Darwinisme social

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Le darwinisme social est une extrapolation de la théorie de l'évolution de Darwin et notamment de la sélection naturelle appliquée aux populations et aux sociétés humaines.

Sommaire

[modifier] Origine et développement

Herbert Spencer, savant contemporain de C. Darwin et tout aussi populaire, interprète cette Théorie par la « sélection des plus aptes » (Survival of the fittest). Le Darwinisme social suggère donc que l'hérédité (les caractères innés) aurait un rôle prépondérant par rapport à l'éducation (les caractères acquis). Il s'agit ainsi d'« un système idéologique qui voit dans les luttes civiles, les inégalités sociales et les guerres de conquête rien moins que l'application à l'espèce humaine de la sélection naturelle »[1]. Il fournit ainsi une explication biologique aux disparités observées entre les sociétés sur la trajectoire prétendument unique de l'histoire humaine : les peuples les moins « adaptés » à la lutte pour la survie seraient restés « figés » au stade primitif conceptualisé par les tenants de l'évolutionnisme anthropologique. Darwin a écrit un livre intitulé De l'Origine des espèces (avec comme sous-titre : La Préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie). Il faut noter que Darwin n'analyse pas la société humaine, n'a pas d'implication personnelle citée dans le "darwinisme social", et que Herbert Spencer est lamarckiste; il voit, en effet, dans l'évolution la marque d'une marche vers un progrès inéluctable, contrairement à Darwin, pour qui elle est le résultat du hasard[2].

Sur le plan politique, le darwinisme social a servi à justifier scientifiquement plusieurs concepts politiques liés à la domination par une élite, d'une masse jugée moins apte. Parmi ceux-ci notons le colonialisme, l'eugénisme, le fascisme et surtout le nazisme. En effet, cette idéologie considère légitime que les races humaines et les êtres les plus faibles disparaissent et laissent la place aux races et aux êtres les mieux armés pour survivre (Ernst Haeckel).

De nos jours, le darwinisme social inspire encore certaines idéologies d'extrême droite.

[modifier] Le darwinisme social appliqué aux nations

À la fin du XIXe siècle, le darwinisme social a été appliqué aux rapports entre les nations. Ce mouvement s'est surtout développé dans les pays anglo-saxons, et dans une moindre mesure en Russie. Si cette idée ne débouche en général pas sur des attitudes belliqueuses, il n'en est pas de même en Allemagne où l'affrontement entre les nations « jeunes », comme l'Allemagne, pleines de vitalité « virile », et les nations « anciennes », qualifiées par les tenants de cette théorie de « décadentes », comme la France, est considéré comme inévitable. Cette vision est à replacer dans le contexte social de l'époque.

De plus, la « vitalité » d'une nation se mesure presque exclusivement à l'aune de la démographie : plus une nation est féconde, plus elle est ou sera forte. Ainsi, la Russie et les peuples slaves en général faisaient peur à de nombreux dirigeants allemands, comme le chancelier Bethmann-Hollweg par son accroissement naturel, rendant inévitable, selon eux, un affrontement violent (phobie médiatique du rouleau compresseur russe). À ce stade, le darwinisme social rencontre le nationalisme racial.

On a pu penser que cette vision des rapports entre les nations, dominante en Allemagne et en Autriche au début du XXe siècle, a joué un rôle essentiel dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale.

En 1910, le sociologue J. Novicow publie La critique du darwinisme social (éd. Alcan, téléchargeable sur le site de Gallica.fr) où il critique de manière acerbe la tendance de ses collègues et d'autres essayistes et savants de son temps à mettre en avant le conflit et la guerre comme moteur de l'évolution et du progrès social. Il donne la définition suivante:

"Le darwinisme social peut être défini : la doctrine qui considère l'homicide collectif comme la cause des progrès du genre humain."

L'importance du darwinisme social dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale doit être relativisée. Cette interprétation est en effet sérieusement démentie par le travail de Léon Schirmann qui a identifié les responsabilités réelles dans le déclenchement du premier conflit mondial après avoir travaillé sur les archives officielles des différents pays belligérants (cf Mensonges et désinformation, août 1914, comment on vend une guerre Léon Schirmann, Editions Italiques, 2003). Ces responsabilités sont avant tout bien plus politiques que scientifiques.

Des éléments liés à la théorie de la sélection naturelle ont été incorporés par Shigetake Sugiura, l'un des tuteurs de Hirohito, dans ses écrits visant à justifier la supériorité de la race nipponne et son droit à dominer l'Extrême-Orient. Avec les éléments mythologiques propres au shinto, le darwinisme social servit donc de toile de fond à l'invasion de la Chine et des pays d'Asie du Sud-Est pendant l'ère Showa.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie sommaire

  • Jean-Marc Bernardini, Le Darwinisme social en France (1859-1918). Fascination et rejet d'une idéologie, Paris, Editions du CNRS, 1997
  • J. Novicow, La Critique du darwinisme social, Éditions Félix Alcan, 1910
  • André Pichot, La Société pure. De Darwin à Hitler, 2000, Champs Flammarion (ISBN 2080800310)
  • Peter Wetzler, Hirohito and War, University of Hawaii press, 1998

[modifier] Notes et références

  1. Hérodote consacre un petit article au darwinisme social
  2. Olivier Postel-Vinay, « Cent cinquante ans d'affaire Darwin », L'Histoire, n° 328, février 2008, p. 34-43.