Fraction continue

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 \sqrt 2 = 1 + \cfrac{1}{2 + \cfrac{1}{2 + \frac{1}{2+\,\cdots}}}
Exemple de développement infini en fraction continue

En mathématiques, une fraction continue ou fraction continuée[1] est un système d'écriture différent de la notation décimale usuelle pour un nombre réel, utilisant des fractions étagées de la forme :

a_0 + \cfrac{1}{a_1 + \cfrac{1}{a_2 + \frac{1}{a_3+\,\cdots}}}

où le premier terme a0 est un entier relatif et pour tout n strictement positif, le terme an est un entier strictement positif.

Comme dans la notation décimale usuelle, où chaque nombre réel est approché par des nombres décimaux de plus en plus précisément au fur et à mesure de la donnée des décimales successives, de même chaque nombre réel est approché par des fractions étagées de la forme ci-dessus de plus en plus précisément au fur et à mesure qu'on rajoute des étages. En outre, s'il faut une infinité de décimales pour décrire exactement un nombre non décimal, il faut un développement infini en fraction continue pour décrire exactement un nombre irrationnel.

Les fractions continues sont utiles en approximation diophantienne, notamment parce qu'elles fournissent, en un certain sens, les « meilleures » approximations des nombres réels par des nombres rationnels. Cette propriété est à l’origine d’algorithmes pour l’approximations de racines carrées, mais aussi de démonstrations d’irrationalité voire de transcendance pour certains nombres comme π ou e. La périodicité des fractions continues des racines carrées d’entiers strictement supérieurs à un et sans facteur carré a des conséquences utiles pour l’étude de l’équation de Pell-Fermat.

Déjà usitées chez les mathématiciens indiens au Moyen Âge, les fractions continues sont étudiées en Europe dès le XVIIe siècle mais constituent un sujet de recherche encore actif au XXe siècle. Elles sont maintenant généralisées à d'autres expressions, appliquées à l'approximation de séries entières par des fractions rationnelles ou encore adaptées aux applications linéaires.

Joseph-Louis Lagrange établit de manière rigoureuse les propriétés des fractions continues des entiers quadratiques.
Joseph-Louis Lagrange établit de manière rigoureuse les propriétés des fractions continues des entiers quadratiques.

Sommaire

[modifier] Préambule

[modifier] Introduction algorithmique

Comment trouve-t-on un développement en fraction continue d'un nombre réel strictement positif r? Cette recherche va être détaillée sur deux exemples. On ne montre ici ni l'existence en général d'un développement en fraction continue, ni son unicité et on se commence par calculer pratiquement un exemple en partant du nombre rationnel 415/93. Cet exemple met en évidence l'utilisation d'un algorithme, qui est simplement un petit jeu arithmétique, qui s'arrête quand une certaine condition est remplie. Il peut ne jamais s'arrêter, ce qu'on constate en l'appliquant à un autre exemple, \sqrt 2.

[modifier] Un nombre rationnel : 415/93

L’objectif est de trouver des nombres entiers a_0, a_1,a_2,\dots de façon à pouvoir écrire

r=\frac{415}{93}=a_0+\frac{1}{a_1+\frac{1}{a_2+\frac{1}{a_3+\dots}}}.

Si r était entier, on pourrait choisir a0 = r et s'arrêter là. La division avec reste de 415 par 93 donne

415=4\times 93 + 43.

Comme r n'est pas entier, il doit y avoir au moins un autre terme, et si un développement existe, on doit avoir l'égalité

r=a_0+\frac{1}{a_1+s_1},

avec s1 un nombre positif ou nul. En fait, s1 vaut 0 si la suite des aj s'arrête à l'indice 1 et serait égal à l'expression, pour le moment mystérieuse,

s_1=\frac{1}{a_2+\frac{1}{a_3+\frac{1}{a_4+\dots}}}.

Si cette expression a la bonté d'avoir un sens, elle ne peut être que positive, puisqu'elle ne fait intervenir que des additions et des divisions de nombres positifs. En lisant l'égalité

\frac{415}{93}=a_0+\frac{1}{a_1+s_1},

on voit que 415 / 93 − a0 est au plus égal à 1. Donc un seul choix pour a0 est possible : il faut prendre le plus grand entier inférieur ou égal à 415 / 93, et c'est 4.

Pour passer à l'étape suivante, puisqu'on a un candidat pour a0, on considère maintenant la différence entre r = 415 / 93 et a0 = 4 :

r-a_0=\frac{415}{93}-4=\frac{43}{93}=\frac{1}{a_1+s_1},

et on prend les inverses des deux derniers membres :

\frac{93}{43}=a_1+s_1.

Si \frac{93}{43} était entier, il n'y aurait plus qu'à prendre pour a1 cet entier. Mais la division avec reste de 93 par 43 donne

93=43\times 2+7.

On doit donc raisonner comme précédemment :

s_1=\frac{1}{a_2+s_2},

le nombre s2 étant une autre expression mystérieuse positive ou nulle, dont les indices sont augmentés d'une unité par rapport à l'expression mystérieuse précédente :

s_2=\frac{1}{a_3+\frac{1}{a_4+\frac{1}{a_5+\dots}}}.

On agit exactement comme précédemment : a1 est le plus grand entier inférieur ou égal à 93 / 43, c'est donc 2.

Ensuite, on itère tranquillement le raisonnement :

\frac{93}{43}-2=\frac{7}{43}=\frac{1}{a_2+s_2},

donc en inversant les deux derniers membres des égalités ci-dessus

\frac{43}{7}=a_2+\frac{1}{a_3+s_3},

ce qui donne pour a2 le plus grand entier au plus égal à 43 / 7, c'est à dire 6. Il vient

\frac{43}{7}-6=\frac{1}{7}.

On inverse, et on trouve

7 = a3 + s3,

avec comme seul choix possible a3 = 7 et n = 3. La suite des coefficients aj n'a donc que les quatre termes 4,2,6,7.

Ce résultat est généralement noté :

 \frac {415}{93} = [4, 2, 6, 7].

On vérifie directement qu'on a bien

\frac{415}{93}=4+\frac{1}{2+\frac{1}{6+\frac{1}{7}}},

ce qui est quand même rassurant.

Si seul le premier terme est utilisé, on obtient comme approximation 4, qui se situe à une distance inférieure à 1 du nombre approché. Si le deuxième terme est utilisé on obtient 9/2 à une distance inférieure à 1/25 ce qui est remarquable pour un dénominateur égal à 2. Enfin l’usage du troisième terme donne 58/13 soit une précision de l’ordre de 1/1000.

La précision d'une approximation fractionnaire obtenue par cette méthode est toujours meilleure que l’inverse du carré du dénominateur. D'autre part, le numérateur et le dénominateur sont toujours premiers entre eux. Il n’existe qu’un nombre fini d’approximations ayant ces propriétés dans le cas d'un rationnel, en conséquence une fraction continue d’un nombre rationnel est toujours finie.

[modifier] Formalisation de l'algorithme

On vient de faire quelque chose de très simple. On prend un nombre réel positif r, on cherche le plus grand entier au plus égal à ce nombre, on l'appelle a0. Si la différence ra0 est nulle on s'arrête. Si elle n'est pas nulle, on en prend l'inverse, qui est forcément strictement supérieur à 1, et on appelle r1 = 1 / (ra0) le nombre ainsi obtenu. Et on applique à r1 les opérations précédentes, obtenant ainsi successivement a1,r2,a2,r3,a2 et ainsi de suite.

On peut formaliser de manière plus informaticienne cet algorithme, comme suit :

  • Donnée : un nombre r strictement positif.
  • Initialisation : on assigne la valeur r à la variable R. La suite a est vide.
  • Boucle: On assigne à la variable A la valeur du plus grand entier au plus égal à R, on concatène cette valeur à la suite a. Si R est entier, l'algorithme s'arrête. Si R n'est pas entier, on assigne à R la valeur de 1 / (RA) et on recommence au début de la boucle.

On ne sait pas a priori si cet algorithme s'arrête. Mais rien ne nous empêche de l'appliquer à un nombre irrationnel.


[modifier] L'algorithme appliqué à un nombre irrationnel : \sqrt{2}

On prend r=\sqrt{2}. Le plus grand entier au plus égal à \sqrt2, c'est 1, parce que 1\le 2< 4, et donc en prenant les racines carrées 1\le \sqrt2<2. Donc l'algorithme donne a0 = 1 et r_1=1/(\sqrt{2}-1).

Mais on a l'identité

\bigl(\sqrt{2}-1\bigr)\bigl(\sqrt2+1\bigr)=1,

et donc r_1=\sqrt{2}+1. Pas besoin de calcul pour voir que le plus grand entier au plus égal à r1, c'est 2, et donc a1 = 2 et r_2=1/(r_1-a_1)=1=\sqrt{2}. Par conséquent tous les aj à partir de j = 1 valent 2 et tous les rj à partir de j = 1 valent \sqrt{2}+1.

On peut donc écrire un développement infini :

\sqrt{2}=[1,2,2,2,\dots].

Pour le moment, ce développement infini n'a pas encore de sens mathématique, mais rien n'interdit d'observer quelques développements partiels successifs :

1,\quad 1+\frac{1}{2}=\frac{3}{2},\quad 1+\frac{1}{2+\frac{1}{2}}=\frac{7}{5},\quad  1+\frac{1}{2+\frac{1}{2+\frac{1}{2}}}=\frac{17}{12},\quad 1+\frac{1}{2+\frac{1}{2+\frac{1}{2+\frac{1}{2}}}}=\frac{41}{29}\dots

.

On prend la calculette, et on s'aperçoit que les rationnels 1, 3/2, 7/5, 17/12, 41/29 approchent de mieux en mieux \sqrt{2}. La dernière approximation est de précision meilleure que le millième.

[modifier] Motivation

Dans le système décimal, ou plus généralement dans une base quelconque, tout nombre réel admet une représentation finie ou infinie. Par exempe, en base 10, le nombre π est représenté par la suite d'entiers : {3, 1, 4, 1, 5, 9, 2, ...}. De même, à tout nombre réel on peut associer un développement en fraction continue, formé d'entiers tous strictement positifs, sauf le premier. Le nombre π est ainsi représenté par [3, 7, 15, 1, 292, 1, 1, ...]. Dans le système décimal, on a des algorithmes simples pour trouver le développement décimal de la somme ou du produit de deux réels dont on possède le développement décimal. Par contre, il n'existe pas d'algorithme simple permettant d'obtenir le développement en fraction continue de la somme ou du produit de deux réels dont on connaît le développement en fraction continue. [2].

Un développement en fraction continue possède néanmoins des propriétés précieuses, provenant de la précision des approximations successives obtenues en tronquant le développement. Un moment de réflexion permet de se convaincre que toute fraction continue finie peut se mettre sous la forme d'une fraction ordinaire. La fraction, ordinaire ou continue, obtenue par troncature finie du développement en fraction continue d'un nombre donné, est appelée approximant, et ce terme sera validé dès qu'on aura montré que les approximants d'un nombre irrationnel forment une suite convergente, dont la limite est le nombre dont on est parti. On montre également que la suite des approximants d'un nombre rationnel s'arrête en atteignant ce nombre.

Si r est un nombre réel, l'approximation décimale ayant 10n pour dénominateur se situe par défaut à une distance inférieure à 1/10n de ce nombre réel.

Si un approximant de rest une fraction ordinaire de dénominateur q, on peut montrer que cette fraction est toujours à une distance au plus q − 2 de r.

L'exemple du développement de \sqrt 2 permet de comparer l'efficacité des développements. En effet, le sixième approximant est 99 / 70, et il est à une distance 7,21\; 10^{-5} de \sqrt 2. L'approximant décimal dont le dénominateur est comparable est le troisième, 141 / 100, qui se trouve à une distance 4,21\; 10^{-3} de la racine. L'approximation décimale est donc presque soixante fois plus mauvaise pour un dénominateur à peine plus grand.

Les couples formés par les numérateurs et dénominateurs des différentes fractions sont tous solution de l’équation :

x^2 - 2\cdot y^2 = \pm 1

En effet, 12 - 2 x 12 = -1, 32 - 2 x 22 = 1, 72 - 2 x 52 = -1 ... Cette équation est dite de Pell-Fermat. Le développement en fraction continue est une méthode de résolution à la fois théorique, dans le sens où elle permet de montrer l'existence d'une solution pour toute valeur du paramètre, et pratique, car elle permet de calculer effectivement les racines.

Enfin, il existe au plus un nombre fini de fractions p/q avec q et p premiers entre eux approchant un nombre rationnel avec une précision supérieure à 1/q 2. En conséquence, le développement en fraction continue d’un nombre rationnel est fini. Cette propriété démontre l’irrationalité de √2, car son développement en fraction continue est infinie. Si pour √2 d’autres preuves, plus simples, permettent de démontrer ce résultat, il existe certains cas où l’approche par les fractions continues est la plus simple, par exemple pour π. Une démarche analogue permet de montrer la transcendance de certains nombres comme ceux de Liouville.

[modifier] Fragments d'histoire

Âryabhata, un mathématicien indien, fait usage des fractions continues dès le Ve siècle.
Âryabhata, un mathématicien indien, fait usage des fractions continues dès le Ve siècle.

L'usage des fractions continues est ancien. Âryabhata (476 - 550), un mathématicien indien les utilise pour résoudre des équations diophantiennes ainsi que pour approximer précisément des nombres irrationnels[3]. Brahmagupta (598668) étudie plus en profondeur l'équation maintenant dite de Pell-Fermat. Il développe les premiers fondements de la méthode chakravala, usant de calculs proches de ceux des fractions continues[4]. Il cherche à résoudre l'équation x2 - 61. y2 = 1 et trouve la plus petite solution :

x= 1\, 766 \, 319 \, 049\quad \text{et}\quad y = 226\, 153\, 980

Au XIIe siècle, la méthode est enrichie par Bhāskara II. Un algorithme, analogue à celui des fractions continues, permet de résoudre un cas général. La différence la plus marquante est qu'il autorise les nombres négatifs dans la fraction, permettant une convergence plus rapide[5].

L'apparition en Europe est plus tardive et italienne. Rafael Bombelli (15261572) fait usage d'un ancêtre des fractions continues pour le calcul d'approximations de la racine carrée de 13[6]. Pietro Antonio Cataldi (15481626) comprend que la méthode de Bombelli s'applique pour toute les racines carrées, il l'utilise pour la valeur 18 et écrit un petit opuscule à ce sujet[7]. Il remarque que les approximations obtenues sont alternativement supérieures et inférieures à la racine carrée cherchée.

John Wallis, à la suite des travaux de William Brouncker, utilise pour la première fois l'expression de fraction continue.
John Wallis, à la suite des travaux de William Brouncker, utilise pour la première fois l'expression de fraction continue.

Un progrès décisif a lieu en Angleterre. Le 3 Janvier 1657, Pierre de Fermat défie les mathématiciens européens avec plusieurs questions dont l'équation déjà résolue par Brahmagupta[8]. Piqué au vif[9], la réaction anglaise est rapide. William Brouncker (16201684) trouve la relation entre l'équation et la fraction continue, ainsi qu'une méthode algorithmique équivalente à celle des indiens pour le calcul de la solution. Il utilise la fraction continue pour construire une suite convergente vers 4/π, et approxime π avec dix décimales significatives[10]. Ces résultats sont publiés par John Wallis qui en profite pour démontrer les relations de récurrence utilisées par Brouncker et Bhāskara II. Il donne le nom de fraction continue dans la phrase : « Nempe si unitati adjungatur fractio, quae denominatorem habeat continue fractum. »[11]. A cette époque, Christiaan Huygens (16291695) découvre que les fractions continues sont l'outil idéal pour déterminer le nombre de dents que doivent contenir les roues des engrenages dans l'horlogerie. Il l'utilise pour la mise au point d'un automate planétaire[12].

Quelques questions théoriques sont résolues au siècle suivant. L'usage montre que l'algorithme des fractions continues permet de résoudre l'équation de Pell-Fermat en utilisant le fait que la fraction est périodique à partir d'un certain rang. Leonhard Euler (17071783) montre que si un nombre possède une fraction continue périodique, alors il est solution d'une équation du second degré à coefficients entiers[13]. La réciproque, plus subtile[14] est l'œuvre de Joseph-Louis Lagrange (1736 - 1813). Durant ce siècle, Johann Heinrich Lambert (17281777) trouve une nouvelle utilité aux fractions continues. Il les utilise pour montrer l'irrationalité de π.

