En attendant Godot

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Théâtre

Par catégories

Personnalités

Acteur - Actrice
Metteur en scène
Décorateur
Dramaturge

Voir aussi

Pièce - Salle
Histoire - Genres
Festivals - Récompenses
Techniques

Le portail du théâtre
Le projet théâtre

En attendant Godot est une pièce de théâtre en deux actes, en français et en prose, écrite en 1948 par Samuel Beckett, et publiée en 1952 à Paris aux Éditions de Minuit.

Elle appartient à la mouvance du théâtre de l'absurde.

La création a eu lieu le 23 janvier 1953 au Théâtre de Babylone, mise en scène par Roger Blin qui jouait lui-même le rôle de Pozzo. Il était accompagné de Pierre Latour, Lucien Raimbourg, Jean Martin et Serge Lecointe.

Sommaire

[modifier] Résumé

La pièce fit scandale à l'époque : deux vagabonds, Vladimir et Estragon, se retrouvent sur scène, un non-lieu (« Route de campagne avec arbre ») pour attendre le mystérieux « Godot », un homme qui leur a promis de les aider, un espoir de changement.

Des inquiétudes naissent : Est-ce le bon jour ou le bon endroit ? Peut-être est-il déjà passé ? Que faire en attendant ? Au milieu du premier acte, un autre couple entre en scène : Pozzo et Lucky, le premier étant un homme très autoritaire, le propriétaire des lieux si l'on en croit son discours ; le second, une sorte d'esclave, un sous-homme tenu en laisse, que Pozzo commande tyranniquement. Le jeu continue quelque temps ; après le célèbre monologue de Lucky, muet le reste du temps, mais qui se lance dans une tirade de plusieurs pages, morcelée et inintelligible, les deux nouveaux venus disparaissent.

Godot n'est jamais venu. Un jeune garçon apparaît : il est envoyé par l'absent pour dire qu'il viendra demain.

Fin de l'acte I. La lumière de la scène se rallume sur le même décor. Seul l'arbre a changé d'apparence (il a quelques feuilles). Le premier acte se rejoue à l'identique, plus rapide et avec quelques variations : Estragon ne se souvient pas du premier acte, Pozzo est devenu aveugle. La fin de la pièce ne réserve aucune surprise : le même garçon de l'acte I vient délivrer le même message. Les deux compères envisagent de se suicider en se pendant à l'arbre. Estragon dénoue sa ceinture, son pantalon tombe. Ils y renoncent parce que comme ils n'ont qu'une seule ceinture, ils devront se pendre l'un après l'autre, et ils veulent mourir en même temps. Enfin, un dernier échange: « Allons-y » dit Estragon. « Ils ne bougent pas » précise Beckett en didascalie.

[modifier] Analyse

C'est sûrement l'œuvre la plus célèbre du dramaturge Irlandais, et celle qui a fait couler le plus d'encre : de nombreux livres et articles ont tenté de découvrir qui était Godot. Souvent, on explique que c'est le mélange du mot anglais « God- » (Dieu) et d'un suffixe français populaire « -ot », ce qui donnerait une dimension métaphysique à la pièce : les deux personnages attendent l'arrivée d'une figure transcendante pour les sauver, mais elle ne vient jamais. « Misère des hommes sans Dieu ».

Beckett a toujours refusé cette interprétation ("Si j'avais voulu faire entendre cela, je l'aurais appelé Dieu, pas Godot") , et a même montré qu'il y avait une pluralité d'interprétations possibles : « Du reste il existe une rue Godot, un coureur cycliste appelé Godot ; comme vous voyez les possibilités sont presque infinies ». D'ailleurs Beckett précise en janvier 1952 dans une lettre à Michel Polac :

« Je ne sais pas plus sur cette pièce que celui qui arrive à la lire avec attention. [...] Je ne sais pas qui est Godot. Je ne sais même pas, surtout pas, s'il existe. [...] Quant à vouloir trouver à tout cela un sens plus large et plus élevé, à emporter après le spectacle, avec le programme et les esquimaux, je suis incapable d'en voir l'intérêt. Mais ce doit être possible. »

.

