Acide acétylsalicylique

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Acide acétylsalicylique
Nomenclature IUPAC
acide 2-acétyloxybenzoïque
Identifiants
Numéro CAS 50-78-2
Code ATC A01AD05
PubChem 2244
Synonymes Aspirine
Données chimiques
Formule brute C9H8O4
Masse molaire 180,160 g∙mol-1
pKa 3,5
Données physiques
Densité 1,40
T° de fusion 138 °C
T° de vaporisation 140 °C
Classe thérapeutique
Antalgique • Antipyrétique • Anti-inflammatoire • Antiagrégant plaquettaire
Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité 60 - 90 % selon la dose[1]
Liaison protéique 99,6 %
Métabolisme Hépatique
Demi-vie d'élim. 3,1 h (dose < 650 mg)
5 h (dose = 1 g)
9 h (dose = 2 g)
Excrétion Urinaire
Considérations thérapeutiques
Voie d'administration Orale, IV
Grossesse Contre-indiquée
au 3e trimestre
Précautions Toxicité gastrique
Unités du SI et en CNTP, sauf indication contraire

L'acide acétylsalicylique (dénomination commune internationale de l'acide 2-(acétyloxy)benzoïque) est un composé chimique utilisé comme médicament antiagrégant plaquettaire, et accessoirement analgésique et antipyrétique ; historiquement, ce sont ses vertus contre la douleur et la fièvre qui ont été découvertes en premier. Il est plus connu sous le nom d'aspirine, venant de « Aspirin », marque créée en 1899 par la société allemande Bayer.

C'est un dérivé de l'acide salicylique. Le terme salicylique vient du nom latin du saule (salix), dont on utilisait l'écorce pour ses propriétés curatives.

Le nom de marque Aspirine a été formé du préfixe privatif grec a-, du radical latin scientifique Spiraea (ulmaria), dénomination savante de la reine-des-prés, et du suffixe savant allemand -in, propre au vocable chimique et médical : littéralement « qui est fait sans Spiraea (ulmaria) ». Ce terme a été forgé pour distinguer l'acide salicylique naturel, extrait des fleurs de la Spiraea ulmaria, de l'acide acétylsalicylique obtenu par synthèse, introduit en thérapeutique en 1899 grâce aux travaux du chimiste allemand Adolf von Baeyer (1835-1917).

Sommaire

[modifier] Histoire

Saule blanc (Salix alba)
Saule blanc (Salix alba)

L'écorce de saule est connue depuis l'Antiquité pour ses vertus curatives. On a retrouvé la trace de décoction de feuilles de saule dans un papyrus égyptien datant de 1550 av. J.-C. Hippocrate (460377 av. J.-C.), médecin grec, conseillait déjà une préparation à partir de l'écorce du saule blanc pour soulager les douleurs et les fièvres. Les Romains connaissaient aussi ses propriétés, le nom latin du saule est salix.

En 1763, Edward Stone présente un mémoire devant la Royal Medicine Society sur l'utilisation thérapeutique de l'écorce du saule blanc contre la fièvre. En 1829, Pierre-Joseph Leroux, un pharmacien français, après avoir fait bouillir de la poudre d'écorce de saule blanc dans de l'eau, tente de concentrer sa préparation ; il en résulte des cristaux solubles qu'il baptise saliciline (de salix).

Puis des scientifiques allemands purifient cette substance active, d'abord appelée salicyline puis acide salicylique.

Reine-des-prés (Filipendula ulmaria)
Reine-des-prés (Filipendula ulmaria)

D'autres sources naturelles sont trouvées comme la reine-des-prés dont la dénomination scientifique de l'époque Spirea ulmaria donnera naissance au nom aspirine. Très vite, on se rendra compte que les acides spiriques et salicyliques ne font qu'un. On utilise cette préparation pour faire tomber la fièvre, soulager les douleurs et les rhumatismes articulaires, mais elle provoque des brûlures d'estomac.

En 1853, le chimiste strasbourgeois Charles Frédéric Gerhardt expérimente la synthèse de l'acide acétylsalicylique et dépose un brevet. Il meurt trois ans plus tard et ses travaux tombent dans l'oubli.

En 1859, Kolbe réussit la synthèse chimique de l'acide salicylique, mais c'est Felix Hoffmann, chimiste allemand entré au service des laboratoires Bayer en 1894, qui, en octobre 1897, reprenant les travaux antérieurs de Gerhardt, trouve le moyen d'obtenir de l'acide acétylsalicylique pur et réalise sa production industrielle. Il s'en sert d'abord pour soigner son père, qui souffrait de rhumatisme chronique. D'après des recherches de Walter Sneader de l'université de Strathclyde à Glasgow, c'était cependant le supérieur de Hoffmann, Arthur Eichengrün, qui eut l'idée de synthétiser l'acide salicylique.

Finalement, le brevet et la marque de l'aspirine sont déposés par la société Bayer en 1899, sous la dénomination « Aspirin ». La préparation arrive en France en 1908 et est commercialisée par la Société chimique des usines du Rhône. Cependant, après la Première Guerre mondiale, le Traité de Versailles stipule que la marque et le procédé de fabrication tombent dans le domaine public dans un certain nombre de pays (France, États-Unis… mais ils perdurent dans d'autres pays comme le Canada).

Aujourd'hui, on produit encore chaque année plus de 12 000 tonnes de ce médicament à travers le monde, et on ne cesse de lui découvrir de nouvelles propriétés, voir Indications thérapeutiques et préventions.

[modifier] Propriétés pharmacologiques

L'aspirine possède les propriétés pharmacologiques suivantes:

[modifier] Mécanisme d'action

En 1971, John R. Vane, lors de recherches qui lui valurent le prix Nobel de médecine en 1982, découvrit que l'aspirine inhibe la production de prostaglandines et de thromboxanes. L'aspirine par une réaction chimique d'acétylation inhibe de façon irréversible les enzymes cyclo-oxygénase ( COX 1 ET COX 2 ), des enzymes participants à la production de prostaglandines et de thromboxanes. L'aspirine est différente des autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) qui inhibent de façon réversible cette enzyme.

L'aspirine fait baisser la fièvre (antipyrétique), en réduisant la production de prostaglandines dans l'hypothalamus, thermostat de la température corporelle.

Elle réduit la douleur (analgésique) en bloquant la production des hormones responsables des messages transmis aux récepteurs de la douleur dans le cerveau, d'où son efficacité sur les migraines et les douleurs d'origines diverses. Par le même mode d'action, elle réduit les inflammations (AINS) résultant d'une dilatation vasculaire, comme les coups de chaleur, qui ne s'accompagnent pas forcément de coups de soleil.

L'aspirine agit sur les plaquettes sanguines, en inhibant la cyclo-oxygénase, une enzyme ayant un rôle important dans l'agrégation des plaquettes, et ce, de manière permanente, c'est-à-dire durant toute la durée de vie de la plaquette (entre 7 et 15 jours). Il favorise par ce biais la circulation et peut servir pour prévenir les attaques cardiaques, en évitant la formation de caillots (thrombose).

[modifier] Pharmacocinétique

L'aspirine est absorbée au niveau de l'estomac et du duodénum. Le taux d'absorption dépend de la dose : de 60 % pour moins de 500 mg à 90 % pour 1 g ou plus par saturation de l’hydrolyse hépatique[1]. La prise de certains aliments épicés semble réduire le taux d'absorption[2].

Pour les formes pharmaceutiques immédiates, le pic de concentration est atteint de 25 à 60 minutes après la prise[1]. Il peut être atteint plusieurs heures après pour une forme gastro-résistante ou à libération modifiée.

Sa demi-vie dans le sang n'est que de 15 à 20 minutes et de 2 à 4 h pour l'acide salicylique qui est un métabolite actif obtenu par hydrolyse[1].

[modifier] Indications thérapeutiques et préventions

[modifier] Douleur, fièvre et inflammation

L'aspirine est utilisée depuis plus de cent ans pour soulager la douleur, faire baisser la fièvre et le traitement de l'inflammation.

[modifier] Maladies cardio-respiratoires

À petite dose (entre 75 et 300 mg/jour suivant les études), les propriétés antiagrégantes de l'aspirine préviennent efficacement la formation de caillots de sang dans les vaisseaux sans causer de dommages significatifs à l'organisme. Le bénéfice de cette prise a été prouvé en prévention secondaire, c'est-à-dire, après un premier accident vasculaire et elle est largement préconisée dans ce cas. Le bénéfice excède significativement le risque majoré d'hémorragie dans ce cas. Son utilisation en prévention primaire (c'est-à-dire, avant même l'apparition d'une maladie vasculaire) reste plus discutée : l'efficacité semble être partielle (diminution des infarctus du myocarde mais tendance à l'augmentation des accidents vasculaires cérébraux de type hémorragique) et n'a été testée que sur des populations bien ciblées (médecins). Une étude chez la femme de plus de 45 ans semble montrer une diminution modérée des accidents vasculaires cérébraux mais l'effet sur la mortalité et la morbidité cardio-vasculaire n'est pas significatif. Des différences d'efficacité chez l'homme et la femme ont aussi été constatées.

[modifier] Réduction du risque de cancer

Des études sur les effets à long terme de petites doses d'aspirine en chimioprévention montreraient qu'elle aurait un effet contre certains types de cancers, comme ceux du colon, sein, prostate, bouche, gorge, œsophage, estomac.

Une vingtaine d'études de cancérogenèse chez rats et souris étayent cet effet protecteur[3]. Plusieurs essais cliniques montrent que de petites doses d'aspirine diminuent, modestement, la récurrence des polypes intestinaux et la survenue des cancers du côlon[4], essentiellement si ces derniers expriment l'enzyme cyclo-oxygénase de type 2 (soit, environ les 2/3 des dits cancers)[5]. Cependant les doses indiquées sont susceptibles de provoquer des saignements gastriques ou intestinaux et l'utilisation de l'aspirine n'est actuellement pas recommandée pour la prévention des cancers[6].

[modifier] Fécondation

Selon une étude en 2004 à l'hôpital de Falun en Suède, la prise d'aspirine à 75 mg/jour augmenterait l'efficacité de la fécondation in vitro en améliorant la vascularisation de l'utérus.

[modifier] Contre-indications et précautions

Ses effets secondaires sont des troubles gastriques (exemple : gastrite voire hémorragie digestive en cas de dose élevée).

L'aspirine est déconseillée aux nourrissons et aux enfants, car en cas de surdosage (au-dessus de 50 mg par kg et par jour), elle est neurotoxique. En outre, elle peut entraîner l'apparition du syndrome de Reye en cas de varicelle ou de grippe.

Les cardiaques, sous traitement au long cours à petites doses en raison de son effet antiagrégant, peuvent être exposés à ces effets secondaires. Le bénéfice du traitement reste cependant de loin supérieur au risque, ce qui justifie sa prescription.

Chez les personnes souffrant d'un ulcère gastrique, l'aspirine peut occasionner une hémorragie digestive.

Lors d'une grossesse, elle peut être prise à titre ponctuel pendant les deux premiers trimestres, ensuite l'utilisation d'aspirine est contre-indiquée au troisième trimestre : sur le fœtus à partir du sixième mois, ce type de médicament exerce des effets vasoconstricteurs au niveau des reins et peut conduire à une insuffisance rénale ou encore à des troubles de l'appareil cardio-pulmonaire.

Ce médicament est également contre-indiqué au cours de l'allaitement (la molécule passe dans le lait).

En cas de risque de dengue, l'utilisation de médicaments à base d'aspirine, est fortement désapprouvée vu le risque d'apparition de la forme hémorragique de la maladie. Cet avis doit accompagner, au Brésil, toute publicité du produit.

De manière générale, l'aspirine fluidifie le sang car elle inhibe l'agrégation plaquettaire. Par conséquent, le risque d'hémorragie est à prendre en compte, surtout s'il y a déjà prescription d'anticoagulants.

[modifier] Propriétés chimiques

Cristaux d'acide acétylsalicylique sur une page de cahier
Cristaux d'acide acétylsalicylique sur une page de cahier

L'acide acétylsalicylique est la dénomination commune internationale de l'acide 2-(acétyloxy)benzoïque (selon les normes IUPAC).

Au cours des années, il fut aussi appelé acide 2-acétyloxybenzoïque, acide 2-acétoxybenzoïque, acétylsalicylate, acide ortho-acétylsalicylique, acide ortho-acétyloxybenzoïque ou encore acétosal.

Les pharmacopées européenne (Ph. Eur.), américaine (USP) et japonaise décrivent des méthodes d'identification et d'analyses de l'acide acétylsalicylique destiné aux médicaments.

[modifier] Synthèse

La synthèse initiale de Gerhardt décrite en 1853 [7] fut améliorée en 1975[8]. Elle est assez simple et consiste en l'estérification de la fonction hydroxyle de l'acide salicylique avec l'anhydride acétique le tout en condition acide. On obtient l'acide acétylsalicylique et de l'acide acétique comme sous-produit. (Pour la synthèse de l'acide salicylique, se reporter à acide salicylique ou à réaction de Kolbe).

La purification peut se faire deux façons : par re-cristallisation dans l'acétone (selon un brevet de Monsanto de 1959), par re-cristallisation dans un solvant mixte éthanol/eau 1:2,5 ou par un procédé mettant en œuvre une distillation (brevet de Norwich pharm de 1966). Le produit purifié se présente sous la forme de cristaux blancs en forme d'aiguille.

Un test au chlorure de fer (III) FeCl3 pourra être utile pour déterminer l'éventuelle présence d'acide salicylique n'ayant pas réagi. Le chlorure de fer (III) réagit avec le groupe OH de l'acide et donnera lieu à une coloration rouge du produit.

[modifier] Conclusion

Ce vieux produit conserve les faveurs du public, comme le montre une enquête de la Sofres réalisée en 2003. Il est concurrencé par le paracétamol (acétaminophène), autre analgésique et antipyrétique, mais dépourvu d'effets au plan gastrique (l'aspirine favorise l'ulcère comme les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens). En revanche, le paracétamol (acétaminophène) a des effets néfastes irréversibles sur le foie à très fortes doses.

Aujourd'hui, l'automédication par aspirine, par ses effets sur l'estomac et sur le sang (antiagrégant plaquettaire, qui entraîne une diminution des capacités du sang à coaguler) en fait un médicament qui demande un maniement délicat et précis, qu'on remplace avantageusement par le paracétamol s'il s'agit de lutter contre des douleurs légères ou moyennes. Elle reste en revanche très utile pour la prévention des risques cardio-vasculaires dans la limite de 84 mg par jour comme précédemment mentionné.

[modifier] Références

  1. abcd RCP aspirine comprimé, AFSSAPS
  2. Ingestion of chilli pepper (Capsicum annuum) reduces salicylate bioavailability after oral aspirin administration in the rat ; CRUZ L., CASTANEDA-HERNANDEZ G., NAVARRETE A.; Can. j. physiol. pharmacol, 1999, vol. 77, no6, pp. 441-446[1]
  3. chimioprévention
  4. Chan AT. Aspirin, non-steroidal anti-inflammatory drugs, and colorectal neoplasia: future challenges in chemoprevention. Cancer Causes Control 2003;14:413-418
  5. Chan AT, Ogino S, Fuchs CS, Aspirin and the Risk of Colorectal Cancer in Relation to the Expression of COX-2, N Eng J Med, 2007;356:2131-2142
  6. U.S. Preventive Services Task Force, Routine Aspirin or Nonsteroidal Anti-inflammatory drugs for the primary prevention of colorectal cancer: U.S. Preventive Services Task Force recommendation statement, Ann Intern Med, 2007;146;361-364
  7. C. Gerhardt, Ann. 87, 149(1853)
  8. Faith, Keyes & Clark's industrial chemicals. F.A. lowenheim, M.K. Moran, eds. (wiley interscience, new york, 4th ed., 1975)

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexe

Analgésique: AINS

[modifier] Liens externes