Bruno le Chartreux

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Bruno le Chartreux
Bruno le Chartreux

Saint Bruno, fondateur de l'ordre des Chartreux, né à Cologne vers 1030, mort en 1101. Fête le 6 octobre.

Sommaire

[modifier] La formation

Bruno est né à Cologne, en Allemagne, d'une famille de haut rang dont le nom est inconnu, probablement un peu avant 1030. Il est d'abord chanoine dans sa ville natale qu'il quitte assez jeune pour continuer ses études à Reims, ville réputée à l'époque pour son école « cathédrale ». Pendant une trentaine d'années, Bruno demeure à Reims. En 1057, l'archevêque de Reims, Gervais de Belleme, lui confie en remplacement d'Hermann, la direction de l'école dont il avait été l'élève. Il y enseigne les arts libéraux et la théologie. Bruno exerce cette charge pendant 20 ans. Après sa mort en 1101, les titres funèbres recueillis par toute l'Europe font écho à la lettre circulaire rédigée par ses compagnons de Calabre, portée par un messager charger de diffuser la nouvelle. On lui attribue sagesse, douceur et science.

[modifier] L'archevêque chassé

L'archevêque de Reims, Gervais, meurt en 1067 et est remplacé par un homme sans scrupules, Manassès de Gournay. Celui-ci est plus préoccupé par les biens matériels que par sa charge d'archevêque. Voulant avoir, malgré tout, l'estime du clergé, il nomme Bruno chancelier de la cathédrale et directeur de toutes les écoles de Reims. L'attitude de Manassès devient de plus en plus insupportable, à tel point qu'un concile réuni à Lyon en février 1080, prononce sa déposition. Cette sentence est confirmée par le pape Grégoire VII qui ordonne au clergé de Reims de chasser l'indigne archevêque et d'en élire un nouveau à sa place.

De nombreuses personnes pensent alors à l'intègre Bruno pour remplacer Manassès de Gournay sur le siège archiépiscopal de Reims. Mais celui-ci a d'autres projets en tête, ayant formé le dessein de se retirer dans la prière avec quelques amis. Il refuse donc le siège qui avait été naguère celui de saint Remi, met de l'ordre dans ses affaires et donne tous ses biens aux pauvres. En 1083, avec deux amis, il se rend en Bourgogne, où saint Robert de Molesmes lui ayant remit un ermitage, il s'y retire un moment. C'est là qu'il se sent attiré par une vie d'ermite propice à la recherche de Dieu.

[modifier] Le fondateur de l'ermitage de Chartreuse

Saint Hugues de Châteauneuf, l'évêque de Grenoble, lui suggère de s'installer dans la solitude sauvage du Massif de la Chartreuse où il resta 6 ans.

Bientôt s'y élève un monastère dont les moines vivent isolés dans des demeures individuelles, y menant une existence austère et laborieuse, ne se réunissant que pour l'office. Ils n'ont pas l'intention de former un ordre.

En 1091, Bruno est appelé à Rome par le pape Urbain II, un de ses anciens élèves de Reims, qui sollicite ses conseils sur les réformes à entreprendre dans l'Église. Mais Bruno ne pense qu'à reprendre sa vie d'ermite. En 1092, il part en Calabre où il fonde d'autres ermitages et se retire dans l'un d'eux, Santa Maria del Bosco, secondé par son bras droit Lanuin et avec l'accord du comte Roger Ier de Sicile qui fait don de terres à la nouvelle fondation calabraise.

La rencontre miraculeuse de Roger en train de chasser et de Bruno en prière est une légende tardive. De même, le diplôme de fondation octroyé par Roger est un faux selon une majorité d'historiens. A l'ermitage de Sainte-Marie est bientôt associé, un monastère de vie cénobitique.

Bruno meurt au monastère de Santo Stefano del Bosco neuf ans plus tard, le 6 octobre 1101.

Dès les dernières décennies du XIe siècle, l'ensemble du complexe monastique passe à l'ordre de Cîteaux, puis tombe en décadence. Il faut attendre le début du XVIe siècle pour que les chartreux viennent relever les lieux et fonder la chartreuse de Santo Stefano del Bosco. Avant cette date, le site de Calabre n'entretient aucun lien institutionnel avec les monastères brunoniens de Calabre.

L'ordre cartusien s'est édifié à partir de son exemple et des Coutumes consignées par le prieur Guignes, cinquième successeur de Bruno à la Grande-Chartreuse, vers 1125.

[modifier] Ecrits

Tous les écrits attribués par le passé à Bruno sont apocryphes, à l'exception de deux courtes lettres écrites en Calabre, d'une grande beauté et profondeur, et de la profession de foi prononcée sur son lit de mort.[1] On lui a attribué à tort des commentaires des épîtres de saint Paul, puis des Psaumes qui sont des œuvres de la fin du XIe siècle et du début du XIIe s. publiées sous son nom à partir du XVIe siècle seulement (Paris, 1509 pour le commentaire des épîtres pauliniennes, et Paris 1524 pour celui des Psaumes, voir aussi Cologne 1611 et 1640). Elles étaient inconnues des auteurs chartreux du Moyen Âge. C'est à tort qu'on répète encore aujourd'hui que le commentaire des Psaumes a été publié en 1509 déjà.[2]

[modifier] Canonisation

Le fondateur des Chartreux n'a jamais été ni canonisé, ni béatifié. Au début du XVIe siècle, à l'occasion de l'installation des Chartreux sur le site de l'ermitage de Calabre où Bruno était mort, l'Ordre obtint oralement du pape l'autorisation de célébrer le culte de son fondateur, dont les restes venaient d'être retrouvés dans l'église de l'ermitage.

