Urbanisme sur dalle

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La dalle de la Défense, près de Paris
La dalle de la Défense, près de Paris

En France cet urbanisme opérationnel appelé l'urbanisme de dalle ou urbanisme sur dalle est une continuation de l'urbanisme de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, une composante de grands projets avec économie d'échelle en réponse à la pénurie de logements en ville[1] et le besoin de bureaux.

Il part de l'idéologie urbaine allant de Léonard de Vinci (Città ideale, 1487-1490), à Tony Garnier, Eugène Hénard (Rapport sur l’avenir des grandes villes, 1910) ou Ludwig Hilberseimer (Hochhausstadt, 1924) qui considère d'abord la ville comme une gestion des flux.

On prend en compte l'évolution des techniques et matériaux de construction donnant la modernité de l'habitat, en même temps que les besoins induits de la nouvelle société de consommation, complétée avec la (nouvelle) accession à la propriété en France.

Cette mise en forme de la ville, " l’espace ouvert contenant des fluides canalisés " a été pensée par les urbanistes empreints des notions de la machine-à-habiter et ils effectuent la distribution en zones horizontales dans le tissu urbain. Dans l'esprit du temps 1960 modernisation et mécanisation[2] , les principes de séparation par nature des éléments circulants et de séparation par fonction des lieux hérités du fordisme étaient applicables à la zone multifonctionnelle, la ville que l'on doit étendre ou cureter. Ces principes s'étaient imposés de façon explicite dans les édifices et domaines publics relevant de l'aménagement effectué à l'époque. Séparation des hommes et des machines, du personnel soignant, naviguant, de sécurité et des usagers patients – clients - étudiants dans les centres hospitaliers – aéroports - domaines universitaires nouvellement construits, dissociation des zones leur étant accessibles tout en ayant des liaisons entre elles.

Sommaire

[modifier] Définition

Séparation des fonctions : la « gare des Gobelins » approvisionne le quartier asiatique de Paris sous la dalle des Olympiades
Séparation des fonctions : la « gare des Gobelins » approvisionne le quartier asiatique de Paris sous la dalle des Olympiades

L'urbanisme de dalle est la séparation totale des cheminements piétons et de la circulation automobile, par un éclatement de la rue en plusieurs niveaux selon sa fonction utile : soit liaison dynamique entre parties à rejoindre, soit espace de flânerie quasi statique. On crée un sol "artificiel" en continuation historique avec l'esprit de génie civil qui préside aux travaux d'assèchement, de remblaiement, d'arasement portant sur les lieux habitables.

On établit l'usage de deux ou trois niveaux distincts. En général, le(s) niveau(x) sous-terrain(s) pour les transports en commun, chemin de fer métropolitains traditionnellement enterrés auxquels on peut adjoindre bus et taxis, et les approvisionnements des magasins. Le niveau 0 (sol naturel) est donné aux voitures particulières qui ont la liberté d'évoluer la plus moderne [3]. La dalle est pour les habitants-piétons, ils se déplacent sur des passerelles de jonction entre les pôles d'intérêt eux même distincts:

  • La zone des habitations où le commerce de proximité existe toujours pour affirmer le respect des besoins quotidiens sans charge excessive à subir.
  • La zone centrale des commerces de masse inter- quartiers, la " grande surface". Elle comporte des silos de stationnement drainant les véhicules des zones urbaines classiques.
  • La zone des lieux de travail tertiaire (début du secteur économique du service).
  • La zone de culture et de loisir en unités institutionnelles (auditorium, maison de la culture, équipement sportif). Mais aussi en définition plus ou moins ferme des zones d'animations voulues ou spontanées sur les passages. Elles sont réparties (marché d'art, forum d'associations) et s'implantent sur des amphithéâtres naturellement accessibles formés par les dalles d'accès, par les zones vertes intégrées ou de bordure .
  • La zone verte peut être multiforme : jardins suspendus disséminés, parc central au niveau du sol, "coulée verte" de périphérie [4] encadrant les éléments marquants sur lesquels l'urbanisation s'appuie: cours d'eau, voie à grande circulation, centre historique.

