Pierre-André Taguieff

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Pierre-André Taguieff

Naissance 4 août 1946
à Paris
Nationalité France France
Profession Philosophe, historien des idées et politologue
Occupation Directeur de recherche au CNRS (CEVIPOF) et professeur à l'IEP

Pierre-André Taguieff (né le 4 août 1946 à Paris) est un philosophe, politologue et historien des idées français. Il est directeur de recherche au CNRS (CEVIPOF) attaché au Centre de recherches politiques de Sciences Po, il enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris. Membre du think tank le Cercle de l'Oratoire, il est également membre du comité de rédaction de la revue du cercle Le Meilleur des Mondes et membre du comité de rédaction de la revue Des Lois et des Hommes.

Taguieff est l’auteur de nombreux ouvrages touchant à la fois aux domaines de la politique, l'histoire des idées, la sociologie et de la théorie de l'argumentation. Préoccupé notamment par les questions du racisme, de l'antisémitisme et des idéologies d'extrême droite, il s'est fait connaître par ses travaux pionniers sur le populisme, la « Nouvelle droite » et le Front national.

Penseur engagé et volontiers polémiste, son parcours hétérodoxe va de « l’anarcho-situationnisme au chevénementisme patriote de la Fondation du 2 Mars[1] ». Se revendiquant des idées de la gauche républicaine, décrit également comme un « libéral social conservateur[2] », ses prises de position et ses travaux (notamment sur la « Nouvelle droite » et la « nouvelle judéophobie ») ont fait l’objet de controverses médiatisées. Taguieff se veut engagé dans la lutte « contre tous les racismes[3] » qui nécessite selon lui une réflexion rigoureuse et une définition sans équivoque des enjeux en présence.

Sommaire

[modifier] Éléments biographiques

Né d’un père russe et d’une mère d’origine polonaise, Taguieff a très tôt été passionné par la culture juive (musicale, notamment), bien que n'étant pas Juif lui-même comme il l'a déclaré publiquement à plusieurs reprises. Si ses parents ne sont pas Juifs ni l'un ni l'autre, « tous les amis de la famille étaient des Juifs d'Europe de l’Est, marqués par l'expérience nazie[4]. »

Dans les années 1960, il poursuit des études de philosophie et de linguistique à la Faculté de Nanterre. Il est alors militant gauchiste proche des situationnistes, notamment de René Viénet ; parallèlement, il est également pianiste de jazz. Durant cette période, il s'initie à la phénoménologie en suivant les cours de Jean-François Lyotard, Emmanuel Levinas, Paul Ricoeur et Mikel Dufrenne, puis il s'enthousiasme pour la pensée de Gilles Deleuze et de Nietzsche sur laquelle porteront ses premières recherches. Par l'intermédiaire du philosophe et sémioticien Louis Marin dont il admirait la rigueur et l'érudition, Taguieff poursuit ses études en linguistique et en sémiotique sous la direction d'Algirdas Julien Greimas[5].

Durant les années 1970, il milite dans plusieurs mouvements antiracistes comme le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) et la Ligue des droits de l'homme (LDH). En 1972, il devient professeur de philosophie au lycée, puis en école normale d'instituteurs. Vers la fin des années 1970, il commence à étudier la Nouvelle Droite et il s'intéresse au parcours de son chef de file Alain de Benoist. De 1978 à 1984, il occupe un poste de chargé de cours en psychologie générale à l'Université Paris VII. Il entre ensuite au CNRS en 1984 après avoir collaboré au laboratoire « Lexicométrie et textes politiques » du centre de recherche à partir de 1980. Il enseigne également au Collège international de philosophie. Ses premiers articles sur la Nouvelle Droite et le Front national paraissent dans différentes revues.

