Divisions dans le jaïnisme

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Sommaire

[modifier] La naissance de sections

En parcourant l'histoire de la religion jaïna, on ne constate pas de scission avant l'époque de Mahâvîra. Ce n'est que plus tard que plusieurs schismes se produisent avec, pour conséquence, la création de sections et de sectes. Les trois raisons principales de ce fractionnement du jaïnisme proviennent de son extension sur l'ensemble du territoire indien, de l'interprétation de ses canons, et d'une révolte contre certaines de ses autorités religieuses.

[modifier] L'extension du jaïnisme en Inde

Après la mort de Mahâvîra, ses successeurs et ses disciples réussirent un large développement de cette religion, en la popularisant dans l'Inde entière, de sorte qu'elle eût, pendant longtemps, le soutien aussi bien des rois et des dirigeants que de la bourgeoisie et du peuple.

Comme le nombre de disciples augmentait rapidement et qu'ils se répartissaient dans tout le pays, les chefs religieux, les Ganadhara, durent rencontrer des difficultés à s'occuper d'eux et à s'organiser. Les coutumes et les façons de vivre dans les différentes régions de l'Inde ont pu, elles aussi, avoir leur influence en donnant naissance à des pratiques religieuses diverses. Tout cela eut comme résultat de créer des discordes entre disciples.

[modifier] L'interprétation des canons jaïna

La deuxième cause de division tient au fait que les doctrines, les principes et les réalités du jaïnisme, tels qu'ils avaient été énoncés et enseignés par Mahâvîra, ne furent pas consignés par écrit, durant sa vie ou aussitôt après sa mort. Simplement mémorisés par ses successeurs immédiats, et transmis oralement et de génération en génération, ils ne furent canonisés qu'au début du troisième siècle avant J.-C., au concile de Pâtaliputra.

Pendant ce temps, beaucoup d'eau avait coulé dans le Gange, et ce qui fut mis dans le canon ne fut pas accepté par certains, qui soutinrent avec vigueur qu'il ne s'agissait pas des véritables enseignements de Mahâvîra.

Il y eut aussi la question de l'interprétation de ce qui avait été canonisé. Comme le temps passait, des différences d'opinions se manifestèrent à ce sujet. Ceux qui n'étaient pas d'accord fondèrent une école de pensée séparée et formèrent une section particulière.

[modifier] La révolte contre les autorités religieuses jaïna

On peut dire, en troisième lieu, que les sections et les sectes jaïna sont le résultat direct de révoltes contre les actions menées, et la politique suivie, par les autorités religieuses (le jaïnisme n'a pas d'Église dogmatique).

Souvent, de telles autorités dévient de la voie prescrite, ne respectent pas, elles-mêmes, les règles de conduite qu'elles ont pour mission de faire appliquer, ou sont trop strictes dans le maintien de certaines pratiques, en ne tenant pas compte des modifications que nécessitent les changements de situation. Dans ces cas, les élites éprouvent de l'indignation qui, jointe au mécontentement des disciples, aboutit à la création et à l'organisation d'écoles séparées.

Du fait des facteurs divers ci-dessus analysés, la religion jaïna qui, avant le commencement de l'ère chrétienne et même avant la naissance de Mahâvîra, était une et unie, s'est scindée d'abord en deux sections principales, celle des Digambara et celle des Svetâmbara, et plus tard, en plusieurs sectes, dans chaque section. Ce processus continue encore de nos jours, sous une forme ou une autre.

[modifier] Le « grand schisme »

L'histoire de la religion jaïna est remplie de références aux différents schismes qui ont eu lieu, à des époques diverses, et dont certains ont provoqué la naissance de sections et de sous-sections.

Il n'y a pas d'unité d'opinion sur la matière dont ces schismes se sont produits, ni sur leur nature. On prétend qu'il y en a eu huit; que le premier fut provoqué par Jamâli, durant la vie de Mahâvîra, et que le huitième eut lieu au premier siècle ap. J.-C., c'est-à-dire environ six cent ans après son nirvâna.

De tous les schismes, le huitième a été le plus important, car il a fait éclater définitivement la religion jaïna en deux sections distinctes: celles des jaïns Digambara et celle des jaïns Svetâmbara. A ce sujet, on peut ajouter que, pour prouver l'ancienneté de sa section, chacune a sa théorie sur l'origine de l'autre.

D'après le compte-rendu de ce huitième schisme, qui est connu sous le nom de « grand schisme », et qui fait l'objet de preuves historiques, le processus d'éclatement dura du troisième siècle avant J.-C. au premier siècle après J.C.

Au troisième siècle avant l'ère chrétienne, le célèbre ascète jaïna Çrutakevalî Bhadrabâhu prédit une longue et sévère famine au royaume du Magadha (dans le Bihar actuel). Redoutant les terribles effets de cette famine, il émigra, avec 12000 moines, de Pâtaliputra, la capitale de ce royaume, à Shravanabelagola (dans l'Etat du Karnâtaka actuel), situé au sud de l'Inde.

La statue de « Bahubali » à Shravana-Belgola
La statue de « Bahubali » à Shravana-Belgola

Chadragupta Maurya (322-298 avant l'ère chrétienne), qui était alors le roi du Magadha, et qui révérait beaucoup l' Âchârya Bhadrabâhu, abdiqua en faveur de son fils Bindusâra, rejoignit Bhadrabâhu comme disciple moine, et l'accompagna à Shravanabelagola. Il vécut pendant douze ans après le mort de Bhadrabâhu et, après avoir pratiqué les austérités, quitta ce monde, selon le rite du sallekhanâ jaïna, sur la colline de Shravanabelagola. Cette tradition est confirmée par un grand nombre de preuves épigraphiques et littéraires incontestables.

Quand les ascètes de la communauté de Bhadrabâhu, retournèrent à Pâtaliputra, à la fin des douze années de famine, ils constatèrent, à leur grande surprise, que deux grands changements s'étaient produits, pendant leur absence, chez les moines du Magadha, sous la direction de l' Âchârya Sthûlabhadra. En premier lieu, la règle de nudité s'était relâchée, les moines avaient désormais l'autorisation de porter une robe blanche (appelée ardhaphâlaka). En second lieu, les livres sacrés avaient été rassemblés et édités au concile de Pâtaliputra, spécialement réuni à cet effet.

Le groupe d'ascètes qui revint n'accepta pas ces deux choses et se proclama groupe des vrais jaïns. La religion jaïna était désormais scindée en deux sections distinctes: celle des Digambara (vêtus de ciel, c'est-à-dire totalement nus; les moines Digambaras sont probablement les gymnosophes dont parlent les Grecs après l'expédition d'Alexandre le Grand en Inde) et celle des Svetâmbara (vêtus de blanc).

Il faut dire, en relation avec ce « grand schisme », que la pratique de la nudité, qui était observée strictement par Mahâvîra, ses prédécesseurs, et par les ascètes de sa communauté, fut jugée, plus tard, impraticable et progressivement abandonné par un certain nombre de sectes de l'ordre ascétique jaïna. C'est pourquoi, H.Jacobi, le pionner des études jaïna en Allemagne, a fait l'observation suivante:

« Il est possible que la séparation [...] se soit faite progressivement, une évolution s'étant produite dans les deux groupes qui vivaient à une grande distance l'un de l'autre, et qu'ils aient pris conscience de leur mutuelle différence, vers la fin du Ier siècle après J.C. Mais, cette différence est mince, pour ce qui est des articles de leur foi »[1].

A cet égard, A.L. Basham, autorité renommée en études orientales, a donné son opinion comme suit: « De cette migration naquit le grand schisme du Jaïnisme sur un point de discipline monastique. « Bhadrabâhu », le doyen de la communauté, qui avait dirigé les émigrants, aurait insisté pour conserver la pratique de la nudité que « Mahâvîra » avait établie. Sthûlabhadra, le chef des moines qui étaient restés dans le Nord aurait autorisé ses disciples à porter des vêtements blancs, en raison des privations et de la désorganisation dues à la famine. De là, naquirent les deux sections jaïna des Digambara et des Svetâmbara. Le schisme ne devint définitif qu'au premier siècle après J.C. »[2]

Il faut dire qu'au commencement, quand le schisme se produisit, les différences entre les deux sections n'étaient pas grandes et ne prenaient pas la forme d'une rigidité dogmatique et doctrinale. Cela ressort clairement du fait que les jaïns, dans leur grande majorité, reconnaissaient que la nudité était l'idéal le plus élevé et la caractéristique d'un Jina (vainqueur spirituel).

Ainsi, ils vénéraient sans réserve les statues des Tîrthankara nus. On peut relever, à ce sujet, que toutes les anciennes représentations des Tîrthankara trouvées à Mathura, dans l'Uttar Pradesh, sont nues. Lentement, la question du vêtement pris de l'importance et plusieurs points de vue furent avancés concernant les divers aspects et les pratiques de la vie religieuse. Le résultat fut qu'avec le temps, et les changements, les attitudes et les approches commencèrent à se durcir, les doctrines à s'ossifier, et le point de vue sectaire à dominer. Ce phénomène se constate dans toutes les religions, à cette époque. Naturellement, il a aussi touché la religion jaïna.

[modifier] Les sections Digambara et Svetâmbara

femmes ascètes ou sadhvî méditant
femmes ascètes ou sadhvî méditant

Il est important de voir les différences exactes qui existent entre les deux sections. Étymologiquement, les moines Digambara sont nus, et les moines Svetâmbara sont vêtus de blanc. En fait, il n'y a pas de différences doctrinales fondamentales entre les deux. Par exemple: le texte sacré pourvu de la plus grande autorité, pour tous les jaïns, est le Tattvârthâdhigama-sûtra d'Umâsvâti. Mais, il y a quelques points majeurs et quelques autres mineurs, sur lesquels les deux sections s'opposent.

[modifier] Les différences majeures

On peut mentionner trois points majeurs de différence. Ils concernent: la pratique de la nudité, la libération de la femme, et la nourriture des omniscients.

