Vieux prussien

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

  Vieux prussien
(Prūsiskai Bilā)
 
Période éteint au début du XVIIIe siècle
Région Prusse-Orientale
Langues-filles
Typologie Flexionnelle
Classification par famille

 -  Langues indo-européennes
    -  Langues baltes
       -  Langues baltes occidentales
          -  Vieux prussien

(Dérivée de la classification SIL)
Codes de langue
ISO 639-1
ISO 639-2 bat
ISO/DIS
639-3
(en) prg
SIL PRG
Voir aussi : langue, liste de langues, code couleur

Le vieux prussien est une langue appartenant au groupe balte des langues indo-européennes, pratiquement éteinte suite à la conquête des chevaliers teutoniques, aux massacres et aux assimilations successives. Néanmoins, avant 1945, il restait dans le dialecte régional de la Prusse-Orientale des mots issus du vieux prussien.

Sommaire

[modifier] Histoire

Les Aesti dont Tacite faisant mention dans Germania pourraient bien avoir été un peuple parlant le vieux prussien. Tacite les compare aux Suèves, un groupe de peuples germaniques, mais ayant un langage ressemblant aux langues celtiques.

Vers le Ve siècle av. J.-C., le proto-balte se sépare pour former les sous-groupes des langues baltes orientales et des langues baltes occidentales. Au début de l'ère chrétienne, le sous-groupe occidental subit l'influence des Goths. À partir du Ve siècle, une nouvelle division apparut pour créer le vieux prussien, le sudovien et le curonien, ce dernier passant peu après au sous-groupe oriental sous l'influence du letton et du latgalien.

Les Polonais slaves chrétiens subissant des attaques de la part des Prussiens baltes païens, firent appel aux chevaliers teutoniques germaniques pour se débarrasser d'un moindre mal et en acquérir un pire puisque un État germanique puissant situé au nord du Royaume de Pologne va se développer progressivement pour donner un jour naissance au Duché, puis au Royaume de Prusse, embryon de l'unité allemande moderne. La déformation du nom du peuple balte autochtone, les Borusses donna son nom à la Prusse.

Les chevaliers teutoniques commencèrent la christianisation et la germanisation de la région dès le début du XIIIe siècle, dans le cadre des croisades baltes. Ce n'est pourtant que le siècle suivant que fut écrit le Vocabulaire d'Elbing, un dictionnaire prussien—vieux saxon comportant à peu près un millier de mots et le plus important document ayant survécu jusqu'à nos jours.

Au milieu du XIIIe siècle, les Borusses tentent une ultime révolte qui ne fera que précipiter leur déclin. De 170 000 avant la conquête, les Borusses ne sont plus que 90 000 vers 1300. La Prusse devient alors une terre de colonisation allemande. Des terres agricoles sont généreusement données aux colons venus d’Allemagne et de Hollande.

Pendant et après la Réforme, en plus des Allemands, des groupes protestants trouvèrent refuge en Prusse-Orientale : des Autrichiens, des Écossais, des Anglais, des Polonais, des Lituaniens et des Français.

Le luthéranisme permit la traduction d'un catéchisme en vieux prussien. Toutefois, cette immigration amorça un déclin dans l'utilisation du vieux prussien par ses habitants qui adoptaient les langues des nouveaux venus jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, cette langue disparut presque complètement suite à l'assimilation des Prussiens par les Allemands, mais en partie aussi par les Lituaniens et les Polonais.

En 1709-1710, la région fut ravagée par la peste et pour repeupler certaines contrées désertées, on fit appel à de nombreuses populations germaniques tels des Salzbourgeois protestants et des Suisses.

Des traces du vieux-prussien étaient encore visibles dans les dialectes allemands de la Prusse-Orientale, mais la Seconde Guerre mondiale leur porta un coup fatal. La province fut conquise par l'armée soviétique à partir de janvier 1945 après de durs combats, puis divisée entre la Russie et la Pologne suite aux conférences de Yalta et Potsdam. Les habitants qui n’avaient pas fui vers l'ouest avant l’arrivée des Russes furent expropriés puis expulsés ou tout simplement massacrés, à quelques rares exceptions.

Une communauté expérimentale tentant de rétablir l'usage d'une forme reconstruite de la langue existe actuellement dans la région de Klaipėda en Lituanie.

[modifier] Classification

Il s'apparentait plus au galindien (parlé au sud) et au sudovien (à l'est) aujourd'hui disparus, qu'au lituanien et au letton. Toutefois, on recherche des analogies avec ces deux langues afin de trouver des racines de mots communes. Les linguistes prétendent souvent que la structure archaïque du vieux prussien reflèterait fidèlement celle de l'indo-européen.