À partir de 1985, il est membre du comité de rédaction de Politica hermetica (fondée par l'historien Victor Nguyen) avec, notamment, le sociologue et historien Émile Poulat. Son premier ouvrage « non militant », La Force du préjugé, paraît en 1988. Cette tentative de penser le racisme avec son contraire (l'antiracisme) et de proposer un critique de ce dernier pour le refonder philosophiquement a suscité autant d'appuis que de désaccords. Mais l'idée de repenser la notion de racisme avec des concepts plus nuancés donnait des résultats inédits et stimulait la réflexion sur la question de l'antiracisme et du fait que cette idéologie emprunte malgré elle des éléments à celle qu'elle prétend combattre. Durant cette période, Taguieff dirige la collection « Histoire des idées, théorie politique et recherches en sciences sociales » aux éditions Kimé, en même temps qu'il codirige avec le linguiste et théoricien de l'argumentation Christian Plantin la collection « Argumentation, Sciences du langage » à la même maison d'édition.

En 1989, Jean-Christophe Cambadélis s'inspire de ses analyses lorsqu'il lance le « Manifeste contre le national-populisme » (expression introduite par Gino Germani qui est reprise et popularisée par Taguieff pour désigner le Front national). Parallèlement, SOS-Racisme lui confie la présidence de son Observatoire de l'antisémitisme dont l'objectif était de recenser et d'analyser les activités antisémites en France. En 1991, il devient l'analyste officiel du rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme pour ce qui relève de la lutte contre le racisme et la xénophobie[6]. Durant cette période, il commence à diriger la collection « Pensée politique et sciences sociales » des Éditions Berg International.

De 1994 à 1995, Taguieff est titulaire de la chaire Chaïm Perelman du Centre Perelman de philosophie du droit de l'Université libre de Bruxelles. Par la suite, il enseigne à l'École des hautes études en sciences sociales ainsi qu'à l'Institut d'études politiques de Paris (cycle supérieur). En 1999, il compte parmi les membres fondateurs du think tank républicain la Fondation du 2 mars (ex-Fondation Marc-Bloch) qu'il préside de 2001 à 2003. Il devient également conseiller politique de Jean-Pierre Chevènement dont il se distanciera à partir de 2003.

En 2002, il compte parmi les experts de la commission Négationnisme à Lyon III (créée par le ministre de l'Éducation Jack Lang et dirigée par l'historien Henry Rousso). Celle-ci avait pour objectif d'enquêter sur différents événements ou propos jugés négationnistes reprochés à certains étudiants et professeurs de la faculté de Lyon III. Cette nomination n'a pas fait l'unanimité et a fait l'objet de critiques de la part notamment de l'écrivain Didier Daeninckx[6] parce que Taguieff avait auparavant signé une pétition de soutien à l'un des professeurs mis en cause[7] et de SOS Racisme[8] qui avait pourtant eu recours à l'expertise de Taguieff lors de la création de son propre Observatoire de l'antisémitisme (voir ci-dessus).

Le 18 mars 2004, Taguieff est chargé de faire un rapport officiel sur l'antisémitisme dans les écoles publiques françaises par les ministres Luc Ferry et Jean-Louis Borloo. Également conseiller du Conseil représentatif des Institutions juives de France (CRIF) et membre de l'Association citoyenne pour le Proche-Orient (ACPRO), il signe avec d'autres intellectuels et artistes tels Alain Finkielkraut, Jacques Julliard, l'ancien ministre Bernard Kouchner, le journaliste Ghaleb Bencheikh et le cinéaste Élie Chouraqui un appel controversé[9],[10].

À la fois critique de la gauche et de la droite, et lui-même critiqué par des représentants des deux camps, Taguieff défend une position qu'il nomme « mélioriste » et qu'il décrit en ces termes : « La démocratie libérale n'est certes pas parfaite, mais elle est perfectible, elle est même le seul système politique à l'être. Elle doit être défendue parce qu'elle est le seul type d'organisation politique garantissant aux individus leur liberté d'agir et de penser[11]. » Cette idée de « méliorisme » ou, selon une formulation plus paradoxale, de « conservatisme critique » a été développée dans la conclusion de son ouvrage sur le Sens du progrès (2004) et dans un article paru dans la revue québécoise Égards[12] dont la ligne éditoriale conservatrice et catholique traditionaliste semble très éloignée de ses idées. Mais cela n'a rien d'étonnant puisque Taguieff a toujours été partisan d'une politique du « dialogue », ce qui lui avait valu des critiques à l'occasion de publications dans des revues de la « Nouvelle droite » comme Éléments ou Krisis.

La ligne éditoriale de la revue Le Meilleur des mondes (revue) (éditions Denoël), où il est actuellement contributeur et membre de l'équipe de rédaction, correspond mieux à ses prises de positions intransigeantes envers les utopies. Les Contre-réactionnaires (2007) compte parmi les publications associées à cette revue qui rejette les « vieux mythes » politiques et utopiques pour tenter de voir clair dans « le meilleur des mondes possibles », celui qui est, c'est-à-dire « le seul qui soit ».

[modifier] Travaux

Proche de Max Weber sur le plan méthodologique, Taguieff a recours régulièrement à la notion de type idéal (Idealtype) et forge des concepts en introduisant plusieurs néologismes et en créant des mots composés (hétérophilie, hétérophobie, national-populisme, contre-réactionnaire, etc.). Ses analyses proposent des modèles typologiques qui tentent de cerner les différents facettes des phénomènes étudiés à travers une méthode comparative.

Ses analyses dépassent le cadre national pour voir comment un style politique comme le populisme, par exemple, peut prendre forme dans différents contextes et s'adapter en fonction des configurations sociopolitiques propres à des espaces politiques distincts autant dans l'espace que dans le temps. Sensible à l'approche dite « réaliste » de Weber ou de Julien Freund, Taguieff place la conflictualité et la polémique au cœur de sa réflexion, récusant par là les approches reposant sur des présupposés progressistes trop souvent prisonnières des cadres de la philosophie de l'histoire, issues des Lumières ou du marxisme.

[modifier] Sur la Nouvelle Droite

À partir de 1967-1968, Taguieff s'était consacré à des études de réception de l'œuvre de Nietzsche et à son instrumentalisation au XXe siècle par les pangermanistes et les nazis. Ces recherches sur les usages et les héritages multiples du nietzschéisme l'amènent à s'intéresser à la Nouvelle Droite qui faisait beaucoup discuter à la fin des années 1970, à la suite notamment de la publication très médiatisée du recueil d'articles d'Alain de Benoist intitulé Vu de droite (1977). Le chef de file du mouvement néo-droitier avait érigé l'auteur de la Généalogie de la morale « en prophète de l'inégalitarisme et de l'antijudéochristianisme[13] ». Ainsi, durant les années 1980, Taguieff consacre quelques articles à cette droite intellectuelle et à son chef de file, en même temps qu'il publie plusieurs articles sur le national-populisme et le racisme « différentialiste » qu'il observe dans les publications du GRECE.

En 1993, Taguieff a été faussement accusé par Roger-Pol Droit dans Le Monde de « banalisation de l'extrême droite » et de manque de « vigilance » parce qu'un de ses textes a été publié (dans un recueil où figurent également les noms d'Alain de Benoist et d'André Béjin) en traduction italienne dans une maison d'éditions dirigée par Marco Tarchi, chef de file de la « Nouvelle droite » en Italie[14]. Ce que Le Monde omettait de préciser est que le texte litigieux était en réalité « un piratage » non-autorisé par l'auteur. Cette dénonciation s'expliquait aussi du fait que Taguieff avait fréquenté des militants de la « Nouvelle droite » d'Alain de Benoist dans le cadre de ses travaux et publié des articles dans des revues du mouvement (Éléments, Krisis) aux côtés d'autres intellectuels surtout de gauche qui, aux yeux des « vigilants », auraient dû s'abstenir : Jacques Julliard, Serge Latouche, Alain Caillé, Ignacio Ramonet, etc.

Cette attaque faisait suite à un « Appel à la vigilance » (également publié dans Le Monde) signé par plusieurs intellectuels et universitaires de renommée, sans toutefois que le nom de Taguieff ne figure sur le texte de l'appel[15]. Une contre-pétition de soutien à Taguieff est alors lancée à l'initiative de Patrick Weil où une série de chercheurs et de collègues dénoncent le « conformisme » de la première pétition en rappelant la difficulté de travailler sur des « sujets chauds » et les risques que ces recherches peuvent entraîner. Dans le Nouvel Observateur, Jacques Julliard dénonce, « la campagne menée par Le Monde contre Pierre-André Taguieff », la qualifiant littéralement de « honte[16] ». Le débat se poursuivit notamment avec des interventions de Pierre Vidal-Naquet qui ne s'étonne pas que Taguieff se soit fait « piéger », bien qu'il lui réitère son appui. Taguieff lui-même réfute les allégations de Roger-Pol Droit et Alain de Benoist prend parole pour désigner l'événement comme « une querelle d'Ancien régime ».

[modifier] Populisme, antisémitisme, racisme et antiracisme

Insatisfait du concept d' « extrême droite » qu'il trouve trop polémique, il propose une analyse du Front national en faisant économie de cette notion, proposant plutôt celle de « national-populisme » qui connaîtra une certaine fortune dans les travaux ultérieurs sur le parti de Jean-Marie Le Pen. Ces recherches s'accompagnent également d'une opposition (qu'il a exprimé publiquement à plusieurs reprises) à l'« ethno-nationalisme » du FN et à ses positions sur l'immigration[17],[18]. Parallèlement, Taguieff s'intéresse notamment au ressentiment et au décadentisme tel que représenté par des catholiques traditionalistes-nationalistes comme Jean Madiran ou Romain Marie.

Très sollicité par la question de l’antisémitisme et par les travaux de l'historien Léon Poliakov qu'il considère comme son maître (La Couleur et le sang qui parait en 2002 est dédié à la mémoire de ce dernier), Taguieff a consacré un étude volumineuse le racisme (La Force du préjugé) ainsi qu'une analyse des Protocoles des Sages de Sion, un célèbre faux antisémite rédigé par un agent de la police tsariste (Okhrana) au début du XXe siècle. Par la suite, il poursuit ses recherches sur la question du racisme et de l'anti-racisme, tentant de donner une typologie détaillée de ces concepts. À l'instar des travaux de Poliakov et de Norman Cohn — dont Taguieff se revendique également ses recherches se distinguent par le recours à une documentation considérable et des renvois systématiques aux sources quitte à surcharger ses travaux d'un appareil de notes fastidieux.

C'est en mettant à profit une telle méthode qu'il remonte aux origines du racisme en France pour interroger ses sources « scientifiques ». En partant des travaux de Gobineau et de certains théoriciens héritiers du darwinisme social, Taguieff montre comment le racisme a été rationalisé et a tiré sa légitimité de certains discours savants de type « anthropo-sociologiques » comme ceux de Vacher de Lapouge et de Gustave Le Bon.

[modifier] Typologie des racismes

Ces analyses distiguent deux formes distinctes de racisme exposés en détails dans La Force du préjugé (1987) :

  • D’une part, un racisme « hétérophobe », « pseudo-universaliste », qui rejette la différence et prétend assimiler à une identité unique les groupes voulant conserver leurs différences. Ce racisme est basé sur une logique inégalitaire, et fonde ses catégories sur les caractères somatiques (couleur de la peau, taille, forme du crâne, etc) des individus.
  • D’autre part, un racisme « hétérophile », qui prône le particularisme, et entend conserver des différences exclusives entre les groupes. Cette forme s'appuie sur une logique différentialiste. Parfois décrite comme un néo-racisme, elle fonde ses explications du cours de l'histoire ou du fonctionnement social sur des catégories élaborées à partir de traits culturels (mœurs, langue, religion, etc).

En conséquence, ces deux racismes appellent deux anti-racismes symétriques. Au racisme hétérophobe, s'oppose un antiracisme « différentialiste », lié au relativisme culturel. Il prône l'égale reconnaissance des différentes cultures. Au racisme « hétérophile » et « mixophobe », s'oppose un antiracisme universaliste de teneur « assimilationniste », qui plaide pour le mélange des cultures et l'universalité des valeurs humaines.

