Affaire de la profanation du cimetière juif de Carpentras

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l’antisémitisme

Définitions

Antijudaïsme Antisémitisme Judéophobie

Allégations

« Peuple déicide, perfide et usurier, profanateurs, buveurs de sang, empoisonneurs et négriers » • Cochon de Juif

Théorie du complot juif

Cosmopolites sans racines Lobby juif Judéo-bolchevisme Sionologie Zionist Occupation Government Affaire Rosenthal Taxe juive

Affaires

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Publications
Publications antisémites : en France

Des Juifs et leurs Mensonges (1543) • Les Protocoles des Sages de Sion
et leurs dérivés (~ 1903) •
Mein Kampf (1923) •

Publications sur l'antisémitisme

Réflexions sur la question juive (1946) • Les Origines du totalitarisme (1951) • L'Enseignement du mépris (1962) • La Guerre contre les Juifs (~ 1975) •

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L'affaire de la profanation du cimetière juif de Carpentras fait suite à la profanation de sépultures juives à Carpentras (Vaucluse) en 1990. L'affaire n'a été résolue que six ans plus tard.

Sommaire

[modifier] Les faits

Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, 34 sépultures juives sont profanées (stèles renversées et brisées, inscriptions antisémites, etc.) à Carpentras, où vit une communauté juive qui date de l'époque des « juifs du pape ». Dans la journée du 9 mai, personne ne rentra, parait-il, dans le cimetière ce qui explique que la profanation ne sera découverte que le lendemain.

[modifier] La découverte

Le 10 mai 1990, deux dames découvrent la profanation et en préviennent les autorités.

Le cercueil de Félix Germon décédé 8 jours plus tôt, non recouvert de terre, est sorti de sa tombe. Le corps extrait du cercueil est posé nu face contre terre sur une tombe voisine. Un mat de parasol est retrouvé à côté de lui (on parlera d'un "simulacre d'empalement").

L'affaire s'enflamme et Laurent Fabius le déclare "empalé".

[modifier] Une affaire politique

[modifier] Le contexte, Mai 1990

Michel Rocard est le premier ministre de François Mitterrand. Pierre Joxe est son ministre de l'intérieur, patron de la police et des renseignements généraux.

Le mur de Berlin vient de tomber et l'affaire Péchiney a fait grand bruit, laissant planer le doute sur l'honnêteté des hommes au pouvoir.

Le Front national est alors en pleine ascension électorale. Le soir du 9 mai, Jean-Marie Le Pen est à la télévision dans l'émission L'heure de vérité.

[modifier] La conséquence

Cette découverte provoque un vif émoi en France.

Le ministre de l'Intérieur, Pierre Joxe, qui s'est rendu le jour même à Carpentras en hélicoptère[1], déclare que les responsables sont « le racisme, l'antisémitisme et l'intolérance ». De nombreuses personnalités politiques vont par la suite se rendre sur les lieux. On notera entre-autres : Jack Lang, Jean-Claude Gaudin, Harlem Désir, Raymond Barre, Lionel Jospin, Philippe Maurois et Georges Marchais.

Des manifestations imposantes contre le racisme et l'antisémitisme sont organisées durant la semaine qui suit. Le président François Mitterrand participe à l'une d'entre elles à Paris. C'est la première fois qu'un président de la République dans l'exercice de ses fonctions participe à une manifestation en France[2]. Yves Bertrand, directeur des RG de 1992 à 2003 affirme dans son livre Je ne sais rien... mais je dirai (presque) tout, paru en octobre 2007, que la manifestation à Paris devait au départ se dérouler autour de la Grande synagogue. C'était selon lui le souhait des autorités religieuses juives de Paris qui ne voulaient pas que l'évènement soit récupéré politiquement par l'extrême gauche[3]. François Mitterrand aurait alors fait pression sur les autorités juives pour que la manifestation ait lieu entre la place de la République et la place de la Bastille, lieux traditionnels de rassemblement de la gauche française[4].

Le Front national est montré du doigt. Jean-Marie Le Pen prétend que son parti est la cible d'un complot. Il organisera des manifestations à Carpentras, en 1991 et en 1995, pour demander réparation.

Pour Yves Bertrand, la profanation du cimetière de Carpentras fut une manipulation anti-FN orchestrée par François Mitterrand[5]. Celui-ci aurait alors voulu empêcher toute possibilité d'alliance entre le Front national et la droite parlementaire[6].

[modifier] L'enquête

Selon Yves Bertrand, François Mitterrand aurait demandé à la police de privilégier la recherche du coupable au sein du Front national[6]. Mais l'enquête piétine. La police suit dans un premier temps la piste des groupuscules d'extrême droite et néonazis. Deux des auteurs de la profanation, membres du Parti nationaliste français et européen, ont été arrêtés dans les jours qui ont suivi la profanation, mais ont été rapidement relâchés faute de preuve.

Des rumeurs locales circulent, mettant notamment en cause des fils de notables locaux, dont le fils du maire UDF. En 1995, une jeune femme de Carpentras renforce cette rumeur en évoquant des orgies organisées dans le cimetière. Leurs participants auraient selon elle commis la profanation, ainsi que le meurtre d'une autre jeune femme, Alexandra Berrus, retrouvée morte en 1992.

L'instruction établira plus tard que la jeune femme est une mythomane, mais ses propos alimentent alors la tension autour de l'affaire. Le procureur Jean-Michel Tissot autorise les animateurs d'une émission de TF1, Témoin n°1, à annoncer de prochaines mises en examen. Gilbert Collard, avocat de la famille de Felix Germon et de celle d'Alexandra Berrus, parle de « mensonge d'État », garantit qu'il s'agit strictement d'une affaire de droit commun, et présente, lors d'une conférence de presse, une enveloppe où sont inscrits, d'après lui, les noms des coupables. Soumise à une intense pression, la juge d'instruction Sylvie Mottes est dessaisie de l'affaire, transférée au tribunal de Marseille[2].

[modifier] Le dénouement

Le 30 juillet 1996, un certain Yannick Garnier se présente de lui-même au commissariat d'Avignon, et avoue être l'un des profanateurs. Il dit ressentir le besoin de se libérer de ce secret pour changer de vie et de ne pas avoir à mentir à la femme dont il est récemment tombé amoureux. Ses aveux confirment qu'il s'agissait bien d'un acte antisémite commis par des néonazis. Il dénonce ses quatre complices qui sont arrêtés aussitôt, sauf l'un d'entre-eux, le meneur, Jean-Paul Gos, bonehead originaire de Seine-et-Marne (1965-1993), tué dans un accident de moto, après une collision avec une voiture dont le conducteur sera retrouvé mort noyé dans le Rhône[7].

Aucun lien n'a été établi entre les coupables et le Front national. Les dirigeants locaux du FN, Guy Macary et Fernand Teboul, faisant eux-mêmes partie de la communauté juive[7] ce qui ne pouvait que déplaire aux néonazis.

Le procès débute huit mois plus tard à Marseille, dure une semaine, et le verdict est rendu le 24 avril 1997. Patrick Laonegro, le « cerveau » du commando de profanateur, et Olivier Fimbry, un ancien militaire, sont condamnés à deux ans de prison, tandis que les deux autres profanateurs sont condamnés à 20 mois.

[modifier] Conséquences

Un grand nombre de théories ont été échafaudées et de pistes suivies lors de l'enquête, jusqu'aux plus fantaisistes. Relayées de façon aveugle et sensationelle par les médias, ces allégations ont eu des conséquences sur des domaines n'ayant aucun rapport avec la vérité des faits.

L'un des exemples marquants est la stigmatisation du jeu de rôle, durablement étiqueté comme rassemblement de profanateurs, casseurs, satanistes et autres profils à tendance morbide. Dans les mois suivant ces allégations (initiés par Mireille Dumas dans son émission Bas les masques sur France 2), nombre de clubs et de boutiques spécialisées ont été fermés ou mis sous surveillance par divers organismes.

En 1998, le documentaire Jeux de rôles à Carpentras de Jean-Louis Comolli, diffusé sur Arte dans la série Les Mercredis de l'Histoire notamment le 2 mai 2001, rappelle les fausses informations diffusées par les médias de l'époque, et établit l'existence de manipulations délibérées de l'information autour de l'affaire, afin de faire inculper le fils innocent du maire de Carpentras qui se trouvait être un amateur de jeu de rôle. Le documentaire produit notamment des comptes-rendus dressés par les Renseignements Généraux des conversations téléphoniques entre Jacques Pradel et le Procureur de la République de l'époque, conversations au cours desquels ils s'entendaient pour faire pression sur la juge d'instruction.

[modifier] Références

  1. Claude Mossé dans son ouvrage « Carpentras la profanation » parlera de « hasards programmés »
  2. ab Article de L'humanité "L’affaire de la profanation de Carpentras confiée à un nouveau juge"
  3. Yves Bertrand, Je ne sais rien… mais je dirai (presque) tout, Conversations avec Eric Branca, Plon, 2007, p. 124.
  4. Yves Bertrand, Je ne sais rien… mais je dirai (presque) tout, Conversations avec Eric Branca, Plon, 2007, p. 125.
  5. Extrait de l'émission On n'est pas couché - invité : Yves Bertrand [1] [2]
  6. ab Yves Bertrand, Je ne sais rien… mais je dirai (presque) tout, Conversations avec Eric Branca, Plon, 2007, p. 122
  7. ab Yves Bertrand, Je ne sais rien… mais je dirai (presque) tout, Conversations avec Eric Branca, Plon, 2007, p. 126.

[modifier] Presse

  • Le Monde (11.08.2006), "Grandes affaires criminelles 28 - 1990 . La profanation de Carpentras. Des tombes juives vandalisées"

[modifier] Télévision

  • Archives sur le site de L'I.N.A.

[modifier] Bibliographie

  • Nicole Leibowitz, L'affaire Carpentras de la profanation à la machination, Plomb, 1998.
  • Arnaud Esquerré, Une affaire, mais dans quel cadre ? A propos du cimetiière juif de Carpentras, in L. Boltanski et alii, éds, Affaires, scandales et grandes causes, Stock, 2007, p. 329-346.
  • Christian Lehmann, Tant pis pour le Sud, ed Médium : cet ouvrage décrit une histoire de fiction basée entièrement sur l'affaire de la profanation du cimetière juif de Carpentras, dénonçant le coup accusé par les jeux de rôle dans cette affaire.
  • Yves Bertrand, Je ne sais rien… mais je dirai (presque) tout, Conversations avec Eric Branca, Plon, 2007, (ISBN 9782259202954)