[modifier] Distribution

Cette langue était parlée sur les territoires compris entre la Vistule et le Niémen.

On le parlait en Prusse orientale, sur les territoires partagés aujourd'hui par la Pologne, la Lituanie et l'enclave de Kaliningrad, avant la colonisation de la région par les Polonais et les Allemands dès le XIIIe siècle. En Mazovie, les Prussiens purent trouver refuge et le dialecte du vieux prussien parlé en Mazurie put s'y développer.

[modifier] Écriture

Théodoric le Grand a échangé de la correspondance avec les Prussiens[réf. souhaitée] et ceux-ci ont envoyé des présents à sa cour. Mais comme les Prussiens ne consignaient presque rien par écrit, peu de documents écrits existent encore. Le plus important est sans doute le Vocabulaire d'Elbing. Les autres textes remontent surtout au XVIe siècle. On écrivait le vieux prussien avec l'alphabet latin. L'alphabet vieux prussien peut être reconstitué ainsi[1] (tableau à mettre en forme) :

Aa Bb Cc Dd Ḑḑ Ee Ēē Ff
Gg Ģģ Hh Ii Īī Jj Kk Ķķ
Ll Mm Nn Ņņ Oo Ōō Pp Qq
Rr Ŗŗ Ss Šš Tt Ţţ Uu Ūū
Vv Ww Xx Yy Zz Źź

[modifier] Grammaire

Dans les quelques textes, l'écriture ne suivait aucune orthographe précise, de sorte que la traduction des mots de cette langue demeure tout aussi imprécise. La reconstitution de la langue est donc difficile. Le liste de mots contenus dans le Vocabulaire d'Elbing ne donne aucune information sur la grammaire et les seuls textes structurés (des catéchismes) remontent à une époque où le vieux prussien avait déjà subi depuis des siècles l'influence de la langue allemande des immigrants et des dirigeants. Quelques dialectes allemands ayant disparu après la Seconde Guerre mondiale comportaient également des traces du vieux prussien.

[modifier] Vocabulaire

Voici un tableau illustrant quelques termes issus du Vocabulaire d'Elbing.

Vieux prussien Vieux saxon
(en 1350)
Allemand Français Rapport étymologique au latin
aglo Reyn Regen pluie
assanis Herbist Herbst automne
agins, ackis Ouge Auge œil oculus
ape Vlys Fluss fleuve amnis
aubirgo Garbret Braten rôtir
auklextes Oberker Spreu menue paille
avis Ome Onkel oncle avus
birgakarkis Kelle Schöpfkelle louche
buttan Hus Haus maison
cawx Tufel Teufel diable
dangus Hemel Himmel ciel nimbus
dantis Czan Zahn dent dens
dantimax Czanfleysch Zahnfleisch gencives
deywis Got Gott dieu deus
dusi Sele Seele âme fumus
estureyto Eudexe Eidechse lézard
gamdams, gandarus Storch Storch cigogne
genne, genno Wip Frau femme
gorme Hiszcze Hitze chaleur formus
goro Vuerstant Feuerstelle foyer
grobis darm Darm intestin
knaistis Brant Brand feu
knapios, knapis Hanf Hanf chanvre canabis
lituckekers linsen Linsen lentilles
luriay Mer Meer mer
malun akela Moelrat Mühlenrad roue de moulin molere + colere
malunastabis Moelsteyn Mühlstein meule
maldenikis Kint Kind enfant
menso Vleysch Fleisch viande, chair membrum
mergo Jungvrowe Jungfrau vierge
nage Vues Fuß pied unguis
nagepristis Czee Zeh orteil
pamatis Vussale Fußsohle semelle
panno Vuer Feuer feu
pettis Schuld'blat Schulterblatt omoplate
pelanne Assche Asche cendre
percunis Donner Donner tonnerre
rapa Engel Engel ange
sari Glut Glut lueur
smonenawins Mensch Mensch humain homo
smoy Man Mann homme
snaygis Sne Schnee neige nix
werwirsis Lirche Lerche alouette
weware Eichhorn Eichhörnchen écureuil viverra
wupyan Wulken Wolken nuages umber

Voici un tableau illustrant quelques termes proches du latin.

Mot Traduction Rapport étymologique au latin
ains un unus
ackis œil oculus
bitte abeille fucus
dangus <*nimbos ciel nimbus
gerwe grue grus
krawian sang cruor
menins mois mens
nage jambe crus
pirmas premier primus
sal sel sal
tauris taureau taurus
weders ventre venter

[modifier] Références

  1. Selon le (lv) [pdf] Prūšu-Latviešu-Prūšu vārdnīca (Dictionnaire vieux prussien-letton/letton vieux prussien), p. 22 (avec omission du « Āā »).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes