Remparts de Caen

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Les remparts de Caen ont longtemps été un signe de la richesse de la cité, bien qu'ils n'aient pas permis de protéger la ville des agressions extérieures, notamment pendant la Guerre de Cent ans. Le premier témoignage historique de l'existence de la ville de Caen est une charte de l'Abbaye de la Trinité de Fécamp datant de 1006 qui mentionne des églises, un port, des moulins, un marché et d'autres activités, mais la ville était encore ouverte. C'est avec la construction de son château que la ville prit son essor et devint une véritable cité qui alla rapidement devenir la deuxième ville du Duché de Normandie. Constituée en réalité de plusieurs ensembles fortifiés, la ville garda longtemps un développement multipolaire. Les remparts furent démantelés au XVIIIe siècle, mais il demeure quelques vestiges disséminés dans la ville.

Vue panoramique de l'entrée du château de Caen
Vue panoramique de l'entrée du château de Caen

Sommaire

[modifier] Les enceintes

Muraille du Château
Muraille du Château

Le château - Vers 1060-1080, l'enceinte du château de Caen fut construite. Ces remparts furent maintes fois réaménagés mais l'emprise du château n'a que peu évolué depuis le XIe siècle. Les accès au château en revanche ont été modifiés au fil des siècles. A l'origine, l'accès se faisait par une tour-porte au nord à proximité immédiate du donjon ; au sud, on trouvait une petite poterne accessible depuis un étroit sentier assez abrupt. Au XIIIe siècle, quand la ville devint française, Philippe-Auguste fit construire une courtine autour du donjon et on supprima partiellement l’entrée nord. Au nord-est de l’enceinte, l’accès principal fut alors aménagé, et prit le nom de Porte des Champs ou de la Pigacière. Elle fut précédée au XIVe siècle par une barbacane. A la même époque, une véritable entrée fut aménagée au sud avec la construction de la Porte Saint-Pierre qui fut, un siècle plus tard, au XVe siècle, également dotée d'une barbacane. L'enceinte, hérissée de tours, était entourée de fossés que l'on peut encore voir aujourd'hui.

Bourg-le-Duc ou Bourg-le-Roi – Sous Guillaume le Conquérant, la cité au pied du Château fut également fortifiée. D’après les chartes de l’abbaye aux Hommes, créée à cette même époque, les travaux commencèrent après la conquête de l’Angleterre et étaient terminés en 1077. Ces remparts enserrèrent la paroisse de Saint-Sauveur, une grande partie des paroisses Notre-Dame, Saint-Étienne et Saint-Pierre et une portion plus congrue des paroisses Saint-Martin et Saint-Julien, tout deux placées de fait en position de faubourg. La muraille était en partie protégée par le cours du Grand Odon qui traversait alors la vallée.

L’Île Saint-Jean– Sous Robert Courteheuse, fils du Duc Guillaume, la partie sud de la ville fut également close de mur. Le nouveau duc de Normandie fit creuser un canal entre la Noë (petit bras d'eau) et l’Orne. Afin que cette nouvelle rivière artificielle soit toujours en eau, il fit détourner une partie du cours de l’Orne grâce à la construction d’un barrage nommé la Chaussée Ferrée.

La Tour Leroy sur les bords de l'Odon avant la couverture de la rivière en 1860
La Tour Leroy sur les bords de l'Odon avant la couverture de la rivière en 1860

Il n’existait qu’un seul point de passage entre Bourg-le Roi et l’Île Saint-Jean, c’était le Pont Saint-Pierre. En 1203 en effet, Jean sans Terre affranchit la commune de Caen qui put se doter d’un beffroi, d’une cloche, d’un sceau et d’un hôtel municipal ; on bâtit alors sur le Pont Saint-Pierre le Châtelet logeant l'hôtel de ville. En 1346, il fut détruit pendant la prise de la ville par Édouard III d'Angleterre et reconstruit immédiatement. Le Châtelet, flanqué de quatre tourelles, était également surnommé, comme à Rouen, le Gros Horloge car sa façade était ornée d’un cadran doré qui marquait les heures et les phases de la lune ; son carillon, symbole de la liberté communale, rythmait la vie de la cité. Sur les murs, était également inscrit la devise de la ville : un Dieu – un Roy, une Foy – une Loy.

Les personnes voulant traverser la ville était obligées de passer par le Pont Saint-Pierre ; depuis le nord, on entrait dans la ville par la Porte Saint-Julien, on descendait la rue Cattehoule, ou rue de Geôle, pour arriver au Carrefour Saint-Pierre où l’on rejoignait le flot de circulation en provenance de la grande rue Saint-Pierre qui drainait les flux en provenance de l’ouest entrés dans la ville par la Porte Saint-Martin ; on devait alors traverser le Pont Saint-Pierre, descendre la rue Exmoisine, ou Saint-Jean, franchir la Porte Millet, puis le Pont de Vaucelles avant de se diriger vers l’est par la rue d’Auge ou vers le sud par la rue de Falaise.

Au Moyen-âge, le port de Caen était aménagé sur les berges de l'Odon, côté Saint-Jean. Il était protégé par la Tour Leroy, sur la rive gauche, et par la Tour aux Landais, sur la rive droite, reliées entre elle par une chaîne empêchant des navires hostiles de remonter le cours de la rivière.

Les abbayes – L’Abbaye aux Hommes et l’Abbaye aux Dames furent fondées au milieu du XIe siècle par le couple ducal. Toutes les deux avaient juridiction sur les faubourgs qui les environnaient ; ainsi fut formé le Bourg-l’Abbé autour de Saint-Étienne et Bourg-l’Abbesse autour de la Trinité et de Saint-Gilles. Pendant la Guerre de Cent ans, la ville fut prise et dévastée à plusieurs reprises ; les abbayes subirent également les assauts des belligérants. Les deux bourgs furent alors fortifiés.

Plan de Caen daté de 1705
Plan de Caen daté de 1705

Les Petits Près et la Place Royale - A partir de 1590, une courtine fut construite pour relier la Porte Saint-Étienne et l’Île de la Cercle, appelée ensuite le Champ de foire. Cette courtine fut appuyée sur deux bastions élevés l’un près de la Porte Saint-Étienne, appelé bastion des Jésuites à partir du XVIIe siècle, l’autre dans la Cercle des Jacobins, nommé bastion de la Foire. Le quartier de la Place Royale fut aménagé à l'emplacement des Petits Près entre cette courtine et les enceintes de Bourg-le Roi et de l’Île Saint-Jean. Cet espace avait l’avantage de combler le vide entre la paroisse Notre-Dame et la paroisse Saint-Jean en offrant par la même occasion une nouvelle voie de circulation pour désengorger le Pont Saint-Pierre. La partie des murailles située désormais à l’intérieur de l’espace urbain devint alors obsolète.

[modifier] Les portes et tours

[modifier] Les portes

Plan de l'Abbaye aux Hommes, extrait du Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe siècle au XVIe siècle, par Eugène Viollet-Le-Duc, 1856
Plan de l'Abbaye aux Hommes, extrait du Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe siècle au XVIe siècle, par Eugène Viollet-Le-Duc, 1856

Plusieurs portes permettaient d’entrée dans la ville :

  • Porte du Pont de Darnetal ou Pont Saint-Pierre (fortifié par le Châtelet),
  • Porte de la Boucherie ou Notre Dame (dans l’actuelle rue de Strasbourg),
  • Porte Saint-Etienne (à proximité de l’église Saint-Etienne-le-Vieux),
  • Porte Arthur ou au Duc,
  • Porte Saint-Martin, du Marché, de Bayeux, Pémagnie[1] (vers le Bessin ou la Bretagne) ou Baudry (sur l'actuelle place Saint-Martin)[2],
  • Porte Saint-Julien, Calibort[3] ou Vilaine,
  • Porte au Berger,
  • Porte du Bac, Saint-Malo ou Saint-Gilles (donnant accès au port),
  • Porte Millet (entre l’Île Saint-Jean et Vaucelles),
  • Porte des Prés (sur la courtine construite en 1590, du côté ouest de l’actuelle place Gambetta).

Plusieurs portes, de moindre importance, furent provisoirement construites sur les enceintes de la ville :

  • Porte du Moulin (au bout de la rue Hamon sur l’actuel boulevard Maréchal Leclerc),
  • Porte des Jacobins (vers le Théâtre)
  • Porte de l’Ile Renaud (vers la Porte Saint-Étienne)
  • Porte des Mineurs (vers l’actuelle clinique de la Miséricorde, anciennement couvent des Cordeliers).

[modifier] Le Châtelet

« De fort ancienne et admirable structure, de quatre estages en hauteur, en arcs-boutans fondez dedans la rivière sur pilotins, laquelle flue par trois grandes arches ; et aux coings de cest édifice et maison sont quatre tours qui se joignent par carneaux, en l'une desquelles (qui faict le befroy) est posée la grosse orloge: ceste quelle maison, pont et rivière, séparent les deux costez de la ville, de façon que les quatre murailles d'icelle commencent, finissent et aboutissent sur ce pont, anciennement appellé de Darnetal, comme il se treuve par certaine chartre, estant au matrologe ou chartrier de la ville, de l'an 1365. »
    — Sieur De Bras[4].

[modifier] Les tours

Les enceintes étaient hérissées d’une vingtaine de tours dont on connait le nom des principales :

  • Tour Leroy
  • Tour aux Landais, reliée à la précédente par une chaîne pour protéger l’accès au port
  • Tour Lebaski à l’extrémité de la rue Neuve-Saint-Jean
  • Tour au Massacre ou Machart, vers l’angle sud-ouest de la place d’armes
  • Tour Malguéant ou des Moulins de l’Hôtel-Dieu à proximité de la Porte Millet
Tour Machart au début du 19e (François-Gabriel-Théodore Basset de Jolimont)
Tour Machart au début du 19e (François-Gabriel-Théodore Basset de Jolimont)
  • Tour-ès-Morts, vers l’angle entre la promenade de Sévigné et le cours de Gaulle (rue Paul Toutain)
  • Tour Anzeray
  • Tour Pendant
  • Tour Saint-Jacques
  • Tour de la Boucherie ou Meritain
  • Tour Lourirette
  • Tour Chastimoine
  • Tour Silly ou des Cordeliers
  • Tour Puchot, à l’angle nord-ouest du Château pour protéger la Porte Saint-Julien
  • Tour de la Reine Mathilde, à l'angle sud-est du Château de Caen

[modifier] Les casernes

Plusieurs casernes ont été construites à Caen, surtout après la Révolution française.

  • La caserne de Vaucelles, ou caserne Hamelin, dont la première pierre fut posée par l'intendant Guynet le 17 mai 1720[5]
  • La caserne de la Remonte, actuellement quartier Lorge, aménagée dans l'ancien couvent de la Visitation
  • La caserne Lefèvre dans le Château
  • La caserne d'artillerie, ou quartier Claude Decaen, ouverte en 1914

[modifier] Les vestiges

Les fortifications furent détruites à partir de la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle quand les édiles et les officiers royaux conçurent de grands plans d’urbanisme pour aérer la cité médiévale.

La Tour Saint-Jacques et la Porte des Jacobins furent détruites à la fin XVIIe siècle pour ouvrir la rue de Bernières. En 1716, les murs le long des quais entre la tour aux Landais et le pont Saint-Pierre ont été abattus ; de l'autre côté de cette tour, les murs soutenus par des terrasses furent arasés et le terrain pavé afin d'élargir la rue des quais[5]. Afin d’aménager la place Saint-Pierre et d’améliorer la circulation générale, on détruisit le Châtelet en 1754. Dans les années 1750 encore, l’intendant de la Généralité de Caen, François-Jean Orceau de Fontette, fit raser une partie des remparts vers le Coignet aux Brebis, extrémité ouest de la place Saint-Sauveur, pour aménager la place Fontette et ouvrir une nouvelle voie d’accès à la ville par l’ouest à travers les jardins de l’Abbaye aux Hommes, la rue Guillaume le Conquérant.

La Tour Chastimoine fut détruite à la fin des années 1780 pour construire le nouveau Palais de Justice. Vers 1750- 1760, la Porte de Bayeux fut démolie pour créer la place Saint-Martin et, en 1786, on combla les Fossés Saint-Julien pour les aménager en promenade. [6]. Sur l’ancienne courtine, fut créé l’actuel Boulevard Bertrand. En 1830, les Tours du Massacre et Malguéant furent également démantelées. En 1922, le Canal Robert fut comblé.

Les fortifications des deux abbayes furent également démantelées. On aménagea les jardins de l’Abbaye aux Hommes en remblayant le terrain pour créer une grande esplanade. En 1821, les vestiges de l’enceinte de l’Abbaye aux Dames furent également démolies [7]

On peut toutefois encore retrouver des traces des différentes enceintes dans le tissu urbain d’aujourd’hui :



La trace des fortifications peut également être retrouvée dans le nom des rues :

  • Rue Porte au Berger
  • Rue Porte Millet
  • Rue de la Chaussée Ferrée
  • Fossés Saint-Julien
  • Rue des Fossés du Château
  • Promenade du Fort (référence au bastion des Jésuites)

[modifier] Notes et références

  1. L'orthographe de cette rue différa au cours des siècles et il existe une myriade d'orthographes différentes : Pesmegnie, Paistmaignie, Pestmaisnie, Pestmesnie, Pesmegnie, Pamesine et Pemesgnie. Ce serait le nom d'une famille qui avait son hôtel particulier à l'angle de la place Saint-Sauveur et de la rue Pémagnie.
  2. Elle se trouvait au débouché de la rue Pémagnie dans l'actuelle place Saint-Martin. Toutefois, l'axe actuelle de la rue, dans la perspective de la gare Saint-Martin, ne date que des années 1880-1890 ; on peut retrouver des traces de la première opération d'alignement grâce à la série d'immeubles de facture classique du côté paire de la rue jusqu'au n°10, alors que côté impair on retrouve l'ancien tracé de la rue au niveau des n°13 et 15.
  3. Calibourg, orthographié aussi Calibort, est l'ancien nom du Faubourg Saint-Julien; on retrouve aujourd'hui encore une rue Calibourg, entre la rue des Cordeliers et la rue de Geôle.
  4. Extrait de l'ouvrage de Charles de Bourgueville, sieur de Bras, Les Recherches et antiquitez de la province de Neustrie, à présent duché de Normandie, etc., Caen, 1833.
  5. ab Source : Journal d'un bourgeois de Caen 1652-1733 [(fr) texte intégral (page consultée le 29 mai 2008)]
  6. En 1798, Victor-Dufour planta les premiers tilleuls et Bénard, jardinier à Vaucelles, ainsi que les “hoquetons” de la ville achevèrent son œuvre en 1803.
  7. Extrait de la délibération du Conseil municipal de Caen datant du 28 septembre 1821 : « Le conseil a vu avec satisfaction que tous les plans et projets ont été si bien combinés que l'église de Sainte-Trinité sera rendue tout entière au culte divin, et en qu'en même temps ce monument, remarquable sous le rapport des arts et vénérable par les souvenirs historiques qui s'y rattachent, sera dégagé des masures et constructions inutiles qui en obstruent la vue et l'accès ».
  8. Il faut rappeler qu’à l’origine le sol dans ce secteur était plus bas, puisqu’il a été remblayé au XVIIIe siècle

[modifier] Liens externes

[modifier] Liens internes