Servage

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Le servage, du latin servus, « esclave », est l'héritier médiéval du lien de clientèle antique.

Sommaire

[modifier] Différence avec l'esclavage

Sa différence avec l'esclavage provient du statut juridique du serf, qui jouit d'une personnalité juridique.

De ce fait, le serf n'est pas une chose, un bien matériel, mais bien un être humain, une personne liée par un contrat à une autre personne.

Ainsi, le serf n'appartient pas à son seigneur ; en outre, il possède des biens, peut ester et témoigner en justice, peut contracter (mariages, contrats de vente) plus ou moins librement. Sa condition de servage pouvait elle-même faire l'objet d'un contrat. Le christianisme s'opposait à ce que des chrétiens appartiennent à d'autres chrétiens. Ce qui lie le serf à son seigneur tient plutôt de la vassalité : il lui doit fidélité, comme dernier étage de la pyramide féodale. Cette fidélité, comme tout lien féodal, a une contrepartie : le seigneur lui doit protection.

Pour faire une comparaison hasardeuse avec des concepts modernes, le servage serait un contrat de non-concurrence non limité ni géographiquement ni dans le temps, qui empêche le serf de travailler pour d’autres seigneurs sans l'autorisation de son seigneur.

Néanmoins, la vie quotidienne des serfs n'était pas forcément plus enviable que celle des esclaves.
Sur le long terme, le statut de servage préserve tout de même, des dérives vers les justifications raciales ou religieuses d'une infériorité par nature que l'on voit pour l'esclavage.

[modifier] Le servage personnel et le servage réel

On distingue ces deux états du fait que :

  • dans le servage personnel, héréditaire, le serf est attaché à une terre, il ne peut pas (théoriquement) la quitter et doit accepter son nouveau seigneur quand cette terre est vendue.
  • alors que dans le servage réel qui se transmet par la terre, un homme libre acquérant une tenure servile devient serf ; un serf quittant une tenure servile pour une terre libre (comme une ville franche) devait se faire reconnaître libre. Souvent il devait acheter sa « franchise » ou fuir loin de son maître. En effet, le seigneur avait "droit de suite", qui l’autorisait à poursuivre celui qui était en fuite de son domaine, et des accords d’ « entrecours » par lesquels les seigneurs s’engageaient à se livrer mutuellement les fugitifs.
Esclaves et Serfs du sixième au douzième siècles : illustrations recueillies par H. de Vielcastel, de documents originaux dispersés dans les grandes bibliothèques européennes.
Esclaves et Serfs du sixième au douzième siècles : illustrations recueillies par H. de Vielcastel, de documents originaux dispersés dans les grandes bibliothèques européennes.

[modifier] Servage et exploitation

Succédant à l'esclavage, le servage, dans l'analyse marxiste, représente l'une des trois formes d'exploitation du travail avec l'esclavage précisément et le salariat. Au niveau général, l'exploitation désigne le fait qu'une personne travaille gratuitement pour une autre. Ce travail gratuit peut prendre des formes simples, comme dans l'esclavage, ou complexes. Au niveau du servage, le serf se voit contraint de travailler gratuitement sur les terres du seigneur et de lui donner en nature une partie de sa récolte. Pour indiquer ce travail gratuit on dit qu'il est soumis à la Taille et à la Corvée seigneuriale : entretien du château, des douves ou des bois.

[modifier] Variances et persistance

Les spécificités du servage ont grandement varié à travers les époques et les régions. En certains pays, le servage était mixte, fusionné avec (ou en échange) des corvées ou des taxes. En temps de guerre, il fournissait le plus fort de l'effectif militaire.


[modifier] Tibet

Icône de détail Article détaillé : Société tibétaine.

La pratique du servage était encore en vigueur au Tibet sous la responsablité du Dalaï Lama, dans les années 1950.

Le régime communiste a décidé d'abolir le servage dans les régions tibétaines limitrophes en 1956[réf. nécessaire].

À partir de 1959, juste après avoir réprimé ce qu'il qualifie de révolte de l'ancienne classe privilégiée de l'ancien Tibet, le gouvernement communiste met en place au Tibet une série de réformes, notamment l'abolition du servage[1].

[modifier] Saint Empire romain germanique

Le droit allemand distinguait, le serf passif et le serf réel des hommes libres, mais seuls ces deux derniers possédaient des droits sociaux et/ ou politiques.

Ainsi, le serf passif travaillait sur la réserve d’un seigneur, et était donc obligé de payer, outre les charges au seigneur, un impôt public, la Bede ou le Schatzung ; alors que le serf réel (celui qui ne travaillait pas sur la réserve d’un seigneur, mais exploitait les terres de la ferme sous toute sortes de baux : louage, métayage, fermage, etc.). Le grand juriste allemand Justus Möser (Osnabrück, 17201794) s'est constamment attaché dans ses écrits, non littéraires, à définir, et si possible développer, les capacités politiques et sociales liées à ces deux formes de servage.

[modifier] Espagne

En Espagne, en 1414, éclate la querelle des « conversos », ou Juifs convertis (plus ou moins volontairement). Ils sont quelques centaines de milliers qui continuent à pratiquer en privé le judaïsme, mais à l’extérieur se comportent en chrétiens. Continuant de pratiquer les métiers réservés aux Juifs (prêt d’argent), ils réussissent aussi dans les offices et les négoces qui leurs sont ouverts depuis leur conversion. Car officiellement chrétiens, ils ont le droit de posséder des biens immobiliers et de pratiquer les métiers interdits aux Juifs. Ils peuvent donc posséder serfs et esclaves (notions peu distinctes en Espagne) alors que l’esclavage est encore assez répandu dans la société ibérique. Conséquence, ils sont critiqués des deux côtés : les Juifs les taxent de trahison, tandis que les « vieux chrétiens » les jalousent et s'en plaignent à l'Inquisition.

[modifier] France

En France, le servage a fortement diminué avec l'essor économique de la fin du Moyen Âge qui permit aux serfs de racheter leurs contrats.

Il a quasiment disparu après la guerre de Cent Ans, car le manque de main-d'œuvre (la Grande Peste à elle seule a emporté entre 1/4 et 1/3 de la population) a favorisé la concurrence entre nobles et le débauchage des serfs. En effet, les nobles du voisinage proposaient aux serfs de racheter leur contrat pour venir s'installer librement sur leurs nombreuses terres en friche, ce qui obligeait le noble local à faire de même pour conserver son personnel.

Néanmoins le servage a persisté localement jusqu'à la Révolution qui l'abolit avec les privilèges lors de la célèbre nuit du 4 août 1789.

[modifier] Pologne

En Pologne-Lituanie, existait le statut de serf-paysan. Ainsi, sur les domaines seigneuriaux, le nombre de jours de servage dans la semaine était limité et variable avec les époques, allant d'un jour ou moins d'un jour à six jours. Le reste du temps, le cultivateur pouvait s'occuper de son lopin personnel. Or, le temps seigneurial eut toujours tendance à s'alourdir : par exemple, si au XIIIe siècle, ce temps n'était que de quelques jours dans l'année, au XIVe siècle d'un jour par semaine, il était de quatre jours par semaine au XVIIe siècle et de six au XVIIIe siècle. En principe, le septième jour étant consacré au repos, le serf-paysan ne pouvait plus cultiver son lopin personnel.

En revanche, le nombre de jours de servage ne fut jamais limité sur le domaine royal.

[modifier] Russie

En Russie le servage généralisé, touchant des millions de personnes (les âmes), a duré du début du XVIIe siècle jusqu'en 1861. Lors de son abolition par Alexandre II le 19 février 1861, on estimait à 40 % de la population le nombre de serfs[2]. En 1785, un rapport remis à Catherine II de Russie précise que : Les effectifs de l’armée russe sont de 500 000 hommes avec 9 % de nobles, 3 % de bourgeois et 50 % de serfs ; le reste de soldats.

[modifier] Scandinavie

Le servage est étroitement lié au féodalisme et en Scandinavie (Finlande, Norvège et Suède) où le féodalisme ne fut jamais vraiment établi, le servage n'a jamais réellement existé.

Cependant en Suède, une forme de contrat proche du servage a existé entre le XVIIIe siècle et jusqu'en 1945, le statare.


[modifier] Le retour du servage

Icône de détail Article détaillé : La Route de la servitude.

Les économies Centralement-Planifié, surtout le système soviétique de la Collectivisation des fermes et les autres systèmes basé sur l'économie Soviet Communiste, semblerait revenir à un servage contrôlé par le gouvernement. Cette vision a été développé par Friedrich Hayek dans La Route de la servitude en 1944 et a depuis été adopté par d'autres incluant Mikhaïl Gorbatchev. Dans certains pays Communistes, les fermiers furent liés à leurs fermes, soit les kolkhoze, théoriquement collectifs, soit des sovkhoze, possession de l'état, par un système de passeport interne et d'enregistrement de ménage. Ils ont dû planter des récoltes selon les instructions des autorités centrales, surtout s'ils étaient sur les fermes de l'état. Ces autorités « achèteraient » alors leur produit agricole à un prix infiniment réduit et utilisent le surplus pour investir dans l'industrie lourde.

Ce servage de facto a persisté en Russie jusqu'en 1974 (avec une coupure brève pendant la Guerre Civile), quand le Décret #667 du Gouvernement d'URSS a été exécuté, pour la première fois de l'histoire russe, octroyant des documents d'identification aux paysans, avec un droit illimité pour se déplacer dans le pays — les détachant ainsi de la parcelle de terre où ils avaient travaillé pendant des générations. Techniquement, un système similaire d'enregistrement de ménage existe toujours dans la Chine rurale, mais ne fonctionnerait plus efficacement à cause de l'expansion et à cause de l'ouverture de l'économie chinoise, et l'avance de technologies en Chine. Cependant, les camps de Laogai, qui représentent l'application des travaux forcés par le gouvernement chinois, constitue une partie intégrale de l'économie de la Chine considérée par certains analystes comme une économie de l'esclavage.[3]

[modifier] Dates d'émancipation des serfs dans différents pays

[modifier] Bibliographie

  • Freedman (Paul), Bourin (Monique) dir., Forms of Servitude in Northern and Central Europe. Decline, Resistance and Expansion, Brepols, 2005.

[modifier] Notes et références

  1. Cent questions sur le Tibet, publication du gouvernement chinois, 2001. Extrait de la réponse à la question 13 : « Des gens de l'échelon supérieur du Tibet considéraient comme une faiblesse l'attitude du gouvernement central d'attendre patiemment la réforme du système social du Tibet, et ils déclenchèrent sans vergogne une rébellion armée en 1959. Dans ces circonstances, se conformant au désir de la majorité de la population du Tibet, le gouvernement central réprima rapidement la rébellion et lança une réforme démocratique. Celle-ci abolit le régime féodal du servage, extrêmement corrompu et ténébreux, et la théocratie, et elle permit à un million de serfs et d'esclaves de s'émanciper. Ces derniers n'étaient plus considérés comme les biens individuels des propriétaires de serfs, c'est-à-dire pouvant être vendus, achetés, transférés, échangés et utilisés pour payer une dette, et ils n'étaient plus forcés à travailler pour leurs propriétaires. Ces serfs et ces esclaves, traités depuis longtemps comme des « bœufs et des chevaux doués de la parole », devinrent dès lors des « êtres humains » à part entière. Ils obtinrent la jouissance de la liberté individuelle et devinrent les maîtres de leur propre destin et de la société. C'est une transformation qui fait époque dans l'histoire du Tibet et aussi un grand progrès dans l'histoire de son développement des droits de l'homme. »
  2. Cité par Hélène Carrère d'Encausse dans Nicolas II
  3. What is the economic significance of the Laogai?

[modifier] liens externes

Le dernier servage du monde: Tibet: The Truth (A Political History); Tibet: la vérité (une histoire politique) You Tube