Confédération des III cantons

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La Confédération des III cantons désigne la première étape de formation de la Confédération suisse, la période du Haut Moyen Âge entre 1291 et 1332. Elle sera suivie par la confédération des VIII cantons.

En avril 1291, Rodolphe de Habsbourg, premier membre de la famille à devenir empereur, rachète les droits sur Lucerne, à l'extrémité du lac des Quatre-Cantons, dans le but de rétablir l'autorité de sa famille dans la région. Après sa mort survenue le 15 juillet 1291 et en prévision d'éventuels troubles de succession, les hommes libres des vallées d'Uri, de Schwytz et de Nidwald[1],[2] renouvellent au début du mois d'août (date précise inconnue) un pacte d'alliance juridique et défensive éternelle. Ce pacte marque la fondation de la confédération des III cantons. En réaction, les Habsbourg vont augmenter leur pression sur la région afin de récupérer leurs droits[3]. Lors de la Bataille de Morgarten, le 15 novembre 1315, la cavalerie lourde du duc Léopold, suivie d'un corps d'infanterie, s'engage dans un défilé coincé entre la montagne et le lac d'Aegeri, ils sont surpris par les schwytzois aidés par quelques uranais qui les attaquent à coup de hallebardes et de pierres, causant un massacre parmi les autrichiens. L'évènement provoque une prise de conscience politique et fait forte impression dans la population et trois semaines plus tard le pacte est renouvelé avec le pacte de Brunnen.

Sommaire

[modifier] Saint-Empire romain germanique

Carte des grandes familles occupant le territoire suisse vers 1200
Carte des grandes familles occupant le territoire suisse vers 1200

Après la disparition du dernier carolingien en 924, Otton le Grand devient en 962 le premier dirigeant du Saint-Empire romain germanique, empire qui englobe la totalité du territoire helvétique morcelé en une multitude de petites seigneuries et de possessions des évêchés. Dès le début du millénaire et jusqu'en 1250, trois familles vassales des empereurs romains germaniques vont progressivement augmenter leur influence dans la région, en particulier en cherchant à obtenir la couronne du royaume de Bourgogne-Provence ou de ses dépouilles, comme le tentera de le faire le duc de Bourgogne Charles le Téméraire deux siècles plus tard. Les troubles politiques, couplés à une ère de prospérité économique et à l'ouverture d'un nouveau passage dans les Alpes, vont pousser les villes et les campagnes, où l'esprit de famille prévaut encore sur des lois générales, à nouer des alliances souvent temporaires.

[modifier] Les Zähringen

Sculpture de Berthold II de Zähringen sur le cloitre du couvent de Fribourg
Sculpture de Berthold II de Zähringen sur le cloitre du couvent de Fribourg

Originaire de Souabe, la famille Zähringen entre dans l'histoire de la région en 1098, lorsque Berthold II de Zähringen renonce officiellement à toute prétention sur le trône du duché. Il reçoit en contrepartie la suzeraineté de Lenzburg et le bailliage de Zurich, alors décrite comme « la plus importante ville de Souabe »[4], tout en étant affranchi de la suzeraineté ducale, permettant ainsi la création d'un duché de Zähringen qui va progressivement s'étendre vers l'ouest, à partir de 1100, où d'importants territoires des bassins de l'Aar et de l'Emme puis du pays de Vaud vont y être inclus. Mais une coalition menée par les comtes de Genève, les évêques de Lausanne et surtout la maison de Savoie finit par briser politiquement l'élan de Conrad de Zähringen, le fils de Berthold, qui tentait de se faire couronner duc de Bourgogne.

La famille Zähringen va alors stopper ses conquêtes vers l'ouest pour améliorer l'exploitation des terres appartenant au duché familial, particulièrement en fondant les villes de Fribourg en 1157, Lucerne en 1180 puis Berne en 1191[5], mais aussi Rheinfelden, Berthoud, Morat et Thoune. Une tentative d'expansion vers le sud, en passant par le col du Grimsel à travers les Alpes, échoue en 1211 face aux Valaisans[6]. Dans le même temps cependant, une nouvelle voie s'ouvrait à travers les Alpes et allait changer l'histoire de la région : le col du Saint-Gothard reliant la Lombardie à la vallée de la Reuss (dans la région d'Uri) par le chemin le plus direct qui soit. La date exacte de l'ouverture du col n'est pas connue, bien qu'elle soit généralement située vers 1200. Il n'est pas certain non plus que les Zähringen aient participé activement à ce développement, bien que le territoire concerné se trouve au sein de leur duché.

Le dernier des ducs de Zähringen s'éteint en 1218, les droits revenant alors à la famille des Kybourg. Cependant, alors en lutte contre le pape et certains de ses vassaux, l'empereur Frédéric II accordera volontiers à plusieurs villes du duché dont Berne, Soleure et Zurich, le statut de ville libre par « immédiateté impériale », privant ainsi les seigneuries locales de profits[7]. Le conflit entre l'empereur et le pape, qui atteint son paroxysme lors du concile de Lyon de 1245, connaît également des répercussions sur le plateau suisse, entre les tenants pour l'empereur (surnommés les gibelins) et ceux du pape (les guelfes) ; ainsi, Lucerne, du côté de Rome, entre en guerre contre Berne, tenant de l'autre camp. Cette crise prendra fin avec la mort de l'empereur Frédéric II en 1250[8].

[modifier] Les Savoie

La maison de Savoie, originaire de la région de Vienne et de Grenoble, va être l'héritière du royaume de Bourgogne pour les cols alpins. Dès le XIe siècle, elle s'empare de la Maurienne et du val d'Aoste, étendant son influence jusqu'à la plaine du Pô et Turin. De l'autre côté des cols, elle s'assure également le contrôle du Chablais et du bailliage de Saint-Maurice[9]. La maison de Savoie va alors mettre en œuvre une politique de promotion du culte de saint Maurice, ajoutant ainsi une dimension religieuse à leur autorité.

Vue du château de Chillon et des Alpes
Vue du château de Chillon et des Alpes

Au siècle suivant, les Savoyards contrôlent également l'Entremont et le Bas-Valais et tiennent sous leur autorité l'évêque de Sion qui leur cède le château de Chillon comme fief. Devant cette position de force, la tentative effectuée en 1189 par le roi d'Allemagne de rattacher le Valais à l'autorité directe de l'empereur échoue. À la fin du siècle, la maison de Savoie contrôle donc le passage nord du Grand Saint-Bernard, ainsi que les défilés de Chillon et de Saint-Maurice, assurant ainsi sa mainmise sur les deux côtés des cols[10].

Lors du XIIIe siècle, les Savoie concentrent leurs efforts sur le nord du lac Léman où ils se heurtent aux comtes de Genève, alors en possession du Genevois et en conflit successivement avec l'évêque de Genève qui finit par les écarter de la ville de Genève, avec les Zähringen suite à leur incursion dans le pays de Vaud dès le XIIe siècle et avec l'évêque de Lausanne. Thomas Ier de Savoie reçoit en 1207 outre le titre de seigneur de Piémont, le fief de Moudon, marquant ainsi le début de la fin des conquêtes genevoises en pays de Vaud. Son fils Pierre II de Savoie, surnommé le « petit Charlemagne », poursuivra quant à lui cette extension en achetant successivement Morat, Fribourg et Berne grâce à l'appui financier de l'Angleterre[11]. Finalement, le comté de Genève sera à son tour absorbé au début du XVe siècle[12].

[modifier] Les Habsbourg

La famille des Habsbourg, originaire d'Alsace et qui tire son nom du château de Habsbourg en Argovie, ne possède au XIe siècle que peu de terres sur le territoire de la Suisse, à l'exception de quelques terres dans la basse vallée de l'Aar. Ce n'est qu'en 1173 et surtout en 1218 que l'empereur, pour qui la famille combat, lui attribue plusieurs bailliages dont celui d'Uri, en héritage des possessions des familles disparues des Lenzbourg et des Zähringen. En 1264, lors de la disparition de la famille Kybourg, alliée avec les Savoie par mariage[13], Pierre de Savoie revendique pour le duché familial les terres de Thurgovie et Glaris mais se fait devancer par le compte Rodolphe de Habsbourg. Dans les années qui suivent, le compte tente de lier ses deux domaines alsacien et de Suisse occidentale, en particulier en prenant le contrôle de Bâle dont l'évêché s'étendait alors jusqu'aux cols du Haut et du Bas-Hauenstein[14].

La mort de l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen en 1250 marque le début d'une période troublée appelée le Grand Interrègne qui se terminera par l'élection de Rodolphe de Habsbourg à la dignité impériale en 1271[15].

[modifier] Traversée des Alpes

Pont du Diable peint par Joseph Mallord William Turner
Pont du Diable peint par Joseph Mallord William Turner

Pendant longtemps, la vallée d'Uri, au mains des Habsbourg, avait été un cul-de-sac : le col du Saint-Gothard est bien le seul qui franchisse les Alpes centrales en une seule fois mais il est d'un trajet malaisé, en particulier à cause de deux passages infranchissables que sont la falaise de l'Axenberg, qui ne sera franchissable que par la voie maritime sur le lac des Quatre Cantons jusqu'à l'ouverture d'une route en 1864[16], et le défilé des Schöllenen, entre la vallée transversale d'Uri et celle, longitudinale, d'Urseren. Il permet toutefois de contourner la ville de Vérone qui contrôle alors le col du Brenner[17] et d'éviter le détour par le Valais et le lac Léman imposé par le passage du col du Grand-Saint-Bernard.

La date exacte de la construction d'un chemin muletier menant au col n'est pas connue, mais estimée entre 1215 et 1230, probablement par les habitants de la vallée d'Uri aidés par les Walsers valaisans récemment arrivés dans la région. Le chemin comporte en particulier un pont si délicat dans sa construction que certains y verront une intervention du diable, d'où son nom de pont du Diable. Quoi qu'il en soit, l'ouverture de ce passage va donner une importance accrue à Uri qui reçoit, des mains de Henri II de Souabe qui gouverne au nom de son père Frédéric II, l'« immédiateté impériale » en 1231, dépossédant ainsi les Habsbourg du droit d'avoirie (c'est-à-dire le commandement militaire et l'exercice de la justice) qu'il avaient sur cette région depuis 1218[18].

[modifier] Pacte de 1291

[modifier] Situation des Waldstätten

Seelisberg dans le canton d'Uri et le lac des Quatre-Cantons de nos jours
Seelisberg dans le canton d'Uri et le lac des Quatre-Cantons de nos jours

Les Waldstätten (littéralement « pays forestiers » en allemand mais également appelés Dreiländer soit « trois pays »[19]) regroupent les habitants des quatre corporations d'Uri, de Schwytz et des deux Unterwald, au dessus et au dessous (Ob- et Nidwald) de la forêt qui les séparent, entre le passage du Gothard et la ville de Lucerne, soit une superficie d'environ 2 000 km2 peuplée de 20 000 personnes au maximum[20]. Ces communautés montagnardes, dépendantes d'une économie pastorale de montagne, ont gardé au début du XIIIe siècle certaines spécificités de l'ancien droit alaman, en particulier les réunions printanières de l'ensemble de la communauté qui représentent alors pour les habitants l'une des rares occasion de se réunir pour traiter les problèmes du moment. Ces réunions, appelées Landsgemeinde, sociales et économiques à leur origine, sont progressivement devenues politiques[21].

Tout comme Uri, la communauté de Schwytz, alors possession de la branche des Habsbourg-Laufenbourg[22], avait reçu en 1240 de la part de l'empereur Frédéric II une lettre de protection qui les plaçait « sous la protection tant de l'empire que de lui-même » ce qui, sans lui conféré une véritable immédiateté, plaçait la communauté hors de la sphère d'influence des Habsbourg qui contestèrent cette charte pendant plus de 100 ans[23]. Pendant la période de l'interrègne, Rodolphe de Habsbourg renforce sa domination sur la région en achetant à ses cousins leurs droits sur Schwytz et sur Unterwald en 1273, l'année même où il est sacré empereur. Continuant à augmenter son influence dans la région, il s'empare de la vallée d'Urseren en 1283 puis achète la ville de Lucerne en 1291 et y déplace le péage de Châlon-Arlay précédemment situé à Jougne[24], quelques jours avant sa mort qui survient le 15 juillet 1291 sans avoir désigné de successeur officiel.

[modifier] Pacte d'alliance perpétuelle

Icône de détail Article détaillé : Pacte fédéral.
Document du pacte de 1291
Document du pacte de 1291

Suite à l'annonce de la mort de l'empereur, les notables d'Uri, de Schwytz et de Nidwald — ceux d'Obwald n'ont soit pas reçu la convocation, soit ont décidé de ne pas s'y rendre — se réunissent pour renouveler « leur ancienne confédération » (en latin antiqua confœderatio) par un pacte qui confirme un accord précédent mais aujourd'hui disparu. Ce texte est un traité d'assistance mutuelle ainsi qu'une ébauche de code pénal qui, loin du texte révolutionnaire que l'on présente parfois — le texte précisant même que « chacun reste soumis à son seigneur, comme il se doit. »[25]) — se contente de préciser le refus de la reconnaissance d'« un juge qui aurait payé sa charge ou qui ne serait pas de chez nous »[25]. Ce document, conclu « à perpétuité si Dieu le veut »[26] avant de tomber dans l'oubli. Il ne sera retrouvé qu'en 1758 à Schwytz et n'a jamais été traduit officiellement par le gouvernement suisse, favorisant ainsi l'apparition de traductions plus ou moins fantaisistes au cours des années, alimentant la polémique et le débat mais stimulant également la recherche[27].

Dans son contenu, le pacte ressemble bien à un pacte local, destiné à régler l'ordre public et ébauchant une direction politique limitée. Dans sa structure, il respecte les standards de l'époque avec un préambule et une formule finale, le tout en continu et sans séparation en paragraphes. Cependant, il n'indique ni le lieu ni la date précise de son adoption (« début août »[25]), pas plus qu'il n'est signé ou qu'il ne donne de noms précis. En outre, il continent des fautes d'orthographe, des omissions de mots et des imprécisions comme si le scribe n'avait pas pu se relire. Enfin, alors que la quasi-totalité du texte est rédigé à la troisième personne du pluriel, la partie qui exclut les juges étrangers, est rédigée à la première personne du pluriel[28]. Tous ces éléments ont provoqué de nombreuses controverses pour savoir si les omissions avaient pu être faites volontairement, impliquant ainsi la volonté des auteurs de rester anonymes et faisant du pacte un document séditieux, voir un appel à la rébellion. L'utilisation de certains mots, tel que « conspirati », traduit en français par « confédérés » semble jouer en faveur de cette interprétation[27].

[modifier] Mythes fondateurs

Icône de détail Article détaillé : Mythes fondateurs de la Suisse.
Allégorie du Serment du Grütli selon Jean Renggli (1891)
Allégorie du Serment du Grütli selon Jean Renggli (1891)

Autour des évènements historiques ayant conduit à la signature du pacte, de nombreux mythes et légendes ont vu le jour, la plupart dans la première moitié du XVe siècle, soit près de deux siècles après les évènements, dans les manuscrits du Livre blanc de Sarnen, datant de 1470 environ et repris vers 1550 par le chroniqueur Gilles Tschudi, qui décrit les supposées actions héroïques de la résistance des Suisses contre l'envahisseur autrichien[29].

Parmi ces mythes, le plus connu reste celui de Guillaume Tell et de son tir à l'arbalète sur une pomme placée par le bailli sur la tête de son fils. Tell se vengera de cet acte en tuant le bailli après avoir échappé à une tempête. Cette légende d'origine danoise s'est progressivement enrichie au cours des siècles en mettant en scène, par exemple dans les peintures du XVIIIe siècle ou dans l'opéra de Rossini, sa femme baptisée du nom d'Hedwige[30]. Un autre mythe raconte l'histoire des trois Confédérés qui se réunirent sur la prairie reculée du Grütli pour y prêter le serment du même nom destiné à libérer les trois vallées et de vivre ou de mourir en hommes libres. Cette épisode est à relier à la légende de la destruction de plusieurs châteaux forts de la région, appartenant aux Habsbourg, par une insurrection générale des habitants. Des fouilles archéologiques récentes prouvent que ces châteaux ont été progressivement abandonnés sur une période de 100 ans, ce qui contredit la légende[31].

[modifier] Pacte de 1315

[modifier] Raid contre Einsiedeln et Morgarten

Au début du XIVe siècle, des querelles au sein de la maison de Habsbourg, puis entre les différentes familles princières, profitent indirectement aux confédérés : suite à l'assassinat du roi Albert Ier en 1308, son successeur Henri VII de Luxembourg confirme la liberté impériale des trois pays, offrant ainsi également, mais de manière ambigüe, l'immédiateté à la vallée d'Unterwald tout en désignant un bailli unique pour les trois vallées[32]. En réaction, les Habsbourg vont augmenter leur pression sur la région afin de récupérer leurs droits[33].

Parallèlement, les Schwytzois, qui sont en guerre larvée pour des questions de territoire et de taxes avec l'abbé du couvant d'Einsiedeln, dont les Habsbourg sont les protecteurs, se font mettre au ban de l'Église catholique romaine. Le 6 janvier 1314, ils se vengent par un raid nocturne sur le couvent où, selon le récit fait par un instituteur du couvent, « ils volent ce qui peut leur être d'une utilité quelconque [...], ils boivent outre mesure de notre vin [...], ils souillent le temple de Dieu de leurs propres ordures et chacun lâche son urine ou paie le tribut de son ventre dans l'église... »[34]. Cette opération n'était rien qu'un épisode de plus dans le conflit entre les deux parties mais elle provoque une riposte du duc Léopold Ier, alors partisan du duc Frédéric le Bel dans la lutte de celui-ci pour la couronne impériale qui l'oppose au roi Louis de Bavière pour qui les Confédérés avaient pris parti. L'accès au marché de Lucerne leur est fermé et la route du Gothard est bloquée alors que des troupes bien équipées se rassemblent dans la région de Zoug, une possession habsbourgoise.

Miniature sur bois représentant la bataille de Morgarten
Miniature sur bois représentant la bataille de Morgarten

Le matin du 15 novembre 1315, la cavalerie lourde du duc Léopold, suivie d'un corps d'infanterie, s'engage dans un défilé dominé par la montagne de Morgarten. Coincé entre cette montagne et le lac d'Aegeri, ils sont surpris par les Schwytzois aidés par quelques Uranais qui les attaquent à coup de hallebardes et de pierres — l'histoire y ajoutera par la suite des troncs d'arbre —, causant un massacre au corps-à-corps et forçant une partie des Autrichiens à tenter de se sauver par le lac et de s'y noyer. Seule une partie des troupes, dont le duc en personne, parvient à s'échapper de cette bataille qui prendra par la suite le nom de la montagne[35]. Le nombre exact de soldats engagés des deux côtés, tout comme le nombre des victimes, n'a jamais pu être déterminé avec précision mais est évalué à quelques milliers du côté autrichien contre un millier de Schwytzois environ. Les pertes ont pu s'élever à quelques centaines de morts dont plusieurs chevaliers d'un côté contre quelques dizaines de l'autre. On est donc loin des « 20 000 Autrichiens » mentionnés dans certains récits[36].

Pour les Habsbourg, les conséquences de cette défaite sont pratiquement nulles : l'affaiblissement des forces armées n'est que provisioire et l'autorité de Frédéric sur les villes de son territoire ira grandissant jusqu'à la paix générale imposée en 1319. Côté confédéré par contre, l'évènement provoque une prise de conscience politique et fait forte impression dans la population : des paysans mal armés et inférieurs en nombre qui battent la meilleure armée du monde, commandée par le chef de l'une des plus importantes maisons d'Europe, au mépris total de toutes les coutumes chevaleresques ! Les vainqueurs, décrits comme des « sauvages assoiffés de sang » ou comme des « hordes paysannes grossières et impies »[37] par leurs ennemis, font forte impression et seront les héros d'un culte du souvenir qui perdure encore six siècles plus tard[38].

[modifier] Pacte du Brunnen

Chapelle de Brunnen érigée en mémoire du pacte de 1315
Chapelle de Brunnen érigée en mémoire du pacte de 1315

Trois semaines après leur succès militaire, les délégués des confédérés de réunissent à Brunnen, une localité située au point de jonction entre les trois cantons primitifs sur les bords du lac des Quatre Cantons. Le 9 décembre 1315, ils renouvèlent l'alliance de 1291 dans un nouveau pacte[39] qui reprend les articles et les termes du précédent mais est rédigé dans la langue courante, à savoir l'allemand[40].

Certains dispositions de politique extérieure sont ajoutées, en particulier l'article selon lequel chaque canton s'engage à ne reconnaître aucun seigneur sans l'assentiment de ses confédérés, ni à traiter avec quelque pouvoir étranger que ce soit sans que les autres soient inclus dans la négociation[41]. C'est également dans ce traité qu'apparaît pour la première fois le terme d'Eidgenossen, littéralement « compagnons de serment », qui sera par la suite traduit en français par « confédérés »[42]. Le pacte de Brunnen restera en vigueur jusqu'en 1798, soit jusqu'à la fin de l'ancienne confédération[43].

En 1316, le roi Louis de Bavière confirme l'immédiateté des trois cantons alors que le duc Léopold, refusant sa défaire, mène une guerre d'usure qui se traduit par plusieurs affrontements mineurs avant qu'un armistice ne soit finalement conclu avec les Habsbourg en 1318. Les cantons primitifs vont, dans les années suivantes, prendre contact et nouer des liens avec les cités de Berne et de Lucerne avec qui des accords sont signés respectivement en 1323 et 1332[40].

[modifier] Bibliographie

[modifier] Notes et références

  1. Pacte fédéral du 1er août 1291 sur Admin.ch "vallée inférieure d'Unterwald" signifie Nidwald
  2. Pacte fédéral du 1er août 1291 sur Cliotexte
  3. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op.cit page 160
  4. Guy P. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses page 123
  5. Jean-Jacques Bouquet, Histoire de la Suisse, coll. « Que sais-je ? » page 12
  6. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit. page 124
  7. J-J Bouquet, Histoire de la Suisse op. cit, coll. « Que sais-je ? » page 12
  8. Georges Andrey, Histoire de la Suisse pour les nuls page 57
  9. Chablais en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  10. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit page 126
  11. J-J Bouquet, Histoire de la Suisse op. cit, coll. « Que sais-je ? » page 9
  12. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit page 126
  13. La famille de Kibourg en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  14. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit pages 128-129
  15. G. Andrey, Histoire de la Suisse pour les nuls, op. cit page 59
  16. Les voies de communication sur memo. Consulté le 21 avril 2008
  17. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit. page 157
  18. Jean-Jacques Bouquet, Histoire de la Suisse, coll. « Que sais-je » page 14
  19. G. Andrey, Histoire de la Suisse pour les nuls op. cit. page 65
  20. ibid. page 63
  21. J.-J. Bouquet, Histoire de la Suisse, coll. « Que sais-je » page 12
  22. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit. page 157
  23. J.-J. Bouquet, Histoire de la Suisse, coll. « Que sais-je » page 15
  24. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit. page 159
  25. abc Voir le Pacte fédéral suisse sur Wikisource
  26. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit. page 159
  27. ab G. Andrey, Histoire de la Suisse pour les nuls op. cit. page 70
  28. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit. page 158
  29. J.-J. Bouquet, Histoire de la Suisse op. cit., coll. « Que sais-je ? » page 18
  30. G. Andrey, Histoire de la Suisse pour les nuls op. cit. page 73-75
  31. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op. cit. page 161
  32. J.-J. Bouquet, Histoire de la Suisse op. cit., coll. « Que sais-je ? » page 21
  33. G. Marchal, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses op.cit page 160
  34. Cité par G. Andrey, Hisoire de la Suisse pour les nuls op. cit. page 77
  35. J.-J. Bouquet, Histoire de la Suisse op. cit., coll. « Que sais-je ? » page 22
  36. G. Andrey, Histoire de la Suisse pour les nuls op. cit. page 78
  37. J.-J. Bouquet, Histoire de la Suisse op. cit., coll. « Que sais-je ? » page 22
  38. G. Andrey, Histoire de la Suisse pour les nuls op. cit. page 79
  39. Une traduction en français du pacte est disponible Le Pacte de Brunnen (1315) sur cliotexte. Consulté le 25 avril 2008
  40. ab G. Aubert, Histoire de la Suisse pour les nuls op. cit. page 79
  41. Jean-François Bergier, Morgarten et le pacte de Brunnen, Paris pages 373-377
  42. Pacte de Brunnen (1315) sur Le droit Suisse. Consulté le 25 avril 2008
  43. Le pacte de Brunnen: 9 décembre 1315 sur Histoire Suisse. Consulté le 25 avril 2008