIXe siècle pour contrebalancer l'apparente germanisation et magyarisation de la Croatie. Le mouvement illyrien attira de nombreuses personnalités influentes dès les années 1830, et provoque d'importantes évolutions de la culture et de la langue croate. Le comte Janko Drasković réclama en 1832, dans sa Dissertation, la réunification de tous les territoires croates, la constitution d’un gouvernement autonome et l’adoption de la langue croate comme langue officielle. Ce premier programme politique, rédigé dans le dialecte stokavien de la langue croate, servira par la suite de base lors de la standardisation de la langue littéraire croate. Matija Smodek substitua cette même année, dans ses cours à l'Académie de Zagreb (future Université), le croate au latin. Ivan Derkos publia son "Le Génie de la Patrie" où il préconisa l'unification des dialectes de Croatie, de Slavonie et de Dalmatie en une seule langue croate standardisée sur base du dialecte chtokavien, le plus répandu. Avec l'autorisation de la Cour de Vienne, Gaj commença à publier (6 janvier 1835), le premier quotidien croate, "Les Nouvelles Croates".

Sous le règne de Ferdinand Ier d'Autriche (1835-1848), Ljudevit GajC franchit un pas de plus en appelant son mouvement "Mouvement illyrien", dans l'intention de gagner à sa cause les Slovènes et les Serbes. Il jeta ainsi les bases idéologiques du futur yougoslavisme. Son quotidien changa de nom pour s'appeler "Nouvelles Nationales Illyriennes". Dans l'intention de susciter l'intérêt pour la langue et la culture croate, on fonda, dès 1838, des salles de lecture illyriennes dans le pays. On créa également une société des gens de théâtre, une chambre de commerce (1841) et un musée national. Les États généraux croates décidèrent en 1840 d'instaurer une chaire de langue croate à l'Académie et des cours à option de croate dans l'enseignement secondaire (gymnases, humanités). Mais appréhendant une extension du mouvement de solidarité politique aux autres sujets slaves de l'Empire, la Cour interdit l'usage du nom "illyrien", le 20 mai 1843. Le 23 octobre 1847, le croate devient enfin la langue officielle du royaume, en lieu et place du latin.

L'année 1848 marque le "Printemps des peuples" dans toute l'Europe. Le Sabor promulgue le 25 mars "Les Revendications des peuples" qui demandent l'autonomie vis-à-vis de Budapest, le rattachement de la Dalmatie à la Croatie ; il propose le général Josip Jelačić (1801-59) comme ban. Ce dernier ouvre le Sabor aux non nobles, abolit la corvée et le servage, fonde un gouvernement autonome, récuse la tutelle hongroise et prône la transformation de l'Autriche-Hongrie en Fédération des peuples. Le gouvernement hongrois s'oppose à ces mesures et Jelačić pénètre en Hongrie à la tête de 40.000 hommes, prend Budapest et mâte la révolution hongroise.

Après la révolution 1848 et la création de la double monarchie d'Autriche-Hongrie, la Croatie perd son autonomie, malgré la contribution du Ban Josip Jelačić pour éteindre la rébellion hongroise. Afin de modérer les aspirations révolutionnaires, l’empereur François-Joseph Ier d'Autriche (1848-1916) suspend l’ordre constitutionnel en 1851 et établit une administration absolutiste. Le chancelier Bach remplace remplace le ban par une représentation impériale, les privilèges de la noblesse et des provinces historiques sont supprimés, le drapeau tricolore croate est interdit, une censure est mise en place, l'allemand est imposé dans l'administration et l'enseignement secondaire. En 1860, devant l’échec de « l’absolutisme de Bach », l’empereur rétablit l’ordre ancien.

En 1861, le Sabor confirme les décisions de 1848, abroge des liens entre Croatie et Hongrie - sauf ceux subsistant par la personne du roi - proclame la souveraineté du royaume de Croatie. À la suite de ces décision le Sabor est dissout par Vienne, qui entérine cependant la scission Hongrie-Croatie. Ante Starčevíc fonde, cette même année, le premier parti politique croate : le HSP (Parti du droit, conservateur) ; son programme prône la réunification et l’indépendance à l'égard de Vienne de tous les "territoires croates", Bosnie comprise. En 1863, Ivan Mazuranić fonde le Parti populaire indépendant. L’évêque croate de Djakovo, Josip J. Strossmayer (1815-1905), élabore le premier programme d’unification des Slaves du Sud (1866) de la Monarchie sous l’appellation, alors inédite, de « yougo-slave » (sud-slave) et fonde à Zagreb l’Académie croate qu’il baptise Académie yougoslave des sciences et des arts. Le Compromis austro-hongrois (double monarchie) de 1867 rééquilibre le rôle de la Hongrie au sein de l’empire d’Autriche en donnant naissance à la Double Monarchie d’Autriche-Hongrie : la Croatie et la Slavonie (43.000 km²) font partie du royaume de Hongrie alors que la Dalmatie et îles (12.000 km²) sont intégrées à l'Empire d'Autriche. Craignant pour son autonomie, la Croatie obtient, dès l’année suivante, la conclusion de la Nagodba (accord hungaro-croate) par laquelle est réaffirmée l'autonomie restreinte de la Croatie et de la Slavonie au sein du royaume hongrois.

Le premier congrès « yougoslave » se tient à Ljubljana en 1870. En 1871 échoue l’Insurrection de Rakovica, non loin de Plitvice, menée par Eugen Kvaternik qui veut soulever les confins militaires pour créer une Croatie indépendante. La révolte échoue et Kvaternik est tué. En 1873 Ivan Mazuranić devient le premier roturier ban de Croatie. L'université de Zagreb est fondée l'année suivante. À la suite du congrès de Berlin de 1878, l’Auriche-Hongrie occupe la Bosnie-Herzégovine après l'insurrection croate d'Herzégovine. Les Militärgrenze sont abolis en 1881, après la disparition de la menace turque, et leur territoire réintégré au royaume de Croatie ; après deux siècles et demi de séparation, Croatie militaire (20.332 km²) et Croatie civile (23.264 km²) sont de réunifiées. Le ban de Croatie (1883-1903), d'origine hongroise, Khuen Hedrvary mène une politique de magyarisation et d'antagonisation des Croates et des Serbes ; 500 000 croates et serbes de Croatie émigrent aux États-Unis. Ceci déclenche des manifestations anti-hongroises à Zagreb, en 1895, qui sont sévèrement réprimées.

Tandis que la crise du dualisme secoue l’Autriche-Hongrie, les hommes politiques croates Ante Trumbić et Frano Supilo lancent le "Nouveau cap" en 1903 : à la place de la politique comptant sur l’appui de l’Autriche face à la Hongrie, l’opposition croate engage alors des consultations avec l’opposition magyare et les partis serbes en Croatie. Les frères Radic créent le Parti populaire paysan croate en 1904, rebaptisé Parti paysan républicain croate en 1918, avant de finalement devenir, en 1925, le Parti paysan croate (HSS). Les députés croates établissent les Résolutions de Rijeka (octobre 1905) pour le rattachement de la Dalmatie à la Croatie. À partir de 1905, la coalition croato-serbe (Hrvatsko-Srbska Koalizija - HSK) réunissant plusieurs partis politiques croates et serbes de Croatie milite pour l’union et l’autonomie de tous les Slaves du Sud de la Monarchie (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Voïvodine) ; elle remportera les élections de 1906. L'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie, en 1908, renforce le désir d'affranchissement des Slaves du Sud.

