Thrombopénie

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Sommaire

[modifier] Définition

Baisse variable du nombre de plaquettes sanguines, en pratique inférieure à 150 000 / mm³.

[modifier] Intérêt

Qu'elle soit associée à une symptomatologie ou non, la valeur sémiologique d'une thrombopénie ne doit jamais être négligée.

Schématiquement et selon son importance, elle peut orienter vers une pathologie maligne, témoigner de la gravité d'une pathologie habituellement bénigne ou encore mettre immédiatement en jeu le pronostic vital. Le deuxième cas est le plus fréquent.

Devant le nombre d'étiologies de cette anomalie fréquente en milieu hospitalier, il faut savoir orienter efficacement le diagnostic.

[modifier] Physiopathologie

L'individualisation d'une thrombopénie est faite uniquement sur l'hémogramme, elle n'est pas synonyme de purpura ou d'hémorragie, même si de nombreuses thrombopénies peuvent s'exprimer de ces manières.

Quelques remarques doivent être émises en préambule :

Le nombre de plaquettes ne subit aucune variation selon l'âge ou le sexe.

L'artéfact le plus fréquent est la formation dagrégats plaquettaires lié à l'EDTA utilisé pour le prélèvement, conduisant à la sous-estimation du nombre réel de plaquettes. Le biologiste joue un rôle essentiel dans l'affirmation d'une telle agrégation, il peut aussi avoir une macrothrombocytopénie méditerranéenne où l'on retrouve une thrombopénie modérée avec de très grosses plaquettes chez des sujets du pourtour méditerranéen.

Le risque hémorragique est estimé comme suit :

  • Il n'y a aucun risque au-dessus de 100 000 / mm³,
  • Le risque existe entre 50 000 et 100 000 / mm³ seulement s'il existe une lésion associée comme une atteinte endothéliale ou une thrombopathie,
  • La thrombopénie peut être seule responsable d'hémorragie si elle est en-dessous de 50 000 / mm³,
  • Le risque est majeur, c'est-à-dire justifiant la transfusion de plaquettes, en dessous de 20 000 / mm³.

Deux mécanismes principaux sont à l'origine d'une thrombopénie. Ils constituent une des données fondamentales du diagnostic étiologique.

  • La thrombopénie centrale obéit à la perturbation de la production des plaquettes dans la moelle osseuse. Il peut s'agir soit de la raréfaction des cellules-souches, soit du blocage des précurseurs, soit enfin du dysfonctionnement de la thrombocytopoïèse.
  • La thrombopénie périphérique est la diminution des plaquettes déjà formées, par destruction, séquestration, perte ou consommation.

[modifier] La première consultation

Deux situations doivent être individualisées :

  • Le patient ou le médecin connaît la thrombopénie ou elle s'intègre dans un cadre pathologique précis, auquel cas l'enquête étiologique est en partie ou totalement faite. La disponibilité d'un hémogramme aide grandement le diagnostic.
  • Il s'agit d'une découverte sans éléments cliniques d'orientation.

Quoiqu'il en soit, le diagnostic étiologique d'une thrombopénie doit obligatoirement comporter :

  • Un interrogatoire et un examen clinique complets.
  • Des examens complémentaires dont un hémogramme qui reste l'élément-clé.

Trois phases sont à distinguer : il faut affirmer ou infirmer la thrombopénie, en déterminer le mécanisme et mettre en évidence une cause précise.

[modifier] Les données cliniques d'orientation

[modifier] Âge

L'origine d'une thrombopénie est surtout d'origine

  • immunologique chez le nouveau-né
  • infectieuse chez l'enfant
  • maligne, incluant les dysmyélopoïèses, chez l'adulte âgé.

[modifier] Sexe

Les collagénoses sont plus fréquentes chez la femme mais il s'agit là d'un argument diagnostic peu utile.

[modifier] Antécédents

  • Familiaux : les maladies hémorragipares (= qui peuvent donner des hémorragies).
  • Personnels : VIH +++

Parmi les antécédents immédiats, il faut rechercher les maladies infectieuses, les maladies connues comme évolutives, un alcoolisme ou une toxicomanie dont l'intérêt est d'orienter vers une infection VIH. Dans les antécédents lointains, on s'enquerra des grossesses chez la femme, des éventuelles transfusions ou encore ici d'une toxicomanie. Les prises médicamenteuses et traitement en cours doivent être précises ainsi que les vaccinations.

