Conférence de Yalta

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Les chefs d'États à la conférence
Les chefs d'États à la conférence

Tenue du 4 au 11 février 1945 dans la station balnéaire de Yalta, sur la côte de la mer Noire, en Crimée, la conférence de Yalta réunit en grand secret les chefs de gouvernement de l'Union soviétique (Joseph Staline), du Royaume-Uni (Winston Churchill) et des États-Unis (Franklin D. Roosevelt), dans les buts suivants :

  • adopter une stratégie commune afin de hâter la fin de la guerre,
  • régler le sort de l’Europe après la défaite du IIIe Reich et
  • garantir la stabilité du monde au-delà de la victoire.

Les accords que les trois « grands » signèrent le 11 février 1945 allaient se révéler essentiels pour l’après-guerre, bien qu’à Yalta le monde ne fut pas partagé en zones d’influence, comme le prétendit Charles de Gaulle par la suite.[1]

Le propos principal de Staline était sans doute de préserver son pays de futures attaques, comme en 1914 et en 1941, en le protégeant par un glacis territorial et politique. La meilleure solution pour lui, c’était la création d’une Pologne qui serait dirigée par un gouvernement ami de l’Union soviétique.

Churchill et Roosevelt, de leur côté, étaient disposés à obtenir de la part de Staline la promesse que l'URSS entrait en guerre contre le Japon dans les trois mois après la capitulation de l’Allemagne. Il est vrai que Staline négociait en position de force, les armées soviétiques n’étant plus qu’à une centaine de kilomètres de Berlin. Par ailleurs, Roosevelt, dont la santé se dégradait de plus en plus, faisait preuve d’une incroyable candeur[2]. « Si je lui donne (i. e. à Staline), estima-t-il, tout ce qu'il me sera possible de donner sans rien réclamer en échange, noblesse oblige, il ne tentera pas d'annexer quoi que ce soit et travaillera à bâtir un monde de démocratie et de paix. »[3]

Les accords de Yalta furent rapidement violés par Staline en Pologne. L’Union Soviétique et les Alliés avaient des conceptions très différentes en ce qui concernait la démocratie et l’avenir de l’Europe. Certains historiens pensent même que les accords de Yalta avaient fait le lit de la guerre froide. L'accord stipulait aussi le renvoi en URSS de tous les prisonniers russes, ainsi que de ceux qui avaient rejoint la Wehrmacht pour combattre le communisme : 2 millions de ces "traîtres" furent massacrés[réf. nécessaire].

Sommaire

[modifier] Teneur des accords

Palais de Livadia, près de Yalta, où furent signés les accords de Yalta en 1945
Palais de Livadia, près de Yalta, où furent signés les accords de Yalta en 1945

Les accords conclus à l'issue des rencontres prévoyaient

  • des élections libres dans les États européens libérés, les Trois Grands s'engageant à constituer des autorités gouvernementales provisoires largement représentatives de tous les éléments démocratiques des populations et qui s'engageront à établir, dès que possible, par des élections libres, des gouvernements qui soient l'expression de la volonté des peuples (cf. Communiqué final en annexe : Déclaration sur l'Europe libérée) ;
  • l'organisation en avril 1945 de la conférence de San Francisco ;
  • l’entrée en guerre de l'Union soviétique contre le Japon dans les 3 mois qui suivront la défaite de l'Allemagne, l'URSS recevant en échange l’île de Sakhaline et les îles Kouriles ;
  • la destruction du militarisme allemand et du nazisme ;
  • la division de l'Allemagne en trois zones, occupée chacune par les trois vainqueurs : États-Unis, URSS, Royaume-Uni ( Par la suite, Churchill soutiendra une division de l'Allemagne en quatre zones d'occupation : la quatrième revenant alors à la France. Cette proposition aboutira peu après la conférence de Yalta ) ;
  • déplacement de la Pologne vers l'ouest : elle céderait des territoires à l'URSS et recevrait en compensation des territoires enlevés à l'Allemagne ;
  • l'avancement de la frontière soviéto-polonaise jusqu’à la ligne Curzon ;
  • la réorganisation du « Comité de Lublin », gouvernement pro-soviétique établi en Pologne libérée, suivant des bases démocratiques plus étendues, avec l'inclusion des chefs démocrates se trouvant à l'étranger, c'est-à-dire des membres du gouvernement polonais en exil à Londres (cf. Communiqué final en annexe : Pologne) ;
  • quelques modalités concernant le fonctionnement de l'ONU, dont la création avait été décidée en 1943 à la conférence de Téhéran : le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité jouera pour tous les cas sauf pour les questions de procédure ; l’URSS accepte de n’avoir que trois sièges aux Nations unies (Russie, Ukraine, Biélorussie) au lieu des seize qu'elle demandait ; les Nations unies auront un droit de regard sur l'organisation de l'Europe.