Une vingtaine d’hommes politiques slovènes, croates et serbes en exil fondent en 1915 le Comité yougoslave en vue de la création d’un État yougoslave commun. En échange de son ralliement à l’Entente, l’Italie se voit promettre par les Alliés tout le littoral croate (Convention secrète de Londres). Le 20 juillet 1917 est adoptée la "Déclaration de Corfou" par Nikola Pasić - Premier ministre de Serbie - et le Comité yougoslave.

[modifier] La Croatie au sein de la Yougoslavie (1918-1991)

[modifier] La Croatie au sein de la première Yougoslavie (1918-1941)

Icône de détail Article détaillé : Croatie au sein de la première Yougoslavie.

Peu avant la fin de la Première Guerre mondiale en 1918, le parlement croate rompit les relations avec l'Autriche-Hongrie tandis que les armées de l'Entente battirent celles des Habsbourg. Le 29 octobre 1918, le Sabor proclama l’indépendance du Royaume Triunitaire de Croatie-Slavonie-Dalmatie, lequel rallia l’État des Slovènes, des Croates et des Serbes. Ce dernier rassembla les territoires slaves situés dans le sud de l’Autriche-Hongrie en cours de dislocation (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Voïvodine). Un gouvernement provisoire fut établi à Zagreb. Bien que le nouvel État hérita d'une grande partie de l'arsenal militaire austro-hongrois, dont l'ensemble de sa flotte, le Royaume d'Italie essaya très vite d'annexer les territoires les plus à l'ouest, qui lui furent été promis par le Pacte de Londres en 1915. L'armée italienne prit l'Istrie, commença à annexer les îles de l'Adriatique une par une, et atteignit même Zadar. Après que la Syrmie eut quitté la Croatie et Slavonie pour se rattacher à la Serbie avec la Voïvodine, et après un référendum pour rattacher la Bosnie-Herzégovine à la Serbie, le Conseil du Peuple (Narodno vijeće), animé par un demi-siècle de panslavisme, décida de rejoindre le Royaume de Serbie au sein du Royaume des Serbes, Croates et Slovènesle 1er décembre 1918. La dynastie serbe des Karageorgević fut placée à la tête du nouvel État. Le chef du parti paysan républicain, Stjepan Radić, s’y opposa avec véhémence. La contestation populaire manifestée en Croatie fut matée par l’intervention brutale des troupes serbes.

Le poète pro-fasciste Gabrielle d’Annunzio pénètre en Croatie, le 11 septembre 1919, à la tête de ses légionnaires et s’empare du port croate de Rijeka (Fiume), objet de revendications irrédentistes italiennes. Par le Traité de Rapallo (1920), l’Italie obtint d’importants territoires croates (Istrie, Zadar et ses environs, les îles de Cres, Losinj et Lastovo). Rijeka fut proclamée ville libre, mais fut annexée par Mussolini en 1924 à la suite du pacte de Rome ; elle ne redevint croate qu’en mai 1945.

La nouvelle Constitution du Royaume, proclamée de 1921, abolit les entités politiques historiques, y compris la Croatie et la Slavonie, et centralise le pouvoir dans la capitale Belgrade. L’État est organisé en unités administratives qui ne correspondaient pas aux entités historiques. Ces réformes provoquent le désarroi de la classe politique croate - à l'origine du mouvement « yougoslave » qu’ils voulaient égalitaire - qui estima que sa vision de l’État commun avait été trahie. Ce ressentiment fut renforcé par la politique de brimades dont les croates furent l’objet de la part des autorités centrales. Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, centralisé à Belgrade, n’arriva jamais à concilier les aspirations politiques des croates et des serbes, du fait de leur passé différent au cours des derniers siècles. Débute alors une période de répression et d’hégémonie serbe. Stjepan Radić, chef charismatique du parti paysan républicain, qui rassembla la grande majorité des Croates autour de ses thèses républicaines et fédéralistes, entame une lutte acharnée contre le centralisme serbe. Se fondant sur les engagements pris dans les Quatorze Points de Wilson, Radić adresse à la SDN un mémorandum, en 1922, par lequel il réclame son soutien pour l’établissement d’une Croatie indépendante ; ceci lui vaut d'être emprisonné peu après. Le Parti Paysan Croate boycotte le gouvernement du Parti Populaire Radical Serbe pendant toute cette période. Un gouvernement de coalition rassemblant le parti radical serbe et le parti paysan croate est formé en 1925 quand la Yougoslavie toute entière est menacée par l'expansionnisme italien allié à l'Albanie, à la Hongrie, à la Roumanie et la à Bulgarie ; Radić - depuis peu sorti de prison - obtient le portefeuille secondaire de ministre de l’Éducation. Ce gouvernement dura de 1925 à 1927. Le 20 juin 1928, Puniša Račić - élu du Parti Populaire Radical Serbe - tira, en pleine séance du Parlement, sur les députés croates. Stjepan Radić - figure emblématique de la résistance à l’hégémonie grand-serbe - se trouva parmi les victimes. Il succomba peu après à ses blessures. Cet évènement causa un ressentiment encore plus grand au sein d'une partie des élites croates.

Le 6 janvier 1929, le roi Alexandre suspendit la constitution et proclama la dictature. L’État prit le nom de Royaume de Yougoslavie. Le roi imposa une nouvelle constitution qui renomma le pays Royaume de Yougoslavie. Le territoire de la Croatie fut composé du Banat de la Save et du Banat littoral. En 1934, le roi Alexandre fut assassiné à Marseille (France) par un membre de l’ORIM (Organisation révolutionnaire intérieure de Macédoine, pro-bulgare) de connivence avec le mouvement révolutionnaire Ustaše créé deux ans auparavant par Ante Pavelić.

Le gouvernement serbo-croate de Dragiša Cvetković et Vlatko Maček qui vint au pouvoir s'éloigna de la France et du Royaume-Uni, anciens alliés de la Yougoslavie, et se rapprocha de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nazie pendant la période 1935-1941. Le parti paysan - dirigé par Maček - fut plébiscité aux élections législatives en Croatie, en 1938, et prit part à la constitution du gouvernement yougoslave. Sous la pression de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie et malgré l’extrême opposition des milieux grand-serbes, l’accord Cvetković-Maček donna naissance, en 1939, à la Banovine de Croatie. Ce banat fut constitué, au sein du Royaume de Yougoslavie, à partir des deux banats existants, ainsi que de fractions des banats de Zeta, du Vrbas, de la Drina et du Danube et de la ville de Dubrovnik avec ses environs. Il fut doté d'un parlement, qui put choisir un Ban et un Vice-ban croates. La Croatie fut, ainsi, dotée d’une très large autonomie et rassembla toutes les provinces croates excepté l’Istrie - alors italienne - et engloba également les territoires de population croate en Bosnie-Herzégovine.

[modifier] L'État indépendant de Croatie (1941-1945)

Icône de détail Article détaillé : État indépendant de Croatie.

[modifier] La mise en place du régime fasciste

Le Prince Paul céda à la pression des puissances fascistes et signa, le 25 mars 1941 à Vienne (Autriche), le Traité tripartite, espérant garder la Yougoslavie en dehors de la guerre. Cette décision provoqua un coup d'État militaire le 27 mars : la délégation de Vienne fut arrêtée, le Régent - dont la popularité était déjà très affaiblie - fut démis de ses fonctions et exilé, le général Dušan Simović prit le pouvoir et Pierre II fut proclamé apte à exercer les fonctions de roi. À la suite de ce coup et du refus yougoslave de ratifier le pacte tripartite, l'Allemagne attaqua la Yougoslavie le 6 avril 1941 et l’envahit en quelques jours. Après l'occupation de la Yougoslavie en avril 1941, les forces de l’Axe installèrent en Croatie et en Serbie des régimes satellites. Compte tenu du refus de Vlatko Maček de diriger un État croate satellite de l’Allemagne, les puissances de l’Axe installèrent à Zagreb, le 10 avril, un État indépendant de Croatie (Nezavisna Država Hrvatska ou NDH) avec à sa tête Ante Pavelić, chef du mouvement des Oustachis. Cet État inclut toute la Bosnie-Herzégovine et la majeure partie de la Croatie actuelle mais dut céder l'Istrie et une large part de la Dalmatie à l’Italie. La Croatie fut divisée, par ailleurs, en zones d’occupation allemande et italienne.

