Circulaire Peeters

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La circulaire Peeters[1] (no. BA 97/22) est une circulaire du 16 décembre 1997 éditée par le ministre des affaires intérieures du gouvernement flamand, Leo Peeters, et qui réglemente l’emploi des langues dans les administrations des communes de la Région flamande, y compris les six communes à facilités de la périphérie bruxelloise, entourant la Région de Bruxelles-Capitale.

Elle est complétée par la circulaire Martens[2] (no. BA-98/03, règle l'emploi des langues dans les CPAS) et réaffirmée par la circulaire Keulen[3] (no. BA-2005/03).

Sommaire

[modifier] Situation légale

D'une part, il y a en Belgique quatre régions linguistiques : la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région bilingue de Bruxelles-Capitale et la région de langue allemande.[4] Les communes de la périphérie appartiennent à la région de langue néerlandaise, et cela ne peut être changé que par une loi à majorité spéciale.[5] La région linguistique est plus qu'un label, elle comporte une restriction de la compétence des législateurs en matière d'emploi des langues et constitue ainsi la garantie constitutionnelle de la primauté de la langue de la région unilingue.[6]

D'autre part, le régime des facilités linguistiques permet aux citoyens d'entretenir des relations avec l'administration dans une langue autre que celle de la région linguistique dans laquelle ils se trouvent.[7] Pour les Flamands, les facilités ne sont (et ont toujours été) que temporaires, le temps que les francophones de ces communes s'intègrent. Par contre, les francophones voient ce dispositif comme définitif, un droit reconnu à une minorité. Toute restriction des facilités est donc une violation des accords laborieusement obtenus. En effet, dans les communes contigus à une autre région linguistique les facilités ne peuvent être changé que par une loi à majorité spéciale.[8]

Dans les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, les textes concernant les "communes périphériques" (art. 23 et suivants) s'apparentent au résultat d'un "copier coller" provenant des articles concernant les communes purement unilingues (art. 10 et suivants) pour ce qui concerne l'emploi des langues dans les services internes, et provenant des articles concernant Bruxelles-capitale (art. 17 et suivants) pour ce qui concerne les relations avec le public. Le régime des facilités est en effet basé sur un unilinguisme interne, et un bilinguisme externe. Plus précisément ici, l'article 25 concernant les communes périphériques indique que les services locaux "emploient dans leur rapports avec un particulier la langue que l'interessé utilise quand celle-ci est le néerlandais ou le français", texte tout à fait similaire à celui de l'article 19 indiquant que "tout service local de Bruxelles-capitale emploie, dans ses rapports avec un particulier la langue que l'interessé utilise quand celle-ci est le français ou le néerlandais". Ces dispositions ont pendant plusieurs dizaines d'années été interprétées sans contestation tant à Bruxelles que dans les communes à facilités de manière identique : comme le texte l'indique clairement, l'administration emploie le néerlandais dans ses contacts avec tout particulier qui utilise le néerlandais, et utilise le français dans ses contacts avec tout particulier qui utilise le français.

Pour les "communes de la frontière linguistique" le texte de la loi est légèrement différent. Il stipule (art 12) que "les services s'adressent aux particuliers dans celle des deux langues - le français ou le néerlandais- dont ils ont fait usage ou demandé l'emploi". Quant au fond, la signification de cet article 12 ne semble pas fort différente de ce qui valait pour les communes périphériques, et l'analyse de la situation ne devrait pas être fort différente.

[modifier] Contenu

Dans la vision flamande des choses, Leo Peeters a rédigé la directive qui porte son nom. Celle-ci ordonne aux administrations locales

  • que tous les documents émanant des administrations soient envoyés en néerlandais aux citoyens, même francophones, habitant dans les communes à facilités. Si un administré de ces communes (et de ces communes uniquement) le veut en français, il doit en faire la demande pour chaque document qu'il reçoit. Les autorités régionales flamandes considèrent comme fautifs les pouvoirs locaux qui envoient directement des documents en français aux francophones et en néerlandais aux néerlandophones. Cela, même si ces pouvoirs locaux estiment devoir agir ainsi pour appliquer correctement la loi ordonnant qu'ils "emploient dans leur rapports avec un particulier la langue que l'interessé utilise quand celle-ci est le néerlandais ou le français" ; et
  • que les services communaux utilisent en interne uniquement le néerlandais ; y compris
  • que la langue utilisé au conseil communal doit être le néerlandais. Il est donc interdit au bourgmestre ou à un autre membre du collège des bourgmestre et échevins d'une des communes en Région flamande d'introduire ou de commenter dans une autre langue que le néerlandais un point de l'ordre du jour de la séance du conseil communal ou de répondre dans une telle langue à des interventions de conseillers communaux.

Le ministre Peeters dit n'avoir fait qu'interpréter la loi. Selon lui, il n'a pas modifié les règles que celle-ci prescrit.

[modifier] Critique

La façon de voir les choses du Ministre Peeters, et des autorités flamandes en général, est contestée par différentes instances, et plus largement par le monde politique francophone. Il est en effet objecté que les mesures édictées dans la circulaire vont à l'encontre du texte de la loi. La circulaire aurait tenté, en violation de la constitution (selon les francophones), d'imposer par une simple circulaire une modification des règles en matière de facilités. De telles modifications ne peuvent cependant être effectuées que dans le cadre d'une loi spéciale.

Les administrés francophones de ces communes se plaignent de "tracasseries bureaucratiques", de complications rencontrées dans leurs démarches quotidiennes, et, plus grave, de violation flagrante des droits que leur accordent les facilités prévues dans les lois linguistiques, et protégées (selon eux) par la constitution.

[modifier] Juridique

S'écartant des conclusions de l'auditeur (qui estimait que la circulaire modifiait les règles concernant les facilités alors que celles-ci ne peuvent être modifiées que dans le cadre d'une loi spéciale), une chambre flamande du Conseil d'État n'a néanmoins pas invalidé cette circulaire, considérant que l'interprétation large des facilités (suggérée par les Francophones) mène au fond à un système de bilinguisme dans lequel la préférence linguistique des personnes est même stockée dans des fichiers; c'est une situation qui n'est pas compatible avec la Constitution.[9] Le Conseil d'État joue en effet un rôle de tribunal administratif, et est compétent en matière d'annulation de circulaires ministérielles.

La circulaire n'a pas été annulée, et existe donc bien. Elle doit donc être considérée comme faisant partie du contexte juridique concernant l'application des facilités. La légalité des injonctions que cette circulaire adresse aux autorités communale est cependant sujette à caution et a été mise à mal par d'autres décisions judiciaires, ainsi que par l'avis de la Commission permanente de contrôle linguistique (institution née avec les lois linguistiques, et qui a pour mission de surveiller l'application de celles-ci). Cette dernière institution qui est la référence en matière linguistique a, bien avant que le Conseil d'État se prononce, émis un avis négatif quant à la légalité de cette circulaire. De plus, plusieurs tribunaux civils, appelés à trancher des litiges entre des particuliers et des administrations ont estimé que les mesures imposées par celle-ci étaient contraires à la loi, et que cette dernière primait sur des injonctions édictées par une autorité de tutelle par voie de circulaire.

Quant au Conseil d'État en chambre flamande, il a considéré que la circulaire Peeters n'était pas illégale. En effet, celle-ci se borne à faire une interprétation de la législation sur l'emploi des langues. Contrairement à ce qui était reproché à la circulaire Peeters, elle ne réécrit pas la législation sur l'emploi des langues, mais elle la précise. Elle ne viole donc pas l'article 129 de la constitution, suivant la logique flamande. Mais cette circulaire ajoutant des dispositions non prévues par la loi légifère contrairement à ce prétend la Flandre, et donc n'est pas reconnue par les Francophones dont les droits ne peuvent être restreints que par une loi à majorité spéciale.

[modifier] Références

  1. Texte de la circulaire en néerlandais
  2. Moniteur belge du 27 mai 1998, p. 17139–17141
  3. Moniteur belge du 8 aout 2005, p. 34485–34492
  4. La Constitution belge, art. 4, 1er alinéa
  5. La Constitution belge, art. 4, dernier alinéa
  6. Arrêt no. 17 de la Cour d'Arbitrage du 26 mars 1986, p. 11
  7. Lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative
  8. La Constitution belge, art. 129, §2, 1er point
  9. Arrêts du Conseil d'État nos. 138860–138864 du 23 décember 2004
Autres langues