  • La pratique de la nudité. Les Digambara considèrent cette pratique comme absolument pré requise pour la voie ascétique et pour l'obtention du salut. Les Svetâmbara assurent que la nudité n'est pas essentielle pour la libération.
  • La libération de la femme. Les Digambara estiment que la femme est dépourvue de corps adamantin, et de la volonté stricte, indispensable pour obtenir la libération (moksha), et donc qu'elle doit renaître sous la forme d'un homme avant que sa libération soit possible. Les Svetâmbara ont un point de vue contraire. Ils affirment que les femmes sont capables, dans leur vie, de la même réalisation spirituelle que celle des hommes.
  • La nourriture des omniscients. D'après les Digambara, dès qu'un saint (un ascète) devient omniscient (kevala-jnâni), il n'a pas besoin de nourriture. Ce point de vue n'est pas acceptable pour les Svetâmbara.

[modifier] Les différences mineures

On relève neuf différences mineures, entre les deux sections, elles concernent:

  • l'embryon de Mahâvîra. Les Svetâmbara croient que Mahâvîra est né d'une femme kshatriya Trishalâ, bien que sa conception ait eu lieu dans le sein d'une brahmane Devânandâ. Le changement d'embryon, selon leur version, aurait été opéré par le dieu « Indra », le quatre-vingt troisième jour après sa conception. Les Digambara, rejetent tout cet épisode comme non réalisable et absurde;
  • le mariage de Mahâvîra. Les Svetâmbara affirment que Mahâvîra se maria avec la princesse Yashodâ, à un âge très jeune, qu'il eut d'elle une fille, nommée Anojjâ, ou Priyadarshanâ et qu'il mena une vie active jusqu'à l'âge de trente ans, où il devint un ascète. Les Digambara nient toutes ces assertions;
  • le Tîthankara Mallinâtha. Les Svetâmbara considèrent que Mallinâtha, le 19° Tîrthankara, était une femme du nom de Malli. Les Digambara assurent que Mallinâtha était un homme;
  • les idoles des Tirthankara. Les Svetâmbara ont leurs idoles des Tîthankara qui portent un cache-sexe, qui sont ornées de bijoux, et qui ont des yeux en verre sertis dans le marbre. Les Digambara représentent toujours les Tîrthankara, nus, sans bijoux, et les yeux baissés, dans une pose méditative;
  • la littérature canonique. Les Svetâmbara croient à la validité et au caractère sacré de la littérature canonique, c'est-à-dire: les douze Anga et Sûtra, tels qu'ils existent actuellement. Les Digambara considèrent que les textes originaux véritables ont été perdus, il y a longtemps, et ils refusent d'accepter les décisions du premier concile, réuni sous la direction de l' Âchârya Sthûlabhadra et, par conséquent, l'enregistrement des Anga;
  • charitra et purâna. Les Svetâmbara emploient le terme de charitra et les Digambara celui de purâna pour désigner les biographies des grands Maîtres;
  • la nourriture des ascètes. Les moines Svetâmbara vont chercher leur nourriture dans des maisons différentes, tandis que les moines Digambara prennent leur nourriture debout, dans les paumes de leurs mains, et dans une maison seulement où leur pensée secrète (sankalpa) est satisfaite;
  • le vêtement des ascètes. Les moines Svetâmbara portent des vêtements blancs, alors que les moines Digambara, à l'idéal nirgrantha, sont complètement nus;
  • les possessions des ascètes. Les ascètes Svetâmbara sont autorisés à avoir quatorze possessions, telles que pagne, pèlerine, etc. Les ascètes Digambara ne sont autorisés à posséder que deux objets: un balai à plumes de paon (picchi) et un pot à eau en bois (kamandalu).
Icône de détail Article détaillé : Sectes Digambara.
Icône de détail Article détaillé : Sectes Svetâmbara.

[modifier] Références/Sources/Bibliographie

  • Dayanand Bhargave, Jaïna Ethics.
  • Colette Caillat, Les Expiations dans le rituel ancien des religieux jaïna, De Boccard (1965).
  • Bool Chand, Mahâvîra, le Grand Héros des Jaïns, Maisonneuve et Larose (1998)ISBN 2-7068-1326-1
  • A. Chakravarti, The Religion of Ahimsâ.
  • A. Guérinot, La Religion Djaïna, Paul Geuthner, (1926), ASIN : B0000DY141.
  • P. Letty-Mourroux, Une nouvelle approche du Jaïnisme.
  • P. Letty-Mourroux, Cosmologie Numérique Teerthankara.
  • J.P. Reymond, L'Inde des Jaïns.
  • N. Tiffen, Le Jaïnisme en Inde, Weber, Genève, (1990), ISBN : 7047440631.
  • Vilas Adinath Sangave, Le Jaïnisme, Maisnie, Tredaniel, (1999), ISBN : 2844450784.
  • N. Shanta, La Voie jaina, Œil, (1990), ISBN : 2868390269.

[modifier] Références

  1. dans le Jaïnisme de Vilas Adinath Sangave
  2. dans le Jaïnisme de Vilas Adinath Sangave