Timbre commémorant la collaboration de l'armée de l'État indépendant de Croatie à l'effort du guerre Nazi
Timbre commémorant la collaboration de l'armée de l'État indépendant de Croatie à l'effort du guerre Nazi

Après l'invasion de l'Union soviétique par l'Allemagne nazie en juin 1941, la Croatie déclara la guerre à l'URSS et envoya une division pour sa battre à côté de la Wehrmacht et des Waffen SS sur le Front de l'est. Après l'attaque japonaise sur Pearl Harbour en décembre 1941, la Croatie déclara également la guerre aux États-Unis d'Amérique.

Le régime dictatorial de Pavelić commença par abolir le Parlement croate qui n'avait pas été consulté sur la mise en place du nouvel État et il pourchassa toute opposition. La Yougoslavie démembrée fut le théâtre d’une sanglante guerre qui sur fond de conflit mondial oppose collaborateurs et résistants locaux, mais également les tenants d'intérêts nationaux particuliers. En tant que satellite du IIIe Reich, il introduisit des lois raciales et abrita plusieurs camps de déportation et/ou de concentration, notamment le camp de concentration de Jasenovac. Des dizaines de milliers de prisonniers serbes, juifs, tsiganes ou croates, opposants au régime, y trouvent la mort. Le haut fonctionnaire Mile Budak déclara à Gospić le 22 juillet 1941 : "Nous devrions tuer un tiers de la population serbe, exiler un autre tiers et le restant devrait être converti à la foi catholique et romaine et ainsi assimilé aux croates. Ainsi nous détruirons toute trace d'eux et tout ce qui en demeurera sera un mauvais souvenir". Plusieurs camps de concentration furent ouverts par les autorités de l'État indépendant de Croatie, dès 1941, dont celui de Jasenovac fut le plus grand en Croatie et le troisième camp de la mort le plus "productif" après ceux d'Auschwitz et de Treblinka. L'execution des serbes, des juifs et des gitans eut lieu avec l'assentiment d'une grande partie du clergé catholique croate qui avait prêté serment au régime oustachi et avec la participation active de certains membres, dont plus particulièrement les moines franciscains. Dans la mesure où il n'y avait pas de chambres à gaz dans les camps croates, les prisonniers y étaient tués par épuisement au travail, par la famine, avec des armes à feu et des armes blanches ; une grande partie mourut aussi du fait des épidémies qui y sévissaient.

Les principaux responsables du régime oustachi furent, outre Ante Pavelić, Slavko Kvaternik, Mirko Puk, Andrija Artuković, Ivan Petrić, Lovro Šušič, Mile Budak, Ivica Frković, Jozo Dumandžič, Milovan Zanič, Osman Kulenović et Džafer beg Kulenović.

[modifier] L'opposition interne au régime fasciste

A cette politique de terreur répondit celle pratiquée à l'encontre des croates et des musulmans bosniaques par les tchetniks royalistes serbes de Mihajlović - également alliés de l’Axe - et par les unités fascistes serbes du Zbor de Ljotic. Durant la guerre, un évènement de portée militaire limitée mais singulier à bien des égards se déroula, le 17 septembre 1943, à Villefranche-de-Rouergue : la « révolte des Croates », mutinerie contre les nazis des unités croato-bosniaques enrôlées de force et stationnées dans le sud de la France occupée.

Face aux quelques 60 000 oustachis sur lesquels s’appuya le régime de Pavelić, la résistance émergea en Croatie, comme dans les autres parties du Royaume de Yougoslavie, au début de l'année 1941. Elle s’organisa dès l’insurrection armée du 22 juin 1941 et fit partie du mouvement partisan anti-fasciste. Les effectifs de ce mouvement atteignirent 100 000 hommes, dépassant ainsi, dès 1943, ceux des oustachis. Le mouvement de résistance faisait partie du Conseil populaire antifasciste de libération yougoslave (AVNOJ) - instauré en 1942 - dominé par le parti communiste de Yougoslavie et conduit par le croate Josip Broz Tito. Sur les 26 divisions mises sur pied par les partisans de Tito, 11 furent établies en Croatie (7 en Bosnie-Herzégovine, 5 en Slovénie, 2 en Serbie et 1 au Monténégro). Les Partisans - qui combattirent les forces de l'Axe et l'ensemble de leurs alliés - bénéficièrent du soutien grandissant des Alliés. À partir de juin 1943, le maquis croate se dota d’un État-major civil national - le ZAVNOH (Conseil territorial antifasciste du mouvement de libération nationale de Croatie) - présidé par Vladimir Nazor, et secondé par Andrija Hebrang, autre figure de la résistance nationale croate. Instance suprême de la Résistance en Croatie, ce conseil coordonne les actions militaires des unités croates des Partisans. En 1944, il se constitua en assemblée constituante de l'État fédéré de Croatie (Federalna Drazava Hrvatska) au sein de la future Yougoslavie fédérale et il nomma, en avril 1945, le premier gouvernement croate de l'après-guerre.

La troisième force combattante sur le terrain, fut la guérilla royaliste serbe des Četnici, établie dès 1941 sur les décombres de l'armée royale yougoslave. Leur rôle fut ambigu du fait qu'ils combattirent à la fois les Ustaše - incarnant à leur yeux les ennemis jurés de la Grande Serbie - et les Partisans de Tito - ennemis idéologiques - ce qui leur valut rapidement le soutien militaire et financier de l'Axe et, par conséquent, la perte de celui des Alliés qui choissirent de soutenir Tito. Les nombreuses atrocités dont ils se rendirent coupables valurent à leur chef - Draža Mihailović - d'être fusillé à la Libération.

Dans ce contexte où les enjeux politiques et idéologiques locaux se superposèrent à ceux du conflit planétaire, la Seconde Guerre mondiale fut particulièrement meurtrière en Croatie, avec près de 300.000 victimes - soit 30 % du bilan total pour l'ensemble du territoire de la Yougoslavie d'avant-guerre (entre 1.014.000 et 1.027.000 victimes). Pour l'ensemble du territoire de l' État indépendant de Croatie (Bosnie-Herzégovine et Syrmie inclues), ce nombre atteignit entre 650.000 et 700.000 morts - dont une moitié de Serbes (335.000-353.000), un tiers de Croates (186.000-204.000), un huitième de Bosniaques (75.000-78.000), entre 20.000 et 27.000 Juifs et entre 34.000 et 38.000 personnes de diverses nationalités. Parmi ces victimes, on comptait quelque 261.000 militaires (139.000 partisans de Tito et 122.000 collaborateurs, oustachis et tchetniks). Ce bilan inclut l' "épuration" qui suivit la Libération, notamment la tuerie de Bleiburg en mai 1945 où des dizaines de milliers de civils et de soldats croates, ustaše ou domobrani (armée régulière), cherchant refuge en Autriche, furent livrés par les Alliés aux représailles des unités des Partisans des Ie, IIe et IIIe Armées, essentiellement recrutées en Serbie et en Voïvodine à partir de la mi-1944, et dont une partie des troupes fut composée de nombreux transfuges tchetniks.

[modifier] Croatie au sein de la deuxième Yougoslavie (1945-1991)

Drapeau de l'ancienne République socialiste de Croatie à l'époque de la deuxième Yougoslavie de 1945 à 1991
Drapeau de l'ancienne République socialiste de Croatie à l'époque de la deuxième Yougoslavie de 1945 à 1991
Armoiries de l'ancienne République socialiste de Croatie de 1945 à 1991
Armoiries de l'ancienne République socialiste de Croatie de 1945 à 1991

La Croatie fit partie de la deuxième Yougoslavie de 1945 à sa dislocation en 1991.

[modifier] Politique

[modifier] Au sein de la Yougoslavie de Tito

La Croatie fit partie de la Fédération démocratique de Yougoslavie, dirigée par la Parti Communiste de Tito, dès 1943. La République populaire de Croatie devint l’une des six composantes de la République fédérale populaire de Yougoslavie, créée le 29 novembre 1945 et dirigée le communiste d’origine croate Josip Broz, dit Tito.

En 1946 eut lieu le procès stalinien du cardinal Stepinac, défenseur des Juifs durant l’occupation et ardent opposant à Pavelić, mais partisan de l’indépendance de l’église catholique croate vis-à-vis du PC dirigé par Tito. En 1948, Andrija Hebrang, résistant et leader communiste croate limogé après la guerre par Tito, mourut en détention à Belgrade de manière suspecte. Favorable dès 1937 à l’établissement d’une Croatie communiste indépendante, Hebrang était devenu gênant dès 1944, notamment car il prônait alors un rapprochement avec le parti paysan et défendait l’identité croate face au centralisme de Belgrade.

Le pays suivit une phase de reconstruction après la Deuxième Guerre mondiale, s'industrialisant et commençant à développer le tourisme. Sous le nouveau système communiste, la propriété fut nationalisée, l'expérience auto-gestionnaire fut lancée en 1950 et l'économie fut planifiée selon un socialisme de marché.

Tito, lui-même croate, s'arranga pour mener une politique évitant le conflit entre les ambitions nationales croates et serbes. Toutefois, il adopta une politique prudemment élaborée pour gérer les ambitions nationalistes conflictuelles des deux nations : le nationalisme de chaque côté est réprimé. Avec la Constitution du 7 avril 1963, la RFPY devint la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie (RFSY) et la République populaire de Croatie céda la place à la République socialiste de Croatie. Cette nouvelle constitution équilibra les pouvoirs dans le pays entre les Croates et les Serbes et atténua le fait que les Croates furent encore minoritaires. Les Croates participent à la politique de l'État au plus haut niveau : cinq des neuf premiers ministres de la République fédérale socialiste de Yougoslavie furent des Croates. Les Serbes, quant à eux, dominent les services secrets et l'armée : la plupart des généraux de l'Armée populaire yougoslave furent soit Serbes, soit Monténégrins.

Alors que la Serbie jouait un rôle de plus en plus prépondérant dans les structures fédérales yougoslaves, Aleksandar Ranković - l’impitoyable patron des services secrets et chef de file des partisans de l’hégémonie serbe - fut limogé par Tito en 1966. Il fut le principal maître-d’œuvre de deux décennies d’implacable répression face à toute manifestation identitaire au sein de la Yougoslavie. Une Déclaration sur l’identité propre de la « langue littéraire croate » fut faite par des croates nationalistes en 1967. La fin des années 1960 correspondit à un certain assouplissement de l’activité anti-nationaliste de la UDB-a - la police politique yougoslave - responsable de nombreux assassinats de dissidents croates exilés pour la plupart dans les pays occidentaux. On assiste à un renouveau de l’activité culturelle en Croatie. Ces évolutions conduisent au Printemps croate de 1970-1971, quand des étudiants à Zagreb organisent des manifestations pour revendiquer plus de libertés civiles et une plus grande autonomie pour la Croatie. Ce mouvement fut appuyé en silence par plusieurs membres croates du parti communiste. A la suite de grèves générales des étudiants et des ouvriers croates réclamant davantage de libertés, Tito limoge la direction communiste croate (Dabcevic-Kucar et Tripalo) en raison de ses élans réformateurs et brise brutalement le mouvement du « Printemps croate ». De nombreux intellectuels, étudiants ou journalistes sont emprisonnés, victimes de purges massives. Parmi eux, Budisa, Djodan, Gotovac, Mesić, Tudjman, Veselica, mais aussi Dabcević-Kucar et Tripalo, figures les plus éminentes de la contestation, lesquelles reviendront vingt ans plus tard sur le devant de la scène politique, lorsque la Croatie accédera à l’indépendance. Le régime réprima les manifestations et incarcéra les meneurs, mais le mouvement amena, néanmoins, à la ratification d'une nouvelle constitution, en 1974, accordant davantage de droits aux républiques fédérées. Dans son préambule, elle réaffirme notamment leurs droits issus de la Libération et en premier lieu celui à "l’autodétermination jusqu’à la sécession".

[modifier] Les conséquences de la mort de Tito

Josip Broz, dit Tito, fondateur de la deuxième Yougoslavie - fédérale et socialiste - décèda le 4 mai 1980. Une présidence collégiale à rotation annuelle fut mise en place, permettant à chaque entité fédérée d’accéder à la tête de l’État. Les difficultés politiques et économiques commencent à croitre et le gouvernement fédéral à s'effriter.

Les tensions ethniques sont croissantes et ont pour conséquence de mettre fin à l'existence de la Yougoslavie. La crise montante au Kosovo, le mémorandum nationaliste de l'Académie serbe des sciences et des arts, la montée de Slobodan Milošević comme dirigeant de la Serbie, et tout ce qui s'ensuit provoquent des réactions très négatives en Croatie. Les divisions, vieilles de cinquante ans, refont surface, et les Croates expriment de plus en plus leurs sentiments nationalistes et leur opposition au régime de Belgrade.

La crise au Kosovo et l'émergence de Slobodan Milošević en Serbie en 1986 provoquent des réactions très négatives en Croatie et en Slovénie. 1986 - Rédaction du « Mémorandum » de l’Académie serbe des Sciences et des Arts dans la droite lignée des programmes expansionnistes grand-serbes, tels « Nacertanije » [le Plan] (Garasanin, 1844), « Jusqu’à l’extermination » (Stojanovic, 1902), « l’expulsion des Arnaoutes » (Cubrilovic, 1937) ou « la Serbie homogène » (Moljevic, 1941). Véritable texte programmatique de l'hégémonie serbe, il servira de base théorique à l’action politique belliciste du leader serbe, Slobodan Milosevic, qui parviendra au pouvoir l’année suivante. Il porte en germe les causes de la dislocation yougoslave et de l’agression armée serbe. Alors que les Serbes ne représentent que 36 % de la population, le Mémorandum prône le contrôle des deux tiers de la Yougoslavie par la Serbie. Or même dans de telles frontières, les Serbes ne constitueraient toujours pas la majorité de la population.

La fédération était prospère jusqu'à la chute du communisme, et la Croatie était la deuxième plus riche des six républiques, derrière la Slovénie. Toutefois, probablement à cause de la fin imminente de la Guerre froide et de tous les bénéfices subtils que la Yougoslavie en tirait, l'inflation explose. Le dernier premier ministre fédéral, Ante Marković, un Croate, passe deux années à appliquer différentes réformes économiques et politiques. Les efforts de son gouvernement sont couronnés de succès en apparence, mais finissent par échouer.

Le 17 octobre 1989, le groupe rock Prljavo kazalište (Théatre sale) donne un grand concert devant près de 250 000 personnes sur la place principale de Zagreb, la place Ban Jelaćić. À la lumière des circonstances politiques changeantes, leur chanson Mojoj majci (À ma mère) frappe particulièrement les personnes s'y trouvant à cause du patriotisme exprimé. L'auteur parle de « dernière rose de Croatie » pour désigner sa mère. Tandis que l'emprise communiste est remise en question dans toute l'Europe Centrale et de l'Est, les appels à des élections multipartites se font de plus en plus nombreux.

1990 - Refusant le diktat de Milosevic, les délégués slovènes et leurs homologues croates, emmenés par Ivica Racan, claquent la porte du XIVe congrès de la Ligue communiste yougoslave au mois de janvier. En avril et mai, les premières élections législatives libres tenues en Croatie depuis l’entre-deux-guerres voient la défaite du PC et la victoire du HDZ (centre-droit) de Franjo Tudjman. Ancien général de Tito entré en dissidence depuis les années 1960, il est élu le 30 mai Président de la République par le Sabor, désormais restauré et pluraliste.

A la mi-août, des groupes séparatistes serbes, soutenus et armés par Belgrade et bénéficiant de l'appui logistique des unités de l’armée yougoslave stationnées sur place, coupent la Croatie en deux, en dressant des barricades dans les environs de Knin ainsi que dans d’autres régions où la minorité serbe (12 % de la population de la Croatie en 1991) est majoritaire ou simplement importante. Dès septembre, ils proclament « l’autonomie » des territoires qu’ils contrôlent en Croatie et commètent les premiers actes de terrorisme. Le 22 décembre, le Sabor adopte la nouvelle Constitution croate qui, à l'instar de celle de la République socialiste de Croatie, prévoit également la possibilité de recourir à l’indépendance.

La Croatie a été intégrée à la République fédérale socialiste de Yougoslavie en 1944, dirigée à l'époque par le Parti communiste de Yougoslavie de Tito. La Croatie était une république socialiste au sein d'une fédération de six entités.

[modifier] La nouvelle politique constitutionnelle

En 1990, lors du 14e Congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie, la délégation serbe dirigée par Slobodan Milošević insiste pour passer de la politique constitutionnelle de 1974, qui accordait le pouvoir aux républiques, à une nouvelle politique de « une personne, un vote », qui ferait basculer le pouvoir aux mains de la population majoritaire, c'est-à-dire les Serbes. En réponse, les délégations slovène et croate (dirigées respectivement par Milan Kučan et Ivica Račan) quittent le Congrès en guise de protestation, ce qui marque l'apogée d'une division au sein du parti au pouvoir.

Les Serbes, qui constituent 12 % de la population de Croatie, rejettent l'idée de la séparation de la Yougoslavie. Les hommes politiques serbes craignent la perte de l'influence dont ils jouissaient par leur appartenance à la Ligue des communistes de Croatie (dénoncée comme disproportionnée par les Croates). Les souvenirs de la Seconde Guerre mondiale sont manipulés et exploités par le régime, de plus en plus militant, de Milošević à Belgrade.

À mesure que Milošević et sa "clique" profitent de la vague de nationalisme serbe à travers la Yougoslavie, parlant de combat contre la Serbie, le dirigeant croate émergent, Franjo Tuđman, évoque l'idée de faire de la Croatie un État-nation. L'utilisation des grands médias permet la diffusion rapide de la propagande favorisant le chauvinisme, suscitant le sentiment de peur et créant un climat de tension important.

En mars 1990, l'Armée populaire yougoslave se réunit avec la Présidence de Yougoslavie (un conseil composé de 8 membres représentant les six républiques et les deux provinces autonomes) et tente de la convaincre de proclamer l'état d'urgence qui permettrait à l'armée de prendre le contrôle du pays. Les représentants de la Croatie (Stipe Mesić), de la Slovénie (Janez Drnovšek), de la Macédoine (Vasil Tupurkovski) et de la Bosnie-Herzégovine (Bogić Bogićević) votent contre. Les autres votent en faveur ; l'égalité du suffrage retarde quelque peu l'escalade.

[modifier] Économie et société

Sous le nouveau système communiste, toute propriété privée est nationalisée. En conséquence, le anciens riches propriétaires fonciers ainsi que l'Église catholique en Croatie perdent des quantités énormes de richesses. Le pays traverse un processus majeur de reconstruction afin de se rétablir de la Seconde Guerre mondiale. Un phénomène notable durant ce processus sont les travaux publics bénévoles qui rallient les jeunes pour la construction de routes et d'autres installations publiques.

L'économie évolue en un type de socialisme appelé « auto-gestion » (samoupravljanje), où les travailleurs avaient droit à une part des profits des entreprises gérées par l'État. Ce socialisme de marché permet de meilleures conditions économiques que dans les pays du bloc communiste. La Croatie connaît une importante industrialisation dans les années 1960 et 1970, et le bassin industriel de Zagreb rattrape et dépasse même celui de Belgrade. Les usines et autres organisations portent souvent le nom de Partisans qui sont déclarés Héros du Peuple. En même temps la côte Adriatique croate redevient une populaire destination touristique.

[modifier] Sources

[modifier] La République de Croatie indépendante (depuis 1991)

[modifier] Les conflits après l'indépendance (1991-1998)

Icône de détail Article détaillé : Guerre en Croatie (1991-1995).

À la chute du mur de Berlin, le gouvernement croate déclare l’indépendance de la Croatie par rapport à la Yougoslavie en 1991, et la JNA essaie de maintenir le statu quo par la force. Beaucoup de villes croates, notamment Vukovar et Dubrovnik, sont attaquées par les forces serbes. Le parlement croate coupe tous les liens subsistants avec la Yougoslavie en octobre de cette même année.

1991 - Or dès le 28 février, les extrémistes serbes de Croatie proclament l'indépendance de la "Krajina", ces poches de territoire croates dont ils ont pris le contrôle par la force (20 % du territoire). Le lendemain leur première victime, un policier croate, est tué dans une fusillade à Plitvice. Un mois plus tard, le 2 mai, 12 policiers croates, tombés dans une embuscade tendue par les extrémistes serbes à Borovo selo, sont affreusement mutilés. Lorsque la présidence yougoslave tournante échoit le 15 mai au délégué croate, Stjepan Mesic, le bloc serbe s’y oppose violemment, provoquant ainsi une crise institutionnelle servant de prétexte pour s’arroger le contrôle de l’armée fédérale, déjà presque totalement acquise aux thèses grand-serbes (les trois-quarts des officiers étant eux-mêmes serbes ou monténégrins). Dans ce contexte extrêmement tendu, entre l’option serbe représentant la perspective menaçante d’une Yougoslavie encore plus centralisée, c’est naturellement l’option confédérale prônée par la Croatie et la Slovénie et prévoyant le cas échéant l’indépendance totale du pays, qui recueille, le 19 mai, plus de 94 % des suffrages au référendum en Croatie.

Face à l’escalade de la violence et à la multiplication des attaques meurtrières des extrémistes serbes épaulés par l’armée yougoslave, la Slovénie et la Croatie déclarent le 25 juin - en vertu de leur droit à l'autodétermination garanti par la Constitution yougoslave - leur « dissociation » d’avec l’État yougoslave, phase transitoire avant l’indépendance effective. La Croatie adopte alors une déclaration de souveraineté. Le 27 juin, l’armée « serbo-yougoslave » intervient brutalement contre la Slovénie et deux semaines plus tard contre la Croatie. Le 7 juillet, un moratoire de trois mois sur les mesures de « dissociation » slovènes et croates est imposé par la Communauté européenne ; le bloc serbe est contraint d’accepter Stjepan Mesic à la tête de la Présidence yougoslave. L’armée restera cependant fidèle à Milosevic et Mesic ne disposera d'aucun pouvoir réel.

Le 7 octobre à l’expiration du moratoire, Milosevic envoie des Mig « fédéraux » bombarder le palais présidentiel à Zagreb. Les présidents croate et yougoslave, Franjo Tudjman et Stjepan Mesic, ainsi que le Premier ministre fédéral, Ante Markovic, qui s’y trouvent alors, réchappent de peu à l’attentat. Et tandis que le quart du territoire croate est déjà occupé par l’armée yougoslave et les milices serbes, le Sabor proclame le lendemain, 8 octobre, l’indépendance de la Croatie, rendant ainsi exécutoire les déclarations adoptées le 25 juin.

La marine yougoslave instaure un blocus naval et bombarde violemment les ports croates ; dans le même temps une véritable guerre s’étend sur mille kilomètres de front où les forces serbes mènent, à l’aide de l’artillerie, des chars et des chasseurs bombardiers, des attaques de grande envergure et d'une extrême violence contre les villes croates, notamment Osijek, Vinkovci, Zupanja, Brod, Pakrac, Sisak, Karlovac, Rijeka, Otocac, Gospic, Zadar, Sibenik, Sinj, Split, Ploce et Dubrovnik. Par surcroît, les unités fédérales embastillées dans les casernes sur l’ensemble du territoire croate libre (Zagreb, Varazdin, Bjelovar, etc.) participent également à cette guerre, où leur supériorité en armes lourdes est écrasante face à une armée croate encore embryonnaire et mal équipée.

Début novembre, les troupes serbo-monténégrines entament des bombardements massifs contre Dubrovnik. Le 18 novembre, après trois mois d’un siège terrible, écrasée sous un déluge de feu de 300.000 obus, la ville baroque de Vukovar, sur les rives du Danube, est réduite en cendres. Le « Stalingrad croate » est investie par les milices serbes et l’armée fédérale. Ses habitants sont déportés, des centaines d’autres exécutés, notamment les 200 blessés de l'hôpital, ensevelis dans le charnier d'Ovcara. Le bilan humain de six mois d’agression serbe en Croatie s’élève à près de 13 000 morts, 40 000 blessés et des centaines de milliers de personnes déplacées, à quoi il faut ajouter les considérables dommages matériels.

Le 29 novembre, la Commission d’arbitrage présidée par Robert Badinter entérine la disparition de la fédération titiste en confirmant que la Yougoslavie est « engagée dans un processus de dissolution ».

Confrontées à la détérioration de la situation en Croatie, les Nations unies imposent le 25 septembre un embargo sur les armes pour l'ensemble du territoire yougoslave ce qui, en fait, pénalise uniquement les victimes de l’agression serbe.

La population civile fuit en masse les zones de conflit armé : des milliers de Croates immigrent depuis la Bosnie et la Serbie, alors que des milliers de Serbes migrent dans le sens contraire. Dans beaucoup d’endroits, de nombreux civils sont expulsés par les forces militaires, donnant lieu à une véritable épuration ethnique.

La ville frontière de Vukovar subit un siège de trois mois, durant lequel la plupart des édifices de la ville sont détruits et une majorité de la population forcée de fuir. La ville tombe aux forces serbes fin novembre 1991. Peu après, les États étrangers commencent à reconnaître l’indépendance de la Croatie. Alors que la Lituanie, la Lettonie et l'Ukraine ont d'ores et déjà reconnu la Croatie, la Communauté européenne invite, le 16 décembre, toutes les Républiques yougoslaves à déclarer avant le 23 décembre si « elles souhaitent être reconnues en tant qu’États indépendants » et s’engage à ne pas reconnaître « des entités qui seraient le résultat d’une agression », allusion explicite à la "Krajina" des séparatistes serbes.

1992 - Le 3 janvier, un 16e cessez-le-feu prend effet : l’armée yougoslave ayant atteint ses objectifs, celui-ci sera enfin respecté. Le 7 janvier, la chasse serbe abat en Croatie un hélicoptère de la CEE ayant à son bord cinq observateurs européens dont un Français. Le 15, suivis d’une trentaine d’autre pays, les Douze reconnaîssent l’indépendance de la Croatie. Le 7 février, le HDZ est le grand vainqueur des élections à la Chambre haute du Sabor (Chambre des Comitats). Le 21 février, la résolution 743 instaure la FORPRONU (Force de Protection des Nations-Unies) forte de 14 000 hommes qui doivent être déployés dans les zones occupées en Croatie, jusqu’à l’aboutissement d’un règlement négocié. Le 7 avril, les États-Unis reconnaissent la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ; cette dernière est reconnue le même jour par la Croatie qui est admise le 22 mai à l’ONU.

À la fin de janvier 1992, beaucoup d’États du monde entier reconnaissent le pays.

La Croatie participe à Albertville '92 à ses premiers Jeux olympiques, en tant que pays indépendant, et remporte dès Barcelone '92 ses premières médailles, dont une médaille d'argent en basket-ball après une défaite en finale contre la dream team américaine. Dans la Bosnie-Herzégovine voisine, indépendante depuis le 1er mars, où les Serbes ne représentent pourtant que 31 % de la population, les milices et l’armée serbo-yougoslave lancent une guerre totale au cours de laquelle ils s’emparent, en à peine quatre mois, de plus de 70 % du territoire. La capitale, Sarajevo, est soumise à un siège impitoyable. Des centaines de milliers d’habitants non-serbes, Bosniaques et Croates, sont expulsés de chez eux et plus de 100 000 sont tués en quelques mois. Les deux tiers de la population cherchent alors refuge dans la portion congrue du territoire encore défendue par les Bosniaques et les Croates de Bosnie (Bosnie centrale et Herzégovine).

Près d’un demi-million de réfugiés de Bosnie seront également accueillis en Croatie où, sur une population de 4,5 millions d'habitants, on compte déjà plusieurs centaines de milliers de déplacés croates, chassés en 1991 par les Serbes. Le 21 juillet et le 23 septembre, Zagreb et Sarajevo signent deux accords prévoyant leur coopération militaire face à l'agression serbe.

De fait, la Croatie constituera durant toute la guerre l'unique voie de ravitaillement en armes de la Bosnie. Pour autant les Croates de Bosnie-Herzégovine parviennent, mieux que les Bosniaques qui sont alors pris de court, à faire face à l'armée serbe au début du conflit en instaurant un Conseil croate de défense (HVO), et réussissent ainsi à préserver une grande partie des territoires où ils constituent la majorité de la population, notamment dans le Sud (Herzégovine). Il s'avérera bien plus tard, en 1995, que la résistance aux Serbes de ce « dernier carré » croate, en dépit du conflit qui les opposera un temps aux Bosniaques, aura alors permis à la Bosnie d'échapper à l'occupation totale, et rendra possible la reconquête de 1995. Les forces serbes tireront cependant longtemps profit du déploiement de la FORPRONU en Croatie en s’en servant comme d'un bouclier assurant leurs arrières tandis qu'ils maintiennent la Bosnie dans leur étau.

Après l’indépendance de toutes les autres républiques (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Macédoine), la Serbie et le Monténégro créent, le 27 avril, une fédération commune, la République Fédérale de « Yougoslavie », État-croupion qui est aujourd'hui loin de rassembler tous les Slaves du Sud.

En conséquence, les Nations unies imposent des cessez-le-feu, et les protagonistes, pour la plupart, se retirent. L’armée de la République Fédérale socialiste de Yougoslavie (JNA) se retire de la Croatie pour la Bosnie-Herzégovine où la guerre ne fait que commencer. Entre 1992 et 1993, la Croatie accueille des milliers de réfugiés en provenance de Bosnie.

En tant qu'un des cinq États successeurs et malgré la revendication de l’appellation « Yougoslavie », il ne sera pas autorisé à hériter le siège de l’ancienne Yougoslavie dans les instances internationales, et ne deviendra officiellement membre de l'ONU qu'en 2000, après le départ de Milosevic. Le 4 juillet la Commission d’Arbitrage Badinter déclare « que le processus de dissolution de la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie [...] est arrivé à son terme et qu’il faut constater que la RSFY n’existe plus ».

Le 2 août, le HDZ remporte les élections législatives et Franjo Tudjman est réélu président de la République pour cinq ans. Dans le même temps, le monde découvre l’horreur des camps de concentration serbes en Bosnie où périront des milliers de prisonniers bosniaques et croates.

1993 - Face à l’enlisement des négociations visant à aboutir à une solution politique au conflit et décidées à désenclaver la Dalmatie isolée depuis 1991, les autorités croates déclenchent avec succès le 22 janvier l’opération « Maslenica » dans l’arrière pays de Zadar.

En Bosnie, les premiers plans de paix internationaux, tous fondés sur un partage territorial, se font alors jour. Mais tous tendent peu ou prou à entériner les importantes conquêtes serbes sur le terrain, confortant ainsi l'idée selon laquelle seul le fait accompli sera in fine reconnu. Conciliants, les Croates y sont plutôt favorables, les Bosniaques, en revanche, globalement hostiles. L’alliance jusque-là observée entre Bosniaques et Croates de Bosnie-Herzégovine face à la supériorité écrasante des Serbes vole en éclat et le conflit prend une dimension nouvelle. Les tensions nées de l'afflux massif de réfugiés en Bosnie centrale, auquel s'ajoutent des divergences politiques quant à l’avenir de la Bosnie, exacerbent les passions jusqu’au conflit armé qu’avivent alors atrocités et opérations de nettoyage ethnique.

Les forces bosniaques assiègent alors les enclaves croates de Bosnie centrale tandis que Mostar-est devient pour sa part la cible des attaques des forces croates de Bosnie (HVO). Aux 200 000 victimes provoquées au total par l’agression serbe, viennent désormais s’ajouter les quelque 4 000 morts de cette « guerre dans la guerre ».

La Croatie continue pour sa part à accueillir les réfugiés Croates et Bosniaques. Le 25 mai 1993, le conseil de sécurité de l’ONU instaure un Tribunal pénal international, établi à La Haye, chargé de juger les crimes de guerre commis sur le territoire de l’ancienne Yougoslavie.

1994 - Afin de mettre un terme au conflit croato-bosniaque et rétablir leur alliance rompue depuis près d’un an, la Croatie conclut le 18 mars, à Washington, un accord avec les représentants bosniaques et croates de Bosnie-Herzégovine prévoyant la mise en place d’une Fédération croato-bosniaque en Bosnie-Herzégovine. Cet accord prévoit aussi l'instauration d'un état-major unifié associant l'armée bosniaque et le HVO. Cette nouvelle donne qui rééquilibre les rapports de forces sur le terrain, constituera un tournant majeur en Bosnie, où les extrémistes serbes de Radovan Karadzic contrôlent alors toujours plus de 70 % du territoire. En se rendant à Zagreb, les 10 et 11 septembre, Jean-Paul II devient le premier pape des temps modernes à fouler le sol croate. Première action conjointe après le rétablissement de l’alliance militaire croato-bosniaque, l’opération menée le 3 novembre contre les forces serbes sur le stratégique plateau de Kupres en Bosnie centrale marque une étape décisive et facilitera par la suite le ravitaillement de la région.

Le 21 novembre, l’OTAN mène un raid aérien contre l’aéroport croate d’Udbina aux mains des milices serbes, qui s’en servaient jusqu’alors pour mener leurs attaques contre la zone de sécurité de Bihac, en Bosnie.

Le conflit armé en Croatie reste intermittent et essentiellement à faible échelle jusqu’en 1995. Début août, la Croatie lance l'Opération Tempête et prend rapidement la plupart de la République serbe de Krajina, causant un exode massif de la population serbe. Quelques mois plus tard, la guerre cesse grâce aux négociations des Accords de Dayton.

Le 31 mars 1995, le mandat de la FORPRONU, qui englobe jusqu’alors l’ensemble des missions de paix en ex-Yougoslavie, est redéfini pour la Croatie (rés. 981) où la force internationale devient l’ONURC - « Opération des Nations-Unies pour la Restauration de la Confiance en Croatie ». Pour enrayer l'escalade de la violence déclenchée par les extrémistes serbes de la région de Pakrac, Zagreb lance le 1er mai l’opération « Éclair » : en 36 heures, toute la Slavonie occidentale est libérée, ce qui désenclave en même temps tout l’est du pays. Le leader séparatiste serbe, Milan Martic, ordonne en représailles un bombardement à la roquette meurtrier sur le centre-ville de Zagreb. La Croatie et la Bosnie-Herzégovine signent à Split, le 22 juillet, un accord renforçant leur coopération militaire et réclamant l'aide militaire de la Croatie pour secourir l'enclave de Bihac, attaquée par les Serbes. Devant l'échec de la voie diplomatique, le gouvernement croate lance le 4 août, l’opération « Tempête », de loin la plus importante depuis le début du conflit : en moins de quatre jours, la Croatie reprend ainsi contrôle de la majeure partie de ses territoires occupés en 1991 (Dalmatie septentrionale, Lika, Kordun et Banovina).

Le 5 août à midi, Knin, fief depuis août 1990 de la rébellion armée serbe, est libéré par les forces croates. Malgré les appels exhortant la population serbe de ces territoires à ne pas quitter la Croatie, 90 000 civils répondent à l’ordre d’évacuation des paramilitaires serbes, qui les utiliseront comme boucliers humains pour protéger l'évacuation de leur armement lourd vers la Bosnie.

Dans le même temps, l'opération « Tempête » met fin au calvaire des 230 000 Bosniaques assiégés à Bihac où, après 1201 jours d'enclavement, cette « Zone de sécurité de l'ONU » pourtant pilonnée par les Serbes est sur le point d'être prise, risquant de subir alors le même sort que Srebrenica, un mois auparavant. La Slavonie orientale, 4,5 % du territoire national, demeure quant à elle encore occupée.

L’OTAN déclenche fin août l’opération « Force délibérée » contre les Serbes de Bosnie, qui sont finalement acculés à la table des négociations par les succès conjoints des forces croates et bosniaques, qui parviennent à reprendre contrôle début octobre de plus de la moitié de la Bosnie. Craignant de perdre le résultat de quatre années de conquêtes en Bosnie, Milosevic cède et se rend début novembre à Dayton où il négocie à huis clos, trois semaines durant, avec les présidents croate et bosniaque, Franjo Tudjman et Alija Izetbegovic, un accord de paix général qui mettra un terme à cinq années de guerre. La communauté internationale impose toutefois aux parties une condition : le partage territorial de la Bosnie devra accorder 51 % du territoire à la Fédération croato-bosniaque, et 49 % à la République serbe. Après 20 jours de discussions, les négociations semblent néanmoins marquer le pas. In fine, les importantes concessions territoriales faites par la partie croate en Bosnie occidentale permettront de déboucher sur un accord en contraignant Milosevic à faire un geste envers les Bosniaques. En contrepartie celui-ci accepta de lever le siège de Sarajevo, encerclée depuis quatre ans par les Serbes, et de désenclaver Tuzla, ce qui ouvrit la voie à un accord de paix global. Les accords de Dayton-Paris, conclus le 21 novembre, sont officiellement signés au palais de l’Élysée le 14 décembre.