[modifier] Théories du complot

Ses dernières recherches de même que ses analyses antérieures des Protocoles des Sages de Sion le conduisent à s'intéresser de plus près aux théories du complot. Ce champ de recherche donne lieu à la publication de deux ouvrages (La Foire aux Illuminés, 2005 ; L'Imaginaire du complot mondial, 2006) retraçant l'histoire du complotisme et de ses manifestations ésotéristes, antimaçonniques et antisémites. Il montre que ces théories qui étaient jusqu'alors l'apanage des idéologies d'extrême droite se sont transformées à la faveur notamment des nouvelles formes de communication.

Jouissant d'une grande accessibilité sur Internet et reprises par certains produits culturels de masse comme les jeux vidéos et certains films à succès, elles répondent aujourd'hui à une demande de sens car elles fournissent des explications totales du monde. Envisagé dans l'optique du "désenchantement du monde", les théories du complot s'inscrivent, selon Taguieff, dans la perspective d'un « réenchantement du monde », selon l'expression de Peter Berger, et participent d'une reconfiguration des croyances et d'une sublimation du religieux sous une forme sécularisée.

Guillaume Weill-Raynal a critiqué ce qu'il considère comme les amalgames de Taguieff qui prétend précisément fustiger les amalgames. Ce dernier abonde d'analyses sur les théories du complot à propos des attentats du 11 septembre 2001 qui impliquent toutes, selon lui, une référence à des complots judéo-maconniques, ce qui est tout à fait faux. Quelques antisémites ont pu soutenir certaines de ces théories mais celles-ci ne sont en rien antisémites. Cette façon de présenter les choses s'apparente à la technique rhétorique dite de l'homme de paille.

[modifier] Controverses : « Nouveau réactionnaire » et « Nouvelle judéophobie »

[modifier] « Nouveaux réactionnaires »

Aujourd’hui, outre ces questions centrales, ses travaux portent également sur le nationalisme, le devenir de la République et sur l’utopie du progrès. En 2002, Taguieff a été qualifié de "nouveau réactionnaire" dans un pamphlet de Daniel Lindenberg (Le Rappel à l'ordre). Pierre-André Taguieff observe que Lindenberg ne prend pas la peine de discuter les thèses de penseurs tels que Pierre Manent, Marcel Gauchet, Alain Finkielkraut, Alain Besançon, Shmuel Trigano, Jean-Claude Milner ou Alain Badiou et se contente d'épingler arbitrairement des noms sur sa liste noire. En réalité, ces « nouveaux réacs » ont peu de choses en commun ; la plupart d'entre eux ne partagent pas les mêmes idées politiques et proviennent de domaines de recherche et de disciplines très différents.

En 2007, l'étiquette polémique de « nouveau réactionnaire » que lui avait accolé Daniel Lindenberg donne à Taguieff le prétexte d'un nouvel ouvrage sur ce qu'il nomme les « contre-réactionnaires ». Cet ouvrage renoue avec ses travaux sur l'idée de progrès et inscrit le concept politique de réaction dans le cadre du système progressiste, contexte dans lequel le terme de "réactionnaire" trouve son sens au profit d'un renversement axiologique. Retrouvant ces « contre-réactionnaires » dans l'histoire du XXe siècle, Taguieff en trace un portrait qui relève d'une double posture : celle du chercheur soucieux de ses références et celle du polémiste.

[modifier] « Nouvelle judéophobie »

Inquiet de la résurgence d’un nouvel antisémitisme qui, selon lui, se dissimule souvent sous le masque de l’antisionisme radical, il a consacré deux ouvrages à cette question (La nouvelle judéophobie 2002 ; Prêcheurs de haine, 2004) où il analyse l’argumentaire antisémite et défend la thèse d'une filiation entre l’antisionisme soviétique des années 1970 et l’islamisme contemporain.

Taguieff a été accusé par plusieurs associations françaises impliquées dans le conflit israélo-palestinien de stigmatiser l'anti-sionisme comme de l'antisémitisme[19]. D'autres lui reprochent son sionisme et lui reprochent d'écrire des pamphlets de propagande et de désinformation[20].

Ainsi en 2003, un texte controversé, « Les nouveaux intellectuels communautaires »[21], de l'islamologue suisse Tariq Ramadan le met en cause en évoquant des « intellectuels juifs » (alors que Taguieff ne l'est pas) tenant des positions pro-israéliennes. À la suite de la parution de ce texte, le principal intéressé a dénoncé les passerelles politiques existant selon lui entre islamistes et altermondialistes[22],[23], qui se seraient déployées au Forum social européen ou dans des manifestations hostiles à la guerre en Irak[24].

En 2005, Guillaume Weill-Raynal (Une haine imaginaire ? Contre enquête sur le « nouvel antisémitisme », Armand Colin, Paris, 2005) et Thomas Deltombe (L'Islam imaginaire : La construction médiatique de l'islamophobie en France 1975-2005, La Découverte, Paris, 2005) soulignent les amalgames, les généralisations, les anachronismes et les glissements présents - selon eux - dans La Nouvelle judéophobie, ils dénoncent également ce qu'ils nomment le « sophisme de Taguieff » selon lequel les médias français sont judéophobes car ils persistent justement à le nier.

[modifier] Publications

[modifier] Ouvrages publiés ou dirigés

  • La Force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, Paris, La Découverte, « Armillaire », 1988 ; rééd. Gallimard, « Tel », 1990. (ISBN 2-07-071977-4)
  • (dir.), Face au racisme, t. 1, Les moyens d'agir ; t. 2, Analyses, hypothèses, perpectives, Paris, La Découverte, « Cahiers libres, essais », 1991 ; rééd. Paris, Éditions du Seuil, « Points essais », 2 t., 1993. (ISBN 2-02-020981-0)
  • (en co-direction avec Gil Delannoi), Théories du nationalisme. Nation, nationalité, ethnicité, Paris, Kimé, « Histoire des idées, théorie politique et recherches en sciences sociales », 1991. (ISBN 2-908212-10-2)
  • Les Protocoles des sages de Sion. Faux et usages d'un faux, t. I, Introduction à l'étude des « Protocoles » : un faux et ses usages dans le siècle ; (dir.) t. II Études et documents, Paris, Berg International, « Faits et représentations », 1992 ; rééd. revue corrigée et augmentée, Berg International et Fayard, 2004. (ISBN 2-213-62148-9)
  • Sur la Nouvelle Droite. Jalons d'une analyse critique, Paris, Éditions Descartes et Cie, 1994. (ISBN 2-910301-02-8)
  • Les Fins de l'antiracisme, Paris, Michalon, 1995. (ISBN 2 84186 001 9)
  • La République menacée. Entretien avec Philippe Petit, Paris, Textuel, « Conversations pour demain », 1996. (ISBN 2-909317-20-X)
  • Le Racisme. Un exposé pour comprendre, un essai pour réfléchir , Paris, Flammarion, « Dominos », 1998. (ISBN 2-08-035456-6)
  • (avec Michèle Tribalat), Face au Front national. Arguments pour une contre-offensive, Paris, La Découverte, 1998. (ISBN 2-7071-2877-5)
  • La Couleur et le sang : doctrines racistes à la française, Paris, Mille et une Nuits, « Les petits libres », 1998 ; rééd. augmentée et refondue, Mille et une Nuits, « Essai », 2002. (ISBN 2-84205-640-X)
  • (avec Grégoire Kauffmann et Michaël Lenoire, dir.), L'Antisémitisme de plume (1940-1944). La propagande antisémite en France sous l'Occupation. Études et documents, Paris, Berg International, « Pensée politique et sciences », 1999. (ISBN 2-911289-16-1)
  • L’Effacement de l’avenir, Paris, Galilée, « Débats », 2000. (ISBN 2-7186-0498-0)
  • Résister au bougisme. Démocratie forte contre mondialisation techno-marchande, Paris, Mille et une Nuits, « Essai », 2001. (ISBN 2-84205-584-5)
  • (en co-direction avec Gil Delannoi), Nationalismes en perspective, Paris, Berg International, « Pensée politique et sciences sociales », 2001. (ISBN 2-911289-37-4)
  • Du Progrès. Biographie d’une utopie moderne, Paris, EJL, « Librio », 2001. (ISBN 2-290-30864-1)
  • La Nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une Nuits, « Essai », 2002. (ISBN 2-842-05650-7)
  • L'Illusion populiste : de l'archaïque au médiatique, Paris, Berg International, « Pensée politique et sciences sociales », 2002 ; rééd. revue et augmentée et précédée d'une nouvelle préface, sous le titre : L'Illusion populiste. Essais sur les démagogies de l'âge démocratique, Paris, Flammarion, « Champs », 2007. (ISBN 978 2 08 120365 5)
  • (dir.), Le Retour du populisme. Un défi pour les démocraties européennes, Paris, Encyclopedia Universalis, « Le tour du sujet », 2004. (ISBN 2-85229-780-9)
  • Le Sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, « Champs », 2004 ; 2006. (ISBN 2 08 080167 8)
  • Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire, Paris, Mille et une Nuits, « Essai », 2004. (ISBN 2842057201)
  • L'Illusion antifasciste. La Gauche et le Terrorisme intellectuel à la française, Paris, Mille et une Nuits, 2004 (recueil d'articles). (ISBN 2842057503)
  • La République enlisée. Pluralisme, communautarisme et citoyenneté, Paris Éditions des Syrtes, 2005. (ISBN 2-84545-092-3)
  • La Foire aux illuminés. Ésotérisme, théorie du complot, extrêmisme, Paris, Mille et une nuits, 2005. (ISBN 2-84205-925-5)
  • L'Imaginaire du complot mondial. Aspects d'un mythe moderne, Paris, Mille et une nuits, 2007. (ISBN 2-84205-980-8)
  • Les Contre-réactionnaires. Le progressisme entre illusion et imposture, Paris, Denoël, 2007. (ISBN 978 2 20725321 2)
  • La Bioéthique ou le juste milieu. Une quête de sens à l'âge du nihilisme technicien, Paris, Fayard, « Essais », 2007. (ISBN 2-213-62723-1)
  • Julien Freund, au cœur du politique, Paris, La Table ronde, 2008. (ISBN 2-710-32947-6)

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

  • Gil Delannoi, « Critiques, croyances et craintes. Sur L’Effacement de l’avenir de Pierre-André Taguieff et quelques autres de ses ouvrages », dans la Revue Française de Science Politique, volume 50, no 4-5, 2000.
  • Thomas Deltombe, L'Islam Imaginaire : La construction médiatique de l'islamophobie en France 1975-2005, Paris, La Découverte, 2005. (ISBN 2-7071-4672-2)
  • Christopher Flood, « Pierre-André Taguieff and the Dilemmas of Antiracism », dans L’Esprit créateur, vol. 37, no 2, 1997, pp. 69–70.
  • Christopher Flood, « National republican politics, intellectuals and the case of Pierre-André Taguieff », dans Modern & Contemporary France, vol. 12, no. 3, 2004, pp. 353–370.
  • Vincent Geisser, La Nouvelle islamophobie, Paris, Paris, La Découverte, « Sur le vif », 2003. (ISBN 2707140600)
  • Emmanuel Lemieux, Pouvoir intellectuel. Les nouveaux réseaux, Paris, Édtions Denoël, 2003, p. 523-540. (ISBN 2207250504) (à propos de l’affaire des « vigilants »)
  • Pierre Milloz, L'immigration, rapport Milloz II : réplique à Pierre André Taguieff et à Michèle Tribalat, Paris, Éditions Objectif France, 1999.
  • Emmanuel Poncet, « L'anti-anti. Portrait de Pierre-André Taguieff », dans Libération, mardi 5 avril 2005.
  • Elisabeth Schemla et Pascal Boniface, Halte aux feux. Antisémitisme, médias, islamophobie, communautarisme, banlieues..., Paris, Flammarion, 2006. (sur la « nouvelle judéophobie » (ISBN 2080690094)
  • Guillaume Weill-Raynal, Une haine imaginaire ? Contre enquête sur le « nouvel antisémitisme », Paris, Armand Colin, Paris, 2005. (ISBN 2-200-26912-9)
  • Sébastien Fontenelle, La position du penseur couché : Répliques à Alain Finkielkraut, Paris, Éditions Privé, 2007. (ISBN 2350760294)

