An mil

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L’An Mil est une expression pour désigner l'an 1000 de l'ère chrétienne, ou ère dite de l'Incarnation, dont l'origine se situe à la naissance de Jésus-Christ. Si cette période voit une accentuation de la ferveur religieuse elle est surtout marquée par un bond technologique, culturel et démographique qui touche toute l'Europe.

Sommaire

[modifier] Les fausses terreurs

Icône de détail Article détaillé : Robert le Pieux.
L'Enfant donné par Dieu pour sauver le genre humain de Satan. Apocalypse de Saint Sever, v. 1060, Bibliothèque Nationale, Paris.
L'Enfant donné par Dieu pour sauver le genre humain de Satan. Apocalypse de Saint Sever, v. 1060, Bibliothèque Nationale, Paris.

Les Terreurs ou Peurs de l'an Mil sont un mythe du XVIe siècle, façonné sur la base d'une chronologie de Sigebert de Gembloux (XIIe s.), avant d'être repris par les historiens romantiques du XIXe siècle (dont Jules Michelet). Il s'agissait d'expliquer que les chrétiens occidentaux étaient terrifiés par le passage de l'an mil suite auquel Satan pourrait surgir de l'Abîme et provoquer la fin du monde. Le christianisme est une religion eschatologique à travers laquelle les hommes doivent se comporter idéalement durant la vie terrestre pour espérer avoir leur Salut éternel avant quoi ils seront tous soumis au Jugement dernier. Cette croyance est très présente tout au long du Moyen Âge est en particulier aux Xe et XIe siècles, période durant laquelle l'Église est encore très ritualisée et sacrée. Néanmoins, il ne faut pas confondre l'eschatologie et le millénarisme : c'est-à-dire craindre la fin du monde après les mille années de l'incarnation du Christ[1]. Pourquoi ?

Tout part de l'Apocalypse selon Jean qui, à l'origine, menace du retour de Satan mille ans après l'incarnation du Christ :

« Puis je vis un Ange descendre du ciel ayant en main la clé de l'Abîme ainsi qu'une énorme chaîne. Il maîtrisa le Dragon et l'antique Serpent [Satan] et l'enchaîna pour mille années. Il le jeta dans l'Abîme tira sur lui les verrous, apposa les scellés afin qu'il cessât de fourvoyer les nations jusqu'à l'achèvement de mille années. Après quoi il doit être relâché pour un peu de temps. »
    — L'Apocalypse selon Jean, Ier s. apr. J-C., [2]

Déjà au Ve siècle, saint Augustin interprète le millénarisme comme une allégorie spirituelle à travers laquelle le nombre « mille » ne signifie finalement qu'une longue durée non déterminée numériquement (Cité de Dieu). Quelques années plus tard, le concile d'Éphèse (431) décide de condamner officiellement la conception littérale du millénium. À partir de la fin du Xe siècle, l'intérêt que portent les clercs pour l'Apocalypse est marqué par la diffusion de Commentaires à travers tout l'Occident (Apocalypse de Valladolid, de Saint-Saver...). Cependant, l'Église maîtrise le mouvement millénariste[3].

Ce sont les analyses des sources, exclusivement ecclésiastiques, qui peuvent provoquer des contre-sens. « L'énormité des péchés accumulés depuis des siècles par les hommes », soulignent les chroniqueurs, laisse croire que le monde court à sa perte, que le temps de la fin est venue. L'un d'eux Raoul Glaber est, encore une fois, une des rares sources sur la période. Il rédige ses Histoires vers 1045-1048, soit une quinzaine d'années après le millénaire de la Passion (1033) :

« On croyait que l'ordonnance des saisons et des éléments, qui avait régné depuis le commencement sur les siècles passés, était retournée pour toujours au chaos et que c'était la fin du genre humain. »
    — Raoul Glaber, Histoires, IV, v. 1048., [4]

En fait le moine bourguignon décrit la situation plusieurs années après dans une dimension encore une fois eschatologique fidèle à l'Apocalypse. Celle-ci a pour but d'interpréter l'action de Dieu (les prodiges) qui doit être vue comme des avertissements envers les hommes pour que ces derniers fassent acte de pénitence. Ces signes sont attentivement relevés par les clercs. D'abord les incendies (Sainte-Croix d'Orléans en 989, les faubourgs de Tours en 997, Notre-Dame de Chartres en 1020, l'abbaye de Fleury en 1026...), les dérèglements de la nature (séisme, sécheresse, comète, famine), l'invasion des Païens (les Sarrasins vainqueurs de Otton II en 982) et enfin la prolifération d'hérétiques conduits par des femmes et des paysans (Orléans en 1022, Milan en 1027). Il ajoute :

« Ces signes concordent avec la prophétie de Jean, selon laquelle Satan sera déchaîné après mille ans accomplis. »
    — Raoul Glaber, Histoires, IV, v. 1048., [5]

D'autre part, il faut savoir qu'autour de l'an mil, seule une infime partie de la population (l'élite ecclésiastique) de Francie est capable de calculer l'année en cours à des fins liturgiques ou juridiques (dater les chartes royales). Ceux qui peuvent déterminer précisément la date conçoivent un « millénaire dédoublé » : 1000 pour l'Incarnation et 1033 pour la Passion du Christ. De plus, bien que l'ère chrétienne soit mise en place depuis le VIe siècle, son emploi ne se généralise qu'à partir de la seconde moitié du XIe siècle : en bref, les hommes ne se repèrent pas dans la durée par les années. La vie est alors rythmée par les saisons, les prières quotidiennes et surtout les grandes fêtes du calendrier religieux : d'ailleurs l'année ne commence pas partout à la même date (Noël en Angleterre, Pâques en Francie...)[6].

En outre, rien dans ces écrits prouvent qu'il y ait bien eu de terreurs collectives. D'ailleurs, vers 960 à la demande de Gerberge de Saxe, l'abbé de Montierender Adson rédige un traité (De la naissance de l'époque de l'Antéchrist) dans lequel il rassemble un dossier de ce que les saintes Écritures disent de l'Antéchrist. Il en conclut que la fin des temps ne surviendrait pas avant que les royaumes du monde soient séparés de l'Empire. Chez Abbon de Fleury, le passage au IIe millénaire n'est pas passé inaperçu, puisque vers 998 il adresse un plaidoyer à Hugues Capet et son fils Robert. Il accuse ainsi un clerc qui, lorsqu'il était étudiant, revendiquait la fin du monde au tournant de l'an mil. Ainsi, même les grands savants du Xe siècle sont anti-millénaristes[7].

« On m'a appris que dans l'année 994, des prêtres dans Paris annonçaient la fin du monde. Ce sont des fous. Il n'y a qu'à ouvrir le texte sacré, la Bible, pour voir qu'on ne saura ni le jour ni l'heure. »
    — Abbon de Fleury, Plaidoyer aux rois Hugues et Robert, v. 998., [8]

Depuis Edgar Pognon, les historiens modernes ont bien montré que ces grandes Terreurs populaires n'ont jamais existé. Cependant, au cours des années 1970, une nouvelle explication s'est imposée. Georges Duby, explique ainsi qu'aucune panique populaire ne s'est manifestée autour de l'an mil mais qu'en revanche on peut déceler une certaine « inquiétude diffuse » et permanente dans l'Occident de cette époque. Il y a problablement à la fin du Xe siècle, des personnes concernées par l'approche de l'an mil et qui ont quelques inquiétudes. Mais elles furent très minotaires, puisque les gens les plus instruits comme Abbon de Fleury, Raoul Glaber ou Adson de Montierender n'y croyaient pas. Sylvain Gougenheim et Dominique Barthélemy combattent alors avec force la thèse de G. Duby de l'« inquiétude diffuse ». Pour eux, si la fin des temps avait été martelée par l'Église, celle-ci aurait probablement pu perdre son pouvoir et sa légitimité. La vraie seule inquiétude, à toutes les époques, c'est le Salut[9].

[modifier] Quelques personnages marquants de cette période (en occident)

[modifier] Témoignages architecturaux de la période de l'An mil

En Champagne :

On se souvient qu'à l'époque de l'empire romain, Reims était la plus grande ville au nord de Rome.

En Bourgogne, les églises construites par Guillaume de Volpiano :

  • Eglise de Tournus,
  • Eglise de Chapaize, haut clocher sur le modèle des campaniles italiens
  • Eglise Saint Bénigne de Dijon (vestiges)

En Alsace :

  • Eglise d'Ottmarsheim, dans un style encore carolingien, de plan octogonal ; on retrouve la forme octogonale dans le clocher des églises "romanes" de cette région.

[modifier] "Âge d'Or" de l'Islam

Cette période correspond à l'« âge d'or» de l'islam.

Les territoires sous contrôle islamique couvrent l'Arabie, et s'étendent alors presque jusqu'à l'Indus, jusqu'en Égypte, en Afrique occidentale, et en Espagne.

Les Abbassides développent les sciences et les arts dans un centre situé dans la capitale qu'ils ont fondée en 762 : Bagdad, proche de l'endroit où mourut Alexandre le Grand (on se souvient qu'Aristote fut précepteur d'Alexandre le Grand). Cette civilisation s'est diffusée dans tout le monde musulman : empire Abbasside et régions qui ne sont plus sous suzeraineté Abbasside : Espagne (émirat Omeyyade), et Maghreb.

Icône de détail Article détaillé : civilisation islamique.

[modifier] Le redémarrage de l'occident

Il débute avec la renaissance carolingienne. Le modèle économique issu de l'antiquité sur lequel ils sont fondés est remis en cause par l'expansion musulmane en Méditerranée. Cette crise entraîne la prise de contrôle de l'Europe par les pippinides. Ceux-ci, autant pour justifier leur nouveau statut vis à vis des mérovingiens puis de Byzance que pour unifier leur empire, tentent de restaurer institutionnellement et culturellement l'empire romain avec le soutien de l'Église. Cette tentative appelée renovatio par les contemporains puis renaissance carolingienne plus tardivement, est surtout visible par des nouveautés artistiques et architecturales, mais elle entraîne aussi des mutations économiques et structurelles profondes qui seront la base de la renaissance de l'an mil. De fait l'Europe change profondément : elle quitte définitivement l'antiquité et entre dans l'âge féodal. Les mutations de l'économie agraire (atténuation de la différence entre travailleurs, etc.) et de l'économie marchande (cf. les comptoirs Vikings) sont marquées. Aussi, l'Espagne Wisigothique fut jusqu'au VIIIe siècle le conservatoire des connaissances de l'empire romain ; et Al-Mansur, calife de Cordoue, par sa violence et son intolérance religieuse fit fuir vers le nord de nombreux juifs et mozarabes qui amènèrent ainsi leur savoir à l'Europe occidentale. Et c'est dans ce contexte trouble que va advenir la renaissance catalane, au sein des fortifications élevèes par le comte Borell. Renaissance catalane qui va entrainer de façon concomittante le renouveau des autres États de la marche espagnole. Cette époque va aussi être le théatre d'une véritable renaissance spirituelle (voir la Réforme clunisienne).

[modifier] Chine

En Chine, cette période correspond au début d'une période de prospérité, avec la dynastie des Song du nord.

Icône de détail Article détaillé : Dynastie Song.

[modifier] Mille ans plus tard

Icône de détail Article détaillé : Passage informatique à l'an 2000.

Il y eut cette fois une certaine peur à l'approche de l'an 2000, dûe à l'inadaptation des mémoires des ordinateurs, des bases et des programmes informatiques, par rapport à l'année codée sur 2 chiffres seulement.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Références

  1. D. Barthélemy (1990), p. 53.
  2. Atrium
  3. J. Berlioz, « Les Terreurs de l'an mil ont-elles vraiment existé? », L'Histoire, 138, 1990, p. 16.
  4. J. Berlioz (1990), p. 18.
  5. L. Theis (1999), p. 198.
  6. J. Berlioz (1990), p. 16.
  7. L. Theis (1999), p. 201. J. Berlioz (1990), p. 16.
  8. Atrium
  9. Pour G. Duby, il ne faut pas s'attarder sur le jour symbolique du 1er janvier 1000 mais sur une période plus large entre 950 et 1050 qui serait dûe aux soubresauts de la « mutation féodale ». S. Gougenheim, « Millénarisme », Dictionnaire du Moyen Âge, PUF, Paris, 2002, p. 922-923.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Dom F. Plaine, « Les prétendues terreurs de l'an mille », Revue des Questions historiques, 1873, pp. 145-164.
  • Edmond Pognon, L'an mille, Œuvres de Liutprand, Raoul Glaber, Adémar de Chabannes, Adalberon et Helgaud réunies, traduites et présentées par Edmond Pognon, Gallimard, 6e édition, 1947.
  • Pierre Riché, Les grandeurs de l'An Mil, 1999.ISBN-10: 2841001857
  • Pierre Riché, Atlas de l'An mil,
  • Dominique Barthélemy, La mutation de l'an mil a-t-elle eu lieu ? Servage et chevalerie dans la France des X° et XI° siècles, Fayard, 1997.
  • Sylvain Gougenheim, Les fausses terreurs de l'an mil, Picard, 1999.