Cet usage devient fréquent au XIXe siècle. Joseph Liouville (1809 - 1882) utilise le développement en fraction continue généralisée pour exhiber des nombres non algébriques, c’est-à-dire transcendants. Ce sont les nombres de Liouville. Grâce à lui, Ferdinand von Lindemann prouve en 1882 que π est transcendant et démontre par la même que la quadrature du cercle est impossible à réaliser. En utilisant les fractions continues, Charles Hermite (1822 - 1901) prouve la transcendance de e, base du logarithme néperien. De nombreux résultats, utilisant diverses techniques sont montrés au cours de ce siècle, Evariste Galois (1811 - 1832) trouve la condition nécessaire et suffisante pour qu'une fraction continue soit immédiatement périodique[15]. Georg Cantor (1845 - 1918) prouve que les points d'un segment et ceux situés à l'intérieur d'un carré sont en bijection à l'aide des fractions continues[16]. Le XXe siècle voit l'explosion du nombre de publications sur ce sujet. Plus de 1 500 mathématiciens trouvent des éléments digne de communication[17].

[modifier] Définitions et premières propriétés

[modifier] Définitions

Le développement en fraction continue d'un réel x est une suite (ap), où p décrit soit l'ensemble des entiers naturels, soit uniquement ceux plus petits qu'un entier n donné, définie par récurrence suivant les règles suivantes. Cette alternative sur la finitude du nombre de coefficients du développement en fraction continue d'un réel dépend de la rationalité de ce réel, et fait l'objet d'un paragraphe ultérieur.

Une autre suite, notée ici (xp), dite des quotients complets, est associée à la fraction continue. Les termes de cette suite sont des réels, tous strictement supérieurs à 1 sauf éventuellement le premier.

Les premiers termes des deux suites sont respectivement x0=x et a0 la partie entière de x. Si les termes xk et ak ont déjà été définis, avec ak la partie entière de xk, alors les termes suivants peuvent être définis seulement si xk n'est pas entier ; si un coefficient xk est entier, on note n son indice, et le développement en fraction continue s'arrête à cet indice. Dans ce cas, le terme suivant de la suite (xp) est donné par la relation :

x_k = a_k + \frac 1{x_{k+1}},

et ak+1 est à nouveau la partie entière de xk+1. Ceci fournit les égalités :

x = a_0+\frac{1}{x_1}= a_0 + \frac 1{a_1 + \frac 1{x_2}} = a_0 + \cfrac 1{a_1 + \cfrac 1{a_2 + \frac 1{x_3}}}=\;\cdots \; = a_0 + \cfrac 1{a_1 + \cfrac 1{a_2 + \frac 1{\cdots a_k + \frac 1{x_{k+1}}}}} \;
  • Le coefficient ap est appelé coefficient d'indice ou de rang p ou encore quotient incomplet d'indice ou de rang p de la fraction continue.
  • Le coefficient xp est appelé quotient complet d'indice ou de rang p de la fraction continue.
  • La fraction suivante, noté [a0, a1, ..., ap] est appelée réduite d'indice ou de rang p.
[a_0, a_1, \cdots, a_p] = a_0 + \cfrac 1{a_1 + \cfrac 1{a_2 + \frac 1{\cdots a_p}}}

[modifier] Représentation géométrique

Un pavage d'un rectangle de longueur 30 et de largeur 13 permet de déterminer l'expression de 30/13 en fraction continue : 30/13=[2 , 3, 4]
Un pavage d'un rectangle de longueur 30 et de largeur 13 permet de déterminer l'expression de 30/13 en fraction continue :
30/13=[2 , 3, 4]

L'algorithme d'Euclide permet de calculer une fraction continue dans le cas des nombres rationnels. Cet algorithme admet dans ce cadre l'interprétation géométrique suivante : soit à calculer la fraction continue du rationnel x = p/q, on considère un rectangle de longueur p et de largeur q, et on le pave par des carrés de côté q.

Si x est entier alors le pavage comporte exactement x carrés. Sinon, si a0 désigne le nombre de carrés insérés dans le rectangle, il s'agit du premier terme de la fraction continue. Il reste une bande non pavée de dimension q x b1 avec b1 égal à p - a0.q ; on pave cette bande avec des carrés de dimension maximale, c'est-à-dire de côté x1. Le nombre de carrés est égal au deuxième terme a1 de la fraction continue. En réitérant la méthode, on obtient l'intégralité des coefficients ap.

Dans l'image ci-contre, on pave le rectangle 30 x 13 par deux carrés de côtés 13. Il reste une bande de longueur 13 et de largeur 4. En terme de fraction continue, on obtient l'égalité :

\frac {30}{13} = 2 + \frac 4{13} = {\color{Red}2} + \frac 1{\frac {13}4}\;
La même démarche s'applique pour déterminer un rationnel connaissant sa fraction continue. [1 , 1 , 2 , 3] = 17/10
La même démarche s'applique pour déterminer un rationnel connaissant sa fraction continue.
[1 , 1 , 2 , 3] = 17/10

Ensuite, on remarque qu'il est possible de remplir la bande restante de 3 carrés de coté 4 et il reste une bande de longueur 4 et de largeur 1. Ce qui permet de terminer le calcul de la fraction continue :

13 = 3\times4 + 1 \;\Rightarrow \; \frac {30}{13} = {\color{Red}2} + \frac 1{\frac {3\times 4 + 1 }4} = {\color{Red}2} + \frac 1{{\color{Red}3} + \frac 1{\color{Red}4}}= [2,3,4]\;
La technique du pavage conduit à une fraction continue infinie si la longueur et largeur du rectangle est incommensurable.
La technique du pavage conduit à une fraction continue infinie si la longueur et largeur du rectangle est incommensurable.

La même construction permet de trouver le rationnel dont on connait le développement en fraction continue. Dans l'image de gauche on peut retrouver le rationnel dont le développement est [1, 1, 2, 3]. Les trois petits carrés donnent la taille du carré suivant (3). Les deux carrés moyens et le petit carré donnent la taille du carré plus grand (7), le carré plus grand (7) et le carré moyen (3) donnent le dernier carré (10) et les deux derniers carrés donne la longueur du rectangle (17). La fraction recherchée est égale à 17/10.

Le processus s'arrête car p et q sont commensurables c'est-à-dire qu'il existe une longueur l et deux entiers a et b tels que p = l.a et q = l.b.

Considérons maintenant un rectangle de longueur L et de largeur l. Si le quotient L / l n'est pas rationnel, c'est-à-dire si les longueurs L et l sont incommensurables, le processus ne s'arrête pas.

Tel est le cas pour la figure de droite représentant un rectangle d'or, c'est-à-dire un triangle dont le rapport de la longueur sur la largeur est égal à φ le nombre d'or. On ne peut placer qu'un carré dans chaque bande ce qui amène :

\varphi = [1 , 1 , 1 , \cdots]

On retrouve une figure ainsi que des résultats analogues à ceux associés à l'étude de la suite de Fibonacci.

[modifier] Premières propriétés

Dans le reste de l'article p désigne un entier positif, inférieur à n si la fraction continue est finie.

Par définition de la fraction continue, on dispose de l'égalité :

x = [a_0, a_1, \cdots, a_{p-1}, x_p]
  • Si p est différent de 0 et de n alors xp est un réel supérieur à 1, et ap est un entier strictement positif.

Ceci provient de la définition de xp comme inverse de la différence entre un réel non entier et sa partie entière, et de la définition de ap comme partie entière de xp.

  • Si un nombre réel positif x admet un développement en fraction continue de la forme [a0,a1,...], alors, son inverse 1/x admet pour développement en fraction continue [a1,a2,...] dans le cas où a0 est nul, et [0,a0,a1,...] dans les autres cas.

Soit (hp) et (kp) les suites d'entiers strictement positifs à partir du rang 1, définies par récurrence par : .

	\begin{align} h_0 = a_0,\quad & h_1 =  a_0a_1+1,\quad & h_p = a_ph_{p-1}+h_{p-2} \\ k_0 = 1,\quad & k_1 = a_1,\quad & k_p =  a_pk_{p-1}+k_{p-2}\end{align}

Alors on a les trois propriétés suivantes  :

  • si p est supérieur ou égal à 2 :
\forall y \in \mathbb R_+^*, \quad \left[a_0, a_1, \,\dots, a_{p-1}, y \right]= \frac{y h_{p-1}+h_{p-2}} {y k_{p-1}+k_{p-2}}
  • L'écriture irréductible de la réduite d'ordre p est
[a_0,a_1,\cdots a_p]=\frac{h_p}{k_p}
  • L'égalité suivante est vérifiée :
k_ph_{p-1}-k_{p-1}h_p=(-1)^p\,

Pour permettre d'utiliser la relation de récurrence dès l'indice 1, il est possible d'utiliser la convention h-1 égale 1 et k-1 égale 0.

Si les coefficients de la fraction continue sont tous égaux à 1 - ce qui est le cas dans le développement en fractions continues du nombre d'or - les entiers hp et kp vérifient la relation de récurrence de Fibonacci, ce sont des nombres de Fibonacci consécutifs, ce qui explique que les quotients de deux termes consécutifs de la suite de Fibonacci donnent des approximations de plus en plus fines du nombre d'or.


[modifier] Notations pour les fractions continues

En dehors de la notation en usage dans cet article, celle de Pringsheim est utilisée en particulier pour les fractions continues généralisées :

x = a_0 + \frac{1 \mid}{\mid a_1} + \frac{1 \mid}{\mid a_2} + \frac{1 \mid}{\mid a_3}

On trouve aussi, plus rarement :

x = a_0 + {1 \over a_1 + } {1 \over a_2 +} {1 \over a_3 +}

[modifier] Nombre rationnel

[modifier] Propriétés

Les fractions réduites d'un développement en fraction continue sont des nombres rationnels.

  • Les nombres rationnels sont les seuls dont le développement en fraction continue est fini.

Par ailleurs, pour les fractions continues finies :

[a_{0}, a_{1}, a_{2}, a_{3}, \,\ldots ,a_{n}, 1]=[a_{0}, a_{1}, a_{2}, a_{3}, \,\ldots ,a_{n} + 1] \;
  • Il existe exactement deux représentations en fraction continue d'un nombre rationnel et l'une des deux représentations possède comme valeur du dernier élément de sa suite un.

Par exemple :

 [2, 3, 1] = [2, 4] = 9/4 = 2,25 \;

En général, le choix canonique est celui où le dernier terme du développement est supérieur à 1.


[modifier] Algorithme d'Euclide

Icône de détail Article détaillé : Algorithme d'Euclide.
l'algorithme d'Euclide permet simplement de calculer la fraction continue d'un nombre rationnel.
l'algorithme d'Euclide permet simplement de calculer la fraction continue d'un nombre rationnel.

La division euclidienne, à travers l'algorithme d'Euclide, permet de calculer la fraction continue d'un nombre rationnel x. Le développement est obtenu en prenant la liste des quotients successifs dans cet algorithme. Illustrons cette propriété par l'exemple 233/177 :

 233 = 177\times {\color{Red}1} + 56\quad\text{et}\quad \frac{233}{177} = 1 + \frac{56}{177}= 1 + \frac 1{\frac {177}{56}}\quad\text{donc }\quad a_0 = 1,\; x_1 = \frac {177}{56}.

En continuant l'algorithme d'Euclide, on obtient :

 177 = 56 \times {\color{Red}3} + 9\quad\text{et}\quad \frac{177}{56} = 3 + \frac 1{\frac {56}{9}}\quad\text{donc }\quad a_1 = 3,\; x_2 = \frac {56}{9},\; \frac{233}{177} = {\color{Red}1} + \frac 1{{\color{Red}3} + \frac{56}{9}}

puis

56 = 9\times {\color{Red}6} + 2,\; 9 = 2 \times {\color{Red}4} + 1,\; 2 = 1\times {\color{Red}2} + 0 \quad\text{donc }\quad a_2 = 6,\; a_3 = 4,\; a_4 = 2,\; \frac{233}{177} = {\color{Red}1} + \cfrac 1{{\color{Red}3} + \frac 1{{\color{Red}6} + \frac 1{{\color{Red}4} + \frac1{\color{Red}2}}}}

Ceci s'écrit :

 \frac{233}{177} = [1,3,6,4,2] = [1,3,6,4,1,1]\;

Les numérateurs et dénominateurs des différentes réduites s'obtiennent par l'algorithme d'Euclide étendu.

[modifier] Applications

[modifier] Identité de Bézout

Icône de détail Article détaillé : Identité de Bézout.

L'identité de Bézout traite de l'équation diophantienne du premier degré, c'est-à-dire de l'équation suivante, où a, b et c sont des nombres entiers et où les solutions recherchées sont formées d'un couple d'entiers :

(1)\quad a\cdot x + b \cdot y = c\;

Le théorème indique que, si c est un multiple du plus grand commun diviseur de a et b, il existe toujours une solution. Si l'on note p ce plus grand commun diviseur, la résolution de l'équation suivante permet de résoudre (1) par multiplication des deux membres de l'égalité (2) par c / p :

(2)\quad a\cdot x + b \cdot y = p\;

La fraction continue offre une méthode effective pour trouver une solution, illustrons là par l'exemple 1245.x + 279.y. Le développement en fraction continue de 1245/279 est égal à [4,2,6,7]. Calculons les différentes réduites, on trouve 4, 9/2, 58/13 puis 415/93. L'algorithme s'arrête, ce qui signifie que 415/93 est égal à 1245/279. En utilisant les coefficients de l'avant dernière réduite, on remarque que :

(3)\quad 1245\times 13 - 279 \times 58 = 3

Dans cet exemple, 3 est le plus grand commun diviseur entre 1245 et 279 et le couple (13, -58) une solution de l'équation (2). Ce résultat n'est pas le fruit du hasard, l'avant dernière réduite est toujours composée d'un couple solution de l'équation de Bézout et le résultat du dernier calcul est nécessairement le plus grand commun diviseur au signe près. En effet, notons hj et kj la jième réduite de la fraction a / b. Si n est l'indice de la dernière réduite, alors a / b est égal à hn / kn. Une des premières propriétés assure que :

(4)\quad h_nk_{n-1} - k_nh_{n-1} = (-1)^{n+1}\;

On en déduit qu'un diviseur commun à hn et kn divise le terme de gauche et donc le terme de droite de l'égalité (4), comme les seuls diviseurs de ±1 sont ±1, les deux termes hn et kn sont premiers entre eux. On en déduit que a = p.hn et b = p.hn et :

ak_{n-1} - bh_{n-1} = (-1)^{n+1}p\;

Cette solution démontre bien, au signe près, la propriété illustrée dans l'exemple (3). En terme de calculs effectués, cette solution est exactement équivalente à celle de l'algorithme d'Euclide étendu.

[modifier] Automate planétaire

Christiaan Huygens construit un automate planétaire pour déterminer les positions relatives des corps célestes du système solaire.
Christiaan Huygens construit un automate planétaire pour déterminer les positions relatives des corps célestes du système solaire.

Christiaan Huygens souhaite construire, à l'aide d'un mécanisme de type horlogerie un automate représentant le mouvement des planètes autour du soleil : « Ayant trouvè et fait exécuter depuis peu une machine automate qui représente les mouvements des Planètes dont la construction est d'une façon particulière et assez simple à raison de son effet, au reste d'une grande utilité à ceux qui étudient ou observent le cours des astres.[18] ». La difficulté à laquelle il est confronté est liée au rapport de la durée d'une année terrestre et de celle de Saturne. En un an, la Terre tourne de 359° 45' 40'' 30''' et Saturne de 12° 13' 34'' 18'''. Le rapport est égal à 77 708 431/2 640 858. Combien faut-il de dents sur les deux engrenages supportant respectivement la Terre et Saturne ?

Huygens sait que les fractions continues offrent le meilleur compromis, ce qu'il exprime ainsi : « Or, lorsqu’on néglige à partir d’une fraction quelconque les derniers termes de la série et celles qui la suivent, et qu’on réduit les autres plus le nombre entier à un commun dénominateur, le rapport de ce dernier au numérateur sera voisin de celui du plus petit nombre donné au plus grand; et la différence sera si faible qu’il serait impossible d’obtenir un meilleur accord avec des nombres plus petits. »[19].

Un calcul en fraction continue montre que :

\frac{77\,708\,431}{2\,640\,858} = [29,2,21,5,1,4,1,1,2,1,6,1,10,2,2,3]\;

On obtient la suite de fractions : 29/1, 59/2, 147/5, 206/7, 1 177/40 ... Les deux premières solutions ne sont guère précises, dans le premier cas, à la fin d'une rotation de Saturne, la position de la terre est fausse à près d'un demi-tour, dans l'autre cas l'erreur dépasse 4°. La cinquième est techniquement difficile, elle demande la fabrication d'une roue à plus de 1 000 dents ou plusieurs roues. La quatrième offre une précision proche de 3/1 000. C'est celle que choisit Huygens.

Si la terre fait cents tours complets, sur l'automate planétaire Saturne en fait 700/206, soit trois tours et un angle de 143° 18'. Dans la réalité, Saturne a tourné de 143° 26'. Soit une erreur de 8 minutes d'angle, largement inférieure aux imprécisions mécaniques de l'horloge. Un calcul analogue montre que la fraction 147/5 donne, dans le même contexte, une erreur supérieure à un degré, pour une mise en œuvre d'une difficulté technique comparable.

[modifier] Irrationalité de la base du logarithme népérien

Icône de détail Article détaillé : e (nombre).
Leonhard Euler utilise les propriétés des fractions continues pour montrer que certaines constantes ne sont pas rationnels.
Leonhard Euler utilise les propriétés des fractions continues pour montrer que certaines constantes ne sont pas rationnels.

Les fractions continues offrent un moyen pour connaître l'irrationnalité d'un nombre. Si son développement est infini, alors le nombre est irrationnel. Cette technique est utilisée par Euler[20], qui détermine la fraction continue de la base du logarithme népérien.

  • Le développement en fraction continue de e, la base du logarithme népérien est :
\text{e} = [2,\overbrace{1,2,1},\overbrace{1,4,1},\cdots , \overbrace{1,2p,1},\cdots \,] = [2,\overline{1, 2p,1}]\quad p \in \mathbb N - \{0\}

La barre utilisée ici est une notation fréquente. Elle signifie une répétition à l'infini de la suite d'entiers couverte par la barre.

Une bonne approximation de e est donnée par 2,718 281 828. Le premier terme a0 est égal à 2 et x0 par l'inverse de e - 2, c'est à dire 1,392 211 1911... . On en déduit que a1 est égal 1 et x1 = 2,549 646 778.... En réitérant la méthode on obtient : a2 = 2 et x2 = 1,819 350 243 ..., puis a3 = 1 et x3 = 1,220 479 285..., a4 = 1 et x4 = 4,535 573 476 ...., a4 = 4 etc. Cette méthode numérique permet de déterminer les premiers coefficients de la fraction continue, cependant, le nombre de décimales exactes nécessaires augmente avec le nombre de coefficients du développement en fraction continue souhaités, d'une part, et, d'autre part, l'expression annoncée de tous ces coefficients est inaccessible. Cette démonstration satisfait néanmoins Euler[21], qui la considère comme une indication suffisante de l'irrationalité de e, il précise seulement que ce calcul peut se confirmer par une analyse infinitésimale, sans plus de précision[22].

La démonstration présentée ici s'inspire des techniques de l'approximation de Padé. Elle consiste à généraliser le principe de la fraction continue aux fonctions. Dans le cas particulier considéré ici, c'est la fonction exponentielle qui est approximée par des fractions rationnelles[23].

Une approche analogue permet de déterminer les fractions continues des constantes suivantes :

\sqrt{\text{e}} = [1, 1, 1, \overline{1, 4p+1, 1}], \quad \tanh(\frac{1}{2}) = \frac{e^{\frac{1}{2}} - e^{-\frac{1}{2}}}{e^{\frac{1}{2}} + e^{-\frac{1}{2}}} = [0, \overline{4p}]\quad p \in \mathbb N - \{0\}

La conclusion d'Euler, est parfaitement exacte. Sa méthode pour montrer qu'un nombre n'est pas rationnel est démontrée avec une rigueur correspondant à nos critères actuels, qui lui permettent de conclure :

  • Les nombres réels e et √e ne sont pas rationnels.

Cette démarche, plus complexe que la démonstration présentée dans l'article e (nombre) permet d'aller plus loin. La suite de l'article permet d'en déduire que e n'est solution d'aucune équation du second degré à coefficients rationnels. De plus, si x est un nombre rationnel, alors ex est irrationnel. Montrer que e est transcendant suppose de montrer qu'il n'est solution d'aucune équation polynomiale à coefficients rationnels. Si la démonstration originale utilise les fractions continues, d'autres idées sont nécessaire pour conclure.

[modifier] Meilleure approximation

Joseph Liouville utilise des approximations diophantiennes pour étudier la nature d'un nombre.
Joseph Liouville utilise des approximations diophantiennes pour étudier la nature d'un nombre.

Le développement en fraction continue d'un nombre réel fournit une suite de nombres rationnels, les réduites qui constituent des approximations du nombre réel initial. Plus précisément, la suite des réduites de rangs pairs approxime par excès le réel et celle des rangs impairs par défaut. Réciproquement, si l'on considère une suite (an) telle que a0 est un entier et an un entier strictement positif si n est supérieur à zéro, la suite des réduites de la fraction continue admettant les an comme coefficients converge vers une limite finie x (qui est un réel irrationnel) dont le développement en fraction continue (qui est unique dans ce cas où x n'est pas rationnel) est la fraction continue de coefficients an.

Les fractions réduites fournissent en un certain sens les meilleures approximations rationnelles d'un nombre réel : hn /kn est une approximation située à une distance de x inférieure à 1 / kn2, et, si une fraction p / q est une approximation située à une distance de x inférieure à 1 / q2 alors p/q est une réduite de x. Ce résultat porte le nom de théorème de meilleure approximation.

Une conséquence du paragraphe précédent est qu'il n'existe qu'un nombre fini d'approximations vérifiant cette propriété pour les nombres rationnels. L'usage de ce principe pour déterminer la nature d'un nombre est à l'origine de nombreuses méthodes formant un point de départ du domaine appelé approximation diophantienne. Joseph Liouville utilise ce résultat de meilleure approximation pour trouver les premières preuves de transcendance de nombres réels, portant sur des nombres actuellement appelés nombres de Liouville. Liouville s'exprime ainsi : « Il suffira de donner aux quotients incomplets μ [note : appelés réduites dans cet article] un mode de formation qui les fasse grandir au-delà du terme indiqué, pour obtenir une fraction continue dont la valeur ne pourra satisfaire aucune équation algébrique ... »[24].

En théorie algébrique des nombres le résultat de meilleure approximation permet de démontrer que toute solution de l'équation de Pell-Fermat s'obtient avec une fraction continue.

[modifier] Fraction continue d'un irrationnel positif

La valeur x désigne maintenant un nombre irrationnel strictement positif. La suite (an) est infinie et ne prend que des valeurs positives.

  • Les deux suites (hn) et (kn) sont strictement croissantes et ont pour limite l'infini.

En effet, cette proposition est la conséquence directe de la relation de récurrence établie au paragraphe Premières propriétés. Une récurrence montre que la valeur de kn est au moins égale à 2n/2.

La suite des réduites est convergente, quelques propositions montrent la nature de cette convergence :

  • La différence entre deux réduites successives est :
 \frac{h_n}{k_n}-\frac{h_{n-1}}{k_{n-1}} = \frac{(-1)^{n+1}}{k_nk_{n-1}}
  • Les réduites de rangs pairs et impairs définissent deux suites adjacentes convergeant vers x.

Ce résultat s'exprime aussi sous la forme suivante :

  • La valeur x est la limite de la série alternée :
x = a_0 + \sum_{n=0}^{\infty}\frac{(-1)^{n+1}}{k_nk_{n+1}}

Si (an) est une suite d'entiers strictement positifs et (sn) la réduite[a0, ...,an] est la nième somme partielle de la série précédente qui est convergente. Si x désigne la limite de la série, alors la fraction continue de x est donnée par [a0, ...,an, ...]. Ainsi, toute suite d'entiers strictement positifs, sauf peut être le premier, correspond au développement en fraction continue d'un réel.

La différence entre x et une réduite est évaluée par les formules suivantes :

  • Pour tout entier n, la différence entre la valeur x et la réduite d'indice n est donnée par la formule suivante, si xn+1 désigne le quotient complet d'indice n + 1 :
x - \frac{h_n}{k_n}= \frac{(-1)^n}{k_n(k_{n-1} + x_{n+1}k_n)}\quad\text{ou encore}\quad
\frac{1}{k_n(k_{n+1}+k_n)}<\left|x-\frac{h_n}{k_n}\right|<\frac{1}{k_nk_{n+1}}

Il suffit en effet de remarquer que 0 < xn < 1 si xn désigne le quotient incomplet d'indice n. En conséquence, n'importe quelle réduite qui précède immédiatement un grand quotient est une approximation proche de la fraction continue. En effet si an est grand la différence entre x et la réduite d'indice n est petite.[25]

[modifier] Théorème de meilleure approximation rationnelle

Les réduites forment de bonnes approximations rationnelles :

  • Pour tout entier n la majoration (1) est vérifiée, sur deux réduites consécutives, il en existe une qui vérifie la majoration (2) :
(1)\; \left|x - \frac{h_n}{k_n}\right|<\frac{1}{k_n^2}, \quad (2)\; \left|x - \frac{h_n}{k_n}\right|<\frac{1}{2k_n^2}

Il existe une réciproque à ces propriétés. Si une approximation rationnelle est bonne, elle correspond à une réduite. Ce résultat porte le nom de théorème de meilleure approximation rationnelle. Ici, n désigne un entier strictement positif.

  • Soient h et k deux entiers tels que 0 < k < kn+1. La majoration suivante est vérifiée, de plus l'égalité n'a lieu que si k (resp. h) est égal à kn (resp. hn) :
 |kx - h| \ge |k_{n+1}x - h_{n+1}|\;

Ce théorème possède le corollaire suivant, utilisé pour l'étude des fractions continues périodiques.

  • Si h et k sont deux entiers tels que :
\left|x - \frac{h}{k}\right|<\frac{1}{2k^2}
Alors la fraction h / k est une réduite de x.[25]

Il est possible d'aller un peu plus loin. Le théorème d'Hurwitz montre que si x est un nombre irrationnel, il existe une infinité de fraction a / ba et b sont des nombres entiers premiers entre eux tel que :

\left| x - \frac{a}{b} \right| \leq \frac{1}{\sqrt 5 b^2} \,

La valeur √5 est la plus élevée satisfaisant la majoration précédente. En ce sens, le nombre d'or est l'irrationnel qui s'approxime le plus mal par des fractions de cette nature. Pour toute constante strictement supérieure à √5, il n'existe plus qu'un nombre fini de fractions vérifiant la majoration.

[modifier] Applications

[modifier] Nombre de Liouville

Icône de détail Article détaillé : Nombre de Liouville.

Le fait qu'il n'existe qu'un nombre fini de fractions p/q à une distance inférieure à 1/q2 du rationnel signifie qu'un nombre rationnel s'approxime « mal » par des fractions. Cette idée se généralise aux solutions d'une équation polynomiale de degré n. Soit α un nombre réel solution de l'équation f(x) = 0, où f désigne un polynôme de degré n à coefficients rationnels. Le théorème de Liouville donne une limite à la qualité de l'approximation de α par un nombre rationnel p / q ; précisément, il indique qu'il existe une constante réelle A telle que pour tout rationnel p/q :

|\alpha - \frac{p}{q}| > \frac{A}{q^n}\,

Une logique analogue à celle montrant l'irrationalité de e permet de construire un nombre réel x qui n'est solution d'aucune équation polynomiale à coefficients rationnels, c'est-à-dire un nombre transcendant.

Une méthode consiste à construire une suite (an) d'entiers strictement positifs et de considérer x le nombre réel ayant la suite (an) comme fraction continue. La suite (an) est définie en posant l'entier a0 égal à 1, et par la formule de récurrence :

a_{n+1} = k_n^n,

où (hn) et (kn) désignent encore les suites des numérateurs et dénominateurs (à valeurs positives) des réduites d'indice n du développement de x. Les résultats d'approximation d'un nombre réel par les convergeants de son développement en fraction continue donne alors la majoration :

\forall n \in \mathbb N \quad \left|x - \frac {h_n}{k_n}\right| < \frac 1{k_n^{n+1}}.\;

Ceci permet de montrer que le nombre x ainsi construit est transcendant grâce au théorème de Liouville.

[modifier] Equation de Pell-Fermat

L'équation de Pell-Fermat est une équation diophantienne, c'est-à-dire à coefficients entiers dont les solutions recherchées sont entières. Elle prend la forme suivante où n est un entier sans facteur carré et a un entier différent de zéro.

x^2 - ny^2 = a\;

Le cas traité ici est celui où a est égal à plus ou moins 1. Une solution (h, k) vérifie :

(h - \sqrt n \cdot k)(h + \sqrt n \cdot k) = \pm 1 \quad\text{ou}\quad h - \sqrt n \cdot k = \frac {\pm1}{h + \sqrt n \cdot k}\;

h/k et √n sont tous deux supérieurs à 1 et √n l'est strictement, on en déduit :

\left| \frac hk - \sqrt n\right| = \frac 1{(\frac hk + \sqrt n) \cdot k^2}< \frac 1{2k^2}\;

Une proposition précédente montre que la fraction h/k est une réduite de √n. Toute solution de l'équation se trouve dans la suite des fractions réduites de √n. Ce fait, démontré par Joseph-Louis Lagrange, permet d'établir des résultats aussi bien théoriques qu'algorithmiques sur l'équation de Pell-Fermat[26].

[modifier] Nombre quadratique

A la différence de l'exponentielle, la racine de deux s'avère particulièrement facile à développer en fraction continue. Cette propriété provient du fait qu'à partir d'un certain rang, on retrouve un quotient complet déjà rencontré. La fraction continue est périodique à partir d'un certain rang. La racine de onze vérifie la même propriété :

\sqrt 11 = 3 + (-3 + \sqrt 11) = 3 + \frac 1{\frac 1{-3 + \sqrt 11}} = 3 + \frac 1{\frac{3 + \sqrt 11}2} = 3 + \frac 1{ 3 + \frac{-3 + \sqrt 11}2} = 3 + \frac 1{ 3 + \frac 1{\frac 2{-3 + \sqrt 11}}}= 3 + \frac 1{ 3 + \frac 1{3 + \sqrt 11}}

On en déduit que a0 = 3, a1 = 3, x0 = 1/2(3 + √11) et x1 = 3 + √11. Calculons la fraction continue de x1 :

3 + \sqrt 11 =  6 + (-3 + \sqrt 11) = 6 + \frac 1{\frac 1{-3 + \sqrt 11}} = 6 + \frac 1{\frac {3 + \sqrt 11}2}

Une fois encore, x2 est égal à x0, ce qui permet de conclure :

\sqrt 11 = [3,3,6,3,6,\cdots] = [3,\overline{3,6}]

Le caractère périodique à partir d'un certain rang est le propre des nombres de la forme a + bn si a et b sont des nombres rationnels avec b différent zéro et n un entier qui n'est pas un carré parfait. Les propriétés de régularités sont plus profondes pour les racines carrées. Elles s'observent sur l'exemple suivant :

\sqrt 19 = [4, \overline{\underbrace{2,1,3,1,2},8}]

Si l'on excepte le dernier nombre de la période, les différentes valeurs forment un palindrome. Le deuxième terme est égal à l'avant-dernier, de deuxième à l'anté-pénultième etc... Cette propriété concerne les nombres au dessus de la parenthèse dans l'exemple précédent. Le dernier terme de la période est le double du premier. Cette propriété est vérifiée dans l'exemple, l'unique terme avant la période ici 4 est égal à la moitié du dernier terme de la période, ici 8.

Une méthode simple pour calculer effectivement la fraction continue d'une racine carrée, ainsi que les exemples 19, 61, 83, 103 et 313 sont traités dans l'article Méthode chakravala.

[modifier] Période

Dire qu'un nombre réel x s'écrit sous la forme a + bn avec les conventions du paragraphe précédent revient à dire que x est racine d'un polynôme du second degré à coefficients entiers, ce qui fait l'objet de la proposition :

  • Un irrationnel x possède un développement en fraction continue périodique à partir d'un certain rang si et seulement si x est solution d'une équation du second degré à coefficients rationnels.

Un tel nombre x est dit algébrique car il est racine d'un polynôme dont le terme de plus haut degré possède un coefficient égal à un et dont les coefficients sont rationnels. Dans le cas où le polynôme est de degré deux le terme utilisé est nombre quadratique. Le polynôme est appelé polynôme minimal de x.

Si le développement de x est périodique à partir du rang p alors il existe un entier n tel que l'égalité suivante soit vérifiée. Ce qui justifie la notation :

x =[a_0, a_1,\cdots, a_{p-1}, a_p,\cdots a_n,a_p, a_{p+1}\cdots \;] =[a_0, a_1,\cdots, a_{p-1},\overline{a_p, a_{p+1},\cdots a_n}]\;

La barre signifie que la séquence ap, ap+1, ..., an se répète indéfiniment. Ce résultat, ainsi que l'expression en fraction continue du nombre e montre que cette valeur n'est pas quadratique.

[modifier] Palindrome

Certains nombres possèdent un développement purement périodique. c'est le cas, par exemple, du nombre d'or. La question se pose de savoir dans quel cas le développement en fraction continue est périodique pur, c'est à dire quelle condition rend le développement périodique dès le premier terme. Le nombre x est nécessairement un nombre non rationnel quadratique, c'est à dire racine d'un polynôme P(X) du second degré à coefficients dans les rationnels. La réponse s'exprime en fonction de xc, l'autre racine du polynôme annulant x. Le nombre xc est souvent appelé conjugué de x, par analogie avec la situation où les racines sont complexes. Cette démonstration est l'œuvre d'Evariste Galois.

  • Le développement de x est purement périodique si et seulement si x est strictement plus grand que 1 et xc, le conjugué de x est compris entre -1 et 0.[27]

Cette propriété permet d'obtenir une description plus précise du développement en fraction continue d'une racine d'un entier sans facteur carré :

  • Si x est la racine carrée d'un entier sans facteur carré, sa fraction continue prend la forme suivante :
x = [a_0, \overline{a_1, a_2, a_3 \cdots a_3,a_2,a_1, 2a_0}]\;

Si l'on élimine le dernier terme 2a0 la période est symétrique et forme un palindrome. La partie symétrique pouvant ou non avoir un terme médian.

Les démonstrations utilisent les techniques de l'arithmétique. Il en existe de plusieurs natures. Les plus simples sont présentées dans l'article Méthode chakravala. Elles se fondent sur les propriétés d'un anneau d'entiers quadratiques. La démonstration historique, présentée ici, utilise d'autres techniques liées aux propriétés des formes quadratiques à coefficients entiers[27].

[modifier] Applications

[modifier] Equation de Pell-Fermat

Icône de détail Article détaillé : Équation de Pell-Fermat.

Les fractions continues contiennent toutes les solutions de l'équation de Pell-Fermat si a est égal à +/-1. En fait, il en existe exactement une par période. Elle correspond à la réduite d'indice l'avant dernier terme d'une période. Par exemple, si n est égal à 61, le coefficient est indiqué en rouge et d'indice 10.

\sqrt 61 = [7,\overline{1,4,3,1,2,2,1,3,4,{\color{Red}1},14}]

Il correspond à la réduite de rang 10 et à la fraction 883 159 524/883 159 525. Cette solution correspond à la valeur -1. Celle associée à 1 est donnée par la réduite de même position dans la période suivante, c'est à dire celle d'indice 21. :

29\;718^2 - 61\times 3\;805^2 = -1\quad\text{et}\quad 1\,766\,319\,049^2 - 61\times 226\,153\,980^2 = 1

[modifier] Entier quadratique

Icône de détail Articles détaillés : Entier quadratique et Entier de Dirichlet.
Le groupe des unités d'un anneau d'entiers quadratiques se détermine à l'aide d'une fraction continue. L'exemple illustré ici est celui des entiers de Dirichlet.
Le groupe des unités d'un anneau d'entiers quadratiques se détermine à l'aide d'une fraction continue. L'exemple illustré ici est celui des entiers de Dirichlet.

Une autre question est analogue à certains égards à celle de l'équation de Pell-Fermat. Elle concerne un anneau d'entiers quadratiques. Un tel anneau est toujours composé d'éléments de la forme a + b.ω où a et b sont des nombres entiers et ω une racine d'un polynôme du second degré unitaire, c'est à dire que le coefficient du monôme dominant est égal à un et dont les coefficients sont à valeurs prises dans les entiers. Les ensembles de cette nature sont toujours des anneaux et ne contiennent que des nombres quadratiques. Ils jouent un rôle important pour la résolution d'équations diophantiennes. Par exemple si ω est le nombre d'or, égal à 1/2(1 + √5), l'anneau est celui des entiers de Dirichlet utilisé pour la résolution du dernier théorème de Fermat dans le cas où n est égal à 5.

Une structure importante d'un anneau de cette nature est son groupe des unités, c'est à dire l'ensemble des éléments dont l'inverse est aussi dans l'anneau. La valeur ω est soit de la forme √n, avec n un entier sans facteur carré et non congru à 1 modulo 4, soit de la forme 1/2(1 + √n) et n est un entier sans facteur carré congru à 1 modulo 4. Dans le premier cas, une unité u correspond à une fraction réduite. Elle est égale à hj + kjn et j correspond à l'indice de l'avant dernier terme de la période. Dans le deuxième cas, elle est égale à 1/2(hj + kjn). L'indice j se trouve aussi dans la première période et il correspond au premier indice tel que hj2 + n.kj2 est égal à +/-4.

L'unité u trouvée est particulière au sens où elle engendre toutes les autres, elle est dite fondamentale. En effet, pour toute unité v de l'anneau, il existe un entier m tel que v soit égal à um ou à -um. Le groupe des unités est constitué de points situés sur une des quatre branches de deux hyperboles ayant mêmes asymptotes. Cette configuration est illustrée sur la figure de droite, correspondant au cas où n est égal à 5. L'unité fondamentale est alors 1/2(1 + √5).

Si historiquement, les fractions continues ont permis d'élucider la structure du groupes des unités d'un anneau d'entiers algébriques, la technique proposée n'est pas généralisable. Elle ne s'applique qu'aux anneaux d'entiers quadratiques. Le théorème des unités de Dirichlet élucide cette structure pour tout anneau d'entiers algébriques.

[modifier] Autres résultats

[modifier] Fractions continues généralisées

Il s'avére utile de généraliser la définition d'une fraction continue. Plusieurs méthodes sont possible, la suite de 1 devient une suite (bk), des valeurs non entières mais réelles ou complexes sont utilisées. Dès le XVIIe siècle William Brouncker en a ressenti la nécessité pour étudier le nombre π. Une fraction continue généralisée g prend la forme suivante :

g = a_0 + \cfrac{b_1}{a_1 + \cfrac{b_2}{a_2 + \frac{b_3}{a_3+\,\cdots}}}= a_0+ \frac{b_1 \mid}{\mid a_1} + \frac{b_2 \mid}{\mid a_2} + \frac{b_3 \mid}{\mid a_3} + \cdots\quad\text{exemple de Brouncker :}\quad \frac {\pi}4 = \frac{1 \mid}{\mid 1} + \frac{1^2 \mid}{\mid 2} + \frac{3^2 \mid}{\mid 2} + \frac{5^2 \mid}{\mid 2}+ \cdots

Les résultats précédents ne s'appliquent plus, et la convergence de la fraction n'est, en général, pas garantie. Certains résultats précédents se généralisent néanmoins. Soit (hj) et (kj) les deux suites définies par récurrence :

	\begin{align}h_0 = a_0 &\quad h_1=a_0a_1 &\quad \cdots &\quad h_j = a_jh_{j-1} + b_jh_{j-2} \\ k_0 =1 &\quad k_1=a_1 &\quad \cdots &\quad k_j = a_jk_{j-1} + b_jk_{j-2}\end{align}
  • La suite (hj/kj) est égale à celle des fractions réduites.

La démonstration est analogue à celle du cas des fractions continues.

Il est possible de considérer comme suite de coefficients des fonctions ou des applications linéaires[28]. Si la fonction est une série entière la fraction continue prend le nom d'approximant de Padé[29].

