Va, pensiero

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Va, pensiero (Va, pensiero, sull'ali dorate) est l'un des chœurs de musique lyrique les plus connus. Il est tiré de la troisième partie du Nabucco de Giuseppe Verdi (1842) où il est chanté par les Hébreux prisonniers à Babylone.

Le poète Temistocle Solera a écrit ces vers en s'inspirant du psaume 137 Super flumina Babylonis.

Sommaire

[modifier] Analyse musicale

Le chœur – que Rossini définit comme « una grande aria cantata da soprani, contralti, tenori, bassi »[1] (« une grande aria chantée par des sopranos, des contraltos, des ténors et des basses ») – est écrit dans l'insolite tonalité de fa dièse majeur.

Dans la brève introduction orchestrale, les sonorités initiales, sombres et mystérieuses, alternent avec la soudaine violence des cordes en trémolo sur les arpèges des basses et les dernières mesures, avec les ornementations de flûtes et clarinettes pianissimo, semblent évoquer les lieux chers et lointains dont parlent les vers.

La cantilène à 4/4, sombre et élégiaque, débute sur un long unisson du chœur tutti sotto voce (tous à mi-voix), l'orchestre marquant avec douceur les temps et les contretemps en triolets. Elle se dénoue sur les paroles «Arpa d'or dei fatidici vati», trouvant son moment de plus grande vigueur, le chœur chantant à six voix sur d'amples vagues d'accompagnement de sextolets arpégés en do dièse majeur, avant de se présenter une dernière fois à l'unisson («O t'ispiri il Signore un concento») enrichie par les grupettos délicats des bois.

[modifier] Texte et traduction

Texte italien
Va, pensiero, sull'ali dorate;
Va, ti posa sui clivi, sui colli,
Ove olezzano tepide e molli
L'aure dolci del suolo natal!
Del Giordano le rive saluta,
Di Sionne le torri atterrate...
Oh mia patria si bella e perduta!
O membranza sì cara e fatal!
Arpa d'or dei fatidici vati,
Perché muta dal salice pendi?
Le memorie nel petto raccendi,
Ci favella del tempo che fu!
O simile dei Solima ai fati
Traggi un suono di crudo lamento,
O t'ispiri il Signore un concento
Che ne infonda al patire virtù!
Traduction littérale
Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et molles,
Les douces brises du sol natal !
Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion ...
Oh ma patrie si belle et perdue !
Ô souvenir si cher et fatal !
Harpe d'or des prophètes fatidiques,
Pourquoi, muette, pends-tu au saule ?
Rallume les souvenirs dans le cœur,
Parle-nous du temps passé !
Ou semblable au destin de Solime
Tire le son d'une cruelle lamentation
Ou que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances !

[modifier] Analyse lexicale et syntaxique

Les principales particularités lexicales du Va, pensiero tiennent à la présence de termes de registre soutenu comme clivi, olezzano, membranza, favella, fatidici, traggi, concento selon l'usage du XIXe siècle dans le domaine de la prose comme de la poésie. Solime, qui est la dénomination grecque de l'ancienne ville sacrée, est utilisé de préférence à Jérusalem qui indique la ville fortifiée.

Le style élevé correspond non seulement à un choix lexical classique, dans le goût latin, mais permet de respecter la prosodie, la longueur des vers et les rimes qui marquent la composition.

En tant qu'hymne, genre de tradition ancienne, la composition doit respecter une structure métrique bien connue dans la littérature italienne et européenne. Il s'agit de seize décasyllabes divisés en quatre quatrains.

Selon l'usage de la poésie écrite pour la musique, de dernier vers de chaque quatrain est tronqué et donc constitué de neuf syllabes.

Un tel schéma, employé également dans les canzonette du drame lyrique, est le propre de l'ode qui partage avec l'hymne un code rigide, représentant un modèle réservé aux textes à haute valeur civile et religieuse, épique et patriotique. Le ton oratoire est solennel et injonctif, destiné à obtenir la persuasion et à retenir l'attention de l'auditeur. A cet effet, le texte est riche d'interjections et d'exclamations.

Dans un mode imitant les classiques, les personnifications indirectes de la pensée et de la harpe au moyen de l'apostrophe, utilisent une figure rhétorique induisant une forte émotion et une implication intense. La relation communicative qui s'instaure est exprimée par les pronoms personnels. Le chœur « tutoie » la pensée, la patrie, le souvenir, puis la harpe, assumant à la fin la première personne du pluriel : « parle-nous », « donne-nous ».

Les choix rhétoriques et lexicaux s'accompagnent d'une solide architecture syntaxique et d'une attention particulière à l'euphonie qui rehausse encore plus l'effet d'ensemble de la composition, en premier lieu au moyen de l'alternance des rimes. La distribution, tant sonore que spatiale, est la suivante :

1er quatrain
1.1 dorate
1.2 colli
1.3 molli
1.4 natal
2e quatrain
2.1 saluta
2.2 atterrate
2.3 perduta
2.4 fatal
3e quatrain
3.1 vati
3.2 pendi
3.3 raccendi
3.4 fu
4e quatrain
4.1 fati
4.2 lamento
4.3 concento
4.4 virtù

Dans chaque quatrain, à l'exception du second, les deux vers centraux riment uniquement entre eux, pendant que le premier et le dernier riment avec les vers correspondants du quatrain suivant. Dans le second quatrain, c'est le second vers qui rime avec le premier du groupe précédent. L'effet est un lien sonore interne à chacun des couples de quatrains (1-2 et 3-4).

[modifier] Autour de la composition

  • Le chœur des hébreux fut interprété par le public de l'époque comme une métaphore de la condition des italiens soumis à la domination autrichienne.

[modifier] Notes et références

  1. Carlo Gatti, Verdi, Milan, 1981, p. 162.

[modifier] Sources

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes