Roscelin de Compiègne

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Roscelin, né en 1050 à Compiègne (actuel département de l'Oise), mort à Besançon en 1120, est un philosophe scolastique français, considéré comme le fondateur du nominalisme.

Sommaire

[modifier] Biographie

Roscelin est né au milieu du XIe siècle à Compiègne. Il étudie à Soissons et à Reims puis enseigne dans sa ville natale, à Tours, à Loches (où il sera le professeur d'Abélard) et en fin à Besançon où il meurt vers 1120.

[modifier] Doctrine

La pensée de Roscelin marque un changement important dans la philosophie médiévale ; il est en effet le premier nominaliste dont nous connaissions un peu la doctrine. Mais nous sommes surtout renseignés sur sa pensée par ses adversaires. Les premiers documents sur lui nous viennent de l'école du Bec entre 1089 et 1099 : un moine envoie une lettre sur Roscelin à Anselme (ce qui était une pratique de délation assez courante).

Roscelin a soutenu la sententia vocum, i.e. la doctrine des mots : les genres et les espèces sont, comme le représente Anselme, dans son œuvre De Incarnatione Verbi, des flatus vocis (des émissions de voix), et non des choses, car les choses sont des individus réels. Ainsi, un individu particulier est-il réel, et le mot que l'on emploie pour le désigner désigne quelque chose de réel. En revanche, l'espèce homme n'existe pas.

Mais les conséquences de ce nominalisme vont s'avérer dangereuses. En effet, appliquée à la théologie, cette doctrine conduit à soutenir que les Personnes (le Père, l'Esprit, le Fils) sont trois choses différentes mais identiques par le pouvoir et la volonté, et incarnées dans le Fils et non une essence, ce qui revient à détruire la Trinité. Or, pour Anselme, cela revient à ne pas comprendre que les trois Personnes sont un Dieu et un seul, de même que plusieurs hommes sont un seul en espèce. Les nominalistes ne peuvent donc comprendre la Trinité. Il faut remarquer qu'Anselme ne dit pas que Roscelin applique le nominalisme à la théologie. Que Roscelin ait effectivement fait cela est un point qui reste assez douteux.

Mais quoiqu'il en soit, cette thèse théologique, attribuée à Roscelin, a d'abord été suspectée (à tort ou à raison, il est difficile de l'établir) par Anselme, car niant l'existence des substances universelles, elle reviendrait à admettre l'existence de plusieurs substances individuelles, donc de trois dieux ; ce qui est reproché à Roscelin, c'est son prétendu trithéisme (accusation reprise par Abélard, son ancien élève) :

« Le clerc Roscelin affirme qu'en Dieu, les trois personnes existent séparément les unes des autres, comme trois anges, de façon toutefois que sa volonté et sa puissance soient unes, - ou que le Père et l'Esprit saint sont incarnés ; qu'on pourrait dire vraiment qu'il y a trois dieux, si l'usage le permettait. »

Plus tard, Abélard, en accusant son ancien maître d'hérésie, sera bien plus dur qu'Anselme, lorsqu'il écrit qu'il est :

« l'antique ennemie de la foi catholique, le plus grand adversaire de Dieu, emporté, arrogant et toujours orgueilleux, dont l'hérésie détestable, établie au concile de Soissons, a été punie d'exil, parce qu'il reconnaissait et prêchait trois dieux. »

Un concile sera en effet (comme l'indique Abélard) réuni par l'archevêque de Reims. Pour Anselme, quiconque soutient le blasphème de Roscelin doit être anathème :

« Ne pas l'écouter, ne lui demander aucune raison de son erreur, ne lui en rendre aucune de la vérité, l'anathématiser s'il ne répudie l'erreur dont il est reconnu l'auteur. Car notre foi doit être défendue par la raison contre les impies, non contre ceux qui se reconnaissent chrétiens. »

Roscelin fut donc accusé sans pouvoir se défendre pour une doctrine qui ne serait en fait pas de lui. Roscelin abjura cette « erreur » de peur d'être lapidé par le peuple. Mais Roscelin continue d'enseigner sa pensée ; une lettre qu'Yves de Chartres lui est adressée dit en effet :

« Je sais qu'après le concile de Soissons, tu as défendu avec beaucoup d'ardeur ton ancienne opinion, dans des discussions clandestines, et devant des gens que nous connaissons bien l'un et l'autre, que tu as voulu leur faire accepter la doctrine que tu as abjurée et d'autres non moins insensées. »

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • François Picavet, Roscelin, philosophe et théologien, d'après la légende et d'après l'histoire, Paris, 1896.


Philosophie médiévale ( Modifier ce cadre)

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