Hamadi Redissi

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Hamadi Redissi est un intellectuel tunisien.

Juriste et écrivain, il est professeur de sciences politiques à l'Université de Tunis. Il est l'un des penseurs critiques de la modernité dans le monde arabe.

Redissi s'est attelé à la réflexion sur l'adéquation entre l'islam et les valeurs démocratiques et sur la modernisation de l'islam. Il forge ainsi le concept d'exception islamique[1]. Selon lui, l'autoritarisme, le déclin économique et le conservatisme religieux se conjuguent pour empêcher les pays arabes d'entrer enfin dans un cercle vertueux et de rejoindre le reste du monde. C'est, en quelque sorte, l'exception islamique et elle durera tant que les sociétés civiles des pays musulmans les récuseront[2].

Sommaire

[modifier] Pensée

La pensée philosophique et politique de Redissi est avant tout transversale : ses influences vont de la philosophie grecque antique (Platon et Aristote) à la pensée philosophique actuelle (John Rawls ou Jürgen Habermas) en passant par la pensée des Lumières (Emmanuel Kant mais aussi Jean-Jacques Rousseau et Montesquieu). Ses cours à l'Université de Tunis constituent ainsi un va-et-vient entre les théories occidentales et les réalités socio-politiques du monde arabo-musulman. Redissi a également une bonne connaissance de la pensée politique islamique qu'elle soit relative aux premiers penseurs de l'islam qu'à ceux de l'époque contemporaine.

Une grande partie de sa pensée tourne autour de la problématique de la rationalité dans les sociétés arabo-musulmanes, sociétés dans lesquelles la dichotomie fondamentale entre le mythos et le logos, entre le sacré et le profane, entre le religieux et le politique — à l'inverse des sociétés occidentales — demeure fort mitigée et très contestée. À cet égard, Redissi peut être considéré comme un intellectuel engagé car il souhaite jeter les bases d'une nouvelle auto-critique destinée à la conscience arabo-musulmane qui doit passer l'examen de la rationalité, passage obligé pour pouvoir prétendre à l'universalité.

[modifier] L'exception islamique

Le livre de Redissi, L'exception islamique (publié par les éditions du Seuil en 2004), est considéré comme un ouvrage de référence : il fournit une masse très importante d'informations en histoire, philosophie et politique et propose des analyses qui ouvrent la voie à une théorie critique de l'islam. Il faut noter l'exception que représente ce livre : écrit par un intellectuel vivant en pays musulman, il ose construire une critique radicale sur un sujet pour ainsi dire intouchable car sacré et qui relève de l'identité, de la culture et de l'inconscient social.

Redissi réfléchit sur le rapport de islam à la politique, prenant en compte l'islam en tant que « type culturel ou anthropologique. » En cela, il peut être rapproché de Fethi Benslama ainsi que de Malek Chebel qui eux, avec l'aide de la psychanalyse, réfléchissent également à la dimension anthropologique propre à l'islam en tant qu'elle est présente dans la manière dont se posent les questions politiques et, plus précisément, l'existence politique dans la culture musulmane. La pensée de Redissi tourne en dernier ressort autour du « théologico-politique ».

Il se réfère à la tradition philosophique et en particulier à la philosophie politique, dont il partage le fond rationnel.

Au fil de ses analyses, son constat, pour les pays musulmans, est inquiétant :

  • Une modernité vécue dans la « schizophrénie épistémologique » traversée par la peur de ce qui se rapporte à cette modernité : l'Occident, la démocratie et la femme
  • Une « violence endémique » qui ronge le monde musulman
  • Des États garants de l'islam et une loi sacrée, la charia, qui demeure la source principale et parfois unique de la législation
  • Ces États portant l'empreinte de la tradition islamique et étant, sur le plan économique, des États prédateurs et rentiers qui n'ont que les apparences du capitalisme (ce que dit également Fethi Benslama)
  • Une carence quasi-totale sur le plan démocratique puisque « sur les 120 pays démocratiques, selon Freedom House, ne figure aucun pays arabe »

De ces constats, l'auteur tire une série d'interrogations dont la somme constitue ce qu'il appelle l'« exception islamique » : pourquoi l'islam est-il la dernière religion qui refuse de libérer le politique de l'emprise du religieux ? Pourquoi est-il la seule à refuser la démocratisation ? Pourquoi est-il la seule à s'estimer en conflit permanent avec l'Occident ? Pourquoi est-il le dernier à ne pas vouloir banaliser le religieux ?

L'exception islamique montre ainsi que la culture arabo-musulmane, à la différence de la culture occidentale (cette dernière étant issue de la Réforme et du protestantisme), manque d'auto-critique et de débat de fond concernant des questions aussi épineuses que la laïcité, le capitalisme et la démocratie :

« L'insertion islamique dans les temps modernes a accouché d'une modernité ambivalente, entre tradition revisitée et modernité éclectique; on a affaire à un islam blasé qui n'apprend que ce qu'il sait déjà, ruminant le dehors sans pouvoir le digérer[3]. »

[modifier] Références

  1. Hamadi Redissi, « Nous sommes prisonniers du modèle médiéval », Réalités, Tunis, 13 mai 2004
  2. Hamadi Redissi, « Une inadéquation entre l'islam et les valeurs de la démocratie », L'Express, Paris, 22 septembre 2005
  3. L'exception islamique, éd. Seuil, Paris, 2004, p. 20

[modifier] Bibliographie