Pavlos Melas

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Pavlos Melas par Georgios Jakobides.
Pavlos Melas par Georgios Jakobides.

Pavlos Melas (en grec : Παύλος Μελάς) (né à Marseille le 29 mars 1870 et décédé en Macédoine le 13 octobre 1904 à Statitsa, rebaptisé depuis Melas) était un militaire grec impliqué dans le conflit macédonien au début du XXe siècle. Sa mort en fit le martyr de la cause du rattachement de la région à la Grèce.

Sommaire

[modifier] Biographie

Pavlos Melas était le fils d'un riche marchand grec de la diaspora, Michaïl Melas, installé à Marseille en France. C'est dans cette même ville qu'il naquit et passa ses premières années. En 1876, la famille revint à Athènes. Elle était très patriote, voire nationaliste, très admirative du concept de Grande Idée (et de son évolution sémantique en « Hellénisme »). Son père était Président de la Société Nationale, stockait des armes dans la cave de la maison et finançait les mouvements crétois. En 1886, Pavlos entra à l'Académie militaire dont il sortit sous-lieutenant d'artillerie en 1891. Il épousa alors Natalia Dragoumis, la fille de l'homme politique Stephanos Dragoumis (et la sœur de Ion Dragoumis). Son beau-père était alors déjà très engagé dans le combat pour le rattachement de la Macédoine à la Grèce[1],[2].

Il participa à la guerre dite des « Trente jours » contre l'Empire ottoman qui se solda en 1897 par une cuisante défaite de la Grèce. Il revint malade à Athènes. Il pensa à donner sa démission de l'armée afin de retourner se battre en Macédoine dans les rangs des « andartes », les combattants grecs irréguliers qui affrontaient les « komitadjis » bulgares (leur équivalent) ou les gendarmes turcs. Il correspondit avec les organisateurs de la population grecque dans la région, l'évêque de Kastoria, Germanos Karavanggelis et son beau-frère, Ion Dragoumis alors consul à Monastir[1]. En 1895, il fonda avec quelques autres officiers, l'Ethniki Etairia, (Société nationale), qui avait pour but d'aider les Grecs de Macédoine, mais aussi les Crétois afin de réaliser à terme la Grande Idée[3].

[modifier] La Macédoine

Pavlos Melas en costume traditionnel de « Makedonomakhos » par Georgios Jakobides.
Pavlos Melas en costume traditionnel de « Makedonomakhos » par Georgios Jakobides.

En mars 1904, le gouvernement grec, qui ne voulait pas s'engager trop ouvertement, mais qui voulait avoir une évaluation de la situation, envoya quatre officiers en Macédoine. Pavlos Melas en faisait partie. Poursuivis par la gendarmerie turque, après avoir parcouru la région de Kastoria, ils furent rappelés en Grèce dès la fin de ce même mois[1]. Dans leurs rapports, les officiers proposèrent soit d'organiser des bandes locales et de leur envoyer des armes depuis la Grèce soit de créer des bandes directement en Macédoine. Melas pencha d'abord pour la première solution avant de se rallier à la seconde[4].

Melas repartit presque immédiatement après avoir obtenu un congé de l'armée. Il adopta le pseudonyme de « Mikis Zézas » (à partir du prénom de ses deux enfants). Il organisa des bandes de partisans grecs dans la région de Kozani. Le 31 août 1904 (18 août julien), il fut nommé commandant en chef des troupes (irrégulières) grecques de Macédoine occidentale par le Comité Macédonien d'Athènes. Il commandait directement quant à lui une bande d'andartes pratiquement intégralement composée de Crétois, sujets ottomans et donc moins compromettants pour la Grèce[1],[4]. Il abandonna son uniforme de l'armée grecque, ce qui était normal pour éviter d'impliquer son pays. Plus important, il se mit à porter la fustanelle traditionnelle[5] des pallikares de la guerre d'indépendance. Avec ses hommes, il incarna le dernier avatar du combattant de la cause nationale grecque, après les akrites byzantins qui gardaient les frontières, après les klephtes de la période ottomane ou les pallikares. Ses hommes étaient en grande majorité originaires de Crète, l'autre région alors très disputée à l'Empire ottoman[6].

Il décéda le 26 octobre (13 octobre julien) dans un accrochage entre sa troupe et la gendarmerie turque dans un petit village qui porte maintenant son nom[1]. La légende populaire veut qu'encerclé, il ait chargé à la tête de ses hommes et réussit à faire reculer les assiégeants. Il fut cependant touché d'une balle perdue et mourut une demi-heure plus tard dans une église voisine. Sa tête aurait alors été coupée par ses propres hommes. Deux explications sont avancées. L'une serait politique : sans sa tête, le corps ne pouvait être identifié et ainsi, Melas ne pouvait être directement impliqué, non plus que la Grèce. L'autre serait symbolique : la tête devenait une relique qu'il ne fallait pas laisser aux Ottomans qui risquaient de l'utiliser comme un trophée et de la souiller[7]. La tête partit pour Florina puis Pisodheri. En 1907, tête et corps furent réunis et enterrés sous l'autel de la cathédrale métropolite de Kastoria[8].

[modifier] Postérité

Statue de Pavlos Melas à Thessalonique
Statue de Pavlos Melas à Thessalonique

Son décès eut une importance considérable en Grèce. Les cloches sonnèrent en son honneur à travers le pays. Il attira définitivement l'attention sur la Macédoine et la politique à mener. Il « réveilla » les Grecs qui étaient devenus prudents après la défaite de 1897[1]. Il est depuis considéré comme un héros national[6]. Le gouvernement grec décida alors d'envoyer à nouveau des militaires en mission secrète dans la région pour lutter contre les Bulgares ; ce fut par exemple le cas d’Athanásios Souliótis-Nikolaïdis[9].

Le Musée de la Lutte Macédonienne de Thessalonique lui rend hommage. Ion Dragoumis raconta son épopée macédonienne dans son œuvre la plus célèbre : Le Sang des martyrs et des héros., publiée en 1907. Penelope Delta l'évoque aussi dans Le Voyou, sous son nom de guerre Mikis Zézas. La dictature des colonels commanda un film historique au réalisateur Yiannis Voglis (Pavlos Melas, 1973). Tous les élèves durent assister à sa projection[10]. Le roman de Nikos Bakolas La Tête de 1994 a comme présupposé le récit d'un andartes chargé de couper la tête de Pavlos Melas après la mort de celui-ci.

Pavlos Melas est redevenu, dans les années 1990 au moment du conflit avec la FYROM sur l'emploi du mot « Macédoine », un héros national. Des tee-shirts, des cartes de téléphone[11] ou des briquets à son effigie connurent un immense succès. En 1994, pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de sa mort, de grandes commémorations furent organisées. Le 13 octobre fut déclaré jour férié. Les enseignants durent préparer une présentation d'une dizaine de minutes à lire à leurs élèves au début des cours[10].

Des chansons patriotiques (voire nationalistes) évoquent naturellement Melas, comme celle figurant sur la page d'une école primaire de Macédoine en 2001:

« Viens, ma rapide épée,
Vis à mon côté,
donne à mes frères le réconfort,
et la liberté »

« Les Bulgares l'ont trahi,
les Turcs l'ont tué,
notre commandant, Melas,
en vain ils l'ont tué »

« Ma croix dorée,
donne-là à mon épouse
et mon fusil brillant
à mon fils unique »

« Sur ce sol, où est tombé
le corps de Pavlos Melas,
qui sait ce qui a germé
dans la terre ensanglantée? »

« Qui sait quelle fleur éternelle
la terre produira,
et que chaque petit Grec
à sa poitrine la portera »

[modifier] Notes et références

Pavlos Melas par Theophilos.
Pavlos Melas par Theophilos.

[modifier] Bibliographie

  • (el) Anonyme, La Mort de Pavlos Melas, pièce de théâtre de 1905.
  • (en) Jerry Augustinos, « The Dynamics of Modern Greek Nationalism: The "Great Idea" and the Macedonian Problem », East European Quarterly, vol. 6, n°4, janvier 1973.
  • (el) Collectif (Diaconat apostolique), «Ο Παύλος Μελάς και ο Μακεδονικός Αγώνας» - Διαχρονικά μηνύματα (« Pavlos Melas et le conflit macédonien. », Messages éternels.), Actes du Colloque du 18 octobre 2004 à l'occasion du centenaire de la mort de Pavlos Melas organisé par le Comité Spécial du Saint Synode pour l'Identité Culturelle, Diaconat Apostolique, Athènes, 2006.
  • (fr) Ion Dragoumis, Le Sang des martyrs et des héros., (1907), « Études grecques », L'Harmattan, 2002. (ISBN 2-7475-2840-5)
  • (en) Anastasia Karakasidou, « Pavlos Melas », in Maria Todorova, Balkan Identities. Nation and Memory., Hurst, 2004, (ISBN 1850657157)
  • (en) Giannis Koliopoulos et Thanos Veremis, Greece : the modern sequel : from 1831 to the present. Londres : Hurst & Company, 2002. (ISBN 1850654638)
  • (el) Natalia Mela (Dragoumis), Pavlos Melas., Dodoni, Athènes, 1926.
  • (fr) Marc Terrades, Le Drame de l'hellénisme. Ion Dragoumis (1878-1920) et la question nationale en Grèce au début du XXe siècle., L'Harmattan, 2005. (ISBN 2747577880)
  • (fr) Préface de Marc Terrades à Ion Dragoumis, Le Sang des martyrs et des héros., (1907), « Études grecques », L'Harmattan, 2002. (ISBN 2-7475-2840-5)
  • (el) N.D Triandafillopoulos, Le Peuple te réclame. Une Anthologie des œuvres consacrées à Pavlos Melas., Domos, Athènes, 1995.
  • (fr) Apostolos Vacalopoulos, Histoire de la Grèce moderne., Horvath, 1975. (ISBN 2-7171-0057-1)
  • (en) James P. Verinis, « Spiridon Loues, the modern foustanéla and the symbolic power of pallikariá at the 1896 Olympic Games. », Journal of Modern Greek Studies., vol. 23, 2005.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. abcdef Préface de Marc Terrades à Ion Dragoumis, Le Sang des martyrs et des héros., p. 22-23.
  2. M. Terrades, Le Drame de l'hellénisme, p. 113-114.
  3. A. Vacalopoulos, p. 198.
  4. ab M. Terrades, Le Drame de l'hellénisme, p. 114.
  5. J.P. Verinis, op. cit., p. 147-148.
  6. ab Giannis Koliopoulos et Thanos Veremis, Greece : the modern sequel, p. 213.
  7. Anastasia Karakasidou, « Pavlos Melas », p. 198
  8. Anastasia Karakasidou, « Pavlos Melas », p. 215.
  9. M. Terrades, Le Drame de l'hellénisme, p. 163.
  10. ab Anastasia Karakasidou, « Pavlos Melas », p. 207.
  11. En avril 1993