En marge de ces négociations un accord est conclu à Erdut (13 novembre) prévoyant la réintégration pacifique de la Slavonie orientale dans le giron de Zagreb. Une mission de paix, l’ATNUSO (Administration transitoire des Nations unies en Slavonie orientale) y est mise en place, mettant ainsi un terme à la guerre en Croatie. Au total, en cinq ans, la guerre aura causé près de 15.000 morts et 50.000 blessés, tandis que les dommages directs et indirects pour l’économie sont évalués à quelque 37 milliards de dollars.

Le 9 novembre, le TPI inculpe les officiers supérieurs serbes Mrksic, Radic et Sljivancanin de crimes de guerre pour les atrocités commises à Vukovar. En 2001, ils n'avaient toujours pas été livrés par Belgrade.

1996 - Le 1er avril, le général croate de Bosnie, Tihomir Blaskic, accusé par le TPI de crimes de guerre, se rend de son plein gré à la Haye. Après quatre années de procès, il sera condamné à 45 ans d'emprisonnement. Le 9 septembre, la Croatie et la République fédérale de Yougoslavie établissent des relations diplomatiques. Le 16 octobre, la Croatie devient le 40e membre du Conseil de l’Europe.

1997 - Le 13 avril, les élections pour la Chambre des Comitats du Sabor (chambre haute) se déroulent pour la première fois sur l’ensemble du territoire croate, Slavonie orientale comprise. Le HDZ remporte le scrutin dans 19 des 21 comitats. Le 15 juin Franjo Tudjman est réélu pour un troisième mandat en tant que président de la République. Le 6 octobre, dix Croates de Bosnie accusés par le TPI de crimes de guerre se rendent volontairement à La Haye.

En 1998, soit moins de sept ans après le siège de Vukovar, la réintégration pacifique et définitive de la Slavonie orientale (4,5 % du territoire) marque, pour la première fois depuis l’indépendance, le recouvrement effectif de la souveraineté croate sur l’ensemble du territoire national. Le 3 octobre, le pape Jean Paul II se rend pour la seconde fois en Croatie, à Split, à l'occasion de la béatification du cardinal Alozije Stepinac.

[modifier] La marche vers l'Union européenne (1998-)

Pendant la Guerre du Kosovo (1999), le gouvernement croate apporta son soutien politique et logistique aux opérations de l’Alliance atlantique. Le premier président croate, Franjo Tuđman, est décèdé le 10 décembre 1999.

Le 3 janvier 2000, constituant la première alternance politique depuis l’indépendance, les législatives, sont remportées haut la main, avec plus de 56 % des suffrages, par la coalition d’opposition rassemblant six partis autour des forces réformistes de centre-gauche (sociaux-démocrates du SDP et sociaux-libéraux du HSLS), contre moins de 27 % des suffrages au HDZ sortant. Au nombre des thèmes électoraux qui les ont portés au pouvoir : une orientation résolument pro-européenne, un programme anti-corruption, une démocratisation accélérée ainsi que la diminution des prérogatives du chef de l’État au profit du gouvernement et du parlement. Ivica Račan, président des sociaux-démocrates, est nommé Premier ministre. Le 7 février 2000 - alors que deux candidats d’opposition se retrouvent en lice au second tour de scrutin - le modéré Stjepan Mesić - candidat du modeste HNS (parti populaire) - remporte les élections présidentielles avec 56 % des voix, contre Drazen Budisa, président des sociaux-libéraux, pourtant parti favori un mois auparavant, après la victoire du tandem HSLS-SDP aux législatives. Ces deux élections marquent un tournant majeur pour la Croatie. À partir de 2000, le pays s'est démocratisé et ouvert sur l'Europe, les auteurs d'exactions pendant les conflits militaires ont été poursuivis, il a mené une politique de privatisations et s'est ouvert aux investissements étrangers. Ces réformes libérales ont permis le rétablissement économique du pays et la guérison de nombreuses blessures de guerres. Cela s'est fait, toutefois, avec de fortes résistances internes du fait de la présence de nationalistes extrémistes dans certains structures de l'appareil d'État (défense) et dans certaines régions (Split).

Dès la fin mai 2000, la Communauté européenne donne accord pour engager les négociations sur l’Accord de stabilisation et d’association tandis que la Croatie est admise dans le Partenariat pour la Paix, premier pas vers l’adhésion à l’OTAN. La Croatie est admise à l’OMC en juillet et en septembre le Conseil de l’Europe met fin à la procédure de suivi de la Croatie.

La victoire des conservateurs aux élections législatives de novembre 2003 a entraîné la nomination d'Ivo Sanader à la tête du gouvernement, ce qui a constitué une seconde alternance politique. Aux élections présidentielles du 16 janvier 2005, Stjepan Mesić a été réélu au second tour pour un second mandat présidentiel face à Jadranka Kosor avec plus de 60 % des suffrages.

En raison de la guerre et de l’adhésion limitée du pays aux principes démocratiques, après la dissolution de la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie, aucune relation contractuelle globale n’a été établie entre la Croatie et l’Union européenne (UE) avant 2001. La coopération financière s’est limitée à l'assistance humanitaire, à l'aide à la démocratisation et, à partir de 1996, à l'aide à la reconstruction. Après le changement de gouvernement en 2000, la Croatie est sortie de l'isolement international et elle a signé, le 29 octobre 2001, un accord de stabilisation et d'association (ASA) avec l'UE. Cet accord est entré en vigueur le 1er février 2005 et a remplacé un accord intérimaire sur le commerce et les mesures d'accompagnement, qui était en vigueur depuis le 1er mars 2002. La Croatie a déposé officiellement sa candidature à l’adhésion à l’Union européenne le 21 février 2003, avec pour objectif une adhésion en 2007. Après l'avis favorable de la Commission européenne, le Conseil européen des 17 et 18 juin 2004 lui a reconnu le statut d’État candidat et lors de sa réunion du 17 décembre 2004, il a proposé d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Croatie en mars 2005, si la coopération pleine et entière des autorités croates avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) était constatée. Le Conseil du 17 mars 2005 a estimé que tel n’était pas le cas et a reporté l’ouverture des négociations jusqu'à ce que le constat soit fait que la Croatie coopère pleinement avec le TPIY. Le 3 octobre 2005, la procureur en chef du TPIY a constaté que la Croatie coopère désormais pleinement avec le TPIY. Le même jour, le Conseil de l'Union européenne a conclu que la dernière condition pour l'ouverture des négociations était réunie ; les négociations d'adhésion ont été lancées. La phase de "screening" des négociations d'adhésion a été ouverte le 20 octobre 2005. La Croatie, bénéficiaire de la stratégie de pré-adhésion des pays candidats, est éligible aux programmes Phare, Ispa et Sapard pour un montant de 140 millions d’euros en 2006. Dans son rapport de suivi du 8 novembre 2006, la Commission européenne indique que la Croatie est sur la bonne voie dans ses négociations d'adhésion avec l'UE. Le pays a fait d'importants progrès notamment au sujet des critères politiques ; il a, également, adopté des mesures d'envergure dans de nombreux domaines pour adapter sa législation. Le document précise, toutefois, que la Croatie doit encore intensifier considérablement ses efforts pour relever les grands défis que constituent, par exemple, la réforme du pouvoir judiciaire, la lutte contre la corruption et les réformes économiques.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes


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