PGM-19 Jupiter

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Un missile balistique Jupiter
Un missile balistique Jupiter

Le PGM-19 Jupiter était un missile de moyenne portée de l'United States Air Force conçu dans les années 1950. Il était alimenté par un carburant constitué de LOX et de RP-1 et le moteur produisait 667 kN de poussée.

Le Jupiter était un missile à plus longue portée que le Redstone dont il est le dérivé. Il est de taille plus imposante puisque son diamètre est de 2,66 m de diamètre.

Le Jupiter fut le second missile balistique américain après le Thor et a servi plus tard de lanceur de fusée spatiale.

[modifier] Histoire

Illustration de différents missiles dérivés du Redstone dont le Jupiter
Illustration de différents missiles dérivés du Redstone dont le Jupiter
Coupe d'un missile Jupiter
Coupe d'un missile Jupiter

Il est difficile de parler du missile Jupiter sans évoquer le PGM-11 Redstone. La genèse du Redstone remonte à 1948, mais sa conception remonte à plus tôt encore. Son histoire date de 1948, lorsque l'armée contacte General Electric pour la conception d'un missile à moyenne portée.

Après différentes études, un projet est dégagé. En 1952, il prend le nom de Redstone. Redstone a été mis au point par une équipe d'ingénieurs allemands amenés aux États-Unis après la défaite de 1945, celle-là même qui avait conçu le V2 quelques années auparavant. Wernher von Braun, maître allemand incontesté de l'ingénierie astronautique, se voit confier en juillet 1954, la mise au point du missile Jupiter dont la portée sera de 2400 km et qui est un dérivé du missile Redstone dont le premier étage est le même. L'année suivante, il est tiré pour la première fois depuis le site de Cap Canaveral.

En décembre 1955, les secrétaires américains de l'Armée et de la Marine annoncèrent un programme d'armement terrestre et naval afin d'équiper les bases de missiles balistiques. Le Jupiter était un missile plus court. Il avait été conçu pour être embarqué sur les bateaux. La Marine se retira du projet en novembre 1956 en faveur d'un autre missile : le Polaris. Le Jupiter était trop large pour être embarqué à bord des porte-avions. Même après avoir été retiré de la Marine, l'IRBM Jupiter conserva ses courtes dimensions.

Peu après, en novembre 1956, le ministère de la Défense nationale américaine assigna à l'US Air Force un arsenal important de missiles terrestres Jupiter. L'Armée américaine avait conservé des missiles d'une portée d'environ 320 km. Le programme du Jupiter fut transféré à l'US Air Force qui avait déjà son propre missile balistique : le PGM-17 Thor. Jusqu'à ce moment, l'US Air Force avait toujours ignoré délibérément l'existence du Jupiter.

Jupiter-C: Lancement d'un satellite. (USAF)
Jupiter-C: Lancement d'un satellite. (USAF)

Certains font une confusion avec une autre fusée de l'US Air Force appelée Jupiter-C. C'est un missile Redstone modifié. Le Jupiter C combinait un réservoir de propergol liquide avec deux étages supérieurs à poudre. Cette fusée à poussée verticale a été conçue pour les rentrées atmosphériques d'ogives. Elle atteint 1000 km d’altitude et 5300 km de distance. Elle fut utilisée lors de vols d'essai et lança les premières sondes Explorer 1 et Explorer 3. Le Jupiter-C à poussée verticale était aussi appelé fusée Juno et Juno I.

Saturn I et Saturn IB étaient des fusées fabriquées à partir du simple réservoir du Jupiter auquel on a combiné et groupé autour huit autres réservoirs de combustible de fusée Redstone. C'était la première fusée puissante de lancement. Le Jupiter a été aussi modifié en ajoutant des étages supérieurs afin d'en faire une fusée de lancement de satellites et d'investigation spatiale. Ce Jupiter modifié a été appelé Juno II.

[modifier] Les vols biologiques

Baker
Baker

Le missile Jupiter a été utilisé dans le cadre d'une série de vols d'essai biologiques sous-orbitaux. Le 13 décembre 1958, le Jupiter AM-13 fut lancé de Cap Canaveral en Floride avec à son bord un singe écureuil d'Amérique du Sud surnommé "Gordo". Les données de télémétrie envoyées durant le vol démontrèrent que le singe résista à 10 G de poussée (100  m/s ²), 8 minutes d'apesanteur et 40 G (390 m/s ²) soit 10 000 km/h (4,5 km/s) à son entrée dans l'atmosphère. Malheureusement le parachute de secours de l'ogive ne fonctionna pas et "Gordo" ne survécu pas au vol. L'ogive coula à 1302 milles nautiques (2411 km) au large de Cap Canaveral et ne fut pas retrouvée.

Un autre vol biologique eut lieu le 28 mai 1959. À bord du Jupiter IRBM AM-18, furent embarqués un singe Rhésus de 3,2 kg (7 livres) surnommé "Able" et un singe écureuil d'Amérique du Sud de 310g (11 onces) surnommé "Baker". Les singes ont été placés dans l'ogive du missile et envoyés à une altitude de 360 milles (579 km) et à une distance de 1700 milles (2700 km) au large de la base de Cap Canaveral. Ils ont résisté à une accélération 38 fois supérieure à la gravité normale et sont restés en apesanteur durant environ 9 minutes. Ils résistèrent à une vitesse supérieure à 10 000 km/h (4,5 km/s) durant 16 minutes de vol. Après l’amerrissage, l'ogive de Jupiter qui transportait "Able" et "Baker" fut récupérée dans la mer par l'USS Kiowa ATF-72. Les singes ont survécu au vol mais, quatre jours après, "Able" succomba d'une réaction à l'anesthésie durant une intervention chirurgicale destinée à enlever une électrode médicale. "Baker" est mort le 29 novembre 1984 à l’"Alabama Space and Rocket Center" d'Huntsville en Alabama. "Gordo", "Able" et "Baker" sont juste trois des nombreux singes qui ont été envoyés dans l'espace.

[modifier] Le déploiement militaire

Carte de déploiement des missiles Jupiter en Italie entre 1961-1963, Gioia Colle
Carte de déploiement des missiles Jupiter en Italie entre 1961-1963, Gioia Colle

En avril 1958, le département de la défense des États-Unis informa l'Armée de l'Air des États-Unis qu'elle avait, à titre d'essai, l'intention de déployer les trois premières batteries de missiles Jupiter (45 missiles) en France. Les négociations entre la France et les États-Unis échouèrent en juin 1958. Charles de Gaulle, nouveau président français, refusa d'accueillir les missiles Jupiter IRBM sur le territoire national. Les États-Unis étudièrent les autres possibilités de les déployer en Europe et en Asie Mineure. Ils négocièrent avec l'Italie et la Turquie.

Dès 1959, l'USAF déploya quatre batteries (60 missiles) de missiles Thor en Grande-Bretagne autour de Nottingham. Dans la même année, en avril 1959, l'Armée de l'Air des États-Unis déploya deux batteries de Jupiter IRBM en Italie. Les 30 missiles ont été installés dans 10 sites italiens entre 1961 et 1963. Ils étaient actionnés par l'Armée de l'air italienne, mais les ogives nucléaires étaient armées et commandées par le personnel de l'USAF. Les missiles ont été déployés dans la campagne italienne et étaient actionnés par la "36e Aerobrigata Interdizione Strategica", installée à l'extérieur de la base aérienne de "Gioia del Colle" en Italie. On rapporte qu'en 1962, un avion bulgare de reconnaissance MiG-17 s'écrasa dans une oliveraie près d'un des emplacements de lancement de missiles Jupiter en Italie, après avoir survolé le site.

Durant l'administration Eisenhower, en octobre 1959, la Turquie et le gouvernement américain signèrent un accord sur l'installation de Jupiter IRBM sur les bases militaires de l'OTAN dans le sud du pays.

15 missiles furent déployés sur 5 sites près d'Izmir en Turquie entre 1961 et 1963. Ils étaient actionnés par le personnel de l'Armée de l'Air des États-Unis. Le premiers vol de trois missiles Jupiter a été réalisé en octobre 1962 à l'initiative de la Türk Hava Kuvvetleri (l'Armée de l'Air turque) durant la crise des missiles de Cuba. Le personnel de l'Armée de l'Air américaine commandait et armait les ogives nucléaires.

L'emplacement des missiles Jupiter en Turquie reste secret et ce, plus de 40 ans après leur installation. Il semblerait que d'après ceux qui ont participé à l'installation des missiles turc en 1961, un des cinq sites était dans les montagnes près de Manisa et un autre était dans les montagnes près d'Akhisar. La base centrale était la base aérienne de Cigli.

À quatre occasions, entre la mi-octobre 1961 et la mi-août 1962, des missiles mobiles Jupiter portant des ogives nucléaires de 1,4 mégatonne (5,9 PJ) ont été frappés par la foudre dans des bases italiennes. Dans chaque cas, les batteries thermiques ont été déclenchées, et à deux occasions, le gaz de « poussée » de tritium-deuterium a été injecté dans les ogives, les armant partiellement. Pour protéger les différents sites italiens et turcs de la foudre, l'Armée de l'Air des États-Unis a décidé de placer des tours-paratonnerre autour des installations.

Bien avant que les Jupiter turcs ne soient installés, les missiles, capables d'atteindre le territoire soviétique, étaient déjà en grande partie obsolètes et de plus en plus vulnérables face à d'éventuelles attaques soviétiques. Dès 1961, le président John Fitzgerald Kennedy ordonna le démantèlement de tous les Jupiter IRBM. L'Armée de l'Air pris cependant du retard dans les opérations de retrait. Le président fut très en colère d'apprendre que plus d'un an après, les missiles n'avaient toujours pas été enlevés. La totalité des Jupiter IRBM furent mis hors service au mois d'avril 1963. Cette manœuvre fut particulièrement utile car elle contribua à désamorcer la crise des missiles de Cuba en octobre 1962. En effet, dans le cadre d'accords secrets entre les Soviétiques et les Américains, le retrait des missiles Jupiter IRBM était une clause du retrait des missiles balistiques installés à Cuba par l'Union soviétique.