Place de la République (Caen)

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49° 10′ 53″ N 0° 21′ 50″ W / 49.181423, -0.36375

Place de la République
Situation
Plan de Caen daté de 1705
Pays France France
Région Basse-Normandie
Ville Caen
Quartier Centre-ville ancien
Morphologie
Type Place semi-fermée
Forme Rectangulaire
Superficie 11000 m²
Histoire
Création 2e moitié XVIIe siècle
2e moitié XXe siècle
Anciens noms Place de la Chaussée
Place Royale
Place de la Liberté
Monuments Hôtel Daumesnil
Classé MH Site du centre historique


La Place de la République, aujourd'hui au cœur de la ville de Caen, fut créée au XVIIe siècle aux marges de la cité. Cette ancienne Place Royale est un bon exemple de l'urbanisme à l'époque classique.

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Sommaire

[modifier] Histoire

[modifier] Les origines

Quand la ville de Caen prit son essor au 11e, elle fut close de murs afin de la défendre des agressions étrangères. Bourg-le-Roi fut protégé par un rempart sous le règne de Guillaume le Conquérant et le quartier Saint-Jean sous le règne de son fils, Robert Courte-Heuse ; ces deux enceintes délimitaient deux ensembles dont le point de contact se faisait sur l’espace compris entre le Pont Saint-Pierre, protégé par le Châtelet, et la Tour Leroy. Bourg-l’Abbé et Bourg-l’Abbesse furent quant à eux fortifiés pendant la Guerre de Cent Ans.

Entre la paroisse Notre-Dame et celle de Saint-Sauveur, les prairies s'enfonçaient à l'intérieur de la ville. Ce secteur était difficile à défendre et demeurait un point faible dans la défense de la ville. Ainsi, lors du siège de la ville par les Anglais en 1417, le roi Henri V d'Angleterre lança l'assaut sur le Châtelet du Pont Saint-Pierre à travers les champs où se dresse aujourd'hui le quartier de la place de la République.

[modifier] L'extension de l'urbanisation au XVIIe siècle

Jusqu’à la fin du XVIe siècle, l’urbanisation s’organisa à l’intérieur des limites défensives de la vieille ville. Mais au XVIIe siècle, la croissance démographique et l’essor économique que connut la ville sous le règne personnel de Louis XIV obligèrent la cité à repousser ses frontières. La pression démographique contraignit la ville à investir les Petits Prés (ou Île des Près), prairie délimitée au nord par le cours du Grand Odon, au sud et à l’ouest par celui de la Noë et à l’est par la courtine construite à partir de 1590 pour relier la Porte Saint-Etienne et l’Île de la Cercle (appelée Champ de foire par la suite). Cette prairie était alors divisée par la Chaussée Saint-Jacques allant du Pont Notre-Dame au Pont Saint-Jacques (côté est de la place actuelle) ; on trouvait à l’est de cette voie le Pré Saint-Pierre, nommé ainsi parce qu’il appartenait en grande partie aux prêtres de cette église, et à l’ouest le Pré aux Ebats.

Entre 1609 et 1603, la ville abattit des maisons pour transformer en rue une simple venelle servant à conduire les chevaux à l’abreuvoir sur le Grand Odon. En 1626, on construisit un pont sur l’Odon au bout de la rue des Jésuites (actuelle rue Saint-Laurent) ; une des lucarnes de la façade intérieure de la maison située à l’angle des rues Jean Eudes et Saint-Laurent porte la date de 1624, ce qui est fait sans doute une des plus anciennes adresses du quartier. Cette demeure fut occupée à partir de 1643 par le Père Jean Eudes qui en fit le siège de sa mission.

[modifier] La naissance de la place

Image fantaisiste de la Place Royale en 1877, mais on saisit l'ordonnancement caractéristique des places royales classiques
Image fantaisiste de la Place Royale en 1877, mais on saisit l'ordonnancement caractéristique des places royales classiques

En 1635-1637, la ville lança une importante opération d’urbanisme consistant à aménager une grande place carrée entourée de maisons construites en pierre de taille sur un alignement déterminé. Cet espace avait l’avantage de combler le vide entre la paroisse Notre-Dame et la paroisse Saint-Jean en offrant par la même occasion une nouvelle voie de circulation pour désengorger le Pont Saint-Pierre. L’espace public ainsi formé fut appelé Place de la Chaussée, en référence à la voie qui la traversait à l’ouest. Entre 1640 et 1680, les maisons s’élevèrent lentement sur les côtés est, nord et sud de la place ; il s’agissait surtout d’hôtels particuliers comme celui construit par Gaspard Daumesnil dans l’angle sud-ouest de la place.

Afin de clore définitivement la place, son côté ouest fut attribué à Jean Eudes en 1658 ; une église, consacrée aux Très Saints Cœurs de Jésus et Marie, fut construite entre 1664 et 1683 et le séminaire des Eudistes fut érigé entre 1691 et 1703. Non loin de la place, sur l’ancien Prés des Ébats, les Jésuites firent construire entre 1684 et 1689 l’église Sainte-Catherine-des-Arts (actuelle Notre-Dame-de-la-Gloriette).

Vers la même époque, les prêtres de Saint-Pierre donnèrent également en concession les terrains leur appartenant pour lotir les rues du Moulin, de la Fontaine et des Quatre-Vents (rue Pierre-Aimé Lair depuis 1907).

En 1679, la grande place prit officiellement le nom de Place Royale et, en 1685, fut ornée d’une statue de Louis XIV. En 1740, elle fut entourée de grilles, plantée de tilleuls et semée de gazon ; et en 1767-1768, les rues entourant la place et les allées la traversant furent pavées.

[modifier] Un haut lieu de l'aristocratie caennaise au XVII-XVIIIe

La place était une des adresses les plus prisée des notables. Afin d’assurer la tranquillité de ces derniers, un garde municipal était chargé de déloger « les fainéants, vagabonds et décrotteurs ». L’analyse des registres de l’impôt du Vingtième, créé au début du XVIIIe siècle, a permis d’étudier le niveau social des riverains de la place. On y trouvait 35 contribuables déclarés, imposés pour des revenus allant de 40 à 1 200 livres, alors que des revenus compris entre 10 et 20 livres étaient courant dans la plupart des rues de la ville. La moyenne du revenu imposé était de 346 livres pour la place Royale contre 154 livres pour la place Saint-Sauveur (25 contribuables).

Les richesses concentrées sur la Place Royale n’était pas sans attiser les crispations sociales. La place fut ainsi le théâtre d’une des plus violentes émeutes de l’Ancien Régime à Caen Le 25 juin 1725, le prix du blé ayant triplé en quelques mois, la disette s’installa et des altercations éclatèrent au Tripot (halle au blé, située à l'emplacement de l'actuel 50 rue Saint-Pierre) ; les émeutiers investirent la Place Royale et prirent alors pour cible l’Hôtel de Plébois de la Garenne , riche négociant et fermier général de l’abbaye aux Hommes[1], et l’hôtel de Gosselin de Noyers, lieutenant de police[2].

Du fait de sa taille importante au cœur d’une ville densément peuplé, la place était aussi un lieu de prédilection pour la célébration des cérémonies publiques. Les militaires pouvaient y parader et elle était intégrée dans les cortèges et processions qui sillonnaient régulièrement la cité. Elle était aussi régulièrement occupée par des spectacles forains et on y tirait des feux d’artifice. Lors de ces réjouissances, la concentration de la foule sur la place était si importante que le moindre accident avait des issues dramatiques : 6 morts et 80 blessés furent ainsi décomptés suite à un mouvement de panique provoqué par l’incendie du pas de tir d’un feu d’artifice.

[modifier] Le cœur du quartier administratif au XIXe

Après la Révolution, le quartier devint le centre politique et administratif de la ville. En 1792, la municipalité installa l’Hôtel de Ville, à l’étroit dans l’Hôtel d’Escoville, dans le Séminaire des Eudistes. L’ancienne église fut séparée en deux niveaux et dans la partie supérieure on installa la bibliothèque municipale. Dans des galeries du séminaire, on aménagea également le musée des Beaux-Arts et les archives municipales. Enfin, on bâtit une nouvelle aile sur la rue Jean-Eudes au début des années 1880 pour loger l’Hôtel des Postes. En 1806, le Préfet Caffarelli prit résidence dans l'Hôtel de Manneville, situé au bout de la rue Saint-Laurent. Les travaux de construction de l’Hôtel de la Préfecture sur ce dernier emplacement commencèrent en 1812 et, en 1851, les services préfectoraux quittèrent définitivement le Collège du Mont ; le bâtiment fut définitivement terminé en 1857 avec la fermeture de la cour au sud. La Préfecture s’étendait alors de la place Gambetta (place de la Préfecture avant 1894) à Notre-Dame-de-la-Gloriette ; on construisit l’actuel Hôtel du Département du Calvados après avoir détruit l’aile sur la rue Saint-Laurent dans les années 1960.

L'Hôtel de Ville dans l'ancien Séminaire des Eudistes à la Belle Époque
L'Hôtel de Ville dans l'ancien Séminaire des Eudistes à la Belle Époque

En 1791, la statue de Louis XIV fut détruite et la place prit le nom de place de la Liberté. Elle reprit ensuite son ancien nom (Place Royale) et, en 1828, une nouvelle statue en bronze de Louis XIV fut inaugurée. En 1882, Albert Mériel, nouvellement élu à la tête de la municipalité de Caen, décida de déplacer la statue et de rebaptiser le lieu place de la République afin d’effacer le souvenir de toutes « les oppressions et des tyrannies » imputées à la monarchie. Le projet provoqua un scandale qui dépassa les limites de la capitale bas-normande ; la presse parisienne s’en fit les échos et même The Times participa à la polémique. En 1883, la statue fut remplacée par un kiosque à musique et la place transformée en square. En 1932, le prolongement de la rue Démolombe (rue au Canu avant 1905), commencé en 1867, aboutit enfin avec l’ouverture de a rue Paul Doumer. En 1932 également, on ouvrit la rue Georges Lebret et on érigea le nouvel Hôtel des Postes dans le style art déco.


[modifier] La Seconde Guerre Mondiale et la reconstruction imparfaite

Emplacement du Séminaire des Eudistes en 1944
Emplacement du Séminaire des Eudistes en 1944

En 1944, la place fut durement frappée par les bombardements. Après avoir été déblayée, la place de la République a été occupée, dans sa partie est, par "le Village nègre", véritable centre commercial provisoire dont le dernier stand ne fut abattu qu'en 1959. Une partie du côté nord de la place et la totalité du côté est durent être reconstruits ; à l’ouest, l’Hôtel de Ville n’était plus qu’un champ de ruine.

Sa reconstruction sur la place fut programmée par Marc Brillaud de Laujardière dès 1945, mais son projet déposé en 1949 fut rejeté par le Conseil municipal. Après de longs débats, on abandonna en 1952 l’idée de reconstruire l’Hôtel de Ville et, en 1964, la municipalité s’installa dans l’Abbaye aux Hommes. Le centre de gravité politico-administratif s’est alors déplacé sur l’axe place Gambetta–Abbaye aux Hommes : les services de la préfecture se sont déplacés rue Daniel Huet dans le Centre Administratif Départemental, construit en 1948-1951, le déménagement de la Trésorerie générale a offert l’opportunité au Conseil général du Calvados d’aménager de nouveaux locaux à côté du CAD sur la place Gambetta et enfin le développement de la Cité Gardin a permis dans les années 90 de faire le lien avec l’Hôtel de Ville par la construction du nouveau Palais de Justice, de la Trésorerie générale et de nouveaux locaux du Conseil général sur le cours Bertrand.

Après l’échec du projet de nouvelle mairie sur le terrain du Séminaire des Eudistes, le site fut planté d’arbres et on y aménagea un parking. Aujourd’hui, la place a certes gagné une vue sur Notre-Dame-de-la-Gloriette, autrefois isolée, mais a perdu ses proportions harmonieuses et une grande partie de ses activités, empêchant ainsi ce lieu emblématique de l’histoire caennaise de retrouver son aspect monumental.

[modifier] Monuments historiques

Même si la place a été bombardée et qu'elle a perdu de sa superbe, on peut toutefois y trouver plusieurs bâtiments du 17e classés monuments historiques le SDAP).

  • Hôtel Daumesnil Parties protégées Totalité de l'édifice Protection ISMH, 01/06/1927 Localisation 23 et 25, place de la République Propriétaire Mairie de Caen
  • Hôtel de Banville Parties protégées Façades et toitures sur rue Jean Eudes et sur la cour d’honneur ; portail d’entrée et sa grille fer forgé ; chambre sud-ouest, bibliothèque, salon et petit cabinet au premier étage avec leurs décors de lambris Protection ISMH, 09/07/1980 Localisation Cadastre Section AZ, parcelle 881 (20 et 22, rue Jean Eudes) Propriétaire Privé
  • N°24 rue Jean Eudes Parties protégées Façade sur rue et versant de toiture correspondant Protection ISMH, 13/09/1960 Localisation 24, rue Jean Eudes Propriétaire Privé

A proximité immédiate

  • Eglise Notre-Dame-de-la-Gloriette Parties protégées Totalité de l'édifice Protection CLMH, 09/07/1909 Localisation Jardins du Conseil Général (boulevard Bertrand) Propriétaire Mairie de Caen
  • Parvis de Notre-Dame-de-la-Gloriette Parties protégées Sol de la place dans le périmètre déterminé par les arbres et les bornes avec leurs chaînes Protection SC, 30/03/1939 Localisation Place de la République, rue Saint-Laurent Propriétaire Mairie de Caen
  • Hôtel de la Préfecture Parties protégées (A) Façades et toitures avec le portail monumental et galerie attenante, vestibule et cage d’escalier ; au 1er étage, salle dite de billard (ancienne salle à manger d’apparat), bureau privé (ancien billard), bureau du Préfet ; tous avec leurs décors ; (B) salon rose (ancienne Antichambre), salon des préfets (ancien salon de musique), salon mauve (ancien antisalon) ; salle à manger à dorée (ancien grand salon), salle à manger (ancienne petite salle), et salon dit second salon directoire (ancien petit salon), situés au 1er étage, avec leur décor Protection (A) CLMH, 31/12/1986 (se substituant à l’ISMH du 01/10/62) ; (B) CLMH du 29/07/1963 Localisation Place Gambetta
  • Parc et jardins de l’Hôtel de la Préfecture Parties protégées ensemble des parcs et jardins Protection SC, 29/07/1937 Propriétaire Mairie de Caen
  • Hôtel Duquesnoy de Thon Parties protégées Façades sur cour Protection ISMH, 21/06/1927 Localisation 6, rue du Moulin Propriétaire Privé

[modifier] Notes et références

  1. Celui-ci était accusé de gaspiller le grain en le transformant en poudre pour ses perruques.
  2. Source : Journal d'un bourgeois de Caen 1652-1733 [(fr) texte intégral (page consultée le 29 mai 2008)]

[modifier] Liens externes