[modifier] Nombre π

Lambert est un précurseur dans son usage des fractions continues montrer l'irrationnalité de π[30]. Avant les travaux de Padé, il fait appel à une démarche de cette nature pour déterminer une fraction continue rationnelle égale à la fonction tangente. La difficulté réside dans le fait qu'il n'existe pas de méthode connue à son époque pour montrer que le développement en fraction continue de π est infini. Les seuls développements dont on connait une expression de tous les facteurs correspondent à des fractions continues généralisées. Lambert détermine une expression relativement simple de la fonction tangente. Elle lui permet de montrer que l'image d'un rationnel non nul par cette fonction est toujours un irrationnel. Comme l'image de π/4 est rationnelle, ce nombre ne peut l'être[31]. Lambert montre de même que si x est un nombre rationnel, alors ex ne l'est pas. Le raisonnement est similaire, il utilise la fraction continue généralisée suivante, qui s'obtient aisément à l'aide de l'expression en fraction continue de e :

\exp \left(\frac mn\right) = 1 + \frac{2m \mid}{\mid m-n} + \frac{m^2 \mid}{\mid 3n} + \frac{m^2 \mid}{\mid 5n} + \frac{m^2 \mid}{\mid 7n} + \cdots


[modifier] Hors théorie des nombres

La liste des différents sujets couverts par les fractions continues est trop vaste pour pouvoir être traitée ici de manière exhaustive. Certains exemples sont néanmoins dignes d'intérêt.

Georg Cantor est l'un des fondateurs de la théorie des ensembles, il utilise les fractions continues[34] pour montrer l'existence d'une bijection entre l'intervalle [0, 1] et la surface d'un carré représenté par les bipoints de l'ensemble [0, 1]2. Les fonctions de cette nature sont toujours étudiées dans le cadre de la théorie du chaos, elles sont discontinues sur chaque point rationnel de l'intervalle [0,1][35].

Khintchine utilise une approche plus probabiliste. Il se pose la question de la convergence de la moyenne géométrique des coefficients d'une fraction continue d'un nombre réel quelconque[36]. Pour presque tous les nombres réels, cette moyenne converge vers une constante dite de Khintchine et valant approximativement 2,6854520010. Ici, le terme presque tous signifie que les exceptions forment un ensemble négligeable au sens de la théorie de la mesure. Les exceptions contiennent, entre autres, les nombres rationnels et quadratiques. Paul Lévy montre que la nième racine du dénominateur de la nième réduite d'un développement en fraction continue de presque tous les nombres réels approche une limite asymptotique, connue comme la constante de Lévy[37].

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes

  1. Pour Jean Dieudonné, « le terme traditionnel en français est « fraction continue », ce qui risque d'entraîner des confusions fâcheuses lorsque la fraction dépend d'un paramètre variable ; l'anglais évite cette confusion en disant continued et non continuous » (Jean Dieudonné (dir.), Abrégé d'histoire des mathématiques 1700-1900 [détail des éditions] ), d'où la traduction littérale de « fraction continuée ».
  2. Gergonne Algèbre élémentaire. Recherche sur les fractions continues Annales de mathématiques pures et appliquées tome 9 1818-1819 pp 261-270 Lire le pdf
  3. G Ifrah Histoire universelle des chiffres: L'intelligence des hommes racontée par les nombres et le calcul Robert Laffont 1994 (ISBN 2221901002)
  4. J. Stillwell Mathematics and its History Springer Science 2ième éd 2004 p 72-74 (ISBN 0387953361)
  5. Bhāskara II Bijaganita 1150 cf le site de l'Université de St Andrew Pell's equation
  6. M. T. Rivolo A. Simi The computation of square and cube roots in Italy from Fibonacci to Bombelli (Italian) Arch. Hist. Exact Sci. 52 (2) 1998 pp 161-193
  7. S. Maracchia Estrazione di radice quadrata secondo Cataldi Archimede 28 (2) 1976 pp 124-127
  8. L. Hua J. Rousseau Fermat a-t-il démontré son grand théorème? l'hypothèse "Pascal" L'Harmattan 2002 p 113 (ISBN 2747528367)
  9. John Wallis un mathématicien anglais rétorqua : il ne trouvera pas mauvais, je crois, que nous lui rendions la pareille, et cela, non pas sur une bagatelle. Ces informations sont extraites du site : Pierre de Fermat par la ville Beaumont de Lomagne
  10. J. Dutka Wallis's product, Brouncker's continued fraction, and Leibniz's series Arch. Hist. Exact Sci. 26 (2) 1982 pp 115-126
  11. John Wallis Arithmetica infinitorum (traduction l'arithmétique des infinitésimaux) 1655
  12. Ces informations, comme l'essentiel de ce paragraphe proviennent de l'article : C. Brezinski Ces étranges fractions qui n’en finissent pas Lire Université des Sciences et Technologies de Lille France p 50
  13. Leonhard Euler, Introductio in analysin infinitorum. Vol. I, Chapter 18 1748
  14. Ces résultats sont publiés dans : Leonhard Euler et Joseph-Louis Lagrange Eléments d'algèbre Lyon, Bruyset et Paris, Desaint 1774. Le livre contient une centaine de pages nommées Additions par Lagrange. Elles contiennent les deux preuves citées.
  15. Evariste Galois annonce le résultat suivant « Si une des racines d’une équation de degré quelconque est une fraction immédiatement périodique, cette équation aura nécessairement une autre racine également périodique que l’on obtiendra en divisant l’unité négative par cette même fraction continue périodique écrite dans un ordre inverse. » extrait de : Histoire de fractions continues par C. Bresinski de l'Université des Sciences et Technologies de Lille p 63
  16. Histoire de fractions continues par C. Bresinski de l'Université des Sciences et Technologies de Lille p 70
  17. Histoire de fractions continues par C. Bresinski de l'Université des Sciences et Technologies de Lille p 74
  18. C. Huygens Pensees meslees § 24 1686
  19. Cette citation est extraite de : C. Brezinski Ces étranges fractions qui n’en finissent pas Université des Sciences et Technologies de Lille France p 51 Lire
  20. E. Maor e: The Story of a Number Princeton University Press 1998 (ISBN 0691058547)
  21. Voir à ce sujet l'analyse : A. Sandifer How Euler did it M.A.A. on line 2006. Il conclut sur le fait qu'Euler connaissait probablement une démonstration à l'aide de l'analyse d'une équation différentielle.
  22. Leonhard Euler De fractionibus continuis dissertation 1737
  23. La démonstration présentée ici s'inspire de celle présentée par A. J. Van der Poorten dans l'article Continued fraction expansions of values of the exponential function dans related fun with contunued fraction 1991 p 2 et 3 Lire
  24. Joseph Liouville Communication verbale, Compte rendu des séances de l'Académie des Sciences 13 mai 1844 lire
  25. ab Ces démonstrations proviennent du site Développement d'un réel en fractions continues par M. Couchouron pour les développements périodiques et l'équation de Pell-Fermat
  26. La démonstration originale est disponible en ligne : Joseph-Louis Lagrange Solution d'un Problème d'arithmétique 1767 Lire
  27. ab Les démonstrations proposées ici s'inspirent du document : Développement d'un réel en fractions continues par M. Couchouron pour les développements périodiques et l'équation de Pell-Fermat
  28. Pour une introduction à la relation entre les applications linéaires et les fractions continues : J. Goerg Introduction aux fractions continues par l'Irem de Strasbourg
  29. Pour plus de précision sur le sujet, voir : G. A. Baker, P. Graves-Morris Padé Approximants Cambridge University Press 2nd Ed 1996 (ISBN 0521450071)
  30. Johann Heinrich Lambert Mémoire sur quelques propriétés remarquables des quantités transcendantes circulaires et logarithmiques Mémoires de l'Académie des Sciences de Berlin, 17 1761 pp 265-322
  31. Tous les résultats présentés ici se trouvent dans la référence : E. Pierre L. Jean-Pierre Autour du nombre pi Hermann Paris, 1999 (ISBN 2705614435)
  32. M. Serfati Fragments d'histoire des mathématiques. T. 4. Quadrature du cercle, fractions continues et autres contes APMEP Paris 1992
  33. Les exemples présents ici sont issus du site suivant : Continued fraction representations (13 formulas)
  34. J. F. Fleuron A Note on the History of the Cantor Set and Cantor Function Mathematics Magazine, Vol. 67 N° 2 pp 136-140 1994
  35. M. R. Schroeder Fractals, Chaos, Power Laws: Minutes from an Infinite Paradise W.H.Freeman & Co Ltd 1991 (ISBN 0716721368)
  36. A. Y. Khinchin, Continued Fractions University of Chicago Press traduction anglaise 1961 (ISBN 0486696308)
  37. P. Lévy Sur le développement en fraction continue d'un nombre choisi au hasard Compositio Mathematica pp 286 303 1936

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie