Think tank
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Un think tank est une institution de droit privé, regroupant des experts, plus ou moins spécialisés, émettant des idées dans le domaine des sciences sociales disposant d'une capacité d'analyse et de réflexion interne et visant à faire des propositions de politique publique. Un think tank se dit laboratoire d'idées selon la terminologie officielle dans les pays francophones. En France, certains parlent de cercles de réflexion ou, pour désigner le phénomène plus général des clubs, fondations ou autres associations de ce type qui se multiplient, de « groupes de réflexion et d'influence». D'autres préfèrent le terme d'« institut indépendant de recherche sur les politiques »[1].
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[modifier] Origine
Le terme est issu d'un jeu de mot américain qui illustre la particularité de ces structures et leur origine [2]. les think tanks sont nés aux États-Unis et le terme peut être traduit par « réservoir d'idées » ou « boîte où penser (à pensées) ». Il s'est répandu lors de la seconde guerre mondiale mais désigne une réalité bien plus ancienne. On considère généralement que le premier think tank était la Fabian Society, créée en 1884 pour promouvoir des réformes sociales. Certains estiment que le premier vrai think tank clairement identifiable est la Brookings Institution créée en 1916.
Il n’existe pas de définition précise et unanime du terme. La frontière reste relativement floue par rapport à un groupe d’intérêt ou de pression (lobby), un mouvement politique, un cabinet de consultants, une ONG ayant une vocation de synthèse et de proposition ou une « société de pensée » regroupant des élites qui cherchent à conseiller les décideurs politiques. En France, des clubs politiques au service d'un parti ou d'un candidat ou de simples groupes de réflexion et de prospective au sein d'une administration aiment souvent se parer de la dénomination prestigieuse de think tank, ce qui accroît la confusion. En général, un think tank prétend faire une analyse objective (c'est-à-dire fondée sur des méthodes scientifiques) du monde en vue du Bien Commun, et non au profit d'intérêts particuliers, et ainsi exprimer une part de l'« opinion publique » intellectuelle. Beaucoup considèrent que le succès des think tanks traduit l'émergence de la société civile au même titre que celui des ONG.
Par ailleurs, il est courant qu'un think tank se réclame d'un ensemble de valeurs particulier ou d'une grille d'analyse spécifique de la société. Son rôle sera d'amener le débat public sur les thèmes qui lui tiennent à cœur pour favoriser ses positions (de « faire l'agenda » du débat public, diraient les sociologues américains).
Pour reprendre une distinction souvent employée en Amérique du Nord, auraient émergé successivement :
- des « Universités sans étudiants », comme la Fondation Carnegie, produisant surtout des réflexions générales et des livres ;
- des think tanks conseillant les grandes administrations comme la Rand Corporation ;
- des think tanks très idéologisés (dont beaucoup néo-conservateurs) qui « plaident » pour une cause (advocacy thanks) auprès des médias, de l'opinion publique et, bien entendu, surtout des décideurs.
Aux États-Unis, les think tanks contribuent à la circulation des élites, par exemple en servant de réservoir de talents ou en permettant aux membres d'une administration d'intégrer une structure et de préparer leur retour lorsque leur parti n'est plus au pouvoir.
Aux États-Unis toujours, le plus souvent, le think tank possède un statut de fondation ou d'association à but non lucratif qui lui permet de payer moins d'impôt mais lui interdit de prendre directement position pour un parti, une administration ou un candidat politique (ce qui le distingue radicalement du sens qu'on lui donne en France où il n'est le plus souvent qu'une écurie politique[3]). Les financements varient selon les organismes : certains refusent toute subvention publique. D'autres vivent grâce aux fonds publics mais refusent les dons d'entreprise. Le Cato Institute, think tank américain, a par exemple la ventilation suivante dans ses recettes : 83 % de ses revenus provenaient de particuliers, 11 % d'associations, 2 % d'entreprises, et 4 % du revenu des ventes d'ouvrages ou des formations[4]. À l'inverse, l'Institut de l'entreprise est financé à 100 % par les entreprises adhérentes.
Les think tanks et organisations assimilées dont il existe toute une typologie très différente en France et aux États-Unis, par exemple, [5] défendent des idées variées comme les libertés économiques (néolibéralisme), la justice sociale, la liberté de la santé, l'éducation, l'éthique, la religion, etc. Certains peuvent se spécialiser dans un domaine comme les technologies ou la stratégie, d'autres sont plus généralistes. Les travaux de certains ont une renommée internationale et ils pèsent dans la politique, en particulier aux États-Unis. Ils ont joué un grand rôle - presque programmatique - dans ce que l'on a appelé la révolution conservatrice des années 1970-1980. Sous le mandat de G. W. Bush, qui recruta largement ses conseillers dans les think tanks néo-conservateurs comme Heritage Foundation ou le Project for a New American Century, leur pouvoir est devenu très visible, renforcé par une force présence médiatique (on parle de media tanks). On les considère, à côté des ONG, lobbies, associations représentant la société civile, etc., comme caractéristiques des "sociétés d'influence"[6], par contraste avec les anciennes sociétés d'autorité.
[modifier] Principaux think tanks
Classement par année de fondation.
Nom | Domaine | Orientation politique | Pays | Budget (approx.) | Fondé en |
---|---|---|---|---|---|
Fabian Society | généraliste | centre gauche | Royaume-Uni | 1884 | |
Brookings Institution | généraliste | centre | États-Unis | 1916 | |
Hoover Institution | généraliste | républicain | États-Unis | 1919 | |
Council on Foreign Relations | relations internationales | États-Unis | 25 Mns $ | 1921 | |
American Enterprise Institute | généraliste | néo-conservateur | États-Unis | 30 Mns $ | 1943 |
RAND Corporation | généraliste | États-Unis | 1945 | ||
EGMONT | relations internationales | Belgique | 1947 | ||
Adam Smith Institute | économie | libéral | Royaume-Uni | 1971 | |
German Marshall Fund of the United States | relations transatlantiques | États-Unis | 1972 | ||
Institut Amadeus | relations internationales | Maroc | 2005 | ||
Heritage Foundation | généraliste | conservateur | États-Unis | 1973 | |
Institut Fraser | généraliste | libéral | Canada | 11 Mns $ | 1974 |
Institut de l'entreprise | économie | France | 1975 | ||
Cato Institute | généraliste | libertarien | États-Unis | 20 Mns $ | 1977 |
IFRI | relations internationales | France | 1979 | ||
Centre for European Policy Studies (CEPS) | construction européenne | Europe | 6.1 Mns € | 1983 | |
Institut Choiseul | relations internationales | France | 1997 | ||
iFRAP | généraliste | libéral | France | 1985 | |
IRIS | relations internationales | France | 1990 | ||
Institut Turgot | généraliste | libéral | France | 1990 | |
Confrontations Europe | construction européenne | centre gauche | France | 1,5 Mns € | 1991 |
Fondation Robert Schuman | construction européenne | centre | France | 1991 | |
Fondation de service politique | généraliste | Doctrine sociale de l'Église | France | 1992 | |
Notre Europe | construction européenne | Europe | 1996 | ||
Fondation Concorde | généraliste | France | 1997 | ||
PNAC | relations internationales | États-Unis | 1997 | ||
Fondation Copernic | généraliste | gauche | France | 1998 | |
Institut Montaigne | généraliste | indépendant | France | 2000 | |
Institut de recherche et d'informations socioéconomique | économie, social | gauche | Canada | 2000 | |
Institut économique de Montréal | économie | libéral | Canada | 1,2 Mns $ | 2000 |
La République des idées | généraliste | social-libéral | France | 2002 | |
Institut Thomas More | généraliste | conservateur-libéral | Europe | 2003 | |
Fondation pour l'innovation politique | généraliste | centre droit | France | 2004 | |
Euroreflex | construction européenne | Europe | 2005 | ||
Fondation Res Publica | République, mondialisation, dialogue des civilisations et des nations | républicain civique | France | 2005 | |
Bruegel | économie | Europe | 2005 | ||
Fondation Prometheus | Politique, Economie, Enjeux de la mondialisation | France | 2005 |
[modifier] Situations nationales
[modifier] France
La France possède un tissu associatif particulièrement développé et parmi ces associations nombreuses sont celles qui, sous différents noms, cercles, clubs ou autre, revendiquent le terme de "think tank" (qui n'est pas un statut en France). Quelques fondations s'inscrivent dans ce courant. Le club des vigilants, l'Institut Montaigne, Confrontations Europe, Notre Europe, IDDRI, le CEPII, la Fondation Concorde, Institut Turgot, Euroreflex, la Fondation d'entreprises Prometheus sont quelques exemples de la difficulté de regrouper sous le terme "think tank" des structures si différentes. Telos, fondé et présidée par Zaki Laïdi depuis 2005 sert de plate-forme pour des prises de position d'universitaires sur des questions politiques et économiques. Le Cercle Alexis de Tocqueville est un think tank visant à développer la gouvernance publique et privée. Elle offre une tribune libre de réflexion par la publication d'articles sur des thèmes variés.
En matière de politique étrangère l'Iris et l'Ifri sont deux think tanks clairement identifiés et reconnus, le second réputé plus à droite (ou moins anti-américain) que le premier. Pour sa part, l’Institut Choiseul pour la politique internationale et la géoéconomie se distingue de ses deux homologues en ayant un pôle éditorial abondant dédié aux relations internationales et stratégiques éditant notamment les revues Géoéconomie, Sécurité globale, Nordiques, Politique américaine, Problèmes d'Amérique latine, Monde chinois et Maghreb-Machrek.
Certains think tanks ou groupes de réflexion et d'influence sont en revanche apparentés plus ou moins explicitement à des partis politiques : les Fondation Gabriel-Péri (PCF), Fondation Jean-Jaurès (PS) et la Fondation Robert Schuman (UDF). Créée en 2004 à l'initiative de Jérôme Monod, la Fondation pour l'innovation politique a d'abord été proche de l'UMP, avant d'accéder à une pleine indépendance après avoir été reniée par Nicolas Sarkozy, une fois celui-ci devenu Président de l'UMP. À Strasbourg, parmi les derniers nés des think tanks français à vocation européenne, on peut citer le Forum Carolus[7], créé à l'initiative de François Loos, ministre délégué à l'industrie.
[modifier] États-Unis
Les États-Unis sont probablement le pays dans lequel les think tanks ont le plus d'influence. On peut citer le Project for the New American Century, le Cato Institute, la Hoover Institution, la Brookings Institution, la RAND Corporation, le German Marshall Fund of the United States ou encore l'American Enterprise Institute.
[modifier] Allemagne
Historiquement et juridiquement, l'Allemagne possède des fondations, proches, voire associées aux principaux partis politiques, et qui oeuvrent comme certains think tanks américains en particulier la CDU avec la Konrad Adenauer Stiftung ou le SPD avec la Friedrich-Ebert-Stiftung.
[modifier] Grande-Bretagne
La situation britannique est assez proche de la situation américaine avec de nombreux think tanks influents : Adam Smith Institute, Institute for Public Policy Research, Centre for Policy Studies.
[modifier] Mexique
Pendant l'histoire contempotaine du Mexique, Université nationale autonome du Mexique a été le principal think tank du pays. Particullierment, la Faculté de Sciences Politiques et Sociales qui a preparé beaucoup des figures politiques de la gauche et du centre. Á l'arrive du Parti action nationale, l'UNAM a perdu certain positions en détriment d'autres centres educatifs comme El Colegio de México, l'Institut technologique autonome de Mexico et l'Instituto Tecnológico y de Estudios Superiores de Monterrey
[modifier] Bibliographie
- Les Thinks Tanks, cerveaux de la guerre des idées, de Stephen Boucher et Martine Royo, préface de Pascal Lamy, Paris, Ed. du Felin, 2006, 120 pages, ISBN 2-86645-619-X.
- L'Europe et ses think tanks, un potentiel inaccompli, Notre Europe, décembre 2004. Lire en ligne
- Les Clubs de réflexion et d'influence 2006-2007, Pierre-Emmanuel Moog, Groupe Express Édition, 366 pages, ISBN 2-84343-364-9.
- Expertise et conseil", de Xavier Carpentier-Tanguy, in « Experts et think tanks : quel modèle de conseil ? », La Documentation française, Problèmes économiques, n° 2912., 2006 Lire en ligne
- « Influences et innovations politiques : les think tanks (perspectives historiques) » de Xavier Carpentier-Tanguy, Revue de l´Ecole Nationale d´Administration, Etudes Européennes n°9. 2006 Lire en ligne
[modifier] Notes et références
- ↑ traduit de l'anglais independent policy research intitute, Diane Stone, 1996
- ↑ Liste
- ↑ Les think tanks : origine et perspectives, Nonfiction.fr
- ↑ Rapport annuel 2005 du Cato Institute
- ↑ France/Usa
- ↑ Sociétés d'influence
- ↑ Forum Carolus