[modifier] Les circonstances de découverte

Entre la symptomatologie cataclysmique rare faisant suspecter un mécanisme immunologique à la découverte fortuite fréquente sur un examen systématique, il existe tout un éventail de situations dont la constatation d'un syndrome hémorragique constitue la situation intermédiaire. Dans ce dernier cas, la durée de ces signes donne une idée de l'évolutivité de l'affection et peut parfois être un élément d'orientation diagnostic.

[modifier] Signes généraux

Ils sont liés non seulement à la maladie causale mais aussi aux conséquences d'un syndrome hémorragique responsable d'une anémie aiguë.

[modifier] Signes hémorragiques surtout purpuriques

Ils sont de couleur rouge foncé ou bleutée, persistent à la vitropression et passent successivement par les couleurs de la biligénie avant de disparaître sans séquelle. Répétés et suffisamment prolongés, ils peuvent prendre une couleur brun ocre, hémosidérinique.

  • Pétéchies : ce sont de petites taches rouges et planes, de 2 à 3 mm de diamètre, prédominant sur les régions déclives : les classiques têtes d'épingles. Elles apparaissent spontanément, après la mise en place d'un garrot ou après grattage.
  • Écchymoses : liées à une thrombopénie, elles sont de survenue spontanée ou lors d'un traumatisme minime, prédominant aux régions du corps exposées surtout au niveau des membres et se localisent à plusieurs territoires. Il n'y a pas de caractère macroscopique les différenciant des écchymoses traumatiques pures. De siège hypodermique, elle affectent une couleur bleutée.
  • Hémorragies muqueuses : elles se manifestent par des gingivorragies ou des épistaxis parfois incoercibles. Les ménométrorragies et hémorragies digestives se développent à partir de lésions sous-jacentes.
  • Bulles hémorragiques : forme particulière d'hémorragie muqueuse, leur siège préférentiel est la muqueuse buccale. En règle générale, elles ne sont pas isolées mais intégrées dans un tableau hémorragique cutané.

Le fond d'oeil doit être systématique en cas de signes purpuriques et/ou de thrombopénie profonde à la recherche d'une hémorragie rétinienne constituant un facteur de risque pour une hémorragie cérébroméningée.

Diagnostic différentiel : tout purpura n'est pas obligatoirement le témoin d'une thrombopénie.

  • C'est le cas des purpuras vasculaires dont le purpura rhumatoïde.
  • C'est aussi le cas des purpuras dermatologiques liés à une atrophie cutanée dans le purpura sénile des membres supérieurs ou à une insuffisance veineuse des membres inférieurs dans la dermite ocre.
  • Le purpura dysglobulinémique nécessite un bilan immunologique à la recherche de cryoglobulines.

Les signes hémorragiques doivent conduire à une estimation de la gravité de l'hémorragie. L'interrogatoire recherche les signes hémorragiques digestifs ou génito-urinaires, l'examen clinique une pâleur ou un syndrome tumoral orientant vers une hémopathie maligne.

Le reste de l'examen doit comporter un examen cutané et articulaire à la recherche de signes de connectivite ou de tout autre élément pathologique.

[modifier] Les examens complémentaires

[modifier] Hémogramme

C'est l'élément majeur d'orientation du diagnostic.

  • L'élément le plus important est bien sûr le nombre de plaquettes (voir physiopathologie : risque hémorragique). La lignée plaquettaire peut être le siège d'anomalies d'emblée caractéristique, macro-plaquettose par exemple.
  • La lignée rouge peut montrer une anémie dont il convient de déterminer les caractéristiques. Sur ce point, le caractère régénératif ou non est primordial.
  • Les anomalies de la lignée blanche sont beaucoup plus nombreuses (lymphocytose monomorphe, syndrome mononucléosique, myélémie, blastose, cellules lymphomateuses...).
  • C'est l'hémogramme dans son ensemble qui donne les possibles diagnostics envisageables.

[modifier] Bilan d'hémostase

Il doit comporter au minimum un taux de prothrombine, un temps de céphaline activée (TCA), un dosage du fibrinogène et un temps de saignement (TS). Ce bilan sera éventuellement complété par le dosage des facteurs du complexe prothrombinique, des produits de dégradation de la fibrine (PDF) et des complexes solubles.

[modifier] Autres examens

Le reste de l'exploration est fonction des données cliniques et de l'hémogramme.

  • Le myélogramme voire la biopsie ostéo-médullaire ne doit pas être systématique. Une de ses indications est un syndrome hémorragique avec hémostase normale. Selon la richesse mégacaryocytaire retrouvée, on séparera les thrombopénies centrales et périphériques. L'étude des autres lignées peut apporter des signes d'orientation.
  • L'étude isotopique plaquettaire à l'indium 111 (plus sensible que celle au chrome 51), déterminant la durée de vie et une éventuelle séquestration, est d'indication rare dans la recherche étiologique. Elle peut s'avérer utile dans un but pronostic (ex : indication de splénectomie dans le purpura thrombopénique idiopathique chronique).

[modifier] Diagnostic étiologique

[modifier] Thrombopénies centrales

L'étude de la moelle est obligatoire.

[modifier] Infiltration médullaire

Les mégacaryocytes sont normaux mais inhibés par la présence de cellules anormales.

La leucémie aiguë doit être redoutée car la thrombopénie est précoce et parfois importante avant même toute thérapeutique. Dans les autres affections citées, la thrombopénie est plus tardive et moins surprenante.

[modifier] Dysfonctionnements des lignées médullaires

  • Certains sont de diagnostic rapide, morphologique comme les mégaloblastoses par déficit vitaminique, les myélodysplasies primitives ou secondaires ou encore les aplasies médullaires à confirmer par une biopsie ostéo-médullaire.
  • Les autres exigent une exploration plus poussée pour être affirmée : hémoglobinurie paroxystique nocturne qui peut conduire à terme à une aplasie médullaire ou à une leucémie aiguë, thrombopénie cyclique plus rare que les neutropénies cycliques.

[modifier] Affections constitutionnelles

Héréditaires et retrouvées par l'interrogatoire ou non, ces affections comportent une thrombopénie qui est ou non l'élément principal de la symptomatologie.

  • Le diagnostic d'aplasie médullaire de Fanconi est porté chez le petit enfant, l'amégacaryocytose avec ou sans aplasie radiale dès la naissance.
  • Dans les maladies ci-dessous, la thrombopénie par mégacaryocytopoïèse inefficace n'est qu'un des éléments de la symptomatologie.

Le syndrome de Wiscott-Aldrich est marqué par un eczéma, une susceptibilité aux infections, des plaquettes de petite taille, un déficit de l'agrégation au collagène et à l'acide arachidonique. Il existe une thrombopathie.

Dans la dystrophie thrombocytaire hémorragipare de Bernard - Soulier, les plaquettes sont géantes et il existe un déficit d'agrégation à la ristocétine. La thrombopénie y est modérée.

L'anomalie de May - Hegglin est caractérisée par des plaquettes géantes et des anomalies des polynucléaires qui présentent des corps de Döhle.

[modifier] Atteinte extrinsèque de la lignée mégacaryocytaire d'origine médicamenteuse

Citons les thrombopénies du nouveau-né de mère absorbant des thiazidiques, ayant subi une chimiothérapie, une irradiation thérapeutique ou accidentelle ou des infections virales dont la rubéole en premier lieu ou encore ayant souffert d'alcoolisme aigu.

La plupart des agents antimitotiques sont susceptibles d'induire une thrombopénie par toxicité directe sur les précurseurs mégacaryocytaires.

En dehors des agents antimitotiques, les oestrogènes, thiazidiques, tolbutamide et alcool ont une action plus spécifique sur les mégacaryocytes.

Devant le nombre d'étiologies centrales, il est nécessaire de s'orienter par la fréquence respective des pathologies.

  • Pathologies fréquentes : leucémies aiguës, lymphomes, métastases, myélofibrose, dysplasies.
  • Pathologies rares : tuberculose, mégaloblastose, alcoolisme aigu, irradiation, infections virales, thiazidiques, oestrogènes.
  • Pathologies exceptionnelles : ostéopétrose, hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN), thrombopénie cyclique, aplasie de Fanconi, AAR, Wiscott - Aldrich, Bernard - Soulier, May - Hegglin.

[modifier] Thrombopénies périphériques

[modifier] Destruction immunologique des plaquettes

  • Purpura thrombopénique idiopathique : production d'anticorps antiplaquettes chez des sujets antérieurement sains et ne prenant aucun médicament. L'origine immunolgique est affirmée par la présence d'une quantité importante d'immunoglobulines à la surface des plaquettes.
  • Pathologies auto-immunes : hémopathies lymphoïdes (leucémie lymphoïde chronique en particulier), collagénoses, dystrophies auto-immunes, anémies hémolytiques auto-immunes...
  • Purpura thrombopénique post-transfusionnel (rare). Il survient brutallement huit jours après une transfusion chez le sujet antérieurement transfusé et immunisé possédant des plaquettes PlA1.
  • Purpura thrombopénique néonatal : le mécanisme est soit un passage transplacentaire d'anticorps de purpura thrombopénique idiopathique chronique, soit une alloimmunisation foeto-maternelleayant conduit à la formation d'anticorps anti-PlA1. La thrombopénie est transitoire.
  • Purpura thrombopénique infectieux : le mécanisme est similaire à celui du purpura thrombopénique idiopathique mais l'infection causale est parfaitement identifiée. L'évolution se fait vers la résolution parallèle à l'infection. Il est possible d'observer une thrombopénie au cours de septicémies. Le purpura fulminans est une variété particulière de purpura infectieux s'accompagnant d'un collapsus surtout dû au méningocoque.
  • Purpura thrombopénique médicamenteux immunoallergique : la thrombopénie est brutale avec un syndrome hémorragique après un délai moyen de dix jours mais qui peut être beaucoup plus important. Il existe des tests in vitro permettant le diagnostic. Après suppression du médicament en cause, la guérison survient en cinq à dix jours.

[modifier] Consommation par un processus de coagulation qui dépasse les capacités de régénération médullaire

  • Coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD) : la CIVD est caractérisée par une diminution du fibrinogène et des facteurs II, V et VIII, une augmentation des produits de dégradation de la fibrine (PDF) et des complexes solubles. Les processus de déclenchement sont variés.
  • Purpura thrombotique thrombopénique ou syndrome de Moscowitz se caractérise par de la fièvre, une anémie hémolytique avec schizocytes, une insuffisance rénale aiguë et des manifestations neurologiques. Le point de départ est mystérieux (certainement une lésion endothéliale) mais les signes sont en rapport avec le dépôt de fibrine au niveau lésionnel.

Dans le syndrome hémolytique et urémique de l'enfant, la situation est voisine mais les signes neurologiques sont au second plan.

  • Cause mécanique : citons les thrombopénies liées aux prothèses valvulaires.

[modifier] Séquestration splénique : l'hypersplénisme

Physiologiquement, la rate est un lieu de stockage plaquettaire expliquant la thrombocytose des splénectomisés.

Une splénomégalie s'accompagne donc d'une augmentation du nombre de cellules emmagasinées. On retrouve une pancytopénie modérée avec des plaquettes aux alentours de 100 000 / mm³. Un signe en faveur est la leucopénie sans inversion de formule. La cause la plus fréquente est la cirrhose hépatique.

D'autres séquestrations sont possibles : brûlures étendues, hypothermie...

[modifier] Hypoplaquettose au cours de transfusions massives de concentrés de globules rouges ou lors d'une circulation extra-corporelle

La compensation thérapeutique du déficit d'hématies induit une hypoplaquettose et une leucopénie modérées. L'hémodilution joue un rôle. Dans la circulation extra-corporelle (CEC), les plaquettes sont consommées au niveau des surfaces artificielles.

[modifier] Pronostic

Il faut individualiser les facteurs aggravants :

  • âge plus grand que 60 ans
  • installation brutale et récente
  • fièvre majorant le risque
  • intervention chirurgicale récente
  • hypertension artérielle
  • prise de médicaments susceptibles d'interférer sur l'hémostase
  • insuffisance hépato-cellulaire

Il faut détecter les risques hémorragiques suivants qui correspondent à une gradation dans la gravité :

  • diffusion du purpura à l'abdomen
  • apparition de bulles hémorragiques
  • épistaxis
  • hématurie
  • hémorragie rétinienne au fond d'oeil
  • céphalées annonciatrices

Parfois, le tableau d'hémorragie méningée apparaît inopinément à la faveur d'une lésion artérielle sous-jacente.

[modifier] Traitement

La transfusion d'une unité plaquettaire HLA-compatible / 10 kg éventuellement renouvellée selon les contrôles de l'hémogramme n'est utile que dans les thrombopénies centrales profondes. Il faut vérifier au huitième jour l'absence d'alloimunisation qui rendrait inefficace les transfusions ultérieures.

Dans tous les cas, il convient d'éviter tous les gestes qui pourraient être à l'origine d'hémorragies (injections intramusculaires, ponctions, médicaments interférant sur la coagulation...). Les ménorragies peuvent être contrôlées par la contraception.

En cas d'étiologie médicamenteuse immunoallergique, l'arrêt du médicament s'impose et amène la rétrocession de la thrombopénie.

Le traitement du purpura thrombopénique idiopathique est envisagé séparément.

[modifier] Conclusion

La thrombopénie est devenue une anomalie fréquemment rencontrée du fait que de la numération plaquettaire est devenue systématique.

L'enquête étiologique se doit d'être exhaustive devant une simple anomalie de l'hémogramme, mode de découverte le plus fréquent, et comporte obligatoirement un interrogatoire, un examen clinique complets et des investigations complémentaires qui permettront de faire rapidement le diagnostic.