Toutes les zones sont sur des dalles devenues paysagées avec leurs illustrations de végétation en reprenant l'idée du parvis ou du mail voire de l'esplanade. Elles bénéficient a priori de points de vue ordonnés, d'un grand ensoleillement, d'une meilleure pureté d'air et d'un confort acoustique dus à l'éloignement des nuisances. Elles respectent les normes d'accès sécurité (incendie, ambulance...). Elles sont équipées de mobilier urbain dans une combinatoire plus ou moins riche permettant un repère, la circulation des éléments mobiles étant basée sur des droites rompues ou des arcs de cercle aboutés. Les surfaces sont considérées comme une peau amovible (architectonique du bardage et de la dallette) et non pas comme faisant partie de la structure porteuse, ceci pour permettre l'accès aux canalisations des fluides desservant les unités d'habitation, depuis les unités de service (chauffage, froid, studio local de télévision câblée...)

[modifier] En France, les acteurs dans leurs contextes

Ces plans d'aménagements peuvent apparaître l'expression de politiques urbaines aussi directrices que celles du Baron Haussmann au XIXe siècle, elles ont cependant été collégialement décidées par les acteurs politiques, les techniciens urbanistes-architectes, les techniciens urbanistes-ingénieurs, les sociologues, les plasticiens qui n'avaient pas un rôle en avant-plan, à une époque qui considérait le cadre de vie comme accessoire face aux enjeux économiques et politiques de paix retrouvée, avec une volonté d'élimination des taudis criants et des bidonvilles, en mettant en place des solutions durables par les grands ensembles [5] dans des ZUP à la place des réponses ayant un caractère éphémère palliant les carences flagrantes, ces constructions en cités d' urgence qui avaient été faites par les associations.

Ce schéma tient compte d'une promotion immobilière régulée par d'autres éléments que le marché purement économique.

La prolongation de la perspective monumentale Le Louvre – Les Champs-Élysées depuis Paris jusqu’à Puteaux La Défense fut un modèle de progrès à suivre pour les décideurs qui voulaient une France très moderne [6]. D’autres jugèrent l’opération être un " fait du Prince " décidé à laisser une marque pour la postérité avec pour concession les Métropoles d’équilibre régional.

Dans leurs rapports avec les maîtres d'ouvrage, les architectes en cabinet et les ingénieurs en bureau d’étude se sont disputé mutuellement leurs prérogatives de maîtres d'œuvre [7]. Les protestations face aux schémas d'urbanisme "de chemin de grue" sont d'abord celles des acteurs concepteurs de ce secteur. Ils généreront l'expression "urbanisme de dalle" avec ses connotations, essentiellement négatives au départ, sur la génération possible plus ou moins rapide, plus ou moins dense du tissu urbain réticulaire agrégatif normalement lent dans sa croissance.

Si le béton a été utilisé pour les constructions industrielles dès le début du XXe siècle, les entreprises du bâtiment se distinguèrent les unes des autres à la période 1960 entre entreprises de gros œuvre effectuant les structures et entreprises de second œuvre habillant celles-ci. Les entreprises ayant le savoir faire pour les structures en béton eurent une croissance de taille individuelle remarquable, et suivant le marché, certaines prirent une forme juridique correspondant à l’industrie, puis ces entreprises effectuèrent des concentrations dans leurs domaines d’activité et devinrent régionales ou nationales et même internationales[8]. Les entreprises de second œuvre restèrent de taille petite ou moyenne, nombreuses et diverses par leur formes juridiques [9].

Les intervenants de la maçonnerie traditionnelle n’ont pas adhéré au concept du béton armé, pour beaucoup d’entre eux[10]. L’absence de vocation dans la maçonnerie générale à ce nouveau métier fit qu’une partie importante des acteurs réalisant concrètement le nouvel urbanisme sur dalle ou non a été une population immigrée en France de l’ancien empire colonial d’Afrique du Nord, (sur le même modèle que l'emploi des Indiens dans la construction métal de gratte-ciel aux États-Unis): Une main d’œuvre pour les besoins de la cause économique que l’on a formée avec le savoir-faire minimum requis par les nouvelles techniques employées (Ouvriers Spécialisés du gros œuvre, du terrassement, des voies et routes).

Les marques médiatiques du discours de Le Corbusier furent importantes en France [11], mais cette vue des choses concerne en fait presque toutes les villes dans le monde utilisant des techniques de construction modernes béton-métal-verre.

[modifier] L'opposition de l'époque, son schéma directeur et ses perspectives

Au fonctionnalisme urbain succèdera en 1970 la naissance de l'écologie populaire : c'est celle de la réhabilitation des vieilles pierres de centre ancien qui restent dans leurs rues qui peuvent être piétonnisées là où le quartier est "retrouvé", mais pas forcément par ses habitants initiaux. (Cette conception est partagée (Suisse, Canada)).

On revient au niveau du sol "normal" avec la complexité de l’accessibilité du sous-sol technique. Le piéton est dans la rue, l’automobile passe dans des trémies.

Cette conception comprendra aussi, plus tard, celle de la réhabilitation des vieux quartiers avec changement de destination des bâtiments d'usine-entrepot du patrimoine industriel en habitat - bureau - commerce - musée situés sur avenues [12].

[modifier] L'abandon de cette conception de dalle surélevée

L'image de l’empreinte dans le paysage urbain fut au départ positive puis dégradée pour les constructeurs. Et l'image fut fortement négative quasiment dès le début pour les concepteurs urbanistes-architectes : leur rôle fut considéré par la population comme rudimentaire de facilité, accessoire face à certaines prouesses techniques ou inconsistant dans le résultat de la qualité de vie, ce qui fit que sauf cas d'exception il ne fut pas trouvé à retenir leur noms en mémoire de "coup de patte" à leur actif.

La notion de quartier sur dalle ou non est devenue rapidement inconsistante dans le ressenti des citadins parfois au profit de la notion de mini-ville moderne embryon de mégapole futuriste comportant souvent une circulation interne en labyrinthe à la fois pour l'automobiliste et pour le piéton.

Le sujet deviendra politique[13] pour la sécurité des personnes pour les lieux concernés par la conception de l'idée : " HLM-ville nouvelle"[14]. Apparaît l'idée de ville désarticulée coupée en morceaux par les voies de circulation saturées qui ont le même effet dans ce cas que les anciens remparts supprimés au IXXes et XXeS. On parle d'urbanisme de technocrate. Le problème architectural et urbanistique sur dalle ou non est un épiphénomène du problème économique[15] et du problème social de repérage.

Ce phénomène est accentué dès 1970 par l’environnement global d’automatisation sans présence humaine (guichets automatiques). Le caractère très minéral de ces réalisations est jugé brutal, la verticalité de l'habitat est vécue comme un entassement nuisant à l'intimité plutôt qu'ayant un effet de rassemblement positif.

En France, constituant une rupture historique[16], l'usage de fait mono-fonction du quartier engendra une déstabilisation dans la société de proximité (regroupement identitaire) [17].

Sur la durée, techniquement le maintien en état des zones aménagées sur dalle et de leurs éléments posa problème, (par exemple des passerelles jamais raccordées, des bétons en mauvais état, des raccourcis dangereux utilisés par les piétons, une conception de l'accès des personnes à difficulté de mobilité à revoir), avec comme solution un retour au rez-de-chaussée des accueils.

[modifier] Une vision de la rue finalement perturbée

Avec les (nouvelles) facilités de vie pour le plus grand nombre à se déplacer en toute autonomie, cela autorisera par effet de balancier la rurbanisation galopante de 1980 aux conséquences inverses du phénomène démographique de 1960 en France. Il y eut là (pour la société aménageuse -de tout pays, quelle que soit sa structure administrative d'aménagement, qui s'occupe autant de la forme de la ville que des flux qui la traversent-) une solution extrêmement confuse de réponse aux besoins individuels multiples s'exprimant sur et avec le terrain naturel par l'effet du marché foncier et immobilier et les besoins sécuritaire ou écologique exprimés.

La régulation du bâti et de son schéma d'extension n'était plus faite par le moyen de la route. Celles utilisées sont devenues localement une transformation à la fois de la rue propre à la ville multifonction et du chemin vicinal propre au village essentiellement monofonction agricole dans un tissu d'exploitation rendu décousu.

L'urbanisation de Berlin après la réunification RFA-RDA montre l’évolution, le schéma se compose de structures closes et appropriables, des blocs (pâtés de maisons à cour intérieure carrée) définissant des rues et non pas des voies de circulation. Il est une reprise vers 1990 de l'urbanisme plus "classique" sur un contexte de juxtaposition de modèles typés, de modes de vie qui sont par essence habituellement éloignés géographiquement, ceux-ci étant dus au morcellement de Berlin après guerre.

[modifier] Exemples d'urbanisme sur dalle d'intérêt international ou régional

[modifier] Liens (sur les nouveautés à l'époque de conception)

[modifier] - La (nouvelle) accession à la propriété en France

[modifier] - Les (nouvelles) techniques de construction

[modifier] - Les (nouvelles) facilités de vie

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes

  1. Période 1960: 50 Millions de Français suite au baby-boom, 1 Million de rapatriés d’Afrique du Nord, changement de structure économique avec marché de l'emploi passant de la campagne vers la ville (voir remembrement et concentrations industrielles hors Paris), changement de structure de la famille (de 3 à 2 générations par foyer), 100 000 régularisations par an d’immigrés.
  2. Ve République. Traité de Rome. Nouveau Franc. Accès à l’éducation pour tous. Télévision et transistor. Passage 220V du réseau électrique avec fin des délestages. Gaz de ville. Tout-à-l'égout généralisé.
  3. cf Tati Playtime !.
  4. Toujours des fluides...
  5. Amortissement de la construction: 30 ans, égale à sa durée de vie probable sans réinvestissement majeur
  6. L'architecture moderne -fait d'architecte- n'est pas structurellement liée à l'urbanisme moderne -fait d'urbaniste- (y compris pour le monumental). L'architecture sur dalle a généralement un épannelage cubique utilisant des principes architecturaux en place depuis plusieurs décennies - cf: Bauhaus.
  7. Entre capacité à bâtir techniquement, savoir bâtir harmonieusement et aussi savoir répondre au besoin social, le législateur en France constatera les compétences respectives par la loi 77-2 du 3 janvier 1977 (architecture et ingénierie). Concernant le béton avec sa mise en chantier, l'Afnor posera les règles dès 1960 par la succession des DTU .
  8. ex : Bouygues, Dumez, Compenon Bernard, Fougerolles , SAE.
  9. artisanat (individuel) et PME.
  10. La tradition d'édification est l' appareillage : des pierres obtenues par la taille ainsi que de briques de céramique cuite et moulée. Avec pour école idéale le compagnonnage. La nouvelle construction en béton armé s'en écarte pour concevoir des monolithes constitués par la prise d'éléments verticaux et horizontaux coulés et préalablement calculés qui n'ont pas le même comportement que les bâtisses traditionnelles plus flexibles vis à vis du terrain de construction pendant le chantier et sur la durée de vie de l'édifice.
  11. Oraison à ses obsèques par André Malraux .
  12. Pour compléter, on respectera ultérieurement les notions de zone rurale évoluant en zone péri-urbaine industrielle avant d'être zone proprement urbaine intégrée au centre qui bouge (poumon vert). On y adjoindra de préférence les déplacements doux à l'automobile - liberté.
  13. Contestation de l'organisation sociale par les opposants qui dénomment avec connotation purement négative cette conception 'État-providence', forme d'état qui ne peut que susciter fondamentalement l'immoralité dans la population
  14. A contrario, on abandonne pas le sol artificiel à Monaco et Lausanne.
  15. Précarité d’emploi. Logements au confort plus habituellement répandu. Perte de l’aspect positif d’être dans un quartier moderne qui a un futur intéressant.
  16. A l’exception du coron.
  17. Expatriés seuls, les immigrés acteurs du bâtiment ne furent pas les premiers occupants des logements du nouvel urbanisme sur dalle ou non. La première vague de bénéficiaires fut constituée des familles nombreuses en France. Refux avec la fin des effets du baby-boom. La deuxième vague fut composée des ayants droits aux facilités accordées avec un emploi dans la structure publique administrative et industrielle et commerciale (EPA EPIC) . Reflux avec la possibilité d'utiliser une structure des transports bien installée.