[modifier] Une conférence pour terminer la guerre

[modifier] L'Allemagne : défaite, occupation, réparations

Lors de la première séance plénière, la question principale porte sur la défaite de l’Allemagne par une analyse de la situation militaire. Cela débouchera sur le premier article du communiqué disponible au public[4]. Comme on peut le lire à la dernière phrase de cet article : « Il a été procédé à un échange complet et réciproque des renseignements ». Le général Marshall indique qu’une offensive massive sera possible sur le front de l’ouest mais les alliés ne pourront atteindre le Rhin avant le mois de mars. Staline prend alors sa décision, l’armée rouge libèrera la Tchécoslovaquie et la Hongrie, repoussant la prise de Berlin. Ainsi, Staline évite toute tension avec les alliés occidentaux. Cependant, cette première séance plénière est importante car elle définit bien le cadre général des négociations qui vont suivre : Les occidentaux sont en position d’infériorité par rapport aux soviétiques.

Lors de la deuxième séance plénière du 5 février, Staline entame la question de l’occupation de l’Allemagne qu’il considère être la plus importante. Lors de la conférence de Téhéran, tous les Alliés étaient d’accord sur un démembrement complet de l’Allemagne. Mais à l’approche de la victoire cette certitude devient moins évidente. Les occidentaux pensent briser le Reich nazi, mais faut-il détruire l’Allemagne et sa population ? On peut voir dans le deuxième article du communiqué disponible au public : « Nous sommes inflexiblement résolus à anéantir le militarisme et le nazisme allemand » mais les alliés présentent le peuple allemand comme victime du nazisme et décident qu’ « Il n’est pas dans notre intention d’anéantir le peuple allemand ». Churchill considère l’Allemagne comme une future alliée contre l’expansionnisme soviétique. Pourtant, un démembrement de l’Allemagne est conclu avec une « autorité suprême » des occupants, sensé garantir la paix future en Europe. Chacun des alliés occupera une zone séparée, et la France est invitée à participer à ce projet. Cependant, les soviétiques étant en position de force, la zone française sera prise dans la zone anglaise et américaine. La France est aussi invitée à siéger au Conseil de contrôle interallié pour l’Allemagne. De plus il est conclu que l’Allemagne sera entièrement démilitarisée et désarmée. Cette mesure est encore plus sévère que ce qu’avait prévu le Traité de Versailles de 1918, qui fixait le nombre de militaire allemands à un maximum de cent mille.

La question des réparations est elle aussi engagée par Staline. Il demande de l’Allemagne en gage de réparation, 20 milliards de dollars au total, dont 50% de cette somme devrait aller à l’URSS. Sur ce point, c’est aussi Churchill qui s’oppose à cette somme démesurée, insistant sur le faite que l’économie allemande ne devait pas être anéantie. Il est d’ailleurs écrit dans le troisième article du communiqué disponible au public, que les dommages que verserait l’Allemagne devaient être calculés « dans la plus grande mesure possible ». Cette question n’a pas été résolue entièrement. Il est défini les différents moyens de réparation des dommages auxquels serait contrainte l’Allemagne, c’est-à-dire : des transferts de biens et d’argents, des livraisons de marchandises, et l’utilisation de la main-d’œuvre allemande. Les deux points sur lesquels la conférence ne s’est pas fixée est sur la mise en œuvre de ce plan et surtout sur le montant des réparations. Pour cela, les Alliés décident la création d’une commission dont le siège est à Moscou. Cette commission réunira les représentants des trois pays alliés et devra fixer le coût total des réparations sur la base de la proposition du gouvernement soviétique. Si la demande soviétique est à moitié acceptée, c’est pour la simple raison que Roosevelt considère que les soviétiques ont déjà fait pas mal de concessions, et ne prend donc pas le parti des anglais.

[modifier] Le Japon : une entrée en guerre de l’URSS ?

La Conférence porte sur la question de la défaite japonaise. Il est dit que : « Les chefs des gouvernements des trois grandes puissances […] ont décidé d’un commun accord […] que l’URSS entrera en guerre contre le Japon ». Si cette formule « commun accord » est employé dans ce cas précis c’est tout d’abord pour ne pas contrarier Churchill. En effet, la question de l’extrême orient s’est réglée lors d’une conversation privée entre Roosevelt et Staline, concernant les modalités et les conditions de l’engagement soviétique. Cette dernière devait entrer en guerre 3 mois après la capitulation allemande. Les conditions de l’engagement ayant fait débat furent celle de Port-Arthur et des chemins de fers mandchous. L’URSS obtient le statut-quo en Mongolie et la nationalisation des îles Kouriles et Sakhaline, Port-Arthur n’est pas nationalisé mais internationalisé et les chemins de fers mandchous ne serait pas propriété de l’URSS mais contrôlés par une commission soviéto-chinoises. Néanmoins, Staline et Roosevelt voulaient un accord du président chinois sur ces points et ne pas les lui imposer. Churchill ne fut mis au courant de ces propositions que le lendemain de l’entrevue et malgré son hostilité et sa volonté de négociations, il finit par céder, craignant d’être mis à l’écart sur les affaires japonaises.

[modifier] Une Conférence pour poser les bases d'un monde nouveau

[modifier] Roosevelt : pour une organisation politique mondiale

Pour Roosevelt, le principal dossier de Yalta est celui de la future Organisation des Nations Unies. Il entendait réussir, là où Wilson avait échoué après la première guerre mondiale avec la Société des Nations, et devenir l’arbitre entre les anglais et les soviétiques. Il ne montre donc pas trop exigeant avec Staline, notamment sur la question de la Pologne. Tous les acteurs sont d’accord sur ce projet mais une question fait débat : Qui sera membre du Conseil de Sécurité, et quels pays composeront l’Assemblée ? Les Américains soutiennent l’adhésion de la Chine, et les Britanniques celle de la France, au sein du conseil de sécurité. Bien que Staline objecte le fait qu’il serait en position défavorable, il finit par céder. Le réel problème se pose alors pour la composition de l’assemblée. Les Soviétiques craignent une mainmise anglo-américaine (soutien des pays du Commonwealth et d’Amérique latine). L’URSS exige donc que chacun des seize républiques soviétiques fédérées dispose d’un siège. Dans l’extrait de la conférence non disponible au public, on constate que l’URSS obtient l’adhésion de deux républiques fédérées : La Russie Blanche (Biélorussie) et l’Ukraine. Après réflexion et négociations, Staline ne demandait plus que l’adhésion de ces deux républiques ainsi que la Lituanie. Cette dernière est refusée mais Roosevelt doit s’incliner face à Staline pour préserver la réussite de son projet (ONU).

Une conférence future est programmée pour le 25 avril 1945 à San Francisco. L’organisation de cette conférence est due au fait que les trois grands n’ont su se mettre d’accord sur le système de vote de l’assemblée de la future ONU, ainsi que sur l’obtention du droit de veto ou non. Ils ne se sont d’ailleurs pas mis d’accord sur les états qui pourront accéder à cette organisation. Il est donc déclaré dans un extrait non disponible au public, que « Les nations associées qui auraient déclaré la guerre à l’ennemi commun avant le 1er mars 1945 » seront invitées à la conférence de San Francisco et pourront faire parti de l’ONU.

[modifier] La question polonaise

Le thème de la Pologne fait l’objet de vives tensions à Yalta. En effet, du coté l’URSS, la Pologne est le pays dont elle a obtenu une partie du territoire après le pacte Germano-Soviétique, et du coté occidental, la Pologne est une alliée qui avait eu la garantie d’une aide en cas d’agression allemande, ce qui a entraîné l’entrée en guerre des alliés. Lors de la conférence, les deux principales questions concernant la Pologne étaient : Quelles seront ses frontières, et quelle sera la nature de son régime politique ?

La frontière orientale de la Pologne ne pose pas de problème, comme on peut le voir dans l’article VI : « La frontière orientale de la Pologne à l’Est devra suivre la ligne Curzon, avec des déviations au profit de la Pologne sur une profondeur de 5 à 8 kilomètres par endroits ». Le réel problème est celui de la frontière occidentale, celle avec l’Allemagne. Staline propose alors le fleuve de la Neisse. Ce déplacement de la frontière occidentale vers l’ouest est une compensation des pertes orientales. Churchill est sceptique : l’annexion de cette partie du territoire allemand, jusqu’à l’Oder et la Neisse signifie la présence de six millions d’allemands sous la souveraineté polonaise. Mais les soviétiques jouent de la lassitude des occidentaux et obtiennent gain de cause. La question porte ensuite sur le choix de la Neisse : le fleuve se sépare en deux, la Neisse orientale et la Neisse occidentale. Les trois s’accordent sur une formule ambiguë : « La Pologne devra obtenir des accroissements sensibles de territoire au nord et à l’ouest ».

La question du régime politique est plus aigüe. En effet, pour Churchill, elle a une forte signification symbolique puisque le Royaume-Uni a accueilli le gouvernement polonais en exil durant la guerre. Pour Roosevelt, elle touche à l’électorat américain, car venant d’être réélu, il vient de faire des promesses à des millions d’américains d’origine polonaise. Mais Staline a mis en place un gouvernement polonais communiste, l’a installé à Lublin après la libération de l’Est de la Pologne l’a officiellement reconnu en juillet 1944 et lui a confié l’administration du territoire polonais derrière les lignes militaires soviétiques. Les occidentaux refusent de reconnaître ce gouvernement car ils estiment qu’il y a un problème de représentativité. Pour palier à ce problème, on s’accorde à Yalta sur la mise en place « d’élections libres et sans contraintes ». Pourtant, Staline n’a pas la moindre intention de dissoudre le gouvernement de Lublin ni de se soumettre à de véritables élections libres, il réaménagera seulement l’équipe de Lublin en ajoutant quelques membres supplémentaires polonais.

[modifier] La déclaration sur l'Europe libérée

Cette déclaration a été proposée par Roosevelt et montre généreusement les principes censés permettre l’établissement d’un « ordre mondial régi par le droit ». Il est dit dans cet article que dans chacun des pays libérés, des gouvernements provisoires seront constitués en ayant la forme et la politique que chacun de ces Etats souhaite. Il est aussi dit que des élections libres auront lieu dans chacun de ces pays. Cet article est une grande preuve de naïveté de la part de Roosevelt qui se félicite d’avoir donné une tonalité morale aux accords de Yalta. D’ailleurs, par cynisme ou lassitude, Staline approuve tout sans protester.

Cependant, cette déclaration sur l’Europe libérée ne mentionne pas une convention anodine sur la libération des prisonniers. Celle-ci n’apparaît ni dans le communiqué officiel ni dans le protocole des travaux. Elle prévoit que tous les prisonniers des allemands seront regroupés par nationalité et dirigés vers leur pays d’origine. En réalité de nombreux prisonniers russes ne souhaitent pas repartir en URSS. On évalue à deux millions le nombre de soviétiques rapatriés contre leur gré et promis à un sort tragique.

[modifier] Conclusion

Dans le communiqué officiel du 11 février 1945, on ne fait pas état des trois sièges concédés à l’URSS à l’assemblée générale de l’ONU, ni de l’évaluation des réparations allemandes, ni des avantages territoriaux reconnus à l’URSS en Asie. Ce communiqué produit donc une profonde impression sur la presse et dans les milieux parlementaires. Aux Etats-Unis et en URSS l’enthousiasme est très présent. En Europe occidentale, la satisfaction est plus nuancée, les britanniques évoquent le chaos allemand après Versailles comme un exemple à ne pas suivre. En France, les réactions sont négatives : Charles de Gaulle dénonce le manque de précision sur le cas polonais et perçoit immédiatement la naïveté de la déclaration sur l’Europe libérée, mais il reconnaît l’importance des concessions faites à la France.

En plus des résultats de Yalta qui sont très approximatifs, on peut constater l’absence de points importants sur le futur européen. Les trois chefs d’état n’ont accordé aucun point sur la question des déportés. Les soviétiques avant libéré Auschwitz le 27 janvier, mais rien n’est révélé avant début mai. Deux états européens auraient aussi pu faire parti des discussions de Yalta : La Grèce avec l’intervention anglaise contre les miliciens communistes, et la Yougoslavie avec la crise menée par le général Tito.

La prochaine conférence réunissant les trois alliés sera celle de Potsdam d’août 1945 qui tentera d’éclaircir certains points jugés trop flous à Yalta.

[modifier] Notes

  1. Cf. J. B. Duroselle, Dictionnaire d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, Larousse, 1980
  2. A. Conte parle de la « candeur de l'Occident » (in : Yalta ou le partage du monde, R. Laffont, 1964, p. 364) et A. Fontaine de « l'espoir insensé qu'il (i.e. Roosevelt) nourrissait de voir la patrie du socialisme s'associer à la garantie d'un ordre international dont celle du capitalisme aurait été pour longtemps le véritable leader. » (in : La Guerre froide 1917-1991, Éditions de la Martinière, 2004, p. 87)
  3. cité par A. Fontaine, Le Monde du 5 février 1990
  4. La Conférence de Yalta débouchera sur deux textes: un communiqué disponible au public et un autre non disponible au public

[modifier] Bibliographie

Yalta ou le partage du monde de Arthur Conte, Editions "J'ai lu leur aventure" n°A108/109

La Seconde guerre mondiale, 1942-1945 de Raymond Cartier, Editions Presses de la Cité, Paris, 1965

Yalta de Pierre de Senarclens, Editions PUF, Collection Que sais-je?, Paris, 1984

Histoire des relations internationales 1945-1962 de Charles Zorgbibe, Editions Hachette, Paris, 1995

[modifier] Voir aussi

On notera en particulier les conférences de Casablanca et de Téhéran (tenues avant Yalta) ainsi que celles de Potsdam et de San Francisco (tenues après Yalta).

[modifier] Liens externes

[modifier] Annexe

Communiqué final de la Conférence de Yalta, 11 février 1945

La conférence de Crimée entre les chefs des gouvernements des États-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni et de l'Union des républiques socialistes soviétiques, qui eut lieu du 4 au 11 février, est arrivée aux conclusions suivantes :

I. Organisation du monde

Il a été décidé que :

1° Une conférence des Nations unies sur l'organisation mondiale envisagée serait tenue le mercredi 25 avril 1945, aux États-Unis d'Amérique.

2° Les nations invitées à cette conférence seraient : a) Les Nations unies, telles qu'elles existent au 8 février 1945 et b) Les nations associées qui, avant le 1er mars 1945, auraient déclaré la guerre à l'ennemi commun. Lors de la conférence sur l'organisation du monde, les délégués du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique appuieront la demande d'admission en qualité de membre originel de deux républiques socialistes soviétiques, nommément l'Ukraine et la Russie blanche.

3° Le gouvernement des États-Unis consulterait, au nom des trois puissances, le gouvernement de la Chine et le Gouvernement provisoire français sur les décisions prises à la présente conférence, en ce qui concerne l'organisation du monde envisagée.

II. Déclaration sur l'Europe libérée

La déclaration suivante a été approuvée : Le Premier ministre de l'Union des républiques socialistes soviétiques, le Premier ministre du Royaume-Uni et le président des États-Unis d'Amérique [...] déclarent ensemble leur volonté commune de mettre en accord, pendant la période temporaire d'instabilité de l'Europe libérée, les politiques de leurs trois gouvernements, en vue de prêter assistance aux peuples libérés de la domination de l'Allemagne nazie et aux peuples des États d'Europe anciens satellites de l'Axe, pour résoudre, par des voies démocratiques, les problèmes politiques et économiques urgents. L'établissement de l'ordre en Europe et la reconstruction de la vie économique nationale devront être réalisés par des voies qui permettront aux peuples libérés de détruire les derniers vestiges du nazisme et du fascisme et de créer des institutions démocratiques de leur choix. Tel est le principe de la charte de l'Atlantique — droit de tous les peuples à choisir la forme de gouvernement sous lequel ils désirent vivre, restauration des droits souverains et de l'autonomie chez les peuples que des pays agresseurs en ont privés par la force. Pour favoriser les conditions dans lesquelles les peuples libérés pourront exercer ces droits, les trois gouvernements prêteront ensemble assistance aux peuples de tous les États européens libérés et des États anciens satellites de l'Axe en Europe chez lesquels ils jugeront que la situation l'exige en vue de, a) établir les conditions de la paix intérieure, b) prendre des mesures d'urgence pour aider les individus plongés dans la détresse, c) former des gouvernements intérimaires largement représentatifs de tous les éléments démocratiques de la population, qui s'engageraient à faire établir aussitôt que possible, par des élections libres, des gouvernements répondant à la volonté du peuple et, d) faciliter, là où ce sera nécessaire, le processus de ces élections.

III. Démembrement de l'Allemagne

Le Royaume-Uni, les États-Unis d'Amérique et l'Union des républiques socialistes soviétiques posséderont en Allemagne une autorité suprême. Dans l'exercice de cette autorité, ils prendront les mesures qu'ils estimeront nécessaires à la paix et à la sécurité futures, y inclus le désarmement, la démilitarisation et le démembrement de l'Allemagne.

IV. Zone d'occupation pour la France et conseil de contrôle en Allemagne

Il a été décidé qu'une zone de l'Allemagne serait allouée à la France pour être occupée par les forces françaises. Cette zone serait prélevée sur les zones britannique et américaine et son étendue serait fixée par les Britanniques et les Américains, en accord avec le Gouvernement provisoire français. Il a été aussi décidé que le Gouvernement provisoire français serait invité à faire partie de la Commission de contrôle alliée en Allemagne.

V. Réparations

L'Allemagne devra payer en nature pour les pertes causées par elle aux nations alliées pendant la guerre. Les indemnités de réparations devront être reçues en premier lieu par les contrées qui ont supporté le fardeau principal de la guerre. [...]

VII. Pologne

La déclaration suivante a été acceptée par l'Assemblée : Une nouvelle situation a été créée en Pologne à la suite de sa libération complète par l'armée Rouge. Cette situation exige l'établissement d'un Gouvernement provisoire polonais, auquel on pourra donner des bases plus larges qu'il n'était possible de le faire avant la récente libération de la partie occidentale de la Pologne. Le Gouvernement provisoire qui est maintenant en fonction en Pologne sera en conséquence réorganisé suivant des bases démocratiques plus étendues, avec l'inclusion de chefs démocrates se trouvant en Pologne même ou à l'étranger. Ce nouveau gouvernement prendra le nom de Gouvernement provisoire polonais d'Unité nationale. Le Gouvernement provisoire polonais d'Unité nationale s'engagera à procéder à des élections libres et sans entraves aussitôt que possible, sur la base du suffrage universel et du scrutin secret. Tous les partis démocratiques et anti nazis auront le droit de participer à ces élections et de présenter des candidats. Les trois chefs de gouvernement considèrent que la frontière orientale de la Pologne devra suivre le tracé de la ligne Curzon, avec des écarts, en quelques régions, de cinq à huit kilomètres en faveur de la Pologne. Ils reconnaissent que la Pologne devra recevoir des cessions de territoires substantielles au Nord et à l'Ouest. Ils pensent que l'opinion du nouveau Gouvernement provisoire polonais d'Unité nationale devra être consultée en temps opportun, en vue de déterminer l'étendue des cessions, et que la délimitation finale de la frontière occidentale de la Pologne devra attendre ensuite la Conférence de la Paix.

Signé

J.V Staline W.S. Churchill F.D. Roosevelt M.-S. Adamian