Ordre cistercien

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Armes de l'ordre de Cîteaux
Armes de l'ordre de Cîteaux

L’ordre cistercien (Ordo cisterciensis, o.cist.), également connu sous le nom d’ordre de Cîteaux ou encore de saint ordre de Cîteaux (Sacer ordro cisterciensis, s.o.c.) est un ordre monastique chrétien réformé, établi en 1098 à l'abbaye de Cîteaux par Robert de Molesme. Fondation de premier plan dans l'histoire religieuse du XIIe siècle, il devait par son organisation et par son autorité gagner tout l'Occident et ses franges. Son influence se fit particulièrement forte à l'est de l'Elbe, où l'Ordre fit « progresser à la fois le christianisme, la civilisation et la mise en culture »[1]. Restauration bénédictine inspirée par l'idéal apostolique de la réforme grégorienne, l'ordre cistercien fut et reste un ordre terrien qui réhabilita, dans une certaine mesure, le travail comme valeur en Occident. Il est à ce jour, avec ses neuf cents ans d'histoire, l'ordre monastique qui a connu la plus longue longévité au sein de l'Église latine[2]. Son patrimoine technique, artistique et architectural en est la manifestation.

Le plus célèbre des cisterciens, saint Bernard de Clairvaux, (1090-1153) à qui l'ordre doit son considérable développement dans la première moitié du XIIe siècle peut être considéré comme son maître spirituel[3].

La robe est blanche avec un scapulaire noir. Du fait, les membres de l'Ordre sont parfois nommés « bénédictins blancs »[4] ou Bernardins, du nom de saint Bernard. Le symbole de l'ordre est la feuille d'eau (cîteaux). Des couvents de moniales cisterciennes ont été établis ; l'un des plus célèbres est celui de Port-Royal-des-Champs.

L'Ordre cistercien se distingue aujourd'hui entre plusieurs obédiences et congrégations. L'Ordre de la « Commune Observance » comptait en 1988 plus de 1300 moines et de 1500 moniales, répartis respectivement dans 62 et 64 monastères. L'Ordre cistercien de la stricte observance (o.c.s.o., aussi appelé ) comprend actuellement près de 3000 religieux trappistes et 1875 trappistines, répartis respectivement dans quatre-vingt-onze abbayes et soixante couvent dans le monde entier[5].

Abbaye de Tintern fondée en 1135
Abbaye de Tintern fondée en 1135
Abbaye de Royaumont construite entre 1228 et 1235
Abbaye de Royaumont construite entre 1228 et 1235
Grange de l'Abbaye de Maubuisson

Sommaire

[modifier] Les premiers temps d'un monastère réformé

Rénovation bénédictine marquant le XIIe siècle, Cîteaux développe sa propre mythologies des origines[6] . C'est sous l'abbatiat de Bernard, père spirituel de l'ordre, que les Cisterciens sortent de l'ombre[7] et que l'Ordre connaît son véritable rayonnement et son expansion. À sa mort, l'ordre compte 350 maisons et « son prestige l'emporte sur ceux des autres Ordres religieux[8] ».

[modifier] L'Occident chrétien à l'aube du XIIe siècle

L'« éclair cistercien » est suscité par l'action des ses premiers abbés ; au-delà, il est inscrit dans le grand élan, le « grand bond en avant » du XIIe siècle. Si l'histoire de l'ordre est spirituelle, elle apparaît dans la modification profonde des structures sociales, culturelles et économiques de la petite Europe qui s'opèrent depuis le premier quart du siècle. Le catholicisme romain gagne les pays scandinaves, s'implante en Europe de l'Est, la partie occidentale de la péninsule ibérique est progressivement conquise par les princes chrétiens. L'Église est consciente de son nécessaire renouvellement dans une Europe marquée par la présence impériale, présence cependant plus symbolique qu'efficiente. La primauté de la terre qui s'est imposée au cours du siècle précédent et qui organise les rapports politiques, sociaux et économiques, laisse le premier rôle, à l'échelle locale, aux propriétaires terriens. Dans ce contexte d'affermissement de la féodalité, les établissement monastiques reçoivent de la part du pouvoir séculier soutien et protection, et les cadres du clergé régulier sont majoritairement issus de l'aristocratie seigneuriale. Avec l'essor démographique, certaines régions connaissent un regain de l'activité commerciale qui n'est encore que frémissement. « Pour l'histoire de Cîteaux, qui apparaît au sein de la société terrienne et aristocratique juste avant cette évolution, c'est un fait d'une extrême importance.[9] »

[modifier] Le monachisme occidental dans un monde en mouvement

Saint Benoît confiant sa règle aux moines de son ordre, monastère de Saint-Gilles du Gard, XIIe siècle.
Saint Benoît confiant sa règle aux moines de son ordre, monastère de Saint-Gilles du Gard, XIIe siècle.

En Occident, à la charnière des XIe et XIIe siècles, nombreux sont les fidèles qui cherchent de « nouvelles voies de la perfection[10] », « désir inexprimé, mais exaltant toutes les ardeurs, de rajeunir le monde[11] ». Cependant, pèlerinages et Croisades ne nourrissent pas spirituellement tous les croyants. La voie monastique clunisienne voit s'élever contre elle des critiques de plus en plus nombreuses. La modération souhaitée par Benoît de Nursie semble s'éroder au contact de la magnificence de bâtiments de l'ordre et l'activité liturgique clunisienne ne semble plus permettre la réalisation des vœux de pureté, de pauvreté et de charité. Au-delà, l'exclusivité des activités intellectuelles du scriptorium, de l'exercice du plain-chant et de l'office divin ont coupé les moines d'une des trois exigences de la règle bénédictine, le travail manuel. À Cluny, l'agriculture est devenue une activité extérieure[12]. Certes, l'ordre a essaimé ses monastères dans toute l'Europe mais la proximité de ses abbés avec le pouvoir temporel n'est pas du goût de tous. Il ne faudrait cependant pas voir dans la « fiévreuse activité de réforme[13] » du temps une critique ouverte à l'encontre de Cluny, mais plutôt, une volonté d'exprimer l'héroïsme du temps dans une voie bénédictine plus sévère, par un retour à la rigueur des Pères du Désert[14].

Icône de détail Article détaillé : Cluny.

[modifier] Les Pères du désert et l'empreinte bénédictine

Battage du blé, initiale “S”.
Battage du blé, initiale “S”[15].

La fuite du monde, de ses images, de ses plaisirs et de ses troubles, est un thème qui suscite durant tout le Moyen Âge un attrait puissant pour les fidèles. L'érémitisme, et plus particulièrement le cénobitisme de Pacôme, apparaît comme la forme la plus parfaite de l'idéal chrétien[16]. Dans la solitude des monastères, pour Pacôme ( comme pour Benoît de Nursie, la communauté doit trouver stabilité et renoncement au monde pour suivre les pas du Christ[17]. Rédigée entre 530 et 540, éprouvée par Benoît d'Aniane puis, dès 910, par les Clunisiens, la Règle de saint Benoît avait manifesté de sa grande humanité et de son extraordinaire efficacité. Conjuguant ascétisme, rigueur liturgique et rejetant l'oisiveté par le travail manuel, la Regula Sancti Benedicti s'offre toujours à la fin du XIe siècle comme une formidable source d'inspiration pour les mouvements en quête de perfection tels les ordres des Prémontrés, de Grandmont ou encore de la Chartreuse fondée par Bruno de Cologne en 1084. C'est dans ce double mouvement qu'est fondé l'ordre cistercien, entre nécessité de réforme et aspiration évangélique qui marque de la même manière l'expérience de Robert d'Arbrissel qui fonde l'ordre de Fontevraud en 1091 et l'éclosion des chapitres de chanoines réguliers. « Cîteaux naît de ce désir partagé de renouveler le monachisme et d'en redéfinir la place[18]. »

[modifier] Aux origines de l'Ordre, le Cîteaux primitif

[modifier] Le cheminement de Robert de Molesme

Roseaux des bords de Saône.
Roseaux des bords de Saône.

L'aventure cistercienne commence avec la fondation par saint Robert de l'abbaye Notre-Dame de Molesme en 1075, dans la région de Tonnerre[19]. Robert, abbé à la réputation d'instabilité, épris d'austérité et de solitude, cherche a mener une vie plus conforme à l'idéal bénédictin. Après avoir dirigé de nombreuses abbayes, il rejoint un certain Aubri (ou Alberic) qui mène une vie érémitique avec un groupe de moines dans la forêt de Collan, près de Tonnerre[20]. Inspiré par l'œuvre de Pacôme, Robert installe la nouvelle communauté à Molesme en 1075, dans une vie proche de l'esprit des Camaldules[21]. Cette fondation est un succès: La nouvelle abbaye draine nombres de visiteurs et donateurs, religieux et laïcs. « Une quinzaine d'années après sa fondation, Molesme ressemble à n'importe quelle abbaye bénédictine prospère de son époque[22] ». Mais les exigences de Robert et d'Alberic sont mal acceptées. Des divisions surviennent au sein de la communauté et Robert quitte l'abbaye avec quelques compagnons de 1090 à 1093. Ils s'établissent avec quelques frères à Aulps dans le Chablais.

Il est cependant contraint de regagner l'abbaye qu'il dirige à Molesme[23]. Dans l'impossibilité d'arriver à un compromis, Robert se rend en 1097, accompagné d'une délégation, dont Aubri et Étienne Harding, auprès d'Hugues de Die, archevêque de Lyon et métropolitain de Langres[24], pour lui proposer l'établissement d'une nouvelle fondation. Ils obtiennent la bénédiction de l'archevêque, qui est le neveu de l'abbé de Cluny Hugues Ier de Bourgogne et du Duc Eudes Ier de Bourgogne. Le prélat est un proche collaborateur de Grégoire VII: il est l'un des principaux promoteurs de la réforme grégorienne en France). Il les autorise à vivre le plus fidèlement et le parfaitement selon la règle bénédictine. Ainsi que dans les premiers mois de l'année 1098, accompagné de vingt-et-un moines, il quitte Molesme pour s'installer dans la vallée de la Saône, à vingt-deux kilomètres au sud de Dijon, sur un alleu concédé par Renard, vicomte de Beaune. L'emplacement est choisi loin des lieux habités, en un lieu du nom de Cistels (roseaux)[25], désert conforme aux exigences de la vie monastique qu'il recherche[26].

[modifier] Le « Nouveau Monastère »

Étienne Harding et l'abbé de Saint-Vaast déposant leur abbaye aux pieds de la Vierge.
Étienne Harding et l'abbé de Saint-Vaast déposant leur abbaye aux pieds de la Vierge[27].

La chronologie des premiers temps de Cîteaux est fournie par trois textes, le Petit Exorde, l'Exorde de Cîteaux et le Grand Exorde ; les récits qui en sont donnés ont souvent été produits par ceux qui en furent à l'initiative[28]. La nouvelle fondation, désignée dans la documentation comme le « Nouveau Monastère » (Novum monasterium)[29], bénéficie du soutien de l'évêque de Dijon. La protection bienveillante de l'archevêque Hugues permet l'édification d'un monastère de bois et d'une humble église. Eudes de Bourgogne fait lui aussi montre de largesse et son vassal, Renard de Beaune cède les terres qui jouxtent le monastère à la communauté[30]. Robert est prié par un légat du pape de regagner sa charge à Molesme à l'automne 1099 et, suivi par un certain nombre de fidèles, il quitte un monastère affaibli numériquement et moralement. L'opinion cistercienne devait flétrir les moines qui regagnèrent Molesme[31]. L'abbatiat du nouveau monastère est confié à Albéric, ancien prieur et compagnon zélé des premiers temps de l'épopée. Entre mars 1100 et mars 1101, il décide de déplacer le site initial vers un lieu plus riche en eau[32]. Une église en pierre est édifiée sous ses ordres en 1106, à quelques centaines de mètres du site initial. Les années semblent difficiles pour la petite communauté car « les frères de l'Église de Molesme et d'autres moines voisins ne cessent de les harceler et de les troubler car ils craignent de paraître eux-mêmes plus vils et plus méprisables aux yeux du monde si l'on voit les autres habiter au milieu d'eux comme des moines nouveaux et singuliers[33]. » Cependant, la protection du duc de Bourgogne, puis de son fils Hugues II après 1102[34], et des clercs édifiés par le courage de la communauté, permet un premier essor. Quatre ans plus tard, le 19 octobre 1100, la communauté reçoit une protection du Saint-Siège (Privilegium Romanum) par la bulle Desiderium quod promulguée par Pascal II . C'est sous ce premier abbatiat pleinement légitime, que les moines troquèrent la robe noire pour l'habit de laine crue[35]. À sa mort, le 26 janvier 1109, l'anglais Étienne Harding qui avait rejoint la communauté à Molesmes, prit sa succession et ce jusqu'en 1134.

Icône de détail Article détaillé : Abbaye de Cîteaux.

[modifier] L'abbatiat d'Étienne Harding

Étienne, noble anglo-saxon à la solide formation intellectuelle, est un moine formé à l'école de Vallombreuse, qui a déjà joué un rôle majeur dans les évènements de 1098. Il entretient d'excellents rapports avec les seigneurs locaux qui lui cèdent diverses terres et des droits d'usages sur des forêts voisines. Un lien se noue entre l'abbaye et les lignages locaux. Quelques novices rejoignent le groupe[36]. Administrateur expérimenté, pour assurer l'organisation interne de la communauté et promouvoir son développement, Étienne rédige des statuts originaux, connus sous le nom de « Charte de la charité » (Charta caritatis) qui reçoivent l'approbation du pape Calixte II en 1119. Quatre abbayes-filles voient le jour, entre 1113 et 1115, date à laquelle on peut à proprement parler de la fondation d'un nouvel « ordre »[37].

[modifier] L'abbatiat de Bernard de Clairvaux

Bernard de Clairvaux recevant le lait de la Vierge.
Bernard de Clairvaux recevant le lait de la Vierge.

En 1113, alors qu'on entreprend la fondation de la première abbaye-fille, La Ferté-sur-Grosne, un jeune homme de noble famille, Bernard de Fontaine, rejoint Cîteaux, en provenance de Fontaine-lès-Dijon[38]. Son entrée chez les frères blancs est un événement majeur pour l'histoire de l'Ordre qui devait connaître éclat et rayonnement sous son autorité. Ses origines familiales et sa formations, ses appuis et ses relations, sa personnalité même expliquent en grande partie le succès cistercien.

Né en 1190 à Fontaine-lès-Dijon, instruit auprès des chanoines de Saint-Vorles (Notre-Dame-de-Châtillon), Bernard est une figure centrale de la vie intellectuelle du siècle[39] nourri par la fréquentation des auteurs latins. Sa famille est connue pour sa piété ; sa mère lui transmet son inclination pour la solitude et la méditation. Il décide de ne pas embrasser le métier des armes et cherche à se retirer du monde. Il conserve cependant durant sa vie religieuse un sens aiguë du combat. « Devenu moine, Bernard reste un chevalier qui encourage ceux qui combattent pour Dieu[40] ». Persuasif et charismatique, il décide nombre de ses parents à le suivre à Cîteaux, abbaye voisine des terres de sa famille[41]. Les jeunes nobles, accueillis chaleureusement par Étienne Harding, goûtent aux travaux des champs et se confrontent aux privations du désert. L'exemple de Bernard est bientôt suivi par nombre de nobles bourguignons ; la place vient à manquer à Cîteaux. Étienne Harding prend le parti d'édifier une nouvelle abbaye à Clairvaux. Bernard, trois seulement après son entrée dans l'ordre, consacré abbé par Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons-sur-Marne, en prend la tête le 25 juin 1115.

«  Il se donne tout entier pendant dix ans à la communauté dont il était [...] le père. Puis Clairvaux, bien établi, enraciné, devenu lui-même prolifique, éparpillant à son tour, à Trois-Fontaines, à Fontenay, à Foigny, de toutes parts sa descendance, Bernard cesse de parler seulement pour les religieux de son monastère »
    — Georges Duby, Saint Bernard et l'art cistercien,op. cit., p. 10.

Le prestige de l'abbaye de Clairveaux est tel qu'en 1118, une maison-fille est établie à Trois-Fontaines. L'année suivante, l'Ordre prend le nom du site qui avait accueilli le « Nouveau Monastère », « Cîteaux ». Cependant, le poids de l'abbaye de Clairvaux ne cesse de croître , et en particulier du fait de ses nombreuses filiales qui dépassent à nombre celle de Cîteaux, dans les décisions prises lors des Chapitres Généraux[42]. Les fondations se poursuivent ainsi les abbayes de la Cour-Dieu et de Bonnevaux. L'Ordre, à l'assise bourguignonne, gagne le Dauphiné et la Marne puis en peu de temps, tout l'Occident chrétien.


Icône de détail Articles détaillés : Bernard de Clairvaux et abbaye de Clairvaux.

[modifier] L'organisation de l'Ordre

« Nous devons être unanimes, sans divisions entre nous : tous ensemble, un seul corps dans le Christ, en étant membres les uns des autres »

— Saint Bernard, Sermon pour la Saint-Michel, I, 8.

La règle bénédictine se présente comme une synthèse entre des exigences contraires : indépendance économique et activité liturgique, activité apostolique et refus du monde. Le Statuts des moines cisterciens venus de Molesme, rédigé dans les années 1140, s'offre comme une mise en ordre de l'idéal primitif : stricte observance de la règle bénédictine, recherche de l'isolement, pauvreté intégrale, refus des bénéfices ecclésiastiques, travail manuel et autarcie. Les premiers abbés de Cîteaux avaient trouvé cet équilibre dans la simplicité rustique, dans l'ascèse et le goût de la culture. Les XIIe et XIIIe siècle, marqués par les écrits des « quatre évangélistes de Cîteaux », devaient permettre d'approfondir et d'étayer ces principes d'organisation. Mais dès l'abbatiat d'Étienne Harding, une législation voit le jour sous la forme de La Charte de charité et d'unanimité qui règle les rapports des abbayes-mères, de leurs filles et petites filles. La multiplication des créations, l'expansion de ce nouveau monachisme exige une nouvelle réflexion sur son administration. L’exemption de la juridiction épiscopale permet à l’Ordre de Cîteaux de mettre au point deux institutions qui devaient faire sa force : le système de visites des abbés-pères et le Chapitre général annuel[43]. Parallèlement, très probablement entre 1097-1099, l'abbé Étienne fait mettre par écrit le récit des fondations.

[modifier] L'« abbaye mère » et ses filiales

Premières filiales de Cîtaux au XIIe siècle
Premières filiales de Cîtaux au XIIe siècle

Dans les années 1120, les nouveaux venus intégrés dans des établissements géographiquement distants, reçoivent des formations propres à la maison qui les reçoivent. Pour favoriser la cohésion et éviter les discordes, et fonder des relations organiques entre les monastères », dès 1114, Étienne rédige une Charte d'unanimité et de charité[44]. Cette Charte, document juridique, « règle le contrôle et la continuité de l'administration de chaque maison, [...] définit les rapports des maisons entre elles et assure l'unité de l'ordre[45] ». Elle est complétée jusqu'en 1119, puis, aux vus de nouvelles difficultés, remaniées vers 1170 pour donner naissance à la Charte de charité postérieure. Dans son esprit, elle se détache du modèle clunisien de la familia hiérarchisée en offrant une large autonomie à chaque monastère quoique Cîteaux reste l'autorité spirituelle gardienne de « l'observance de la sainte règle » établie au Nouveau Monastère. Chaque monastère, selon le principe de charité, doit secours aux fondations les plus démunies et les abbayes mères assurent le contrôle et l'élection des abbés au seins des abbayes filles. L'abbé de Cîteaux garde, par ses conseils et dans ses visites, une autorité supérieure. Chaque abbé devait se rendre chaque année à Cîteaux pour le Chapitre Général, organe suprême de gouvernement, autour de la fête de la Sainte Croix (14 septembre) et à la suite desquels des statuts étaient promulgués. Cette procédure n’est pas entièrement originale puisqu’elle remonte aussi aux origines de l’Ordre de Vallombreuse, mais l’inspiration vient évidemment de la convention entre Molesme avec Aulps signée en 1097, sous l’abbatiat de Robert. Depuis la fin du XIIe siècle, le Chapitre était assisté par un comité de définiteurs nommés par l’abbé de Cîteaux, le Définitoire.Les cisterciens acceptent cependant le soutien et le contrôle de l'évêque du lieu en cas de conflit au sein de l'ordre. Ainsi, dès 1120, sur le plan juridique et normatif, l'essentiel de ce qu'est l'Ordre repose sur des principes solides et cohérents.

[modifier] Les sites cisterciens

L'abbaye de Pontigny, établie dans la vallée du Serein à la frontière des comtés d'Auxerre, de Nevers et de Tonnerre.
L'abbaye de Pontigny, établie dans la vallée du Serein à la frontière des comtés d'Auxerre, de Nevers et de Tonnerre.

«Bernardus valles amabat», « Bernard aimait les vallées ». Le choix du site cistercien a souvent répondu à cet adage comme en témoigne la toponymie cistercienne : abbaye de Cîteaux, Clairvaux, Bellevaux, Clairefontaine, Droiteval. La vallée boisée doit contenir, en de vastes étendues, tous les ingrédients qui répondent aux besoins de la vie monastique, sans se trouver top loin des axes de circulations[46]. Comment expliquer le choix de ces vallées, peu ensoleillée, qui réclament de nécessaires aménagements et parfois nouvelles installations quand le milieu se montre trop ingrat ?

Certes, le site doit permettre l'isolement conforme à la vie hors du monde et les éventuels rapports avec les seigneurs locaux doivent être pris en compte. À en suivre Terryl N. Kinder, no man's land, les vallées « délimitaient un territoire “neutre” où les nobles guerriers des deux rives faisaient la trêve, mais qui par sa position stratégique, ne convenait pas à un usage domestique[47]. »

Abbaye de Fontfroide dans son site
Abbaye de Fontfroide dans son site

Au-delà, les vallées, peu attractives, en sont que d'autant plus disponibles. Cependant, il ne faut pas exagérer le caractère malsain de ces sites et penser que les cisterciens cherchent délibérément des paluds insalubres[48]. Les mentions des « lieux d'horreurs » dans les documents primitifs renvoient à des topoï bibliques. Le site doit présenter des avantages et des ressources, et souvent le choix initial ne présente pas toutes les caractéristiques requises. Ainsi, les fondations sont souvent longues et hasardeuses et la nouvelle abbaye n'est fondée qu'à la condition que l'oratoire, le réfectoire, le dortoir, l'hôtellerie et la porterie soient bien implantée[49].

En définitive, si le choix d'une fondation dépendait d'« un savant mélange fait de piété, de politique et de pragmatisme [...] le paysage a peut-être joué un rôle dans la formation de la spiritualité du nouveau ordre[50]

[modifier] La vie quotidienne au sein du monastère

Moines bûcherons.
Moines bûcherons[51].


Plan type d'abbaye cistercienne
Légende
██ Espaces de moines██ Espaces des convers

1. Église, 2. Autel principal ou maître-autel, 3. Autel secondaire, 4. Sacristie, 5. Lavabos, 6. Escalier,
7. Clôture, 8. Chœur, 9. Banc des infirmes, 10. Entrée du cloître, 11. Chœur des convers, 12. Couloir des convers,
13. Cour, 14. Armarium, 15. Cloître, 16. Salle capitulaire,
17. Escalier du dormitorium, 18. Dormitorium des moines,
19. Latrines, 20. Parloir, 21. Passage, 22. Scriptorium, 23. Salle des novices, 24. Calefoctorium, 25. Réfectoire des moines,
26. Chaire, 27. Cuisine, 28. Cellier, 29. Parloir des convers,
30. Réfectoire des convers, 31. Passage, 32. Magasins,
33. Escalier, 34. Dormitorium des convers, 35. Latrines

Au sein de la communauté cistercienne, on distingue plusieurs groupes de frères suivant leur dignité et leur fonction, mais tous unis par la prière commune et par l'autorité de l'abbé. On distingue ainsi :

  • les frères clercs, c'est-à-dire sachant lire le latin. Parmi les clercs certains sont ordonnés prêtres, diacres, sous-diacres ou acolytes,
  • les moines dits « laïcs » ne sachant lire (illiterati),
  • les convers ou frères lais, souvent isolés géographiquement des autres frères, portant la barbe
  • les novices, l'Ordre n'acceptant pas les oblats
  • les infirmes,
  • des familiers attachés au monastère[52].


Après un an de noviciat sous la conduite d'un moine-profès, où les postulant sont soumis à la règle bénédictine qu'ils se doivent de mémoriser le plus strictement, se tient la profession devant l'ensemble de la communauté et la prononciation des trois vœux. La vie entière du moine est désormais organisée selon la règle, observée littéralement[53]. Silence, obéissance, frugalité marquent la vie des frères. Des formes de communication non verbales sont mises en place et en particulier, un langage par signe[54].


Dès les premières décennies du XIIe siècle, la vie communautaire est marquée par l'organisation des tâches manuelles qui découle d'une nouvelle conception de l'unité foncière et du rôle de l'entreprise agricole. Aux réserves et aux tenures - caractéristiques des exploitations bénédictines - sont substituées des biens fonciers légués par les seigneurs locaux, directement mise en valeur par les moines et subdivisé en parcelles autonomes, les granges (voir infra « La grange cistercienne ») qui incluent l'ensemble des édifices agricoles mais aussi les terres et points d'eaux attenants. L'exploitation en est confiée à des frères convers secondés par des ouvriers agricoles. La règle prévoit cependant qu'à certains temps du calendrier agricole, les moines de l'abbaye puissent participer aux travaux des champs[55].

[modifier] La liturgie cistercienne

« Il semble opportun [...] [que tous les frères] aient le même mode de vie, le chant et tous les livres nécessaires aux heures diurnes et nocturnes [...] de sorte qu'il n'y ait aucune différence dans nos actes, mais que nous vivions dans une seule charité, sous une seule règle et selon un mode de vie semblable. »

— Charte de Charité

L'horarium bénédictin s'impose à Cîteaux, rythmant la vie des frères du lever au coucher du soleil selon lopus dei. Un sacristain est chargé de la tâche de réveiller les moines pour l'office de nuit. Aux obligations liturgiques s'associe travail manuel et lectio divina. Cette lecture à haute voix se présente comme une véritable ascèse qui doit transformer le moine et le nourrir. La répartition des offices - sept diurnes et une nocturnes - obéit aux saisons mais aussi aux latitudes et s'adapte à la condition des frères convers. Cloches, cymbalum ou maillet appellent les frères à la prière. La vie cistercienne apparaît ainsi comme « une vie ritualisée, rythmée [...] où chaque action obéissait à des règles formelles bien précises et étaient accompagnée par des gestes rituelles [...] ou, lorsque la parole était autorisée, par de phrases rituelles[56]. »

[modifier] Expansion et réforme

Par l'action de saint Bernard qui intervient de façon plus ou moins directe comme arbitre, conseiller ou guide spirituel dans les grandes questions du siècle, l'ordre Cistercien prend le rôle de gardien de la paix religieuse. Avec le support de la papauté, des rois et des évêques admiratifs, l’Ordre prospère et grandit. Les autorités laïcs et ecclésiastiques souhaite qu'il insuffle son esprit dans l'Église régulière et séculière. Pour exemple, Pierre, abbé de la Ferté, est porté à la dignité épiscopale vers 1125. L'Ordre semble devoir jouer un rôle nouveau dans la société, rôle qu'il s'était jusqu'à présent refusé d'assumer dans le siècle.

[modifier] Cîteaux, avant-garde de l'Église

Moine cistercien, Humbeline, frère de Bernard et Jeanne de Boubais, abbesse de Flines, aux pieds de la Vierge à l'enfant, triptyque du Cellier,tempera sur bois, Jehan Bellegambe, v. 1509.
Moine cistercien, Humbeline, frère de Bernard et Jeanne de Boubais, abbesse de Flines, aux pieds de la Vierge à l'enfant, triptyque du Cellier,tempera sur bois, Jehan Bellegambe, v. 1509[57].

Cette évolution est parallèle au développement des filiales de l'ordre qui compte à la mort de Bernard, trois cent cinquante monastères[58] dont soixante-huit établis par Clairvaux. L'expansion se fait soit par essaimage, soit par substitution, soit par incorporation. Parmi les nouvelles communautés, citons l'abbaye de Noirlac et celle de Fontmorigny dont les bâtiments existent toujours dans le Cher. La ligne de Clairvaux compte jusqu’à 350 monastères, celle de Morimond plus de 200, celle de Cîteaux une centaine, seulement une quarantaine pour Pontigny et moins de vingt pour La Ferté. Dès 1113 les premières moniales sont installées au château de Jully. Elles sont instituées en 1128, à l'abbaye de Tart, dans le diocèse de Langres, à quelques lieues de Dijon, sur la rivière d'Ouche, entre Dijon et Auxonne et prennent le nom de Bernardines. Les monastères du faubourg Saint-Antoine à Paris et de Port-Royal-des-Champs sont les plus célèbres de ceux qu'elles devaient occuper par la suite.

Par suite de l'accroissement de l'Ordre, avec la fondation très rapide de centaines d'abbayes et l'incorporation de plusieurs Congrégations (celles de Savigny et d'Obazine du vivant même de saint Bernard), l'uniformité des coutumes existant au commencement se diversifia insensiblement. En 1354, l’Ordre comptait 690 maisons d’hommes et s'étendait du Portugal à la Suède, de l'Irlande à l'Estonie et de l'Écosse jusqu'en Sicile. La concentration est cependant la plus dense en terre française et plus particulièrement la Bourgogne et la Champagne[59].

Cette expansion assure aux Cisterciens une place prépondérante non seulement au sein du monachisme européen mais aussi dans la vie culturelle, politique et économique. Bernard, maître à penser de la Chrétienté, appelle les seigneurs à la reconquête de la Terre sainte le 16 février 1147 ; les Cisterciens prêchent lors de la troisième croisade (1188-1192), certains frère y participent personnellement. L'ordre se manifeste lors de l'évangélisation du Midi de la France et dans la lutte contre les cathares, dont la doctrine est condamnée et combattue par l'Église. Ils précèdent les Dominicains sur ces territoires, y assurent la prédication et organisent la répression de l'hérésie. Ils se voient chargés de missions de christianisation, protégés par le bras séculier, pénètrent en Prusse et dans les provinces baltiques. Défenseur des intérêts du Saint-Siège, ils se positionnent en dans les querelles entre le pape et l'empereur ; les Cisterciens soutiennent les visées théocratiques du pontife. Cette crise renforce, sur un plan institutionnel, l'ordre qui cherche à gagner en cohérence. À la faveur de ces nouvelles prérogatives, « une nouvelle communauté naît [...] qui s'éloigne du modèle créé par les pères fondateurs, mais qui n'est ni perverse ni pervertie [...] : ce que l'on peut appeler le second ordre cistercien[60]. »

En 1334, un cistercien, ancien abbé de l'abbaye de Fontfroide, accède à la dignité papale sous le nom de Benoît XII. Sous son pontificat, l'Ordre devait gagner en cohérence et recevoir de nouvelles d'organisations, sous la forme de la Constitution Benedictina. Le Chapitre Général exerce dorénavant un contrôle plus étroit sur la gestion des finances et des biens fonciers des abbayes, charge qui auparavant ne relevaient que du pouvoir de l'abbé. L'Ordre, fidèle à l'esprit des premiers temps, apparaît ainsi dans la première moitié du XIVe siècle comme jouissant d'un ascendant sur l'ensemble de la Chrétienté. La Constitution souligne l'importance de son action au sein de l'Église.

«  Brillant comme l'étoile du matin dans un ciel chargé de nuages, le Saint Ordre cistercien, par ses bonnes œuvres et son exemple édifiant, partage le combat de l'Église militante. Par la douceur de la sainte contemplation et les mérites d'une vie pure, il s'efforce de gravir avec Marie la montagne de Dieu, tandis que par une louable activité et de pieux services, il cherche à imiter les soins empressés de Marthe [...] cet Ordre a mérité de se répandre d'une extrémité à l'autre de l'Europe.  »
    — Benoît XII, Constitution Benedectina, 1335[62].

Cependant, dans les années 1270, l'Ordre connaît un certain repli qui se confirme dans les décennies suivantes : les fondations se font moins nombreuses, le recrutement se tarit, les dettes s'accumulent.

[modifier] Un ordre confrontés aux difficultés et aux critiques : recul et réformes

La croissance de l'Ordre l'oblige à s'adapter aux mutations médiévales et aux crises politiques et religieuses des XIVe et XVe siècle. Le clergé et le pouvoir royal français critique de plus en plus violemment les privilèges accordés à l'Ordre. Au XVe siècle, des obédiences nouvelles voient le jour et des efforts sont faits pour conserver l'unité originelle et restaurer l'édifice cistercien. Les XVe et XVIe siècles apparaissent dès lors comme une période d'essor des congrégations au sein de l'Ordre. Les monastères cisterciens profitent, durant la Guerre de Cent Ans, de leur relative autonomie mais les conflits endommagent nombre d'établissements. En particulier, le royaume de France est mis en coupe réglée par les compagnies, celles ci sont très présentes en Bourgogne et ses grands axes commerciaux. En 1360, les frères de Cîteaux doivent trouver refuge à Dijon. Le monastère est livré au pillage en 1438. Le schisme porte un second coup à l'organisation de l'Ordre. D'une part, l'exacerbation des particularisme nationaux nuit à l'unité, au-delà, les deux papes rivalisent de générosité pour s'assurer le soutien des monastères, ce qui porte « un préjudice considérable à l'uniformité de l'observance[63]. » . Les suites du Schisme et en particulier les guerres hussites sont particulièrement douloureuses aux monastères situées aux confins orientaux de l'Europe. Les abbayes d'Hongrie, de Grèce et de Syrie sont détruites lors des conquêtes ottomanes. La tenue d'un Chapitre Général plénier devient dans ces conditions de plus en plus difficile du fait des conflits armés mais aussi des distances qui séparent les différentes communautés. En 1560, seul treize abbés y sont présents[64]. Avec la multiplication des propriétés foncières, d'autres dérives voient le jour dès le XVe siècle : abbés absents ou mondains, ou encore au mode de vie seigneuriaux de plus en plus marqués chez ces derniers. L'introduction du système de la commende au Moyen Âge tardif, ne fait qu'accentuer cet état de fait. La papauté d'Avignon décide de changer le mode d'élection des abbés, cette fois élus non par leur communauté, mais par les princes et ou le souverain pontife. Le recrutement se fait de plus en plus au sein de prélats séculiers, loin des préoccupations monastiques mais soucieux des revenus abbatiaux. Ce système de commende se montre particulièrement désastreux dans les espaces français et italiens, espaces qui connaissent au XVIe siècle une détérioration rapide de leurs bâtiments cisterciens. Un certain laxisme gagne certaines abbayes. Le Chapitre Général devient une institution vidée de son contenue. Les régions orientales d'Occident et de la péninsule ibérique ne connaissent pas la même situation. Les bâtiments de Bohème, Pologne, Bavière, Espagne et Portugal sont gagnés par un mouvement de reconstruction d'inspiration baroque. Toutefois, certaines velléités de réformes se font jour dans le royaume de France. Le Chapitre général de 1422 se montre clair sur la question : « Notre Ordre, dans les différentes parties du monde où il se trouve répandu, apparaît comme déformé et déchu en ce qui touche à la discipline régulière et à la vie monastique[65]. » Le système des visites est restauré. L'urgence de la réforme apparaît bientôt à l'Ordre tout entier. Une Rubrique des définiteurs est promulguée en 1439 pour rappeler les exigences de la vie monacale, les diverses interdictions vestimentaires et alimentaires et la nécessité et dénoncer les pratiques abusives. Le Saint-Siège décide dans ces mêmes années d'abolir la pratique commenditaire[66]. C'est dans ce contexte qu'un mouvement de réaffirmation de la discipline et des exigences spirituelles se développe aux Pays-Bas, en Bohème, puis en Pologne avant de gagner l'Europe entière. Des monastères se réunissent localement, sous l'impulsion des communautés ou du pouvoir pontifical, pour former des congrégations de plus en plus autonomes du Chapitre Général. Jean de Cirey, abbé de Cîteaux, retrouve cependant, à la faveur de la reconquête de la Bourgogne par Louis XI, son rôle de chef de l'Ordre, rôle qu'il avait perdu depuis le Grand Schisme[67]. Il réunit les plus affluents abbés au collège Saint-Bernard en 1494, où sont promulgués les articles réformateurs dits de Paris. Si ces derniers sont bien accueillis, la réforme est cependant peu perceptible et reste souvent le fait d'initiatives individuelles éphémères. Le mouvement de réforme protestante devait bouleverser profondément la donne. Un grand mouvement de défection touche les communautés du Nord de l'Europe et les princes gagnés à la Réforme confisquent les biens de l'Ordre. Les monastères anglais puis écossais et enfin irlandais le sont entre 1536 et 1580. Plus de 200 établissements disparaissent avant la fin du XVIIe siècle. Avec la défection de l'Angleterre et de nombres d'États germaniques passés à la Réforme, l'histoire de l'Ordre se trouve alors recentrée pour deux siècles sur le royaume de France.

[modifier] L'Ordre à l'heure de la Contre-Réforme

Avec le mouvement de réforme catholique, l'Ordre cistercien connaît de profondes modifications sur le plan constitutionnel. L'organisation se fait provinciale, des modifications sont apportées à l'administration centrale. Des Congrégations, aux liens tenues ou inexistants avec la maison mère et le Chapitre Général, fleurissent dans l'entière Europe. En France, une réforme d'un caractère original voit le jour sous l'impulsion de l'abbé Jean de la Barrière (1544 - 1600). L'ancien commendataire du monastère des Feuillants en Haute-Garonne, fonde la congrégation des Feuillants, approuvée par Sixte V dès 1586. Il établit une tradition d'une particulière austérité dans sa communauté par un retour à l'idéal primitif cistercien. Il trouve des imitateurs en Italie et au Luxembourg. Le Chapitre Général, dans ces conditions, devient une institution caduque. On ne compte qu'une seule de ses réunions de 1699 à 1738. En définitive, cet état de fait profite à l'abbé de Cîteaux, seul autorité présentant aux yeux du monde un gage de visibilité, qui dans les sources est souvent décrit comme « abbé général »[68]. En 1601, un noviciat commun est imposé pour maintenir une discipline unique et pour survenir aux difficultés de recrutement.

Portrait d'Armand Bouthillier de Rancé, Hyacinthe Rigaud, musée Duplessis, Carpentras.
Portrait d'Armand Bouthillier de Rancé, Hyacinthe Rigaud, musée Duplessis, Carpentras.

Au XVIIe siècle, l'histoire de l'Ordre est troublée par un conflit que l'historiographie a retenu sous le nom de « guerre des Observances » et qui s'étend de 1618 aux premières années du XVIIIe siècle et devait susciter de nombreuses polémiques. Ce conflit repose, en apparence du moins, sur les respects d'obligations régulières - en particulier l'abstinence de consommation de viande. Au-delà, c'est bien l'acceptation ou du refus de l'ascétisme qui est en jeu. La controverse se double de conflits locaux entre les monastères rivaux. À l'origine, suivant l'exemple d'Octave Arnolfini, abbé de la Châtillon et d'Étienne Maugier, Denis Largentier introduit une réforme d'une grande austérité à Clairvaux et au sein de ses filiales entre 1615 et 1618. Puis, devant le Chapitre Général en 1618, une proposition de généralisation est présentée puis adoptée.

C'est là l'acte de naissance de l'Étroite Observance. Grégoire XV soutient l'initiative des réformateurs. Mais, après la tenue d'une assemblée, la congrégation soulève contre elle le mécontentement de l'abbé de Cîteaux, Pierre de Nivelle, qui s'empresse de dénoncer « une prétendue congrégation qui tend à la division, à la séparation et au schisme, [et] qui ne peut en aucune manière être tolérée[69]. » En 1635, le cardinal de Richelieu convoque un chapitre « national » à Cîteaux à l'issue duquel Pierre de Nivelle est contraint d'abdiquer. Les deux parties finissent par pouvoir disposer de structures administratives propres ; mais si l'Étroite Observance conserve le droit d'envoyer dix abbés au Définitoire, elle reste soumise à Cîteaux et au Chapitre Général. L'expérience d'Armand de Rancé à l'abbaye de la Trappe, par son influence, reste emblématique de l'exigence de la stricte observance et des visées réformatrices. Son influence au sein de son monastère comme dans le monde en fait un modèle de vie monastique du « Grand Siècle »[70]. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, des critiques virulentes sont énoncées à l'encontre du monachisme. En France, l'Ordre est profondément ébranlé en cette fin de siècle où les vocations se font rares et où l'engouement pour un monachisme austère a fait place à l'adoption d'une vie monastique beaucoup moins exigeante et donc plus exposée aux critiques, même si on détecte encore des foyers de ferveur et de fidélité aux origines et mêmes des initiatives. En 1782, à l'initiative de Joseph II d'Autriche, une éphémère Congrégation belge voit le jour.

[modifier] Après la Révolution

Moines de Salem et régiment autrichien en 1804
Moines de Salem et régiment autrichien en 1804

Au lendemain de la Révolution française ne subsiste en Europe qu'une douzaine d'établissements cisterciens. La Stricte Observance se relève en Suisse, au sein de la chartreuse de La Valsainte après avoir été chassée de La Trappe qui n'est restaurée qu'après la défaite de Napoléon. Les abbayes rescapées des guerres et des expulsions commencent à recréer des liens, à restaurer les Congrégations. La destruction de l'abbaye de Cîteaux a privé l'Ordre de son chef naturel et le renforcement des nationalismes en Europe ne facilite pas la recherche d'une solution commune. Une première réunion d'abbés cisterciens se tient à Rome en 1869. En 1891, un abbé général est élu : Dom Wackarz, abbé de Vyssi Brod (empire austro-hongrois). Il portera le titre de président général de l'Ordre cistercien. En France, les trappistes se réunissent en 1892 sous l'appellation « Cisterciens réformés de Notre-Dame de la Trappe ». À partir de 1898, les chapitres généraux se tiennent à Cîteaux, récemment récupéré. L'abbé général est installé à Rome. En 1902, les trappistes deviennent l'ordre des Cisterciens réformés ou de la stricte observance. Au cours du XIXe siècle, les trappistes fondèrent au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Syrie, en Jordanie, en Afrique du Sud et en Chine.

[modifier] L'Ordre au XXe siècle

L'Ordre cistercien (O. Cist.) s'est implanté pour sa part au Brésil, en Éthiopie ainsi qu'au Vietnam. Il se développe dans les pays en voie de développement, en particulier au Brésil et au Nigeria.

Aux côtés des Cisterciennes officiellement incorporées à l'une ou l'autre des deux branches, nombreuses sont les communautés de femmes, vivant dans une mouvance spirituelle cistercienne, qui se regroupent en ordre ou congrégation : bernardines d'Esquermes, bernardines d'Oudenaarde, bernardines de Suisse romande.

[modifier] Évolutions techniques

Moulin hydraulique de Braine-le-Château XIIe siècle
Moulin hydraulique de Braine-le-Château XIIe siècle

Du XIe au XIIIe siècle une véritable révolution industrielle s'opère dans l'Occident médiéval. Elle est portée par la monétarisation croissante de l'économie depuis l'introduction du denier d'argent par les carolingiens au VIIIe siècle. Plus adapté que la monnaie d'or, héritée de l'Antiquité, qui ne convient que pour des transactions très onéreuses, le denier d'argent permet l'introduction de millions de producteurs et de consommateurs dans le circuit commercial[71]. Les paysans commencent à pouvoir revendre leur surplus et deviennent donc intéressés à produire au-delà de ce qui est nécessaire à leur subsistance et aux droits seigneuriaux[72]. Il devient plus rentable pour les propriétaires, ecclésiastiques ou laïcs, de prélever une redevance à des paysans auxquels ils ont confié des terres que de faire cultiver leurs terre par des esclaves (qui disparait en Occident). Pour augmenter encore cette productivité ils fournissent des charrues, investissent dans des équipements améliorant la productivité : moulins à eau en remplacement des meules à bras, pressoirs à huile ou à vin (en remplacement du foulage)[73], etc. Ce phénomène est attesté par la multiplication des moulins, des routes, des marchés et des ateliers de frappe de monnaie dans tout l’Occident dès le IXe siècle[74]. Les abbayes sont souvent le fer de lance de cette révolution économique, mais pour les Clunisiens, le travail manuel est avilissant et ils se consacrent le plus possible à des activité spirituelles. Dans l'esprit des Cisterciens, qui refusent de devenir des rentiers du sol, le travail manuel est au contraire valorisé[75]. Plutôt que confier leur domaine foncier à des tenanciers, ils participent eux même au travail de la terre[75]. Bien entendu, leurs obligations liturgiques occupent une grande partie de leur temps, mais ils sont suppléés par les frères convers qui sont plus spécifiquement chargés des tâches matérielles (en 1200 une abbaye comme Pontigny compte 200 moines et 500 convers[75] ; à Clairvaux, les moines disposaient de 162 stalles, 328 étaient réservées au convers[76]). Dès lors qu'ils sont eux-mêmes impliqués dans le travail manuel et qu'ils ont pour idéal de rendre la terre la plus féconde possible les cisterciens vont s'ingénier à améliorer les techniques le plus possible. Les progrès se transmettent entre abbayes par le biais de manuscrits ou par le déplacement de moines. Les frères convers, qui vivent en dehors de l'abbaye, participent eux à la diffusion des améliorations techniques aux populations locales: Les cisterciens sont des vecteurs de première importance dans la révolution industrielle du Moyen-Age. L'ordre apparaît comme une véritable puissance économique.La véritable envolée se produisit entre 1129 et 1139 et un tel dynamisme suscita bien des problèmes : incorporation de monastères qui gardent un coutumier non conforme à l’esprit de la Charte de Charité, choix d’implantations difficiles, difficultés pour les abbayes-mères de pouvoir effectuer les visites annuelles, danger des prélèvements trop fréquents d’effectifs qui épuisent les abbayes-mères.

[modifier] Progrès agricoles

[modifier] Optimisation des ressources agricoles

Cisterciens travaillant aux champs
Cisterciens travaillant aux champs

Les cisterciens n'occupent qu'une part modérée dans les défrichages qui marquent la croissance économique et démographique médiévale[77]. Ils s'attachent plus à valoriser des terres à l'écart des grandes agglomérations naissante, pour répondre à leur idéal de s'installer au désert[78]. Il s'agit souvent d'un capital foncier ancien tombé en déshérence. Ils n'hésitent pas à racheter des villages préexistants quitte à en chasser les occupants pour les réorganiser différemment suivant leurs propres règles d'exploitation[79]. Ils ont en général, plutôt exploité au mieux les ressources locales en valorisant les forêts plutôt que de les détruire. Cependant ils existe certaines abbayes ou les moines ont participé au grand élan de défrichage médiéval : En Autriche et en Allemagne ils font reculer le front forestier vers l'est, sur la cote flamande l'abbaye des dunes parvient à conquérir 10000 Hectares sur l'eau et le sable, en région parisienne transformé des marécages en terres pacables ou sur la cote atlantique en marais salant[79]. Mais défricher n'est pas leur objectif premier, il est un moyen parmi d'autre de s'établir là ou il y a encore de la place pour y mener une politique d'autarcie économique[79]. Ils sont ainsi pionniers dans l'élaboration au XIIIe siècle de règlements d'exploitation forestière[79]. En effet, la forêt permet de s'approvisionner en bois de chauffage et de construction, en fruits et racines de toutes sortes. Les cisterciens débroussaillent et rationalisent la coupe et la pousse des espèces : par exemple les chênes produisent des glands et permettent d'y faire paître les cochons[80]...

[modifier] La grange cistercienne

Grange de l'abbaye de Maubuisson
Réserve du monastère cistercien de Santa María de Huerta dans la Province de Soria en Espagne.
Réserve du monastère cistercien de Santa María de Huerta dans la Province de Soria en Espagne.

Les cisterciens n'inventent pas la rotation biennale , l'assolement triennal ou l'outillage agricole, mais savent en observant les pratiques paysannes créer de véritables fermes modèles : les granges cisterciennes. Il s'agit de domaines ruraux cohérents avec bâtiment d'exploitations et d'habitations regroupant des équipes de convers spécialisés dans une tache et dépendants d'une abbaye mère[81]. Les granges ne doivent pas être situées à plus d'une journée de marche de l'abbaye, et la distance qui les sépare les unes des autres est d'au moins deux lieues (une dizaine de kilomètres). Les granges cisterciennes optimisent les capacités de production agricole en introduisant une spécialisation de la main-d'œuvre. Chaque grange est exploitée par cinq à vingt frères convers (ce qui est un nombre idéal du point de vue de la gestion car au-delà d'une trentaine de personne le simple sentiment de faire partie d'un groupe ne suffit plus à motiver toute la main d'œuvre à la tache), au besoin aidés de ouvriers agricoles salariés et saisonniers. La production des granges sont très largement supérieures au besoin des abbayes qui revendent alors leurs surplus. Ces granges, parfois très importantes (des centaines d'hectares de terres, prés, bois), rassemblent près d'un million d'hectares. Ce système d'exploitation connaît aussitôt un succès énorme. Un siècle après la fondation de Cîteaux, l'ordre compte plus de mille abbayes, plus de six mille granges réparties dans toute l'Europe et jusqu'en Palestine.

[modifier] Viticulture

Au moyen age le vin qui est plus salubre que l'eau et a donc une importance vitale. Les moines blancs l'utilisent pour leur usage propre et surtout pour la liturgie. De part son usage sacré, ils ont une exigence qualitative[82]. Les cisterciens se font céder une vigne pour chaque abbaye afin quelle puisse couvrir ses besoins propres[83]. Ils choisissent des sols propices sur des pentes ayant une orientation garantissant un bon ensoleillement, utilisent pour maturer leur vins en isothermie les carrières creusées pour d'édification de leurs abbayes[84] et développent une production de qualité qui n'est voué au commerce qu'à partir de 1160 dans les régions favorables à une production massive comme en Bourgogne. Leur très performante organisation commerciale leur permet d'exporter leur vin jusqu'en Scandinavie ou en Frise[85]. On sait que les moines de Citeaux furent propriétaires de vignes à Meursault après donation par Eudes Ier de Bourgogne en 1098 (l'année même de leur installation) à leur abbé Robert de Molesme[83]. Cependant actuellement leur importance dans la création des grands crus bourguignons est actuellement modérée car les techniques employées ne diffèrent pas de celles des autres producteurs. D'autre part, les critères recherchés étaient à l'époque très différents des standards actuels en œnologie et on ne sait pas s'ils produisaient du blanc du rouge ou du clairet.

[modifier] Sélection des espèces

Labours à la charrue. Gravure d'après enluminure.
Labours à la charrue. Gravure d'après enluminure[86].

L'élevage est une source de produits alimentaires (viandes, laitages fromages), mais aussi de fumure et de matières premières pour l'industrie du vêtement (laine, cuir) et des produits manufacturés (parchemins, corne). Mais aussi,au moyen-age la traction animale est une source d'énergie primordiale autant pour le transport que pour les travaux agricoles. Ainsi Bernard de Clairvaux missionne-t-il des moines de son abbaye en Italie pour en ramener des Buffles mâles pour pratiquer des croisements[80]. La même pratique est réalisée pour la sélection de chevaux qui plus légers permettent de travailler des sols bruns ou le bœuf s'embourbe. Les cisterciens permettent ainsi avant tout le monde de mettre en culture des terres considérées jusqu'alors comme inexploitables[80]. Cet effort d'importation, de sélection et de reproduction porte avant à répondre à la demande de trait car les cisterciens voués à un idéal de pauvreté ne consomment que peu de viande.

De la même manière les cisterciens ont une grande responsabilité dans la réputation de la laine anglaise qui est la matière première la plus importante de l'industrie médiévale. Elle est indispensable aux drapiers Flamands et aux commerçants italiens dont l'une des activité principale est la coloration des draps (en 1273 les éleveurs anglais tondent 8 millions de bêtes, soit 3500 tonnes de laine exportées!)[87]. La taxe sur la laine est la première ressource fiscale pour le roi d'Angleterre! Les acheteurs Italiens et Flamands cherchent à signer des contrats avec des moines cisterciens spécialisé dans l'élevage ovin, car leurs animaux soigneusement sélectionnés offrent tous les gages de qualité et l'organisation extrêmement centralisée des monastères cisterciens leur permet de n'avoir qu'un interlocuteur même pour des volumes de transactions extrêmement importants (l'abbaye de Fountains dans le compté d'York élèvent jusqu'à 18000 têtes, Rievaulx 14000, Jervaulx 12000...)[87].

[modifier] Pisciculture

Leur règle limitant la quantité de viande dans l'alimentation, les cisterciens développent la pisciculture dans les milliers d'étangs crées par les retenues d'eaux générées par les nombreux barrages et digues qu'ils construisent pour irriguer leurs terres et leurs monastères[88]. L'introduction de la carpe en occident est parallèle à l'expansion de l'ordre[89]. Les moines blancs maitrisent le cycle de reproduction de la carpe: ils construisent des étangs peu profonds et ombragés destinés à faire croitre les jeunes carpeaux (alvinières), ces derniers étant transférés dans des étangs plus profonds où ils sont péchés en fin de croissance. La productions est très largement supérieure aux besoins des abbayes et une grande partie est revendue.

[modifier] Progrès technologiques

[modifier] Génie hydraulique

Lavabo collectif de l'abbaye du Thoronet
Lavabo collectif de l'abbaye du Thoronet
Le bâtiment des latrines et le fossé d'assainissement de l'abbaye de Maubuisson
Le bâtiment des latrines et le fossé d'assainissement de l'abbaye de Maubuisson

La règle bénédictine veut que chaque monastère doit disposer d'eau et d'un moulin. L'eau permet de boire, se laver, d'évacuer ses déchets[90] et d'abreuver les troupeaux. Au-delà, les besoins en eau répondent à des nécessités liturgiques et industrielles. Cependant il faut éviter les risques d'inondations, et le lieu choisi est souvent en légère surélévation : il faut donc amener le précieux liquide[91]. Les clunisiens s'établissent dans des lieux reculés ou il faut faire transiter l'eau sur un grande distance, ou au contraire dans des zones marécageuses qu'ils assèchent en réalisant des barrage en amont. Ils se spécialisent dans le génie hydraulique, construisant barrages et chenaux[92]. Dès 1108, la croissance de la population monastique de Cîteaux oblige les frères à déplacer l'abbaye de 2,5 km pour s'établir au confluent de la Vouge et du Coindon[92]. En 1206, il faut encore augmenter le débit hydraulique et un bief de 4km est creusé. Mais les capacité de la vouge qui n'est qu'un petit cours d'eau sont vite dépassées, les moines s'attaquent à un chantier encore plus important: détourner la Cent-Fonts, qui assurerait un débit minimal de 320 litres par seconde[93]. Après avoir négocié le passage au duc de Bourgogne et au chapitre de Langres. Le chantier est énorme car en plus du canal de 10 km à creuser , il faut réaliser un aqueduc, le pont des Arvaux, de 5 m de haut afin de permettre le passage du canal au-dessus de la rivière Varaude[90]. Mais le résultat est à la hauteur des efforts engagés : augmente considérablement le potentiel énergétique de l'abbaye avec une chute d'eau de 9 mètres[94], au moins un moulin et une forge furent installés sur le nouveau bief au moins un moulin et une forge sont installés sur le nouveau bief[95].

Les barrages réalisés en amont ont aussi un rôle nourricier: les poissons péchés dans les étangs de retenue se retrouvent souvent dans l'assiette des moines[88]. D'autre part l'irrigation des monastères permet d'installer l'eau courante, amenée si besoin par des canaux souterrains, voir sous pression[96]. Les moines utilisent pour cela des canalisation en plomb, en terre cuite ou en bois. Par endroit, le débit peut être coupé par un robinet en bronze ou en étain[96]. Certaines abbayes comme Fontenay sont équipées du tout-à-l'égout[96]. Beaucoup d'abbayes se trouvant au fond de vallées, il faut évacuer efficacement les eaux de pluie: un collecteur, nettoyé en permanence par l'eau d'une digue barrant la vallée, passe sous la cuisine et les latrines, reçoit toutes les eaux usées provenant de de canalisations secondaires issues des différents bâtiments. À Cleeve ou Tintern les égouts très larges contiennent des vannes qui permet de lâcher un grand volume d'un coup et de les purger à la manière d'une chasse d'eau[96].

canaux du marais Poitevin.
canaux du marais Poitevin.

La grande connaissance de l'hydraulique par les cisterciens leur permet de transformer des rivières capricieuses, qui changeaient souvent de cours et étaient sujettes à de nombreuses crues, en cours d'eau régulés pour les besoins domestiques, énergétiques et agricoles des moines. Celà permet de rendre exploitables de grandes étendues de terres au auparavant délaissées pour leur insécurité hydrique. Avec la croissance économique les besoins en pâturage se développent : l'industrie textile se développe et il faut plus d'ovins la populations croit et s'enrichit: il faut plus de bovins pour produire de la viande et des laitages. Dès le le XIIe siècle les propriétaires fonciers commencent à assécher les marais pour étendre la surface de pâturages disponibles. À la fin du XIIe siècle les défrichages atteignent un point culminant et le bois en se raréfiant se renchéris, une plus grande attention est porté à l'exploitation forestière dont le rôle nourricier reste indispensable. Les terres sont alors gagnées sur l'eau[97]. En particulier en Flandre, où on atteint une limite en densité de population, les abbayes cisterciennes réalisent des travaux d'endiguement dans le prolongement de leurs travaux commencés dès le XIe siècle. Aux XIIe et XIIIe siècles, la poldérisation à grande échelle du marais poitevin est réalisée par des associations d'abbayes avec la mise sur pied de plans cohérents de drainage[97]. Ils maîtrisent aussi la végétation au bord des cours d'eau. Par exemple ils plantent des saules dont les racines soutiennent la terre des digues ou des canaux[98].

Ils valorisent au maximum les terrains qu'ils exploitent. Dans le sud de la France, ils créent de classiques réseaux d'irrigation qu'il généralisent dans les régions septentrionales. Par exemple dans la vallée de l'Aude où les hivers sont rigoureux, l'eau de l'Aube est dérivée par de petit canaux de 50 centimètres. Ce système permet en plus de la simple irrigation, de drainer les eaux stagnantes des ancien marais, d'apporter des éléments azotés indispensables pour la croissance des herbes et d'accélérer le réchauffement des terres (l'eau conduit 1000 fois plus la chaleur que l'air)[88]. Ce système se diffuse dans toute l'Europe du Nord.

Si les cisterciens sont particulièrement performants dans la gestion de l'eau, il ne faut cependant pas imaginer qu'ils sont les seuls, ils s'inscrivent dans une évolution globale. Les techniques d'irrigations sont passées en occident via l'Espagne musulmane et la Catalogne ou Cluny est très implantée. En effet, les musulmans arrivés en Espagne au VIIIe siècle étaient en majorité issus de milieux agricoles. Les andalous en précurseurs, aidés par une pression fiscale favorable à l'augmentation des rendements et a la pratique de l'irrigation ont fait de l'agriculture une science ce qui entraîne une augmentation fulgurante des récoltes et l'amélioration de la qualité des produits sur la base d'études des terres, l'adaptation des espèces cultivées à celles-ci, l'utilisation d'engrais naturels efficaces, le développement de l'irrigation par canaux. L'abbaye de Cluny n'aurait pu se développer sans aménager la vallée de la Grosne. De même les comtes de Champagne dérivent la Seine pour assécher les environs de Troyes, lui fournir l'énergie hydraulique dont elle a besoin et un système d'évacuation des eaux[99].

[modifier] Industrie

Vanne alimentant la roue à aube (aujourd'hui disparue) de la forge de l'abbaye de Fontenay
Vanne alimentant la roue à aube (aujourd'hui disparue) de la forge de l'abbaye de Fontenay

Le moulin hydraulique se diffuse pendant toute la période médiévale (il est une source de rentrées financières importantes pour la noblesse et les monastères qui investissent donc massivement dans ce type d'équipements). L'utilisation de l'énergie hydraulique plutôt qu'animale ou humaine permet une productivité sans comparaison avec celle disponible dans l’Antiquité : chaque meule d'un moulin à eau peut moudre 150 kg de blé à l'heure ce qui correspond au travail de 40 esclaves[100]. Les monastères sont dès l'époque carolingienne en pointe dans ce domaine car la règle bénédictine veut qu'il y ait un moulin dans chaque abbaye[101]. Les moines blancs utilisent les techniques en vogue dans leur région: moulins à roue verticale au nord et à roue horizontale au sud[89]. Au XIIe siècle les ingénieurs médiévaux mettent aussi au point des moulins à vent à pivot vertical (qui permet de suivre les changements de direction du vent) ou à marée qui sont inconnus dans l’Antiquité ou dans le monde arabe[102]. Avec la mise au point de l'arbre à came au Xe siècle, cette énergie peut être utilisée pour de multiples usages industriels[103]. Ainsi apparaissent des moulins à foulons qui sont utilisés pour écraser le chanvre, moudre de la moutarde, aiguiser les lames, fouler du lin, du coton ou des draps (dans cette opération importante dans la fabrication des étoffes le moulin remplace 40 ouvriers foulons)[103]... Des scies hydrauliques sont attestées au XIIIe siècle[104].

Forge de l'Abbaye de Fontenay
Forge de l'Abbaye de Fontenay

De ces innovations technologiques, qu'ils utilisent avec une grande acuité (il furent parmi les premiers à utiliser les foulons hydrauliques[105]), seul le marteau hydraulique peut véritablement être imputé aux moines cisterciens qui en généralisent l'emploi dans toute l'Europe[106]. Les cisterciens ont en effet besoin d'outillage agricole, mais aussi de terrassement, de construction, de clous pour les charpentes, de ferrures pour leur vitraux ou de serrures et quand les techniques architecturales évoluent d'armatures en fer pour leurs bâtiments. Ils modifient les techniques traditionnelles en mécanisant certaines étapes du travail du fer[107]. Dès le XIIe des forges actionnées à l'énergie hydraulique démultiplient la capacité de production des forgerons : l'utilisation de marteaux pilons permet de travailler des pièces plus imposantes (les marteaux de l'époque pouvaient peser 300kg et frapper 120 coups à la minute[108]) et plus rapidement (des marteaux de 80 kg frappant 200 coups à la minute[108]) et l'insufflation d'air sous pression permet d'obtenir des aciers de meilleure qualité (en élevant la température à plus de 1200° à l'intérieur des fours[108]). Dès 1168 les moines de Clairvaux vendent du fer[105]. Cette industrie sidérurgie est très gourmande en bois : pour obtenir 50kg de fer, il faut 200kg de minerai et 25 stères(m3) de bois: en 40 jours une seule charbonnière déboise une forêt sur un rayon de 1km[109]!

Les Cisterciens maitrisent aussi les arts verriers. Ils disposent de fours permettant de couler du verre plat. Malgré les instructions de Bernard de Clairvaux, qui prônait une sobriété rigoureuse, ils développent un type de vitraux original: la grisaille.

Pour les besoins de leurs constructions les cisterciens durent fabriquer des centaines de millions de tuiles. Le four de Commelle en est la parfaite illustration : il permet de cuire entre 10 000 et 15 000 tuiles à la fois. Elles sont enfermées dans le four rangées en quinconce, Le four étant obturé par des briques réfractaires enduites d'argile pour parfaire l'isolation. le foyer est alimenté pendant 3 semaines et il faut autant de temps pour que le four et les tuiles refroidissent[110]. Ces fours ont été aussi utilisés pour fabriquer les carreaux de sol des abbayes.

[modifier] Économie

[modifier] Patrimoine foncier

Une active politique d'acquisitions foncières aidée, à ses débuts, par la popularité du mouvement (qui recueille un grand nombre de legs et donations) rend rapidement l'ordre propriétaire d'un sol mis en valeur par quelque 200 granges et celliers dont certains sont parfois être très éloignés de l’abbaye. Leur génie est surtout de rendre exploitables les terres acquises qui sont souvent incultes avant leur arrivée.

Borne domaniale cistercienne de l'abbaye de moniales de Tart (Côte-d'Or)
Borne domaniale cistercienne de l'abbaye de moniales de Tart (Côte-d'Or)

Leur stratégie ne doit rien au hasard : ils réservent une attention toute particulière à l'acquisition de cours d'eau et des moulins indispensables à leur développement. Ils peuvent aller jusqu’à payer au prix fort le droit d’accès au cours d'eau convoité. Ainsi, l'abbaye de Cîteaux doit payer 200 livres dijonnaises au chapitre de Langres pour obtenir le droit de faire passer une dérivation de la Cent-Fonts[90]. Cette même abbaye se retrouve dans des soucis financiers quelques années plus tard. Dès lors le contrôle des eaux devint une priorité pour l'Ordre. Usant d'une habile politique d'acquisition, via des donations ou d'achats portant sur des terres souvent considérées comme inexploitables qu'ils peuvent valoriser grâce à leur savoir faire dans le domaine de l'hydraulique, les moines blancs se rendent maîtres de nombreux de cours d'eau. Ceci leur procure un pouvoir économique et politique très importants : ils peuvent assécher les terres en aval et priver tel ou tel seigneur d'énergie hydraulique. Les nombreux actes de procès qui ont opposé les cisterciens à ces seigneurs attestent de la fréquence des conflits portant sur la question de l'accès à l'eau[89]. Ces démêlés judiciaires contribuent à rendre l'Ordre impopulaire d'autant que cette politique d'acquisition foncière se fait au détriment des habitants qui furent parfois purement et simplement expulsés[111]. Un siècle après la fondation de Cîteaux, l'ordre compte plus de mille abbayes, plus de six mille granges réparties dans toute l'Europe et jusqu'en Palestine.

Dans la deuxième moitié du XIIe siècle, l'ordre essaye de tirer des profits financiers de son patrimoine foncier et investit massivement dans les vignobles et les salines. Ainsi, Cîteaux agrandit son domaine par l’acquisition de vignobles dans le secteur de Corton, de Meursault et de Dijon et devient propriétaire d’une chaudière à sel sur le gisement de Salins. Il est a noter que les cisterciens n'exploitent pas eux même leurs salines et n'y apportent donc aucun savoir faire technique. En effet, leur exploitation est confiée à des paysans sauniers (et non a des convers) qui conservent les 2/3 de la récolte. Les investissements nécessaires pour l'entretien des salines (digues, pieux...) sont confié à un bourgeois investisseur qui reçoit en échange le tiers restant du sel produit. Les cisterciens prélèvent eux un cens sur les revenus des paysans sauniers[112]. Leur investissement dans les salines est donc purement financier. Il n'en est pas moins massif : les monastères de Saint-Jean d'Anjely, Redon, Vendôme et ceux de la région bourguignonne investissent massivement dans les salines des côtes atlantique et méditerranéenne ou dans les salines de Franche-Comté, de Lorraine , d'Allemagne, d'Autriche (leur exploitation est minière)[113]...

[modifier] Puissance commerciale

Plus qu'un immense patrimoine foncier parfaitement valorisé par une excellente maîtrise technique et organisationnelle, c'est l'instauration d'un excellent réseau commercial qui donne aux cisterciens une puissance économique de premier ordre.

Implantation des Cisterciens en Bourgogne au XIIe siècle
Implantation des Cisterciens en Bourgogne au XIIe siècle

Au moyen-age, les voies commerciales principales sont fluviales et maritimes: les routes longent les fleuves ou font la jonction entre les bassins fluviaux, mais permettent des débits biens inférieurs. Dès le départ, les abbayes placées le long de rivières elles même affluents de grands fleuves sont idéalement placées pour écouler leurs produits vers la ville. Cîteaux et ses premières filiales sont implantée en Bourgogne, c'est à dire dans la zone de jonction entre les 3 principaux bassins fluviaux français : le Rhône, la Loire et la Seine. En effet, Cîteaux est implantée sur la Vouge , elle même affluent de la Saône qui permet la jonction entre le couloir rhodanien (un des principaux axes commerciaux entre la Méditerranée et L'Europe du nord), le bassin de la Seine (Paris est le principal centre de consommation d'Occident avec 200 000 habitants à la fin du XIIIe siècle) et la Loire accessible par l'Arnoux. L'expansion de L'ordre en Franche-Comté lui permet de contrôler des salines mais aussi de faciliter son accès au Rhin via le Doubs. De simples barques à fond plat suffisent pour transporter les denrées sur ces rivières calmes. De part leurs implantations les Cisterciens sont partout sur ces axes commerciaux fluviaux : sur la Garonne et la Loire qui conduisent à l'atlantique et donc à l'Angleterre et l'Europe du Nord, La Seine et ses affluents qui mènent à Paris puis Rouen et donc à la Manche, le Rhin (et la Moselle ou le Main) vers les régions peuplées et commerçante contrôlées par la Hanse, sur le Po, le Danube[114]… Les cisterciens sont maîtres d'un réseau commercial couvrant toute L'Europe.

Les cisterciens usent de leurs pouvoir politique et économique pour obtenir des exemptions de péages. Contrôlant les débits des rivières de part les digues et chenaux qu'ils ont construit, ils peuvent peser sur les seigneuries situées en aval de leurs possessions (qui ont besoin d'eau pour faire tourner leurs moulins et irriguer leurs terres) et y négocier des droits de passage ou soutien politique en position de force[89]. On sait ainsi que Pontigny peut ainsi faire entrer 500hl hors taxes dans la ville de Troyes, Vaucelle peut transporter 3000 hl en franchise sur l'Oise, Grandelve 2500 hl sur la Garonne[84]… Patiemment, ils obtiennent des exemptions fiscales sur les axes commerciaux qu'ils utilisent et peuvent augmenter leur marge sur les produits qu'ils commercialisent[114].

Les volumes écoulés par les moines blancs se comptent en milliers d'hectolitres de vin : Ederbach expédie 2000hl par le Rhin aux marchands de Cologne, l'abbaye peut y stocker 7000 hl au XVIe siècle[84].

Bien que s'établissant en des lieux reculés au départ, les moines blancs acquièrent néanmoins des possessions en ville. Celles ci sont en effet utiles pour accueillir les moines qui voyagent entre les abbayes ou sur les chemins de pèlerinages. Quand viennent les réunion générales de l'ordre, il faut pouvoir loger des centaines d'abbés. Mais, les cisterciens les transforment en comptoirs dès que le besoin s'en fait sentir à la fin du XIIe siècle. Il s'agit de véritables granges urbaines mais aussi de relais pour les moines qui sillonnent L'Europe pour affaires (ou autres raisons)[115]. On y vends les produits de l'ordre: vins, sel, verre, produits manufacturés en métal… Les maisons de Citeaux à Beaune et de Clairvaux à Dijon, par exemple, jouent le rôle de cellier avec pressoirs, cuveries et caves. Les moines blancs ouvrent bientôt des relais sur les cours d'eau vers les zones d'échanges commerciaux (Paris , Provins, Sens...). Il existe par exemple un relais à Auxerre où les marchandises venues de la Saône peuvent être emmenées via l'Yonne jusqu'à la Seine (l'ordre possède un relais à Montereau au confluent[116]) et donc Paris, Rouen voir l'Angleterre. Les cisterciens ouvrent des comptoirs pour écouler leurs marchandises tans toutes les villes où se concentrent les consommateurs (comme Paris ville la plus peuplée d'occident) et les nœuds commerciaux comme Provins (ou ont lieux les foires de Champagne), Coblence[117]...

Les Cisterciens en obtenant par sélections des ovins produisant une laine de très grande qualité. Les abbayes anglaises exportent massivement cette matière première. Les acheteurs Italiens et Flamands cherchent à signer des contrats avec des moines cisterciens spécialisé dans l'élevage ovin, car leurs animaux soigneusement sélectionnés offrent tous les gages de qualité et l'organisation extrêmement centralisée des monastères cisterciens leur permet de n'avoir qu'un interlocuteur même pour des volumes de transactions extrêmement importants (l'abbaye de Fountains dans le compté d'York élèvent jusqu'à 18000 têtes, Rievaulx 14000, Jervaulx 12000...)[87].

[modifier] Dérives

La transformation des cisterciens en décimateurs ordinaires est acquise avant les années 1200[118]. Dès lors, ce qui fait la popularité de l'Ordre à ses débuts disparait et il décline au profit des ordres mendiants.

[modifier] Art cistercien

Icône de détail Article détaillé : Art cistercien.

En 1134, lors d'une réunion du Chapitre général de l'ordre, Bernard de Clairvaux qui est au sommet de son influence, recommande la simplicité dans toutes les expressions de l'art[119].Dès lors, les cisterciens vont développer un art dépouillé et souvent monochrome.

[modifier] Architecture

Architecture cistercienne
Réfectoire de l'abbaye de Fountains (Yorkshire)
Arcs brisés de l'église abbatiale de Fontenay
Arcs brisés de l'église abbatiale de Fontenay
Salle capitulaire de l'abbaye de Santes Creus (Catalogne)
Salle capitulaire de l'abbaye de Santes Creus (Catalogne)
Cloître de l'abbaye de Sénanque (Vaucluse), chapiteau orné
Cloître de l'abbaye de Sénanque (Vaucluse), chapiteau orné
Nef de l'église abbatiale de Pontigny (Yonne), croisée d'ogives
Nef de l'église abbatiale de Pontigny (Yonne), croisée d'ogives

Les abbayes cisterciens se distinguent par la simplicité et la sobriété de l'architecture et des ornements. En 1134, le chapitre général prescrit une série de mesure concernant l'art sacré, les lieux saints ne devant recevoir aucun décor sculpté ou orné. La couleur devait être réservée aux enluminures[120]. Les abbayes cisterciennes connaissent l'évolution de l'architecture romane vers le gothique (arc brisé) et se caractérisent par un grand dépouillement des lignes et de la décoration. Les oculi des abbatiales reçoivent des vitres blanches sans croix et sans couleurs. Aux tympans des portails et aux chapiteaux des églises, pas de sculptures car rien ne doit détourner la pensée de l'idée de Dieu[119]. Le chapitre général de 1135, sous l'influence de Bernard de Clairvaux est très directif sur les contraintes architecturales: il s'agit de traduire la Règle bénédictine dans l'espace. On doit respecter le carré monastique (le cloître issu de la Villa romaine). Les architectes cisterciens bâtissent leur plan sur des considérations fonctionnelles liées aux aménagement hydrauliques, la lumière ou les matériaux disponibles dans la région, mais en respectant les recommandation de Bernard de Clairvaux qui a défini les bâtiments nécessaires pour servir Dieu selon la Règle: l'oratoire, le réfectoire, le dortoir, l'hôtellerie et la porterie[119].

Au XIIe le roman a atteint sa maturité mais, à partir de la seconde moitié du siècle, les cisterciens vont impulser la transition vers le gothique. Les maître-d'œuvre cisterciens doivent concilier les exigences de construction en pierre pour limiter les risques d'incendie, de construction élevées et lumineuses (en phase avec leur spiritualité), sans trop augmenter le coût des chantiers. La croisée d'ogive permet de répondre à ce triple défi ; moins consommatrice en pierre que la voûte romane, elle en augmente la hauteur[121].

