Simone Boisecq

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Simone Boisecq, autour de 1995
Simone Boisecq, autour de 1995

Simone Boisecq (* 7 avril 1922 à Alger -) est un sculpteur non figuratif française.

Sommaire

[modifier] Biographie

Simone Boisecq naît à Alger où son père, d'origine bretonne, s'est installé en 1920. Il soutient activement les revendications nationales et culturelles tant des Bretons que des Arabes et des Kabyles et sera révoqué en 1940 par le régime de Vichy. Sa mère, pianiste, est née à Smyrne. En 1937 Simone Boisecq suit des cours du soir en sculpture aux Beaux-Arts d'Alger, en 1941 des études de philosophie et d'esthétique à l'Université d'Alger. Rédactrice en 1943 à l'Agence France-Presse, elle est mutée en 1945 à Paris.

Elle y rencontre l'année suivante le sculpteur Karl-Jean Longuet (* 1904 - † 1981) et quitte l'AFP, vivant de traductions (notamment d'Herbert Read). Réalisant ses premières céramiques, elle travaille dans l'atelier de K.-J. Longuet qu'elle épouse en 1949. Elle rencontre alors Brancusi, fait la connaissance des artistes espagnols, Picasso, Oscar Dominguez, se lie avec les peintres non-figuratifs de la nouvelle École de Paris, Jean Bertholle, Vera Pagava, Maria Elena Vieira da Silva et Arpad Szenes, puis Hans Reichel, Roger Bissière, Jean Le Moal et Juana Muller, Marie Raymond et Yves Klein. Simone Boisecq réalise en 1952 sa première exposition personnelle, côtoie Paul Éluard dont K.-J. Longuet sculpte le buste. À partir de 1954 elle participe à des expositions collectives, avec Étienne Martin, Émile Gilioli, Alicia Penalba, François Stahly. Elle réalise entre 1956 et 1986 une dizaine de sculptures monumentales pour des commandes publiques, en province et à Paris, notamment pour l'École nationale d'administration, et plusieurs de ses œuvres sont éditées par la Monnaie de Paris.

Des expositions rétrospectives de Simone Boisecq sont organisées en 1981 et, en France, en Allemagne et au Portugal, de 1999 à 2001.

[modifier] L'œuvre

L'œuvre de Simone Boisecq est de celles qui ont engagé, au long des années 1950, la sculpture contemporaine dans une voie nouvelle, non-figurative, dont la démarche n'apparaît pas sans parenté avec les cheminements simultanément explorés, après la longue étape du surréalisme, par les peintres et les poètes.

La sculpture de Simone Boisecq se caractérise en effet par un double refus : de la description naturaliste, même simplifiée, d'une part, et d'autre part d'une abstraction purement géométrique, d'un maniement de structures et de volumes fermés sur leur autonomie, coupés de tout lien avec l'être du monde. Dans la reconnaissance des pouvoirs propres de son langage, si elle se détache de toute représentation des choses du visible et fait paraître des formes inédites, elle ne rompt pas pour autant toute relation avec la réalité. Dans les peintures non-figuratives les couleurs ne sont pas qualités des choses, ce sont à l'inverse les choses qui constituent des qualités possibles, fugitives, des couleurs. Il en irait de même pour la construction de l'espace dans la sculpture de Simone Boisecq. Les mouvements ascendants des plans, les trouées dont elle ajoure les masses, ne sont pas qualités essentielles de l'Arbre ou de la Ville, mais l'Arbre ou la Ville, le Soleil ou la Figure humaine, se donnent comme qualités instables des volumes que Simone Boisecq ajuste ou oppose. En un flux et reflux incessants, le regard vacille entre le proche et l'intime, l'immense et le lointain. Les identifications qu'il tente d'y projeter se recouvrent et s'effacent, ne semblent qu'effleurer le noyau énigmatique que l'œuvre dresse irréductiblement dans un espace à mesure variable.

Ce travail au-delà des apparences, Simone Boisecq l'a mené à travers diverses matières, au long d'une poétique évolutive, en des thèmes distincts qui surgissent tour à tour ou se développent de front, plus tard s'enchevêtrent et se réactivent à distance, dérivent les uns dans les autres. « Les étapes de mon parcours de sculpteur correspondent aux étapes de ma vie », dit Simone Boisecq, « mais c'est une évidence a posteriori : ces thèmes qui apparaissent dans leur propre cohérence, je ne les ai pas projetés sur le moment, ils sont intervenus au fur et à mesure que la vie avançait en une sorte de développement organique ».

De 1949 à 1955 les allusions à l'univers de la vie végétale dominent le premier moment de son itinéraire. Dans les « Objets et Fleurs sauvages » exposés en 1952, les formes épineuses, carénées ou crénelées s'épanouissent au carrefour des rythmes des agaves ou figuiers de Barbarie que Simone Boisecq a côtoyés durant plus de vingt ans à Alger. À travers le refus de toute imitation, narration, anecdote, et l'inscription dans ses « Idoles » d'une dimension anthropomorphique, le climat de son travail s'apparente d'emblée à celui des Arts Premiers qu'évoqueront encore ses « Figures totémiques ». Mais les silhouettes de ses « Orants »aux bras dressés vers le ciel, les contours denticulés de ses « Cactées » ne croisent pas moins les galbes ou les anses des jarres, amphores, vases et lampes votives modelés en Algérie même, ainsi que les dômes caractéristiques des tombeaux sahariens. « Ce que j'ai fait est né Là-bas », dit encore Simone Boisecq.

Dès 1954 deux thèmes nouveaux vont renouveler cet enracinement. Associé à la lecture des poèmes d'Aimé Césaire, apparaît son premier « Soleil », en terre cuite puis en bronze, que des versions monumentales transposeront en 1956 et 1964. Le thème ne cessera plus d'accompagner son œuvre dont il constitue l'une des fibres majeures. Matérialisant puissamment, au contraire de la perception et de la représentation spontanées, les rayons invisibles de la lumière dans les remous des plans et des facettes, nombre de ces Soleils n'évoquent le noyau actif de leur éruption que par un vide central, que l'on retrouvera, dédoublé, dans le regard égaré des Masques et Vanités. Remontant du temps cyclique de la vie végétale au principe du vivant, lui-même en marge de toute vie, Simone Boisecq entraîne hors des cadres rassurants de l'espace et du temps humains vers une transcendance cosmique : comme en miroir ses Signes solaires rappellent à l'homme le caractère éphémère de sa condition, se donnent au milieu de l'inhumanité de l'univers comme chiffres inverses de sa mort.

En opposition à ces sphères solaires commencent simultanément en 1954 de se dresser dans l'œuvre de Simone Boisecq les élans ascensionnels de ses architectures, « Ville », « Citadelle » ou « Forteresse ». Serrées sur elles-mêmes à l'abri des hautes parois de leurs remparts, laissant à peine entrevoir rampes et galeries de leurs espaces internes, elles poursuivent la verticalité végétale, désormais massivement étagée en structures complexes, coniques ou pyramidales. « Il y avait dans le souci de la structure continuité et développement entre l'Arbre et la Ville, ce que crée la Nature et ce que construisent les hommes », dit Simone Boisecq. Villes sans âge, sans la moindre connotation réaliste, si fugitivement y transparaissent les profils des minarets et pinacles du Mzab et du Grand Sud saharien, elles ne renvoient précisément le regard à aucun lieu, aucune époque du monde. Cette expressivité devait tout naturellement conduire Simone Boisecq à ses plus vastes réalisations, dès 1956 et plus constamment au long des années 1970, lorsque toute une série d'œuvres destinées à des bâtiments publics lui sera commandée. À ces structures architecturales va dans son travail se mêler, comme auparavant aux formes végétales, l'arrière-fond de la présence humaine.

C'est ce thème, à travers un glissement autour du signe du regard, jusqu'alors très allusivement suggéré parmi d'autres et assurant désormais la structure essentielle de la construction, que vont métamorphoser les vanités composées à partir de 1993 mais à travers un renversement de l'approche initiale : c'est à présent l'Architecture en ses fermes assises qui découvre progressivement les Visages dont elle est constituée. « De même qu'il y a une Colonne de l'Infini de Brancusi, chez moi ‘Le Temps’ est comme une succession, une superposition de ‘Vanités’, une Colonne du Temps », dit Simone Boisecq. La Vanité au regard égaré se fait monument aux degrés irréguliers qui déjà se donnent à gravir. Traces de visages effacés et façades creusées dans la falaise, vestiges de remparts dressés ces Vanités réunissent la dimension architecturale qui demeure l'une des composantes spécifiques de l'œuvre de Simone Boisecq et la méditation sensible du temps qu'elle n'a cessé de mener.

La série parallèle des « Mausolées de Voyage », en accomplit une autre synthèse au confluent des Villes et Vanités. Cinquième thème majeur, il se développe de 1992 à 1998 à travers une riche variété formelle, hauts profils resserrés, dalles ajourées d'allées couvertes ou tumulus. Le regard ne les découvre pas statiquement mais, à travers une approche dynamique, longe leurs parois, sur le point virtuellement de se glisser par leurs ouvertures, de bifurquer par leurs couloirs silencieux. Plus que la finitude de son existence, ce serait l'infinitude au milieu de laquelle séjourne l'homme que ces « Mausolées », Mémentos intimes pour le voyage de la vie, donneraient à éprouver. Sur d'autres voies, à l'aide de nouvelles formes, Simone Boisecq y poursuit la même approche de l'intemporalité en quoi s'inscrit la durée humaine : la même quête de cet Autre-que-l'homme dont l'interrogation définit la dénature humaine.

Sans doute est-ce cette tension méta-physique latente, tout juste suggérée par la poésie de certains titres, « La Clé de l'Infini » ou « La Monnaie de l'Absolu », qui caractériserait l'originalité de son œuvre dans la sculpture contemporaine. « Parent de tous les styles sacrés et étranger à tous les autres », le style de l'art moderne, affirmait André Malraux, « semble celui d'une religion qu'il ignore ». Ainsi, de l'autre côté du temps, de ces Temples de l'Intemporel qu'édifie Simone Boisecq.

[modifier] Œuvres dans les musées

  • Calais, Musée des Beaux-Arts et de la dentelle :
- La Forêt (résine), 1955
- La Citadelle, 1956
- La Forteresse, 1990
- Le Veilleur, 1993
  • Dunkerque, Lieu d'Art et d'Action contemporaine (LAAC) :
- L'Arbre, 1952
- Le Forum, 1976
- Soleil Césaire, 1954
- Totem, 1957
- Mur Limoges, 1973
- Grand couple II, 1975
- Petit couple III, 1976
  • Meudon, Musée d'Art et d'Histoire :
- L'Homme cactus (terre cuite), 1957
- Femme cactée (résine),
- Grand soleil Césaire, 1954
- Mur, 1973
- La ville III, 1967 (Donation Gildas Fardel)
- Soleil Saint-John Perse, 1977
- L'Hermine, 1972
- Pierre noire, 1979
- T comme destin, 1988
  • Reims, Musée des Beaux-Arts :
- La Forêt (terre cuite), 1955
- Théâtre de verdure, 1964
- Vase crénelé, 1948
- La Flamme (terre cuite), 1949
- Dualité (terre cuite), 1958
- Objet sauvage, 1948
- Le Fruit, 1952
- Femme cactée (terre cuite), 1957

[modifier] Sculptures monumentales

Le Coeur, cuivre, Loudéac
La clé de l'infini', pierre, Rupt-sur-Moselle
Le Mur, pierre, Limoges
  • 1978 : Soleil Saint-John Perse, granit rose, Brest
Cadran solaire, pierre, Auray

[modifier] Sculptures éditées par la Monnaie de Paris

  • 1975 : La Flamme de Brocéliande, bronze
  • 1980 : Le Signal, aluminium
Signe solaire, laiton
  • 1981 : Croix de carrefour, aluminium
Croix solaire, argent, bronze
  • 1982 : Stèle sans âge II, aluminium

[modifier] Bibliographie sélective

 : source utilisée pour la rédaction de cet article

  • Michel Seuphor, La sculpture de ce siècle, Éditions du Griffon, Neuchâtel, 1959.
  • Michel Ragon et Michel Seuphor, L'art abstrait, 4, 1945-1970, Maeght éditeur, Paris, 1974.
  • Aube Lardera, Simone Boisecq, dans Ionel Jianou, Gérard Xuriguera, Aube Lardera, La sculpture moderne en France, Arted Editions d'Art, Paris, 1982.
  • Valérie Lawitschka et Anne Longuet Marx, Simone Boisecq, Le sculpteur et ses poètes, textes en allemand, français et portugais, de Oskar Pastior, Jean Guichard-Meili, Jacques Roubaud, Claude Esteban, Charles Juliet et Michel-Georges Bernard, Hölderlin-Gesellschaft, Tübingen et Edition Isele, Eggingen (ISBN 290622953).
  • Sobre Simone Boisecq (en portugais), entretien avec Michel-Georges Bernard et texte de Anne-Longuet Marx, dans "Tabacaria", Casa Fernando Pessoa, Lisbonne, automne 2000.
  • Jean Daive, Ce que trouvent les formes. L'œuvre sculpté de Simone Boisecq, texte en allemand, français et portugais, Les conférences du Divan n° 6, Paris-Tübingen, Edition Isele, Eggigen, 1999.
  • Simone Boisecq, dossier, texte de Michel-Georges Bernard, extraits de Aube Lardera, André Guégan, Charles Juliet, Valérie Lawitschka et Anne Longuet-Marx, Jean Daive, entretien avec Simone Boisecq, dans "Algérie Littérature / Action", n° 59-60, Paris, mars-avril 2002.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Lien externe