Reconquista

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La Reconquista (mot espagnol, en français Reconquête) correspond à la conquête des royaumes musulmans de la péninsule Ibérique par les souverains chrétiens. Initiée en 718, elle s'achève le 2 janvier 1492 quand Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille, les « Rois catholiques » (Los Reyes Catolicos), chassent le dernier souverain musulman de la péninsule, Boabdil de Grenade, achevant l'unification de l'essentiel de l'actuelle Espagne — excepté la Navarre, incorporée en 1512.

Sommaire

[modifier] Flux et reflux

[modifier] La conquête musulmane

Icône de détail Article détaillé : Conquête musulmane de l'Hispanie.

Depuis la fin de l'Hispanie romaine, les Wisigoths ont dominé la péninsule Ibérique (période dite de l'Hispanie wisigothe).

Après l'invasion musulmane en 711 et la bataille de Guadalete, presque toute la péninsule tombe sous la domination maure en moins de cinq ans. La Reconquête commence en 718 lorsque les musulmans sont défaits à la bataille de Covadonga par le Wisigoth Pélage (Pelayo). De ce fait, seule la frange nord de l'Espagne, correspondant aux actuels Pays basque, Cantabrie, Asturies et Galice, reste sous domination chrétienne, au sein du royaume des Asturies. Mais ce n'est que plusieurs siècles plus tard que les chrétiens envisageront leurs conquêtes comme un effort commun pour restaurer le royaume wisigothique.

armée composée de chrétiens et mercenaires berbères
armée composée de chrétiens et mercenaires berbères

Les combats contre les Maures n'empêchèrent pas les royaumes chrétiens de s'affronter entre eux ou de s'allier aux souverains musulmans. Par exemple, les premiers rois de Navarre (Eneko Arista et ses successeurs) étaient apparentés aux Banu Qasi (Wisigoths convertis à l'islam) de Tudela. Les souverains maures avaient souvent des épouses ou des mères chrétiennes. Et certains champions de la Chrétienté comme le Cid étaient parfois au service des rois taïfa contre leurs voisins.

La faiblesse des royaumes chrétiens et leurs divisions internes les rendant vulnérables, nombre d'entre eux devaient s'acquitter d'un tribut à reverser aux seigneurs musulmans, ce qui s'apparentait à une forme de vassalité.

[modifier] Le renouveau des États de la marche espagnole

En 978, Al-Mansur, devient le hâdjib du nouveau calife de Cordoue, Hisham II, et prend ainsi la réalité du pouvoir. Contrairement à ses prédécesseurs il brille par sa violence et son intolérance religieuse. De nombreux juifs et mozarabes se réfugient dans les états de la marche espagnole. Leurs connaissances vont enrichir celles qui sont conservées dans les monastères Catalans (l'ancien royaume wisigoth était le conservatoire des connaissances de l'empire romain [1]).

En 985, Al-Mansur attaque et pille Barcelone, emmenant avec lui de nombreux esclaves. Le comte Borell II demande de l'aide à son suzerain Hugues Capet. Ce dernier ne daignant pas lui répondre, le comte prend une indépendance de fait. Paradoxalement, cet événement marque le début d'une phase de développement de la Catalogne qui entraîne les autres États de la marche espagnole. Borell sécurise le territoire, même si dans un premier temps, il doit négocier : de nombreux Catalans louent leurs services comme mercenaires du calife. Revenus en Catalogne, ils utilisent les techniques agricoles connues dans le califat de Cordoue (particulièrement évoluées car les premiers colons sarrasins étaient des paysans) et réinjectent leur solde dans l'économie. Ils construisent des moulins, irriguent la terre. Les échanges commerciaux avec le califat augmentent rapidement. Il en résulte une poussée démographique et technique dès la fin du Xe siècle. La poussée monastique et le développement du Pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle permettent la transmission de cette poussée technique aux autres États de la marche espagnole, puis au reste de l'Europe. En effet, au cours des Xe et XIe siècles, le culte de saint Jacques commence a se répandre et les rois de Navarre et de León améliorent les routes et construisent des ponts afin de faciliter les pérégrinations. Dans le même temps, l'essor monastique particulièrement fort sur la route du pèlerinage permet de fixer sur papier les connaissances et les transmettre au reste de l'ordre. Les écrits ne sont pas tous religieux, beaucoup traitent de techniques agricoles. Le large recours aux moines convers contribue à diffuser ces techniques dans les villages avoisinants et donc à l'Europe entière.

La culture n'est pas en reste : à partir du Xe siècle (vers 970), Gerbert d'Aurillac (futur pape Sylvestre II en l’an mil) va compléter son éducation (particulièrement en mathématiques et en philosophie) dans les monastères Catalans de Vic et Ripoll, preuve que les échanges culturels sont déjà importants dans la péninsule Ibérique et que les auteurs antiques n'y sont pas inconnus. Il commence à introduire en occident la philosophie d'Aristote (connue par les Arabes). Il introduit le savoir musulman (mathématicien Al-Khuwarizmi), particulièrement l'astronomie, les mathématiques, l'algèbre (les nombres). Cette introduction se poursuivra au XIIe siècle, entre 1120 et 1190 dans des centres situés à Tolède et dans plusieurs villes d'Italie.

Icône de détail Article détaillé : Sciences et techniques en al-Andalus.

Ce sont donc des États riches, structurés et détenteurs d'une technologie aussi avancée que celle du califat de Cordoue qui vont mener la Reconquista. L'intolérance religieuse et la violence d'Al-Mansur a laissé des traces : les États espagnols bénéficient du soutien de la population dans les territoires repris (l'instauration de la religion catholique obligatoire n'aura lieu qu'au XVIe siècle).

[modifier] La reconquête chrétienne

L'évolution d'Al-Andalus dans le temps
L'évolution d'Al-Andalus dans le temps

Après l'effondrement du califat omeyyade de Cordoue au XIe siècle et son émiettement en une multitude de royaumes, les divisions au sein de l'espace musulman deviennent également importantes. De plus, ils ne purent que rarement compter sur un soutien du reste du monde musulman, au contraire des Chrétiens à partir de 1064 qui bénéficiaient de réguliers renforts venus notamment de France. Ces derniers parvinrent de ce fait à rétablir au fil de victoires et de reconquêtes leur domination sur la péninsule.

L'Andalousie musulmane perd son indépendance à la fin du XIe siècle avec la conquête des Almoravides berbères, venus du Maroc, qui donnent un coup d'arrêt à l'avance chrétienne à Zalaca. C'est aussi la fin d'un âge d'or culturel: les Almoravides, sunnites austères et rigides, favorisent plus les religieux que les poètes ou les philosophes.

L'affaiblissement du sultanat almoravide entraîne une seconde vague de l'islam berbère, celle des Almohades de tendance chiite, qui en 1147 dominent le Maroc et al-Andalus, après avoir infligé une défaite aux Castillans lors de la bataille d'Alarcos (voir conquête des Almohades). Mais ce contre-mouvement est annihilé au XIIIe siècle lorsque les royaumes chrétiens s'unissent et, soutenus par une nouvelle croisade, défont les Musulmans à la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212. Les princes chrétiens se partagent les terres à conquérir au traité de Cazola, en 1179, qui donne à la Castille un accès à la Mer Méditerranée par Carthagène et qui stoppe l'expansion aragonaise.

La prise de Cordoue et de Séville par les Castillans est complétée par les dernières campagnes de la Reconquista aragonaise (Valence et Baléares) et portugaise (Algarve). Les musulmans ne dominent plus que dans le royaume abencérage de Grenade.

Dans les derniers temps d'al-Andalus, la Castille - unie définitivement au Royaume de León depuis 1230 - a suffisamment de forces militaires pour conquérir le royaume de Grenade, mais ses souverains préfèrent soumettre les taïfas à un tribut (paria). C'était avec le commerce des productions de Grenade le principal mode d'introduction de l'or africain dans l'Europe médiévale.

[modifier] La chute de Grenade, dernier bastion musulman

Icône de détail Article détaillé : Prise de Grenade.
Datant du XIXe siècle, ce tableau de Francisco Pradilla représente la reddition du roi feudataire de Grenade Muhammad XII Abû Abd Allah dit Boabdil.
Datant du XIXe siècle, ce tableau de Francisco Pradilla représente la reddition du roi feudataire de Grenade Muhammad XII Abû Abd Allah dit Boabdil.

Le Royaume de Grenade, alors sous la forme de l'émirat de Grenade, avait été reconnu comme vassal par la Castille depuis 1246 et ainsi devait lui payer un tribut. De temps en temps, éclataient des conflits par le refus de payer et qui se terminaient par un nouvel équilibre entre l'émirat maure et le royaume catholique. En 1483, Muhammad XII devient émir, dépossédant son propre père, évènement qui déclencha les guerres de Grenade. Un nouvel accord avec la Castille, provoqua une rébellion dans la famille de l'émir et la région de Málaga se sépara de l'émirat. Málaga fut pris par la Castille et ses 15 000 habitants furent faits prisonniers ce qui effraya Muhammad.

Ce dernier, pressé par la population affamée et devant la suprématie des rois catholiques, qui avaient même de l'artillerie, capitule le 2 janvier 1492 terminant ainsi onze ans d'hostilité pour Grenade et sept siècles de présence du pouvoir islamique en Espagne. La présence des populations musulmanes ne prit fin qu'en 1609, lorsqu'elles furent totalement expulsées d'Espagne par Philippe III.

[modifier] La religion, moteur de la reconquête

Au haut Moyen Âge, la lutte contre les Maures fut assimilée à une croisade spécifique à la péninsule Ibérique, générale pour la chrétienté. Des ordres militaires comme l'ordre de saint Jacques, l'ordre de Calatrava, l'ordre d'Alcántara, l'ordre d'Avis et même les Templiers furent fondés dans ce but ou y participèrent.

Voir l'article détaillé ordres de la Reconquista.

Les papes appelèrent en plusieurs occasions les chevaliers européens à la croisade dans la Péninsule. La bataille de Las Navas de Tolosa (1212) vit la victoire d'une coalition d'Aragonais, de Français, de Navarrais, de Léonais, de Portugais, et des Castillans, qui dirigeaient les opérations, sous les ordres de leur roi, Alphonse VIII.

Les chrétiens de langue castillane firent de saint Jacques le Majeur le saint patron de la Reconquête — il demeure aujourd'hui le saint patron de l'Espagne — sous le qualificatif de Santiago Matamoros (« saint Jacques le Tueur-de-Maures »). Les catalans développèrent plutôt le culte de saint Georges (Sant Jordi), autre saint guerrier, encore patron de la Catalogne.

Les vastes territoires attribués aux ordres militaires et à la noblesse sont à l'origine des actuelles grandes propriétés d'Andalousie et d'Estrémadure.

La séparation en communautés de la société espagnole par les Arabes, du fait d'un système ségrégationniste : la dhimma puis son application réciproque par les royaumes chrétiens pendant la reconquista ne permirent jamais un métissage total entre chrétiens, musulmans et juifs.
Dès 1492 et la chute de Grenade, sont promulguées les lois sur la pureté du sang, puis imposant la foi catholique à l'ensemble du royaume, les rois catholiques prononcent l'expulsion des juifs non convertis d'Espagne, provoquant un nouvel exil. Les musulmans non convertis seront expulsés dix ans plus tard, en 1502. Ne restent alors en Espagne que de nouveaux convertis appelés les Morisques. Ceux-ci seront définitivement expulsés, un siècle plus tard en 1609.

[modifier] La société de la Reconquista

La Reconquista donna lieu à des phénomènes sociaux particuliers :

  • Les Mozarabes sont les descendants des Wisigoths ou des Romains qui ne se convertirent pas à l'islam. Certains émigraient vers le Nord lors de persécution.
  • Les Muladis sont les chrétiens convertis à l'islam lors de la conquête.
  • Les Renégats sont des chrétiens qui lors de la Reconquête se convertirent à l'islam et se retournèrent contre leurs anciens compatriotes.
  • Les Mudéjars sont les musulmans demeurant dans les terres reconquises par les chrétiens. Ils étaient surtout des paysans. Leur habitude architecturale donna lieu à un style fréquemment employé dans les églises que faisaient ériger leurs nouveaux seigneurs. Les descendants à partir de 1492 furent appelés Moriscos.
  • Les Séfarades sont au sens strict du terme les descendants des juifs émigrés d'Espagne suite au décret de l'Alhambra pris par Isabelle la Catholique.
  • Les Marranes ou conversos sont les juifs convertis officiellement au catholicisme, qui continuaient à "judaïser" secrètement. Persécutés par l'Inquisition, ils émigrèrent petit à petit ou abandonnèrent complètement leur judaïsme, à l'exception de quelques-uns au Portugal.

Aujourd'hui sur la côte méditerranéenne les fêtes de moros y cristianos (« Maures et chrétiens ») reconstituent ce conflit au travers de parades colorées.

[modifier] Chronologie

[modifier] Participants étrangers à la Reconquista

La reconquista ne fut pas seulement l'affaire des Espagnols, de nombreux chevaliers de toute l'Europe y participèrent et le Portugal fut même fondé par un membre de la maison de Bourgogne.

[modifier] Voir aussi

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur la Reconquista espagnole.

[modifier] Notes

  1. à cette époque Sylvestre II étudie aux monastères de Vich et Ripoll. Il y apprend les connaissances mathématiques (chiffres arabes) et astronomiques qu'il transmettra à l'occident [1]

[modifier] Sources

  • Alexander Pierre Bronisch : Reconquista und Heiliger Krieg - die Deutung des Krieges im christlichen Spanien von den Westgoten bis ins frühe 12. Jahrhundert, Münster, Aschendorff, 1998, ISBN 3-402-05839-1
  • Derek William Lomax: Die Reconquista. Die Wiedereroberung Spaniens durch das Christentum. Deutsche Übersetzung durch Holger Fliessbach. Wilhelm Heyne Verlag, München 1980. ISBN 3-453-48067-8
  • Philippe Sénac : La Frontière et les hommes -(VIIIe ‑ XIIIe siècle) le peuplement musulman au nord de l'Ebre et les débuts de la reconquête aragonaise, Paris, Maisonneuve et Larose, 2000, ISBN 2-7068-1421-7
  • Philippe Conrad. Les origines de la Catalogne, de la marche d'Espagne carolingienne au comté de Barcelone, Clio.net: [2]
  • David Maso. Barcelone, ville des paradoxes, Clio.fr: [3]
  • Gerbert d'Aurillac devient Sylvestre II, Herodote.net [4]

[modifier] Liens internes

[modifier] Lien externe