Mythes fondateurs de la Suisse

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Les Mythes fondateurs de la Suisse sont différents événements légendaires associés aux épisodes de l'histoire suisse de la Suisse ancienne.

La plupart des événements sont situés tout au début du XIVe siècle et sont relatés dès les XVe siècle et XVIe siècle à partir de récits oraux dans des chroniques, par l'image et par la représentation scénique.

Les chroniques seront mises en doute vers 1760 déjà par la publication du Pacte fédéral de 1291 et par la découverte des racines nordiques de la légende de Tell[1].

Dès lors, dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'accent a été mis sur le côté idéal de ces différents événements légendaires afin d'inspirer l'amour de la patrie et de fortifier les liens entre les cantons formant le nouvel État fédéral suisse existant dès 1848.

Ces éléments légendaires sont encore souvent présentés comme des événements historiques dans les publications peu au fait de l'histoire.

Sommaire

[modifier] Chroniques

Différentes chroniques mentionnent des récits relatifs à la fondation de la Confédération dont certains seront ultérieurement admis comme étant légendaires. Ils mêlent traditions locales et histoires d'origines diverses. Un premier texte de Konrad Justinger, la chronique bernoise commencée en 1420, contient des passages relatant le pouvoir absolu et arbitraire exercé par les baillis de Habsbourg sur les peuples Waldstätten[2].

Vers 1470 environ, le Livre blanc de Sarnen[3] est la première trace écrite de l’histoire de Guillaume Tell, de celle de la révolte des cantons primitifs, la destruction des châteaux et le premier serment d'alliance sur le Grütli. Le manuscrit de parchemins blanc est conservé aux Archives cantonales de Sarnen.

La chronique de Petermann Etterlin[4] (imprimée en 1507 à Bâle par Michael Furter) contient la plus ancienne représentation (gravure sur bois) de Guillaume Tell avec la scène de la pomme. On y trouve également les deux variantes de l'histoire de Tell : La version Ballade de Tell ou Bundeslied, datant d'environ 1477, où Tell est noyé et la version de Melchior Russ, datant d'environ 1482, qui raconte que Tell tue Gessler. Cette chronique, rééditée en 1752 et 1764, contribua surtout à répandre les mythes fondateurs.

Le Chronicon Helveticum[5] est la chronique manuscrite de Gilg Tschudi écrite vers 1550. Imprimée en 1734-1736 par Johann Rudolf Iselin, cette chronique date précisément les événements du Grütli et la destruction des châteaux et mentionne le chemin creux où Guillaume Tell aurait tué le bailli Hermann Gessler.

[modifier] Diffusion par les arts

  • Un chant populaire, le Sempacherlied ou Halbsuterlied, apparu en 1533 après la bataille de Sempach et relate avec le Winkelriedlied la conduite héroïque d'Arnold Winkelried.
  • La peinture monumentale Die drei Eidgenossen beim Schwur auf den Rütli (Les trois Confédérés faisant serment sur le Grütli), Johann Heinrich Füssli, 1780.
  • La pièce de théâtre Guillaume Tell de Friedrich Schiller (1804). La pièce de Schiller inspira l'opéra Guillaume Tell de Gioacchino Rossini (1829) et est adaptée pour le cinéma par Karl Hartl en 1960 (Wilhelm Tell).
  • Landammann Stauffacher, film de Leopold Lindtberg (1941).
  • Le livre pour la jeunesse Guillaume Tell pour l’école de Max Frisch (1971)[6].
  • Les 9 tomes de bande dessinée les Aventures de Guillaume Tell (1984 et 1994) scénario par René Wuillemin, dessinateurs : Carlo Trinco puis Gilbert Macé.
  • La pièce de théâtre La Mort du Bailli Gessler d'Alexis Ragougneau (2006).

[modifier] Sites légendaires et monuments patriotiques

  • Au chemin creux où Guillaume Tell aurait tué le bailli Hermann Gessler on trouve la chapelle de Tell ornée de fresques (1582) et une cloche de l'église lui est dédiée en 1581.
  • Un panneau du pont de Lucerne est dédié à Winkelried.
  • À Sempach, un monument en granit a été érigé à l'endroit où Winkelried serait tombé.
  • Une statue de Winkelried est érigée à Stans en 1701.
  • À Altdorf est érigé en 1895 le monument Guillaume Tell oeuvre de Richard Kissling.

[modifier] Les Mythes fondateurs

[modifier] Les Romains sous le joug

"Les Romains passant sous le joug" de Charles Gleyre, 1858. Triomphe des Helvètes sur les Romains à la bataille d'Agen. À gauche, armé de l'épée, Divico
"Les Romains passant sous le joug" de Charles Gleyre, 1858. Triomphe des Helvètes sur les Romains à la bataille d'Agen. À gauche, armé de l'épée, Divico

Ce mythe commémore la victoire de Divico sur les Romains, lors de la bataille d'Agen (107 av. J.-C.). Après la victoire, les Helvètes de Divico auraient forcé les Romains, entravés, de passer sous un joug, afin de symboliser leur défaite[7].

Si la victoire ne fait aucun doute — elle est encore bien vivace chez les Romains lors de la Guerre des Gaules et Jules César prétend la venger lorsqu'il vainc les Helvètes —, l'épisode du joug n'est pas prouvé.

On peut remarquer que ce mythe a été popularisé au XIXe siècle et que l'évènement prétexte de la Guerre des Gaules — la migration des Helvètes — n'a pas subi le même traitement : une victoire militaire est plus noble aux yeux d'un état naissant qu'une tentative d'émigration massive de son peuple et de ses chefs devant une menace d'invasion (des Germains).

[modifier] Le serment du Grütli

Icône de détail Article détaillé : Serment du Grütli.
Le serment du Grütli
Le serment du Grütli

Le Serment du Grütli, censé se dérouler en 1307, est un mythe fondateur de la Suisse de caractère légendaire représentant l'unité dans la diversité contre l'Empire des Habsbourg.

Tel que le raconte la légende, il se déroula sur la prairie du Grütli dominant le lac des Quatre-Cantons, et rassembla les hommes libres des vallées d'Uri, de Schwytz et de Unterwald, notamment représentés par les trois Confédérés Arnold de Melchtal, Walter Fürst et Werner Stauffacher.

Cet accord entre trois communautés situées dans ce qui forme de nos jours la Suisse primitive, a été considéré jusqu'au XIXe siècle comme l'acte fondateur de la Confédération suisse et reste de nos jours un élément important de l'imaginaire populaire.

Il ne doit pas être confondu avec le pacte fédéral d'alliance perpétuelle de 1291 entre les communautés d'Uri, de Schwyz et de Nidwald [8],[9].

[modifier] Guillaume Tell

Icône de détail Article détaillé : Guillaume Tell.
Statue de Guillaume Tell à Altdorf de Richard Kissling, 1895
Statue de Guillaume Tell à Altdorf de Richard Kissling, 1895

Guillaume Tell (en allemand Wilhelm Tell) est un héros des mythes fondateurs de la Suisse qui, au XVIe siècle, personnifiait le courage, avait la fonction de rassemblement et participait à l'idéal d’indépendance de la Confédération vis-à-vis de l’Empire dont elle fait encore formellement partie. Au XIXe siècle Tell devient le symbole légendaire d’une identité nationale ancestrale.

Il aurait vécu dans le canton d'Uri au début du XIVe siècle et se serait rebellé contre le bailli autrichien qui l'avait défié de tirer un carreau d'arbalète dans une pomme posée sur la tête de son fils.

Guillaume Tell réussit son exploit et coupa le fruit dès son premier carreau sans toucher l'enfant. Mais il dit au bailli que s'il avait tué son fils dans cette tentative, il aurait immédiatement tiré une seconde flèche sur lui. Ce commentaire insolent enragea Gessler qui fit arrêter et jeter Guillaume Tell en prison sur le champ. Celui-ci jura de se venger. Le bailli partit ensuite en navire pour l'Autriche avec le prisonnier, qui s'évada et le tua.

Cet épisode héroïque aurait été à l'origine de la rébellion des Suisses contre les ducs d'Autriche, ce qui conduisit à l'unification des cantons historiques et à l'indépendance de la Suisse.

[modifier] La destruction des châteaux

A partir de 1300 les Habsbourg, voulant faire administrer leurs biens situés sur le territoire des Waldstätten par des baillis étrangers, se heurtent à la résistance des habitants des vallées.

La légende veut que des petits châteaux en forme de tour, « les méchantes petites tours » selon le livre blanc de Sarnen, construits vers 1300 par les Habsbourg aient été détruits peu de temps après, vers 1314, par les habitants qui rejettent les baillis étrangers.

