Hachemi Baccouche

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Hachemi Baccouche
Hachemi Baccouche

Hachemi Baccouche, de son nom complet Mhamed Hachemi Baccouche, né le 4 janvier 1916 à Tunis et décédé le 9 juin 2008, est un psychosociologue, écrivain et humaniste tunisien. Peu connu en Tunisie du fait d'un exil qui a duré 50 ans, il acquiert une importante renommée en France où il est considéré comme le doyen des intellectuels tunisiens.

Né au sein d'une famille très aisée qui s'est installée à Tunis au XVIIIe siècle, Baccouche effectue ses études secondaires au Lycée Carnot de Tunis. Il est le neveu de l'ancien grand vizir Slaheddine Baccouche[1]. Exilé en France de 1950 à 2000, il vit à Tunis depuis 2006.

Sommaire

[modifier] Formation et exil

Docteur ès lettres et sciences humaines de la Sorbonne, sociologue des religions, dramaturge et romancier, Hachemi Baccouche est un auteur prolifique qui milite pour le dialogue inter-religieux, les économies solidaires et la « restauration de l'humanité de l'homme indispensable à la vie en société ». Pour Baccouche, « l'humanité de l'homme » est inscrite dans son ADN. Il peut y avoir malformation quand « fait défaut l'un des trois attributs de l'humanité qui sont la créativité, la liberté des vocations et la responsabilité. Plus que jamais, la « biogérance » peut, selon lui, venir au secours de l'humanité.

[modifier] Exil politique

La littérature de Baccouche est provocatrice et dénonce âprement aussi bien le colonialisme que le processus de décolonisation — et en particulier l'ancien président Habib Bourguiba — ce qui lui a valu un exil d'un demi-siècle (L'Indépendance dans l'Interdépendance). Déchu de la nationalité tunisienne et juridiquement apatride, il a toujours refusé la nationalité française pour des raisons éthiques. Dans un article de Adel Latrech dans La Presse de Tunisie, il confie :

« La Tunisie, sous protectorat français, entrait dans une période de convulsions, historiquement inévitables, mais dont le risque était qu'elles débouchent sur des atteintes à la priorité permanente de l'humain. Aussi, par-delà ce qui divisait et faisait s'affronter, avais-je cherché et exprimé publiquement ce qui pouvait unir. Des prises de position que j'ai payées d’une longue privation de ma patrie[2]. »

Ne voulant être influençé par aucun dogme établi, Baccouche prône l'universalisme et l'ijtihad (effort de réflexion en matière de religion).

[modifier] Jeunesse communiste d'extrême gauche

Après avoir connu les utopistes du XIXe siècle, dont Saint-Simon et Charles Fourier, son amour de l'humain lui fait découvrir Karl Marx, Friedrich Engels et Jean Jaurès. Baccouche se lance alors dans le mouvement des jeunes d'extrême gauche. Au milieu des années 1930, il devient le secrétaire général des Jeunesses communistes de Tunisie. Il continue malgré tout à suivre de loin les préceptes de l'islam. En 1930, Baccouche est à la tête de la direction du service de l'enseignement agricole et artisanal auprès de Hassen Zmerli et Hachemi Sebaï. En 1933, il lutte avec acharnement contre la tenue à Tunis du Congrès de l'eucharistie, et dix ans plus tard, en 1943, contre la décision du gouvernement français d'obliger Moncef Bey à abdiquer.

[modifier] Spécialiste d'Ibn Khaldoun

Hachemi Baccouche est un spécialiste des Prolégomènes d'Ibn Khaldoun :

« Je suis très khaldounien. En tant que tel, je partage sa vision de la vie qu'il appréhende sous l'angle du « hic et nunc » (ici et maintenant). Autrement dit, seul l'avenir est digne d'intérêt. Humaniste et mondialiste avant l'heure, il se réjouissait à l'idée qu'au-delà des Pyrénées, les chrétiens (Francs) se remettaient aux études, à la science. Le savoir comptait énormément pour lui[3]. »

Baccouche a écrit, sur proposition du gouvernement français, un scénario en six épisodes sur la vie et l'œuvre d'Ibn Khaldoun. Il a également écrit un ouvrage faisant dialoguer Pierre Teilhard de Chardin et Ibn Khaldoun (que six siècles séparent).

[modifier] Décadence du monde musulman

Pour lui, « les problèmes que posent la non-adaptation des musulmans à l'actualité, ainsi que leur division, ne sont pas pris en considération comme prioritaires, il y a danger et pas seulement pour les musulman [...] Dans le judaïsme et le christianisme, les textes sont vécus avec des efforts d'adaptation aux événements du quotidien. À partir des textes fondateurs de l'islam, on ne trouve pas aisément de réponses aux défis de la société occidentale. L'ijtihad n'est pas un corps constitué. Si un cas, qui n'était résolu ni par le Coran ni par la sunna, se présentait, un travail d'interprétation personnelle s'imposait. L'ijtihad se présente essentiellement comme un pouvoir judiciaire. Aussi, lorsque des difficultés sociales surgissaient, on se référait au raisonnement par analogie, considéré ordinairement comme la quatrième source du droit. C'est au quatrième siècle de l'hégire que les portes de l'ijtihad furent fermées. Des murailles furent élevées, les œuvres du grand penseur Ibn Rochd brûlées, empêchant l'air de vivifier l'énorme système. Le droit musulman muré dans un conservatisme étroit laissa s'affaiblir en lui la fonction la plus essentielle de tout organisme. Cette ankylose fut une des causes principales de la décadence du monde musulman[2]. »

[modifier] Autres activités

Fondateur à Sophia Antipolis du Centre d'études des civilisations méditerranéennes qui compte une soixantaine d'universitaires du bassin méditerranéen, sa philosophie est proche de celles des universitaires tunisiens comme Azzedine Guellouz, d'Algériens comme Souheil et Ghaleb Ben Cheikh mais aussi Mohamed Arkoun. Il a également créée la Charte du Mouvement des démocrates musulmans. Musulman, Baccouche fait partie d'un mouvement catholique, les Focolari, dont la devise est « Pour un monde uni ».

[modifier] Publications

Baccouche a donné un nombre important de conférences en Europe et a collaboré à de nombreuses revues de sociologie. Il a aussi publié des romans, des essais, de la poésie et une pièce de théâtre.

Parmi ses publications figurent[1] :

  • Ma foi demeure, éd. Nouvelles éditions latines, Paris, 1958
  • Baudruche (satire de Bourguiba en trois actes et quatre tableaux), éd. Nouvelles éditions latines, Paris, 1959
  • La Dame de Carthage, éd. Nouvelles éditions latines, Paris, 1961
  • Décolonisation. Grandeurs et servitudes de l'anticolonialisme, éd. Nouvelles éditions latines, Paris, 1962
  • La souffrance. Trois voix monothéiste (avec Stan Rougier et Marc Knobel), coll. Le Chêne, éd. Centurion, 1994
  • Sidi boîte de vin, éd. Mémoire de notre temps, Montpellier, 2005

Ma foi demeure, roman couronné par l'Académie française, est un roman autobiographique où le héros Mahmoud voudrait écrire un livre « qui puisse ôter à certains musulmans ce sentiment de honte qui les empêche de dire qu'ils aiment la France et à certains Français ce sentiment de culpabilité qu'ils se croient obligés d'afficher quand ils parlent de l'Afrique du Nord »[1]. La Dame de Carthage expose les amours d'un jeune français et d'un capitaine espagnol avec la fille d'un cheïkh et une esclave d'origine italienne dans le contexte de la lutte entre Turcs et Espagnols en Tunisie[4].

[modifier] Références

  1. abc Jean Déjeux, Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, éd. Karthala, Paris, 1984, p. 272
  2. ab (fr) Adel Latrech, « Pour en finir avec cette douleur-là », La Presse de Tunisie, 16 avril 2007
  3. (fr) Adel Latrech, « Un philosophe témoin de son siècle », La Presse de Tunisie, 9 mai 2007
  4. (fr) Yves Chemla, « La Dame de Carthage », Dictionnaire des œuvres des littératures de langue française, éd. Bordas, Paris, 1994

[modifier] Liens externes