Facilités linguistiques

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Le régime de facilités linguistiques a été instauré en Belgique par la loi du 8 novembre 1962. Dans les textes légaux, il est question de communes "dotées d'un statut propre (...), considérées comme des communes à régime spécial" pour ce qui concerne les "communes périphériques" (les 6 communes à facilités de la périphérie bruxelloise), et de communes « dotées d’un régime spécial en vue de la protection de leurs minorités » pour ce qui concerne les autres communes à faciltés :"communes de langue allemande","communes malmédiennes" (aux alentours de Malmédy) et "communes de la frontière linguistique" (le long de la frontière linguistique entre la Flandre et la Wallonie).

Il s'agit de communes caractérisés par un unilinguisme des services internes (l'administration travaille dans une seule langue) et un bilinguisme externe (l'administration utilise deux langues dans ses relations avec le public). Lors de la réforme constitutionelle de 1970 fut voté un article 3 bis à la constitution (24 décembre 1970), élevant au rang d'une disposition constitutionelle l'existence des quatre régions linguistiques prévue dans la législation sur l'emploi des langues en matière administrative. Il fut également précisé dans cet article que "Chaque commune du Royaume fait partie d'une de ces régions linguistiques". Alors que ce n'était auparavant pas toujours le cas pour chacune d'elles, les communes à facilités, au statut hybride, appartinrent dès lors toutes à une région linguistique unilingue: celle correspondant à la langue de travail de l'administration . Le régime des facilités constitue donc désormais une exception au principe que les relations entre les habitants d’une région et l’administration se fait obligatoirement dans la langue de la région. En effet seule la région linguistique de Bruxelles-Capitale est officiellement bilingue français-néerlandais. Les trois autres régions linguistiques sont unilingues: la région de langue française, la région de langue néerlandaise et la région de langue allemande.

Dans un petit nombre de communes de ces régions unilingues, les habitants peuvent obtenir leurs documents administratifs et entrer en relation avec l’administration communale et nationale dans une seconde langue, déterminée selon les communes. L'administration y est en effet soumise à un certains nombres d'obligations concernant l'usage de cette deuxième langue dans ses contacts avec un particulier qui utilise celle-ci. Elle doit aussi rédiger entre autres ses avis et communications destinées au public dans les deux langues. L’ampleur précise de ces facilités linguistiques n’est pas identique pour toutes les communes à facilités.

Signalisation bilingue et Facilités linguistiques pour francophones dans la municipalité de Eupen
Signalisation bilingue et Facilités linguistiques pour francophones dans la municipalité de Eupen

Sommaire

[modifier] Établissement des facilités

[modifier] de 1921 à 1963

Depuis 1921, la Belgique est officiellement divisée en deux entités unilingues — la Flandre et la Wallonie et les lois de 1932 sur l’usage des langues dans l’enseignement et l’administration tracent les frontières entre régions linguistiques (Flandre unilingue néerlandaise, Wallonie unilingue française et Bruxelles bilingue).

Ces frontières ne sont cependant pas définitivement fixées, et il reste alors une large bande frontalière entre la Flandre et la Wallonie, des communes dont le régime linguistique peut être modifié après un recensement démographique décennal, qui comporte depuis 1847 des questions sur les langues parlées et utilisées. Là où une minorité linguistique devient majorité, le conseil communal peut décider d’adapter sa langue de travail. Une commune devient bilingue dès lors que la population de l’autre régime linguistique atteint 30%, au-delà de 50% elle passe dans l’autre régime linguistique.

Alors que la règle peut s’appliquer théoriquement dans un sens ou l’autre, ces « adaptations » se font presque toujours au détriment des néerlandophones.

En effet, l’attraction de la capitale et de ses environs est telle pour les francophones que ceux-ci continuent à s’y installer, et également dans les communes flamandes avoisinantes (phénomène de péri-urbanisation, c'est-à-dire d'urbanisation de communes anciennement rurales).

Pour les flamands, pourtant, cela est difficilement acceptable : la présence dans le territoire flamand de cette ville francophone qui s’étend fait perdre à la Flandre des territoires absorbés par Bruxelles, le territoire où ils ont obtenu l’unilinguisme flamand grignoté par une zone bilingue qui est, de facto, francophone. De cette période date l’expression de « tache d’huile (olievlek en néerlandais) pour désigner ce phénomène. En 1954, trois communes sont ajoutées à la région bilingue de Bruxelles suite au recensement de 1947.

[modifier] 1963

La situation devient alors critique aux yeux des Flamands; les bourgmestres des communes flamandes refusent l’organisation du recensement en 1960. Il est alors décidé au parlement qu’il n’y aura plus de recensement linguistique et les Flamands obtiennent, en 1963, la fixation définitive des frontières linguistiques (basée sur le recensement de 1947, contesté par les populations).

De cette époque date une autre expression qui illustre la volonté flamande : le « carcan » qui enferme Bruxelles dans ses 19 communes et empêche son développement dans les environs, territoire flamand puisque Bruxelles est intégralement entourée de communes flamandes, à facilités ou non.

Les facilités ont été instaurées en 1963 uniquement pour les communes où la dernière enquête linguistique avait constaté plus de 30% de citoyens appartenant à la minorité linguistique. Les minorités francophones en Flandre ont donc différents niveaux de protection. Ces facilités étaient censées apporter un compromis entre Flamands et francophones, bien que les raisons et la nature de ce donnant-donnant n’aient jamais été incluses dans les textes législatifs.

[modifier] Débats

Cela permet l’existence de deux points de vue diamétralement opposés:

  • pour les francophones, ces facilités étaient une reconnaissance permanente et immuable des droits des francophones dans ces communes;
  • pour les Flamands (et aussi certains politiciens francophones comme par exemple les bourgmestres de Comines-Warneton et Mouscron de cette période), les facilités étaient une mesure temporaire destinée à permettre à la minorité de mieux s’intégrer.

Par rapport à ces deux points de vue, un des seuls éléments objectifs qui semblent soutenir l’un ou l’autre, on note le fait que les facilités linguistiques par rapport aux écoles ont été accordées pour les écoles maternelles et primaires, mais pas pour les écoles secondaires. Cela semble confirmer l’hypothèse que les facilités doivent favoriser un processus d’intégration (dans le sens que les élèves minoritaires sont supposés être capables d’intégrer des écoles secondaires de la langue majoritaire et qu’il n’ont donc plus besoin des facilités pour pouvoir s’épanouir au niveau scolaire, professionnel et social). Cet élément peut cependant également s’interpréter à la lumière de la proximité souhaitable d’écoles maternelles et primaires, de nombreux élèves faisant leurs études secondaires dans une commune autre que la leur.

Quoiqu’il en soit, les lois et la Constitution belge — approuvées par les Flamands et les francophones — ne fixent aucune limite de temps à l’existence des facilités.

Deux remarques s’imposent sur ce choix des communes qui ont obtenu des facilités :

  1. les données linguistiques utilisées pour fixer la frontière linguistique en 1962-1963 proviennent du dernier recensement disponible datant de 1947 et qui a été publié en 1954, vu le boycott généralisé en Flandre pour répondre aux questions linguistiques du recensement de 1960. Les résultats et l’interprétation du recensement de 1947 ont été contestés, la « Commission Harmel » désignée pour le suivi institutionnel n’a pas donné satisfaction sur le plan de sa rigueur de travail, et la fixation définitive (toute modification nécessiterait une majorité qualifiée des deux groupes linguistiques au Parlement fédéral) a surtout été déterminée par des marchandages politiques, voire par des intérêts fonciers dans certains cas.
  2. du coté flamand, des allégations ont circulé selon lesquelles dans certaines communes wallonnes, Waterloo et La Hulpe par exemple, ce seuil de 30% était franchi, mais que suite à des manipulations francophones, les facilités n’y ont pas été introduites. L’ancien bourgmestre FDF de La Hulpe s’est vanté jusqu’à sa mort d’avoir « réussi à empêcher » l’introduction de facilités pour les néerlandophones dans sa commune, cette attitude étant à l’époque partagée par d’autres élus de communes francophones du Brabant [réf. nécessaire].

[modifier] En pratique

Dans les communes dotées d’un régime spécial en vue de la protection de leurs minorités, les Lois du 18 juillet 1966 sur l’emploi des langues en matière administrative prévoient que "tout service local (...) utilise exclusivement la langue de sa région dans les services intérieurs, dans les rapports avec les services dont il relève" etc. mais il doit cependant utiliser la deuxième langue avec les particuliers qui font usage de celle-ci. De plus les avis et communications destinées au public se font dans les deux langues concernées. La langue utilisée pour une série d'actes, comme les actes de l'état civil par exemple, est soumise à des règles pour lesquelles il existe des variantes selon les communes. C'est parfois la langue de la région, parfois "selon le désir de l'intéressé"

La Loi du 30 juillet 1963 « concernant le régime linguistique dans l’enseignement » prévoit par ailleurs que des écoles maternelles et primaires dans la langue minoritaire doivent être reconnues.

Cependant, chaque communauté a encore une fois une approche différente. Ainsi, les écoles francophones dans les communes flamandes sont subsidiées par la Communauté flamande (par principe d'autonomie territoriale), tandis que les autorités francophones ne subsidient pas les écoles néerlandophones en Wallonie (par principe d'autonomie culturelle).

La Flandre part du principe d’autonomie territoriale, établi implicitement par la constitution belge, et essaye aussi de s'assurer un minimum de contrôle pédagogique sur ces écoles francophones (en imposant par exemple aux enseignants de ces écoles de passer un examen de bilinguisme et en insistant que le niveau d'enseignement du néerlandais doit permettre aux élèves de continuer des études en Flandre et, ultérieurement, de s'y épanouir professionnellement).

Tout en acceptant le principe retenu du bilinguisme pour les enseignants des écoles francophones, la Cour d'arbitrage a récemment censuré[1] les exigences trop élevées de la Flandre à cet égard.

Inversement, la Communauté française et les communes concernées refusent de subsidier les écoles néerlandophones des communes wallonnes. Elles considèrent en effet que chaque communauté devrait, au-delà de la frontière linguistique de 1963, subsidier elle-même les écoles et autres activités culturelles de sa propre communauté au nom du principe d’autonomie culturelle. Par contre, la Flandre de son côté subside bien les écoles francophones à facilités sur son territoire à rato de presque 10 millions euros par an (2004), et par absence des subsides francophones (bien que imposées par la loi) elle finance en plus la seule école néerlandophone à facilités (Comines-Warneton)

[modifier] Liste des communes à facilités

  • Communes situées à la frontière linguistique entre les communautés française et germanophone :
  • Communes à la frontière linguistique entre les communautés française, flamande et germanophone :
    • Communes francophones avec facilités en allemand et en néerlandais uniquement en matière d’enseignement (les facilités en matière administrative pourraient théoriquement être demandées par le conseil communal et approuvées par un arrêté royal, et ensuite par une loi) :

[modifier] Évolution politique

[modifier] Périphérie bruxelloise

Les problèmes actuels dans les communes à facilités se concentrent surtout sur les communes de la « périphérie bruxelloise » (randgemeenten en néerlandais).

Les francophones des communes flamandes à facilités rencontrent des difficultés à faire valoir leurs droits. Les services en français seraient délibérément freinés.

Le gouvernement flamand cherche à diminuer ces facilités dont il estime qu'elles freinent l'intégration des francophones en Flandre, qu'elles gênent l'apprentissage du néerlandais, qu'elles diminuent dès lors l'épanouissement professionnel des francophones et qu'elles sont provisoires, vouées à l’extinction, et qu’il faut donc « habituer » les francophones à s’en passer et à s’intégrer en Flandre.

Par ailleurs, certains partis francophones revendiquent le rattachement des dites communes à la Région bilingue de Bruxelles-Capitale.

Dans ces communes à facilités, mais aussi dans d’autres de la province du Brabant flamand, des listes des partis francophones (principalement le FDF) ou de cartels regroupant plusieurs partis francophones (Union des francophones) présentent des candidats tant aux élections communales que provinciales ou régionales. Le liste UF a obtenu un représentant dans le parlement Flamand, et six dans le conseil provincial du Brabant-Flamand, ainsi que des dizaines de conseillers communaux.

Les communes à facilités de la périphérie bruxelloise sont les seules à bénéficier d’un statut électoral spécifique par lequel le Collège des Bourgmestre et Échevins et le Conseil public de l’aide sociale sont élus directement.

La tendance actuelle de l'autorité de tutelle va dans le sens d’une interprétation restrictive des facilités, voire un refus d'appliquer celles-ci (avec par exemple la circulaire Peeters).

[modifier] Fourons

Avant, il y avait aussi des problèmes dans les Fourons (Voeren en néerlandais) devenus un point de fixation entre la population locale dont une partie importante souhaitaient retourner à la Wallonie et la communauté flamande locale qui préfère rester en Flandre.

Les francophones, regroupés dans l’Action Fouronnaise, détiennent la majorité au niveau communal jusqu’en 2000, premières élections communales où les résidents étrangers ressortissants de l’Union européenne peuvent voter. Grâce au vote des nombreux Néerlandais installés dans la commune, la liste flamande l’emporte pour la première fois au conseil communal, mais comme l’élection du Centre public d'action sociale (CPAS) était réservée aux ressortissants belges, l’Action Fouronnaise en conserva le contrôle encore quelques années, jusqu'aux élections de 2006.

Les listes néerlandophones ont depuis longtemps obtenu la majorité lors des élections européennes.

La coïncidence, avant les dernières élections, de majorités francophones (au niveau de la commune) et de majorités néerlandophones (au niveau des votes pour l'Europe) illustrent la situation complexe. Il devient dès lors difficile de prétendre que l'un, ou l'autre groupe représentait la majorité des Fouronnais.

[modifier] Évolution démographique

Par les conditions légales, et avec les remarques jointes, les facilités n’étaient accordées que dans des cas spécifiques, c’est-à-dire là où la minorité linguistique était censée constituer entre 30% et 50% de la population d’une commune concernée (ou, dans certain cas, d’un quartier).

Les évolutions des populations concernées et de l’usage des langues sont assez différentes selon les communes:

  • la population a augmenté fortement autour de Bruxelles suite à une certaine urbanisation ;
  • la population dans les autres communes à facilités n’a pas fortement évolué, soit elle a augmenté comme aux Fourons, soit elle est restée stable, soit même elle a diminué légèrement.

Au niveau des appartenances linguistiques, les plus grandes évolutions se concentrent toutes autour de Bruxelles où, selon les dernières études (du professeur Rudi Janssens de la VUB), beaucoup de francophones venus de Bruxelles, de Wallonie et d’ailleurs se sont installés. Cette immigration a fait basculer la majorité linguistique dans la plupart de ces communes.

D’autre part, dans presque toutes les autres communes à facilités, on note une légère diminution de la minorité. Toutes ces minorités locales semblent donc s’intégrer.

[modifier] Liens internes

(nl) Le Gordel: le cross festif et nationaliste des flamands autour de Bruxelles (et notamment à travers les communes à facilité)

[modifier] Liens externes (points de vue des uns et des autres)

[modifier] positions francophones

[modifier] positions flamandes

[modifier] documents de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

[modifier] Notes

  1. Article dans la Libre Belgique