Aucune bulle ou document pontifical conservé ne vient attester cette autorisation annoncée à l'Ordre par le Révérend Père Dom François Dupuis, auteur d'une vie de saint Bruno. L'approbation tacite de l'Eglise, puis son inscription au calendrier liturgique universel, à l'occasion des réformes du concile de Trente, en constitue une confirmation équivalente. C'est pourquoi les canonistes parlent à son sujet de "canonisation équipollente".

[modifier] La Chronique Magister

Le plus ancien document hagiographique conservé au sujet de Bruno de Reims est une courte notices de 121 mots, contenue dans un catalogue écrit par Guigues I, cinquième prieur de Chartreuse:

La Chronique Magister

Maître Bruno, de nationalité allemande, naquit de parents nobles, dans l'illustre ville de Cologne. Très érudit dans les lettres aussi bien séculières que divines, il fut chanoine de l'Église de Reims dont l'importance ne le cède à nulle autre parmi les églises de Gaule ; puis il y fut maître de l'enseignement. Ayant quitté le monde, il fonda l'ermitage de Chartreuse et le gouverna pendant six ans. Sur l'ordre du pape Urbain II, dont il avait été jadis le précepteur, il se rendit à la curie romaine, pour aider le Pontife de son soutien et de ses conseils dans les affaires ecclésiastiques. Mais il ne pouvait supporter les tumultes et le genre de vie de la curie ; brûlant de l'amour de la solitude naguère abandonnée et du repos contemplatif, il quitta la curie, après avoir même refusé l'archevêché de l'Église de Reggio auquel il avait été élu par la volonté du pape. Il se retira dans un désert de Calabre dont le nom est La Tour. Puis là, après avoir réuni de nombreux laïcs et clercs, il s'appliqua tant qu'il vécut à la vocation de la vie solitaire. Il y mourut et y fut enseveli, onze années environ après son départ de Chartreuse.

Traduction par Dom Maurice Laporte, chartreux, dans "Les lettres des premiers Chartreux", SC, n° 88 (App. I) qui dépend du travail fondamental de A. Wilmart, "La Chronique des premiers Chartreux", Revue Mabillon, 1926 (16), p. 77-142.

[modifier] Bibliographie

Sa Vie a fait l'objet d'un fatras de légendes et de nombreuses biographies sans valeur critique, à l'exception des travaux de Dom Maurice Laporte cités ci-dessous. On peut citer le Père de Tracy, 1768. Son histoire représentée en 26 tableaux par Lesueur, ornait le cloître des Chartreux de Paris ; ils se trouvent désormais au Musée du Louvre.

  • Sources

Les lettres de saint Bruno, éd. Maurice Laporte, chartreux, Lettres des premiers Chartreux (Sources chrétiennes 88), Cerf, Paris.

  • Travaux

[M. Laporte (chartreux)] Aux sources de la Vie Cartusienne, Eclaircissements concernant la vie de saint Bruno (vol. 1) et Traits fondamentaux de la Chartreuse (vol. 2, surtout le ch. VII : fondations érémitiques, p. 263-344), Grande Chartreuse (dactylographié), 1960.

M. Laporte, édition des Lettres des premiers Chartreux (SC 88), Cerf, Paris, 1988.

M. Laporte, introduction, texte critique, trad. et notes des Coutumes de Chartreuse (SC 313), Cerf, Paris, 1984.

A. Ravier (s.j.), Saint Bruno, le Chartreux (2e éd.), éd. P. Lethielleux, Paris, 1981.

B. Bligny, Saint Bruno, le premier chartreux, éd. Ouest-France, Rennes, 1984.

G. Posada (O. Cart.), Maestro Bruno, Padre de Monjes, Biblioteca de Autores Cristianos, Madrid, 1980. Traduit de l'espagnol par Roland Quencez : Maître Bruno, Père des Chartreux, in Analecta Cartusiana.

G. M. Posada, San Bruno – Biografia y Carisma, in Biblioteca De Autores Cristianos, 2001.

A. Helly (moine de l'Ermitage s. Bruno), Petite vie de Saint Bruno, Desclée de Brouwer, 1990.

A. Ravier, Le premier ermitage de chartreuse juin 1084- 30janvier 1132, 2e éd., Correrie de la Grande Chartreuse, 2001.

Saint Bruno et les Pères du désert (art.), dans les Paroles de Chartreux, Correrie de la Grande-Chartreuse, 19…

AA.VV., La Grande Chartreuse par un Chartreux, Grande Chartreuse, 1976.

A. Louf, Saint Bruno (art.), dans Documents-Episcopat (Bulletin du Secrétariat de la conférence des Évêques de France), n° 12, Sept. 2001.

Moeris Olivier, De la chaire d'enseignement à l'ermitage - Itinéraire historique et spîrituel de saint Bruno, Université catholique de Louvain, mémoire de fin d'étude (2003).

Saint Bruno et sa postérité spirituelle. Actes du colloque internationale des 8 et 9 octobre 2001 à l'Institut catholique de Paris - Alain Girard Daniel Le Blévec Nathalie Nabert (Analecta Cartusiana, 189.) Salzburg.

[modifier] Voir aussi

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Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Bruno de Cologne.


[modifier] Communautés monastiques se réclamant de saint Bruno

[modifier] Notes et références

  1. Voir texte de ces lettres reproduit sous ce lien : [1]
  2. Voir en particulier les interventions lors du Colloque international tenu à l'Institut Catholique de Paris en 2001 : Saint Bruno et sa postérité spirituelle. Actes du colloque internationale des 8 et 9 octobre 2001 à l'Institut catholique de Paris - Alain Girard Daniel Le Blévec Nathalie Nabert (Analecta Cartusiana, 189.) Salzburg