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Conférences

[modifier] Entretiens

[modifier] Notes et références

  1. François Cusset, La décennie. Le grand cauchemar des années 1980, Paris, La Découverte, 2006, p. 10.
  2. Gilles Weyer, « Taguieff », dans Le Figaro Magazine, samedi 11 décembre 2004, p. 88-89.
  3. Boris Thiolay, « Contre tous les racismes. Interview avec Pierre-André Taguieff », L'Express, n°2805, lundi 4 avril 2005, p. 83.
  4. Domninique Chouchan, « Pierre-André Taguieff, philosophe militant passionné par l'histoire du sens des mots, analyse sans relâche les thèses racistes depuis leurs origines, pour mieux les combattre. La science face au racisme », dans Libération, 7 janvier 1997, p. 27.
  5. Informations biographiques tirées de « Taguieff : "On choque toujours un Billancourt ou un Neuilly" », entretien, propos recueillis par Antoine de Gaudemar, dans Libération, 10 juin 1999.
  6. ab Emmanuel Lemieux, Pouvoir intellectuel. Les nouveaux réseaux, Paris, Édtions Denoël, 2003, p. 536.
  7. Texte de la pétition.
  8. SOS Racisme, « Lumière noire sur la commission "Négationnisme à Lyon III" », Amnistia.net.
  9. « Un appel contre le racisme "anti-blancs" », Le Nouvel observateur, mars 2005.
  10. « Contre les ratonnades anti-blancs », Le Nouvel observateur, 25 mars 2005.
  11. « L’émergence d’une judéophobie planétaire », Outre-terre, 3 janvier 2003.
  12. « Conservatisme critique et "méliorisme". Repenser la droite », dans Égards, n° 9, septembre 2005.
  13. Cité dans Thierry Paquot, « Entretien avec Pierre-André Taguieff », le 3 août 2000 à Ferrensac, Institut d'urbanisme de Paris, Université Paris 12, Val de Marne » [1]/Disponible aussi sur le site de Robert Redeker [2].
  14. Roger-Pol Droit, « La confusion des idées. Quarante intellectuels appellent à une Europe de la vigilance face à la banalisation de la pensée d'extrême droite », Le Monde, 13 juillet 1993.
  15. « Appel à une Europe de la vigilance contre l'extrême droite », dans Le Monde, 13 juillet 1993.
  16. Jacques Julliard, Chronique, dans Nouvel Observateur, 19 août 1993.
  17. Jeanne Llabres, « Pierre-André Taguieff : contre Le Pen, revivifier l’État-nation », dans L'Humanité, 29 octobre 1996.
  18. Arnaud Spire, « Pierre-André Taguieff : Une dérive qui peut favoriser un sursaut », dans L'Humanité, 21 mars 1998 [3].
  19. Voir à ce sujet : « Mise au point de Pierre-André Taguieff suite à sa mise en cause dans un livre », mis en ligne le 28 avril 2006, sur Media Ratings.
  20. Voir notamment le dossier « Antisémitisme, sionisme, Israël... en débat » avec M. El Bachir, Pierre Stam et al. (en particulier la partie intitulée « La nouvelle judéophobie, ou le chantage à l'antisémitisme ») dans La Vache folle.
  21. Tariq Ramadan, « Les nouveaux intellectuels communautaires », 2 août 2004, site officiel de l'auteur [4].
  22. Voir peut à ce propos : « Une judéophobie de harcèlement s'est banalisée, jusque dans les cours de récréation », interview de Pierre-André Taguieff par François Dufay dans Le Point .
  23. D'un point de vue polémique et néo-libéral : Simon de Corte, « La "nouvelle judéophobie" profite-t-elle d'une alliance entre progressistes et islamistes ? », La Libre Belgique, 2004.
  24. « Avec Washington et Londres, pour le soutien du peuple irakien », dans Le Figaro, 4 avril 2003.