Juliette Gréco

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Juliette Gréco
Juliette Gréco par Victor Diaz Lamich

Nom Juliette Gréco
Naissance 7 février 1927
Montpellier, France
Pays d’origine France France
Profession(s) Chanteuse
Actrice
Genre(s) Chanson française
Années actives 1946
Label(s) Universal Music

Site internet Universal Music

Entourage Gérard Jouannest
Jacques Brel

Juliette Gréco, née le 7 février 1927 à Montpellier, est une chanteuse et actrice française.

Sommaire

[modifier] Biographie

En 1939, elle est petit rat à l'Opéra de Paris. Sa mère l'entraîne dans la résistance. Capturée, elle n'est pas déportée à cause de son jeune âge mais elle est emprisonnée à Fresnes. Une fois libérée, elle se retrouve sans ressource à Paris. Elle se rend alors chez la seule personne de sa connaissance résidant dans la capitale, Hélène Duc, qui fut son professeur de français à Bergerac et une amie de sa mère. Elle sait qu’Hélène habite rue Servandoni, près de l’église Saint-Sulpice. Hélène Duc la loge dans la pension où elle-même demeure et la prend en charge.

Le quartier de Saint-Germain-des-Prés est à deux pas de là et, en 1945, Juliette découvre le bouillonnement intellectuel de la rive gauche et la vie politique à travers les Jeunesses communistes. Elle décroche quelques rôles au théâtre (Victor ou les Enfants au pouvoir en novembre 1946) et travaille sur une émission de radio consacrée à la poésie.

En 1949, elle participe à la réouverture du cabaret « Le Bœuf sur le toit » disposant d'un riche répertoire (de Jean-Paul Sartre à Boris Vian…). Elle rencontre cette année-là Miles Davis dont elle tombe amoureuse.[1] En 1951, elle reçoit le prix de la SACEM pour Je hais les dimanches. En 1952 elle part en tournée au Brésil et aux États-Unis dans la Revue « April in Paris ».

En 1954, elle chante à l'Olympia et rencontre son futur époux, le comédien Philippe Lemaire, sur le tournage du film Quand tu liras cette lettre de Jean-Pierre Melville. Ils divorcent en 1956 après la naissance de leur fille Laurence-Marie.

Elle repart pour New York et ses interprétations des plus grands auteurs français enthousiasment les américains. Hollywood la courtise. Elle rencontre le puissant producteur Darryl Zanuck sur le tournage du film Le soleil se lève aussi d'Henry King (1957). Il devient son compagnon, malgré les différences d'âge et de tempérament. Elle tourne dans quelques-unes de ses productions jusqu'en 1961 notamment sous la direction de John Huston et de Richard Fleischer avec Orson Welles comme partenaire respectivement dans Les Racines du ciel (1958) et dans Drame dans un miroir (1960).

De 1959 à 1963 elle se consacre à la chanson, découvre et fait découvrir de nouveaux talents : Serge Gainsbourg, Guy Béart et Léo Ferré.

En 1965, elle tient un rôle de premier plan dans le feuilleton télévisé Belphégor ou le Fantôme du Louvre et fera une tentative de suicide quelque temps plus tard.

En 1967, elle fait la connaissance de Michel Piccoli qui deviendra son mari. Ils se sépareront en 1977.

En 1968, elle inaugure la formule des concerts de 18 heures 30 au Théâtre de la Ville à Paris. Elle y interprète une de ses plus célèbres chansons, Déshabillez-moi.

À partir de 1975 Gérard Jouannest, son pianiste et accompagnateur depuis 1968, compose la musique de ses chansons. Elle l'épouse en 1989. Elle fait de nombreuses tournées à l'étranger et plus fréquemment en Allemagne et au Japon.

Elle est faite Chevalier de la Légion d'honneur par le Premier ministre Laurent Fabius, le 23 octobre 1984.

En mai 2001, elle fait un malaise cardiaque lors d'un concert à Montpellier.

Elle retrouve une fois de plus son public de l’Olympia en 2004 avant de continuer ses récitals en tournée.

Elle est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.

Le 10 mars 2007, les Victoires de la musique la couronnent d'une « Victoire d'honneur » pour toute sa carrière.

[modifier] Les recettes de Juliette

Gréco s’applique à interpréter et révéler de nouveaux auteurs et compositeurs, démarche artistique qui semble l’enthousiasmer davantage que d’écrire elle-même ses chansons. Elle s’essaie néanmoins à l’écriture dans ses deux albums enregistrés sous le label RCA Victor. Ainsi, elle interprète très sensuellement, sur une musique de Gérard Jouannest, Le Mal du temps (1975) et Pays de déraison (1977) tandis qu’elle paraît préférer le titre qu’elle consacre à la maternité, L’Enfant.

Mais sa réussite d’auteur-interprète est sûrement sa recette du « Suprême de volaille aux crevettes » qu’elle débite avec gourmandise et jubilation en 1969 sur une musique de Marius Constant adaptée pour la circonstance par Michel Legrand[2].

[modifier] L’interprète et ses auteurs

[modifier] Je suis là pour servir, je suis interprète[3]

« Dans tout ce que je chante et dans ma vie, je suis là quelque part. […] Les mots, c’est très grave, pour moi. […] Je ne peux pas mettre dans ma bouche des mots qui ne me plaisent pas. […] Je suis là pour servir. Il y a une belle phrase dans la Bible, qui dit : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole. » Et moi, mes Seigneurs, ce sont les écrivains et les musiciens. Je suis là pour servir, je suis interprète. […] La chanson est un art particulier, extrêmement difficile (quand c’est bien), contrairement à ce qu’on peut croire. Il faut écrire une pièce de théâtre ou un roman en 2 minutes ½ / 3 minutes et c’est un exercice extraordinaire. C’est grave, une chanson. Ça va dans les oreilles de tout le monde, ça se promène dans la rue, ça traverse la mer, c’est important une chanson, ça accompagne votre vie… […] Les poètes, les musiciens, ils ont besoin d’interprètes. Ils ne sont pas toujours les meilleurs interprètes de leurs œuvres, ce n’est pas vrai. Quelquefois, nous, interprètes, nous trouvons des choses qu’ils n’ont pas entendues, d’eux-mêmes… »

[modifier] La. La. La. — Émission télé de 1966[4]

Lors de cette émission qui lui est entièrement consacrée, Gréco est entourée de quelques uns de ses auteurs et compositeurs, un incroyable plateau rempli de légendes de la chanson française, entre autres : Charles Trenet, Joseph Kosma, Françoise Sagan, Serge Gainsbourg et Pierre Louki. Deux d’entre eux témoignent ainsi :

  • Joseph Kosma : « Vous avez changé le visage de la chanson parce que votre choix est toujours la poésie. La chanson n’est pas toujours poétique et puis vous avez vraiment fait quelque chose de très important. Simplement, vous existez, cela suffit. »
  • Serge Gainsbourg (après avoir interprété La Javanaise) : « Cette Javanaise, qui fut si incomprise parce que j’y parle javanais, je l’ai écrite pour Juliette Gréco et je lui ai donnée aussitôt son retour des Amériques (sic) [parution en mai 1963]. Je pense être un auteur privilégié puisqu’elle m’a chanté et je pense qu’il n’y a pas un auteur digne de ce nom ou au moins ayant un tant soit peu de tenue littéraire qui n’ait souhaité écrire pour elle. »
  • Auprès de Pierre Louki, Gréco se désole que le talent de celui-ci ne soit pas reconnu à sa juste valeur :
    • Gréco : « Moi, ce qui me fait très, très plaisir, c’est que tu as un très large éventail. C'est-à-dire que tu peux aussi bien écrire des chansons comme ça [Les Vrais copains, qu’il vient d’interpréter] ou comme Il y a vingt ans, ou comme Les Sardines, ou comme La Môme aux boutons… »
    • Pierre Louki : « Ça faisait cinq, six ans (ou peut-être même sept ou huit ans) que j’écoutais les chansons de Juliette Gréco et je me disais, enfin, jamais elle ne me chantera… Et puis un vendredi ou un jeudi soir, enfin en tous les cas la veille, j’ai reçu un coup de fil me disant, viens à tel studio à telle heure, on t’enregistre L’Arbre mort. Je n’étais pas du tout au courant et alors j’ai dit, qui est-ce qui m’enregistre L’Arbre mort ? On m’a dit : Juliette Gréco. Et ça, je dois dire que je n’en revenais pas du tout et puis maintenant, je suis bougrement content… » (Gréco chante Sur l’Arbre mort, paroles de Pierre Louki et musique de Colette Mansard, 1963).

[modifier] Citations

  • Jean-Paul Sartre[5] : « On fait des pièces pour certains acteurs, pourquoi ne ferait-on pas des poèmes pour une voix. Elle donne des regrets aux prosateurs, des remords. Le travailleur de la plume qui trace sur le papier des signes ternes et noirs finit par oublier que les mots ont une beauté sensuelle. La voix de Gréco le leur rappelle. Douce lumière chaude, elle les frôle en allumant leurs feux. C’est grâce à elle, et pour voir mes mots devenir pierres précieuses, que j’ai écrit des chansons. Il est vrai qu’elle ne les chante pas,[6] mais il suffit, pour avoir droit à ma gratitude et à celle de tous, qu’elle chante les chansons des autres. »
  • Pierre Mac Orlan : « Si vous entendez une voix qui est l’appel de l’ombre, c’est Gréco. Si les yeux clos, vous entendez la chanson de votre adolescence…c’est Gréco. C’est Juliette Gréco qui mène la chanson chez qui la lui réclame. »[7]
  • Alice Sapritch : « Je l'ai connue à Saint-Germain-des-Prés quand elle avait 16 ans. Elle y chantonnait déjà. On l'appelait Toutoute. C'était une période de vaches maigres et les chaussures manquaient comme le reste. Je lui en ai offert une paire en semelles de crêpe, c'était rare à l'époque. Elle en parle encore aujourd'hui avec beaucoup d'émotion. Je pourrais lui en vouloir un peu parce qu'elle n'a rien fait pour m'aider à rentrer au cinéma lorsqu'elle vivait avec Zanuck. C'est une oublieuse personne, mais je ne lui en veux pas de ses manques. Je l'aime bien et j'apprécie la manière dont elle a fait son chemin. »[8]
  • Jean-Pierre Melville (à propos de son film Quand tu liras cette lettre) : « Gréco, c’était le côté pas sage du film. Juliette n’a jamais été du cinéma. Même à l’époque où elle vivait avec Darryl Zanuck, elle n’a jamais fait partie de ce monde […]. J’aimais beaucoup Juliette, une fille intelligente, vraiment très belle. Quand on se souvient de la petite boulotte de 47-48… Pendant le tournage elle était tellement mince que je l’appelais la limande… »[9]
  • Jacques Mercier, lors d'une émission de la RTB[10] : « Le Portrait chinois que lui consacra André Lemoine nous révéla une chatte plutôt qu’une tigresse. « Chez le Chat Juliette Gréco » nous raconta André « le calme n’est qu’apparence, il cache une grande timidité. Réserve serait probablement un mot mieux adapté. La passion marque tout ce qu’elle entreprend, l’excès aussi, mais son charme et sa merveilleuse tolérance font qu’on lui pardonne volontiers ce travers. Elle s’intéresse en profondeur au monde qui entoure son univers personnel, aime vagabonder, faire des voyages, vivre pleinement les choses de la vie. Ce Chat apprécie, comme bien des chats, les réunions amicales, se prête aux réunions mondaines, histoire de briller, mais aussi d’observer les autres. Amie précieuse et dévouée, Juliette Gréco se montre à l’occasion une critique féroce. À noter qu’elle est plus intuitive que psychologue. Son jugement spontané apparaît sans défaut, alors que ses raisonnements sont souvent obscurcis par sa subjectivité ». Elle donna à André une note maximum. »
  • Benjamin Biolay, à propos de leur collaboration[11] : « Gréco, faudrait être con pour refuser. C'était quand même la fille qui se tapait Miles Davis, qui était dans les camps. Elle incarne une France que j'aime, une idéologie forte. »[12]
  • Bernard Lavilliers[13] : « On ne croise pas tous les jours des gens de ce niveau, qui ont cette espèce de sensibilité, d’intelligence et une sorte de classe tout en pouvant être jamais vulgaires, mais extrêmement drôles. Et même employer des mots que seuls les hommes emploient parce qu’elle doit faire ça depuis son adolescence. »

[modifier] Anecdotes

  • Gag au placard : En 1966, Claude Dejacques, producteur chez Philips, a une idée amusante. Il conçoit de sortir, pour le 1er avril, un album-gag dans lequel les plus grands artistes maison échangent leurs tubes respectifs. Ainsi, Gréco reprend Le Folklore américain de Sheila et Le Jouet extraordinaire de Claude François tandis que France Gall reprend Jolie môme, un grand succès de Gréco en 1961. Comme beaucoup d'idées originales, l'album poisson d'avril 1966 restera dans les placards de Philips, on ignore pour quelles raisons. Néanmoins, les deux enregistrements historiques de Gréco seront inclus dans le volume 8 de son intégrale L'Éternel féminin parue en 2003.

[modifier] Discographie

[modifier] Ses grandes chansons

[modifier] Intégrale

  • 2003L'Éternel féminin — Intégrale en 21 CD Mercury


[modifier] Compilations

[modifier] Vidéographie


[modifier] Théâtre

[modifier] Bibliographie

[modifier] Mémoires

[modifier] Biographie

[modifier] Essais

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  1. Miles Davis avec Quincy Troupe : Miles, l'autobiographie ; pages 132/133 ; Infolio, 2007, ISBN 2884749195.
  2. L'Éternel féminin, Volume 20 (Inédits INA)
  3. Extrait du documentaire Je m’appelle Gréco, réalisé par Jaci Judelson (un bonus du DVD Juliette Gréco, Olympia 2004, Polydor).
  4. La. La. La. – Juliette Gréco, diffusée le 26 juillet 1966, 1re chaîne ORTF.
  5. Citation extraite de l'essai Juliette Gréco de Michel Grisolia et Françoise Mallet-Joris, voir section bibliographie.
  6. À l’exception de la reprise par Gréco de La Rue des Blancs-Manteaux (1950), chanson écrite par Sartre pour sa pièce de théâtre Huis clos. Pour Gréco, Sartre a écrit deux textes de chansons qui seront définitivement perdus : Ne faites pas suer le marin et La Perle de Passy (note de Gréco dans ses mémoires, Jujube).
  7. Extrait d’une dédicace manuscrite de Pierre Mac Orlan datée de 1966 (fac simile) in Jujube, mémoires de Juliette Gréco, Éditions Stock, Paris, 1982, ISBN 2234008166.
  8. Mémoires inachevées d'Alice Sapritch, Éditions Ramsay, Paris, 1990, ISBN 2859568271.
  9. In Juliette Gréco par Michel Grisolia et Françoise Mallet-Joris, Éditions Seghers (voir section bibliographie).
  10. Extrait de son récit Totalement confidentiel, Éditions des Archers/RTBF Éditions, Bruxelles, 1988.
  11. Album Aimez-vous les uns les autres ou bien disparaissez... (2003).
  12. Technikart N° 114, juillet-août 2007.
  13. Extrait du documentaire Je m’appelle Gréco, réalisé par Jaci Judelson (un bonus du DVD Juliette Gréco, Olympia 2004, Polydor).
  14. Fredonnée par Arletty sur une première musique dans le film Les Enfants du paradis, Gréco en fera « sa chanson » sur une nouvelle composition de Joseph Kosma.
  15. Interprétée par Yves Montand dans le film de Carné et créée auparavant par Cora Vaucaire, Gréco contribua à faire de cette chanson un succès et un classique mondial.
  16. D’abord refusée par Édith Piaf, cette chanson déclencha la levée de boucliers d’une certaine presse qui la perçut mal et rétorqua : « Si elle boulonnait un peu, elle saurait ce que c’est ! Elle aimerait les dimanches ! » (in Juliette Gréco par Michel Grisolia et Françoise Mallet-Joris, voir section bibliographie).
  17. Gréco dut également à cette chanson de remporter le « prix Édith-Piaf d’interprétation » (!) au concours de Deauville le 23 août 1951 et de s’attirer ainsi les ressentiments d’Édith Piaf qui voulut alors l’enregistrer à son tour (au mois d’octobre de la même année avec la mention « prix Édith-Piaf à Deauville ! »). Cette chanson primée popularisa Gréco auprès du grand public grâce à sa large radiodiffusion (notes extraites de l’intégrale L’Éternel Féminin).
  18. Après avoir longtemps hésité, Gréco l’interpréta pour la première fois sur scène à Tokyo lors de l’hommage rendu à Jacques Brel pour l’anniversaire de sa disparition en 1988. Elle expliqua : « Ce n’était pas une chanson que j’aimais, pour son côté larmoyant. Comme je ne suis pas larmoyante du tout, j’en ai fait une chanson d’une extrême violence, une chanson plutôt vainqueur que vaincu. » – Note extraite de son intégrale L’Éternel Féminin.