Le livre blanc de Sarnen décrit ainsi un Stauffacher qui était devenu assez puissant à la tête d'un parti anti-habsbourgeois pour se rebeller contre la petite noblesse des Waldstätten, favorable aux Habsbourg et de nommer ensuite les châteaux détruits de Zwing-Uri[10], Schwanau[11], Landenberg[12] et Rotzberg[13].

Les fouilles méthodiques, qui ont uniquement eu lieu au château de Schwanau, n'ont pas permis de vérifier la date de construction et de destruction de ces châteaux. Néanmoins il semble que Zwing-Uri, par son mode de construction, soit plus ancien (environ 1200) et ne semble donc pas avoir été construit par les Habsbourg[14].

[modifier] Winkelried

Icône de détail Article détaillé : Arnold von Winkelried.
Winkelried à la bataille de Sempach
Winkelried à la bataille de Sempach

Arnold von Winkelried (ou Arnold Winkelried) est un héros légendaire de l'histoire de la Suisse qui permit aux Confédérés de remporter la victoire sur les troupes du duc Léopold III d'Autriche lors de la bataille de Sempach le 9 juillet 1386, les Suisses n'arrivant pas à percer le front des lances autrichiennes.

D'après la légende, Winkelried, originaire du canton d'Unterwald, se serait alors projeté sur les lances pour ouvrir une brèche après avoir demandé à ses camarades de veiller sur sa femme et ses enfants. En tombant, son corps aurait emporté les armes des piquiers habsbourgeois. Les Suisses se seraient alors introduits dans les lignes ennemies.

La figure d'Arnold Winkelried se fait jour à la fin du XVe siècle mais le monde scientifique la met sérieusement en doute à partir de 1860.

[modifier] La soupe au lait de Kappel

Icône de détail Article détaillé : Soupe au lait de Kappel.

La Soupe au lait de Kappel est une légende suisse symbolisant l´esprit de neutralité helvétique. La légende est située le 8 juin 1529 au village de Kappel, lors de la première guerre de Kappel qui est une guerre de religion ayant opposé les cantons catholiques aux protestants. Avant le déclenchement des hostilités, ayant pris connaissance de négociations de paix, les soldats des deux camps auraient partagé sur la frontière qui les séparait une soupe faite de lait et de pain, préparée dans un grand chaudron.

[modifier] Notes et références

  1. Historiographie et recherche en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  2. Mythes fondateurs en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  3. Le Livre blanc de Sarnen donne raison à la légende Article Swissinfo consulté le 16 avril 2008.
  4. Petermann Etterlin en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  5. Tschudi et les origines de l'historiographie Article Swissinfo consulté le 16 avril 2008.
  6. Max Frisch donne le droit de réponse à Gessler Article Swissinfo consulté le 16 avril 2008.
  7. Bataille d'Agen en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  8. Pacte fédéral du 1er août 1291 sur Admin.ch "vallée inférieure d'Unterwald" signifie Nidwald
  9. Pacte fédéral du 1er août 1291 sur Cliotexte
  10. Château de Zwing-Uri (de) Info Zentralschweiz consulté le 16 avril 2008.
  11. Château de Schwanau Swisscastles, consulté le 16 avril 2008.
  12. Château de Landenberg Swisscastles, consulté le 16 avril 2008.
  13. Château de Rotzberg Swisscastles, consulté le 16 avril 2008.
  14. Werner Meyer et Eduard Widmer, Châteaux forts de Suisse, Ex Libris, 1978, 90 à 97 p.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Serment du Grütli :
  1. G. Kreis, Der Mythos von 1291. Zur Entstehung des schweizerischen Nationalfeiertages, in Die Entstehung der Schweiz, éd. J. Wiget, 1999, pp. 43-102
  2. G. Kreis, Mythos Rütli, 2004
  • Guillaume Tell :
  1. Jean-François Bergier, Guillaume Tell, Paris, 1988
  2. Warja Lavater, Guillaume Tell, Éditions Heuwinkel, 1991
  • La soupe au lait de Kappel :
  1. Jacques V. Pollet, Huldrych Zwingli : biographie et théologie, Genève : Labor et Fides, 1988. (OCLC 19962442)
  2. Helmut Meyer, « Kappel, guerres de - La première guerre » dans DHS.

[modifier] Article connexe

[modifier] Lien externe

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