[modifier] Chant

[modifier] Vitraux

Église abbatiale d'Obazine
Église abbatiale d'Obazine
Vitraux de l'abbaye de Pontigny
Vitraux de l'abbaye de Pontigny

En 1150, une ordonnance stipule que les vitraux doivent être « albae fiant, et sine crucibus et pricturis », blancs, sans croix ni représentations. Motifs géométriques et végétaux sont les seules représentations jusqu'en 1316: palmettes, résilles, entrelacements qui peuvent rappeler l'exigence de régularité prônée par saint Bernard. Ainsi jusqu'au milieu du XIIIe siècle, les vitraux cisterciens sont exclusivement des verrières dite en grisaille dont les motifs s'inspirent de pavements romans. Les vitraux blancs dominent ; moins coûteux, ils correspondent aussi à un usage métaphorique comme certains ornements végétaux[122]. Les abbayes de La Bénisson-Dieu (La Bénisson-Dieu, Loire), d'Obazine (aujourd'hui Aubazine, Corrèze), de Santes Creus (Catalogne), de Pontigny et de Bonlieu sont représentatifs de ce style et de ces techniques. Des fours à verres sont présents dans le temporel des cisterciens dès le XIIIe siècle. L'apparition du verre figuré décoratif dans les églises cisterciennes coïncide avec le développement du mécénat et des donations aristocratiques. Au XVe siècle, le vitrail cistercien perd sa spécificité pour s'apparenter aux créations de la plupart des édifices religieux.

[modifier] Carreaux

Carreau décoré provenant des vestiges de l'Abbaye de Tart, Côte-d'Or
Carreau décoré provenant des vestiges de l'Abbaye de Tart, Côte-d'Or

[123]

[modifier] Les cisterciens et la culture

[modifier] Manuscrits

Bibliothèque de l'abbaye de Salem, v. 1880.
Bibliothèque de l'abbaye de Salem, v. 1880.
Manuscrit de l'abbaye de Morimond
Manuscrit de l'abbaye de Morimond

L'une des principales activité des abbayes est la copie de manuscrits. Les moines blancs ne sont pas en reste. Il existe un véritable réseau d'échange qui permet aux abbayes de se procurer les textes dont elles ont besoin pour les copier. On trouve dans les grandes bibliothèques cisterciennes de Cîteaux, Clairvaux ou Pontigny des Bibles, des textes des pères fondateurs de l'Église, des écrivains de la fin de l'Antiquité ou du début du Moyen-Age comme Boèce, Isidore de Séville ou Alcuin et certains historiens comme Flavius Josèphe. Plus rarement des textes d'auteurs classiques. Les moines de Cîteaux développent une calligraphie ronde, régulière et très lisible. Au départ les manuscrits sont décorés de motifs végétaux, de scènes de la vie quotidienne ou des travaux des champs, d'allégories sur le combat de la foi ou sur le mystère divin. La vierge est particulièrement représentée. mais sous l'impulsion de Bernard de Clairvaux mu par un idéal d'austérité, un style plus épuré apparait vers 1140: Il se caractérise par de grandes initiales peinte en camailleux d'une seule couleur, sans représentation humaine ou animale ni utilisation d'or[124]. Avec le développement de l'imprimerie à caractère mobile, les livres deviennent omniprésents au sein des abbayes ; des bibliothèques autonomes sont élevées dans certaines abbayes et les collections d'ouvrages enflent considérablement entre les XIVe et XVe siècles[125]. Au XVIe siècle, la bibliothèque de Clairvaux compte 33 manuscrits dont 15 000 imprimés[126].

[modifier] Une culture tournée vers Dieu

Saint Bernard enseignant dans la salle capitulaire.
Saint Bernard enseignant dans la salle capitulaire[127].

L'ordre primitif ne tourne jamais le dos aux études mais il s'inscrit au départ dans un courant d'opposition aux villes naissantes et porté vers le désert. En effet, les échanges intellectuels au sein des villes permettent un foisonnement d'idées dont certaines sont autant de provocations pour l'austère Bernard de Clairvaux. Par exemple les Goliards critiquent ouvertement la société tripartite et particulièrement les religieux[128], ils n'hésitent pas à remettre en cause le mariage pour prôner un amour plus libre ou la femme n'est plus une simple possession de l'homme ou une machine à faire des enfants[129]. Saint Bernard tout comme Pierre de Celles - autre intellectuel cistercien - s'oppose fermement aux universités naissantes : la vie intellectuelle citadine peut détourner de la glorification de Dieu[130]. Saint Bernard et Saint Norbert sont d'ailleurs les principaux persécuteurs d'Abélard.

« Fuyez du milieu de Babylone, fuyez et sauvez vos âmes. Volez tous ensemble vers les villes du refuge (les monastères), où vous pourrez vous repentir du passé, vivre dans la grâce pour le présent et attendre avec confiance l'avenir. Tu trouvera bien plus dans les forêts que dans les livres. Les bois et les pierres t'apprendront plus que n'importe quel maître. » Bernard de Clairvaux.

À dater de la fin du XIIe siècle, du fait de l'engagement pastoral et de l'engagement prédicant, certains établissements se tournent vers l'étude des questions du temps. Ils restent cependant, aux yeux des autres ordres et notamment des dominicains, des « simples » peu versés dans les études spéculatives. Face à ces attaques, certaines abbayes s'aventurent davantage dans les sciences théologiques et des bibliothèques cisterciennes respectables voient le jour, ainsi celles des abbayes de Signy et de Clairvaux. Des contacts fructueux se nouent avec les milieux universitaires parisiens et des frères sont installés à Paris pour fréquenter les cours suivre les cours de théologie[131]. Il y a là une rupture avec l'idéal de renoncement au monde, manquement souvent dénoncé par les contemporains. Des chroniqueurs et des exégèses de renom se forment à l'école cistercienne. Cependant, la réflexion intellectuelle des cisterciens tend vers l'édification d'une spiritualité mystique et non vers la coquetterie et l'érudition. Guillaume de Saint-Thierry est un des représentants les plus éminents de cet école dite mystique spéculative.

[modifier] Universités

Bible dite d'Étienne Harding.
Bible dite d'Étienne Harding.

Avec le développement d'universités le niveau culturel s'accroît et les Cisterciens doivent investir dans la formation de leurs jeunes moines. Il faut en particulier les loger dans les villes Universitaires. Les moines Blancs fondent alors des collèges à Paris, Toulouse, Metz et Montpellier[132]. En 1237, L'abbaye de Clairvaux qui est la première à envoyer de jeunes frères étudier à Paris. Ils sont tout d'abord logés dans une maison du Bourg Saint-Landry, mais leur nombre s'accroît. En 1247, ils s'établissent dans le quartier du Chardonnet et deux ans plus tard entreprennent la construction d'un collège[133]. Grâce à l'appui papal, les terres insalubres sont rachetées atour de la Bièvre et il est érigé un collège. Il est racheté en 1320 par le Chapitre général de l'ordre qui en fait le collège des Bernardins qui bénéficie aux étudiants de l'ensemble de l'ordre[134]. Prévu à l’origine pour accueillir une vingtaine d’étudiants, le Collège des Bernardins, forme entre le XIIIe et le XVe siècle plusieurs milliers de jeunes moines cisterciens, l’élite de leur ordre, venus du Nord de la France, de Flandre, d’Allemagne et d’Europe centrale pour étudier la théologie et la philosophie. En 1334, Jacques Fournier, ancien étudiant du Collège Saint-Bernard, reçu docteur en théologie vers 1314, devient pape en Avignon, sous le nom de Benoît XII. Cet ancien abbé de Fontfroide promulgue en 1355 la Constitution Fulgens sicut stella matutina, ou Benedictina qui règle les rapports qu'entretient l'Ordre avec les études intellectuelles. Les monastères de plus de quarante frères doivent adresser deux de leurs membres aux Collèges de Paris, d'Oxford, de Toulouse, Montpellier, de Bologne ou de Metz. Les Cisterciens s'intègrent parfaitement aux exigences du règne de la scolastique. À l'époque moderne, la culture humaniste gagne les monastères ce que devait provoquer l'opposition des principaux tenants de la réforme au XVIIe siècle. Ainsi au XVIIIe siècle, « de nombreux novices et moines vont étudier dans les universités et, d'une façon générale, les religieux s'adonnent beaucoup à la lecture, peut-être parce qu'ils sont désœuvrés[135].» Les Cisterciens se montrent particulièrement tourné vers les œuvres regardant la liturgie et la musique sacrée ou l'érudition à l'exemple de Ferdinand Ughelli, abbé de Tre Fontane à Rome et Pierre Le Nain, sous-prieur de la Trappe, auteur d'un Essai sur l'histoire de l'Ordre de Cîteaux.

[modifier] Le monde cistercien aujourd'hui

Le monde cistercien se caractérise de nos jours par sa diversité et la multiplicité de ses expériences tout en cherchant à conservant l'unité et l'esprit de charité originel. Thomas Keating

[modifier] Notes

  1. Jean Chélini, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Hachette, Pluriel, 1991, p. 369.
  2. Exception faite de l'Ordre des Chartreux qui n'a « jamais atteint sa puissance ». Marcel Pacaut, Les moines blancs. Histoire de l'ordre de Cîteaux, Fayard, 1993, pp. 8-9.
  3. « Saint Bernard n'avait pas fondé l'ordre cistercien. Il avait fait son succès.» Georges Duby, Saint Bernard, l'Art cistercien, Champs, Flammarion, 1971, p. 9.
  4. Le deuxième abbé de Cîteaux, Aubri, adopte la robe blanche et quitte l'habit noir des clunisiens. Jean Chélini, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, op. cit., p. 365.
  5. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., pp. 358-359 et pp. 360-361. L'ouvrage a été publié en 1993.
  6. Marcel Pacaut, Les moines blancs. Histoire de l'ordre de Cîteaux, op. cit., p. 9.
  7. Marcel Pacaut, Les moines blancs. Histoire de l'ordre de Cîteaux.
  8. Louis J. Lekai, Les Moines blancs. Histoire de l'ordre cistercien, Paris, Le Seuil, 1957, p. 52.
  9. Marcel Pacaut, op. cit., p. 19.
  10. André Vauchez, « Naissance d'un chrétienté », in Robert Fossier (sous la direction de), Le Moyen Âge, l'éveil de l'Europe (t.II), Armand Collin, 1982, p. 96.
  11. Marcel, Pacaut, op. cit., p. 19.
  12. Sur l'opposition entre monachisme clunisien et cistercien quant au rapport au travail manuel voir, Georges Duby, Hommes et structures du Moyen Âge, II : seigneurs et paysans, in, Qu'est-ce que la société féodale ?, Mille & une pages, Flammarion, 2002, p. 1309.
  13. Louis J. Lekai, op. cit., p. 23.
  14. André Vauchez, « Naissance d'un chrétienté », op. cit., p. 96-97 ; Louis J. Lekai, op. cit., p. 18-24.
  15. Manuscrit enluminé du scriptorium de l'abbaye de Cîteaux (détail)Grégoire le Grand, Moralia in Job, livre 32, Bibliothèque Municipale de Dijon, 173, folio 148.
  16. Jacques Le Goff, La Civilisation de l'Occident médiéval, Champs, Flammarion, 1982, p. 158-159.
  17. Terry N. Kinder, L'Europe cistercienne, Zodiaque, 1999, p. 25-28.
  18. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 22.
  19. Louis J. Lekai, op. cit., p. 25.
  20. Jean-Baptiste Auberger, « Cîteaux, les origines », Dossiers d'Archéologie, n° 229, décembre 1997 - janvier 1998, p.10.
  21. Louis J. Lekai, op. cit., p. 26
  22. Terry N. Kinder, L'Europe cistercienne,op. cit., p. 29.
  23. J.-A. Lefèvre, « S. Robert de Molesme dans l'opinion monastique du XIIe et du XIIIe siècle », Analecta Bollandiana, t. LXXIV, fasc. 1-2, Bruxelles, 1956, p. 50-83.
  24. Jean-Baptiste Auberger, « Cîteaux, les origines », op. cit., p.11.
  25. Toponyme qui renvoie aux joncs et donc au caractère marécageux du lieu. Les frères « firent une coupe dans la forêt et dégagèrent un espace dans l'épaisseur des fourrés d'épines, puis se mirent à construire à l'endroit même un monastère. » Petit Exorde, III, 5.
  26. Louis J. Lekai, op. cit., p. 27-28 ; Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 37-38.
  27. Hiereniam prophetam, livre VI, vers 1125, Bibliothèque municipale de Dijon, ms. 130, f° 104, détail.
  28. Marcel Pacaut, les moines blancs, op. cit., p. 32-33.
  29. Colloque exordium, « Les fondateurs du nouveau monastère ».
  30. Louis J. Lekai, op. cit., p. 28-29.
  31. Ainsi, les écrits de Guillaume de Malmesbury, puis les « Petit » et « Grand Exorde » sont à l'origine de la légende noire qui devait poursuivre, au sein de l'Ordre, Robert et ses compagnons de Molesme « qui n'aimaient pas le désert » (qui heremum non diligebant) ; Exordium cisterciensis coenobii, VII, 13, cité par Louis J. Lekai, op. cit., p. 31.
  32. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 43.
  33. Exordium cisterciensis coenobii, XII, 5-6.
  34. Date de la mort du duc de Bourgogne qui se fit inhumer au Nouveau monastère, volonté qui fit de l'abbaye « la nécropole ducale officielle.» Marcel Pacaut, Idem, ibidem.
  35. Terry N. Kinder, L'Europe cistercienne, Zodiaque, 1999, p. 30.
  36. Marcel Pacaut, op. cit., p. 51-53.
  37. T. N. Kinder, op. cit., p. 30-31.
  38. Vie de saint Bernard, IV, 19.
  39. Sur la place de Bernard dans le XIIe siècle voir Jacques Verger, Jean Jolivet, Le siècle de saint Bernard et Abélard, Perrin, Tempus, 2006.
  40. Pierre Riché, « Bernard de Clairvaux », Dossiers d'Archéologie, n° 229, décembre 1997 - janvier 1998, p. 16.
  41. « Alors la grâce de Dieu envoya à cette église des clercs lettrés et de haute naissance, des laïcs puissants dans le siècle et non moins nobles en très grand nombre ; si bien que trente postulants remplis d'ardeur entrèrent d'un coup au noviciat. », Petit exorde de Cîteaux, cité par Georges Duby, Saint Bernard et l'art cistercien, Champs, Flammarion, 1979, p. 9.
  42. L. J. Lekai, op. cit., p. 58-59.
  43. Jean Chélini, op. cit., p. 368.
  44. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 65-66.
  45. Jacques Berlioz, Saint Bernard en Bourgogne. Lieux et mémoire., éditions du bien public, 1990.
  46. (en) Constance Hoffman Berman, Medieval Agriculture, the Southern French Countryside, and the Early Cistercians., The American Philosophical society, 1992, p. 8-15 ; Marcel Pacaut, Les moines blancs, p. 71-73.
  47. Terryl N. Kinder, L'Europe cistercienne, op. cit., p. 79-80.
  48. Sur ce point voir M.-A. Dimier, « Encore les emplacements malsains », Revue du Moyen-Âge latin, t. IV, p. 60-62.
  49. Terryl N. Kinder, L'Europe cistercienne, op. cit., p. 86.
  50. Terryl N. Kinder, L'Europe cistercienne, op. cit., p. 82-83.
  51. D'après parchemin enluminé, Moralia in Job, 1111, Bibliothèque municipale de Dijon, ms. 173, folio 41r.
  52. Jacques Berlioz, (sous la direction de), Le Grande exorde de Cîteaux ou Récit des débuts de l'Ordre cistercien, Brepols/Cîteaux-Commentarii cistercienses, 1998, p. 411-413.
  53. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 74-75.
  54. Jean-Baptiste Lefèvre, Henri Gaud,Vivre dans une abbaye cistercienne (XIIe-XIIIe s.) , éditions Gaud, 2003.
  55. Jacques Berlioz, (dir.), Le Grand exorde de Cîteaux op. cit., p. 413, 426-7.
  56. Terry N. Kinder, L'Europe cistercienne,op. cit., p. 52-56.
  57. (en)Description sur le site du Metropolitan Museum qui accueille l'œuvre. ; (en) A. G. Pearson «[1] Nuns, images, and the ideals of women's monasticism: Two paintings from the Cistercian convent of Flines », Renaissance Quarterly, 22 décembre 2001.
  58. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 119.
  59. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., pp. 127-129.
  60. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 143.
  61. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., pp. 143-145.
  62. Cité par Louis J. Lekai, Les Moines blancs, op. cit., p. 87
  63. Louis J. Lekai, Les Moines blancs, op. cit. , p. 91.
  64. Louis J. Lekai, Les Moines blancs, op. cit., pp. 87-91.
  65. Cité par Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 297.
  66. Idem, ibidem, p. 298.
  67. Idem, ibidem, p. 301-303.
  68. Louis J. Lekai, Les Moines blancs, op. cit., pp. 113-115.
  69. Cité par Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., pp. 321-322.
  70. Alban John Krailsheimer, Armand-Jean de Rancé, abbé de la Trappe, Paris, Éditions du Cerf, 2000.
  71. J. Dhondt, « Les dernières invasions » tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p. 249.
  72. P. Noirel, L'Invention du marché, p. 140
  73. Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, Collection U, Armand Colin, 2004, p. 65-67
  74. P. Contamine, M. Bompaire, S. Lebecq, J.-L. Sarrazin, op. cit., p. 96.
  75. abc Jean-François Mondot, Moines Noirs et moines blancs, les cahiers de Science & Vie n°78 Décembre 2003: Xe-XIIe siècle: la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 16.
  76. Jacques Berlioz (dir.), Le Grand Exorde, op. cit., p. 427.
  77. Philippe Testard-Vaillant, Agriculture, des travaux en bonne règle, les Cahiers de Science & Vie, n° 78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères- Les cisterciens changent la France, p. 51.
  78. Philippe Testard-Vaillant, Agriculture, des travaux en bonne règle, les Cahiers de Science & Vie, n°78 Décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 52.
  79. abcd Philippe Testard-Vaillant, Agriculture, des travaux en bonne règle, les cahiers de Science & Vie n°78 Décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 53.
  80. abc Philippe Testard-Vaillant, Agriculture, des travaux en bonne règle, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 54.
  81. Philippe Testard-Vaillant, Agriculture, des travaux en bonne règle, les cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 55.
  82. Benoît Chauvin, L'ordre de Cîteaux, les vignes et le Vin, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.27
  83. ab Benoît Chauvin, L'ordre de Cîteaux, les vignes et le Vin, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.12
  84. abc Benoît Chauvin, L'ordre de Cîteaux, les vignes et le Vin, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.30
  85. Philippe Testard-Vaillant, Crus de légende ou légendes de crus, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 60.
  86. Ms. Add. 41230, Londres, British Library
  87. abc Jean Gimpel, La Révolution industrielle du Moyen Âge, Éditions seuil, 1975, p. 65.
  88. abc Joséphine Rouillard, L'hydraulique cistercienne, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.15
  89. abcd Joséphine Rouillard, L'hydraulique cistercienne, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.14
  90. abc Emmanuel Monnier, Des cours d'eau sous bonne conduite, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 70.
  91. Terryl N. Kinder, L'Europe cistercienne, op. cit., p. 83-85.
  92. ab Joséphine Rouillard, L'hydraulique cistercienne, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.12
  93. au mois d'août, en hiver le débit peut atteindre 4 m2 par seconde
  94. Joséphine Rouillard, L'hydraulique cistercienne, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.13
  95. Philippe Testard-Vaillant, Des moulins en série, les Cahiers de Science & Vie, n° 78, décembre 2003, Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères - Les cisterciens changent la France, p. 66
  96. abcd Emmanuel Monnier, Un monde de tuyaux & de canaux, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 74.
  97. ab P. Contamine, M. Bompaire, S. Lebecq, J.-L. Sarrazin, L'économie médiévale, Collection U, Armand Colin, 2004, p. 220.
  98. Joséphine Rouillard, « L'hydraulique cistercienne », Histoire Médiévale thématique, n°12, Les cisterciens, février-mars-avril 2008, p.17.
  99. Paul Benoit, « Les cisterciens et le techniques », Histoire Médiévale thématique, n°12, Les cisterciens, février-mars-avril 2008, p.19.
  100. Jean Gimpel, La Révolution industrielle du Moyen Âge, Éditions seuil 1975 p 149-150
  101. Philippe Testard-Vaillant, Des moulins en série, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 64
  102. Jean Gimpel, op. cit., p 28-32
  103. ab Jean Gimpel, op. cit., p 18-20
  104. Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, op. cit., p. 152
  105. ab Denis Caillaux, Comment les cisterciens inventent l'usine, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 92
  106. Philippe Testard-Vaillant, Des moulins en série, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 67
  107. Denis Caillaux, Comment les cisterciens inventent l'usine, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 89
  108. abc Jean Gimpel, op. cit., p 41
  109. Jean Gimpel, op. cit., p 79
  110. Philippe Descamps, Des tuiles par millions, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères - Les cisterciens changent la France, p. 101
  111. Joséphine Rouillard, L'hydraulique cistercienne, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.16
  112. Alice Rolland, Les salines de Dieu, les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 81
  113. Alice Rolland, « Les salines de Dieu », les Cahiers de Science & Vie, n°78, décembre 2003 : Xe-XIIe siècle : la révolution des monastères-Les cisterciens changent la France, p. 80
  114. ab Benoît Chauvin, L'ordre de Cîteaux, les vignes et le Vin, histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, février-mars-avril 2008, p. 32.
  115. Denis Cailleaux, L'ordre de Cîteaux, les moines cisterciens dans les villes médiévales, Histoire Médiévale thématique n°12 : Les cisterciens, février-mars-A=avril 2008, p. 75.
  116. Denis Cailleaux, L'ordre de Cîteaux, les moines cisterciens dans les villes médiévales, Histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.77
  117. Benoît Chauvin, L'ordre de Cîteaux, les vignes et le Vin, Histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.35
  118. Réalités et évolution de l'économie cistercienne dans les duché et comté de Bourgogne au Moyen-âge. Essai de synthèse, Flaran 3. L'Économie cistercienne, géographie, mutations du Moyen-âge aux Temps Modernes, [Actes des] Troisièmes journées internationales d'histoire, Abbaye de Flaran, 16-18 septembre 1981, Auch, 1983, p. 13-52.
  119. abc Jean-François Leroux-Dhuys, L'ordre de Cîteaux, Art cistercien, Architecture Cistercienne, Histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.37
  120. Georges Duby, Saint Bernard, op. cit., p. 10.
  121. Jean-François Leroux-Dhuys, L'ordre de Cîteaux, Art cistercien, Architecture Cistercienne, Histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, février-mars-avril 2008, p. 38.
  122. (en) Helen J. Zakin, French Cistercian Grisaille Glass, New York, 1979.
  123. Magali OrgeurLes carreaux de pavement des abbayes cisterciennes en Bourgogne (fin XIIe-fin XIVe siècle)Thèse de doctorat de l’Université de Bourgogne sous la direction de Daniel Russo, juin 2004
  124. Thierry Delcourt, Les manuscripts cisterciens, Histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p. 41 ; [2]
  125. Terry L. Kinder, L'Europe cistercienne, op. cit., pp. 353-354.
  126. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 334.
  127. Jean Fouquet,Heures d'Étienne Chevalier, vers 1450, Musée Condé, Chantilly.
  128. Jacques le Goff, Les intellectuels du Moyen Age, Seuil avril 1957, p. 35-36
  129. Jacques le Goff, Les intellectuels du Moyen Age, Seuil avril 1957, p. 45
  130. Jacques le Goff, Les Intellectuels du Moyen-Âge, Seuil, avril 1957, p. 25.
  131. « Cîteaux, un idéal culturel » ; Marcel Pacaut, op. cit., pp. 162-165, 220, 222.
  132. Denis Cailleaux, L'ordre de Cîteaux, Les moines cisterciens dans les villes médiévales, Histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p.79
  133. Louis J. Lekai, Les moines blancs, op. cit., p. 83.
  134. Denis Cailleaux, L'ordre de Cîteaux, « Les moines cisterciens dans les villes médiévales », Histoire Médiévale thématique n°12: Les cisterciens, Février-Mars-Avril 2008, p. 80.
  135. Marcel Pacaut, les moines blancs, op. cit., p. 335.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Sources

[modifier] Ouvrages de références

  • Jean Chélini, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Pluriel, Hachette, 1991. Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article
  • Terry N. Kinder, L'Europe cistercienne, Zodiaque, 1999.Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article
  • Louis J. Lekai, Les Moines blancs. Histoire de l'ordre cistercien, Le Seuil, Paris, 1957.Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article
  • Marcel Pacaut, Les moines blancs. Histoire de l'ordre de Cîteaux, Fayard, 1993.Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article

[modifier] Articles et recueils d'articles

  • Les Cisterciens de Languedoc (XIIIe-XIVe siècles), 410 p., avec le concours du CNRS, Cahiers de Fanjeaux n° 21, Ed. Privat, 1986.
  • « Cîteaux, l'épopée cistercienne», Dossiers d'Archéologie, n° 229, décembre 1997 - janvier 1998.Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

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[modifier] Bibliographies

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