On peut tout simplement admettre que Godot est le moteur de ce nouveau théâtre : son arrivée mettrait fin à l'attente de Didi (Vladimir) et Gogo (Estragon), à cette attente qui crée le jeu. Or, le titre annonçait la couleur : En attendant Godot, c'est dire que ce qui compte est l'attente elle-même, la durée de l'attente impliquée par le gérondif. La force de Beckett est de refuser l'arrivée de Godot, donc la clôture : ce refus nous plonge dans une spirale de l'attente, dans une répétition sans issue. Les deux vagabonds reviendront encore et encore... Ils y sont probablement encore à l'heure qu'il est !

La pièce commence un soir, référence ironique à la règle des trois unités (de temps, de lieu et d'action) qui, à l'époque classique, prévoyait que l'action devait débuter le matin, s'étaler sur toute la journée pour finir le soir. Or la pièce de Beckett débute le soir, ce qui, dès le départ, dit clairement qu'il ne se passera rien. L'inaction que l'on retrouve tout au long de la pièce (« On y va ? Allons-y. Ils ne bougent pas. ») est donc présente dès le départ.

Cette pièce est de plus une analyse de la condition humaine, à savoir attendre continuellement quelque chose que l'on ignore. Nous attendons le bonheur et quand celui-ci vient, nous attendons la mort sans savoir quoi faire "je suis content - je suis content - nous sommes contents - Et qu'est-ce qu'on fait maintenant qu'on est content ?".

On peut également la relier à l'existentialisme: en effet, afin de vivre, les deux personnages ont besoin de parler; parler pour ne rien dire, parler pour meubler, mais parler, le fait d'accomplir une action leur suffit pour exister.

En attendant Godot apparaît en outre comme une expression d'une vision pascalienne et pessimiste de la condition de l'homme: la vacuité fondamentale de l'existence est traduite ici par un discours absurde qui abuse des formules de conversation les plus banales. La vie n'est alors qu'une parodie dérisoire, une attente éternelle telle que celle de Vladimir et Estragon: un cycle sans fin qui se répète jour après jour...

[modifier] Anecdotes

  • Les premières semaines de représentations, la moitié de la salle sortait avant la fin de l'acte I. D'autres spectateurs agacés restaient pour contrarier le jeu des acteurs en huant, et en faisant du bruit. Godot déclenchait chaque soir des batailles rangées entre les défenseurs de la pièce et les mécontents. La situation a dégénéré un soir en une bagarre et le rideau s'est baissé au début de l'acte II. C'est aussi ce qui l'a rendu célèbre : les gens se déplaçaient pour vivre le scandale, plus que pour découvrir un jeune auteur.
  • L'acteur qui jouait Estragon, Pierre Latour, ne voulait pas baisser son pantalon à la fin de la pièce, car il trouvait cela ridicule. En apprenant cela, Beckett écrivit à Blin pour lui expliquer que la chute du pantalon était une des choses les plus importantes de la pièce. Après de longues négociations, Latour accepta. Le pantalon tomba. L'effet produit fut assez inattendu : ce fut un des rares moments de Godot où personne ne rit.
  • En 1953, l'expression « attendre Godot », c'est-à-dire espérer l'impossible, était assez répandue.
  • Le protagoniste principal de la série télévisée Code Quantum s'appelle Samuel Beckett, tout comme l'auteur de cette pièce. Ils ont tout deux reçu un Prix Nobel (de physique pour le personnage, de littérature pour l'auteur). Le personnage de la série voyage dans le temps, sautant d'époque en époque et de lieu en lieu, mais sans en avoir le contrôle ; il espère à chaque saut dans le temps revenir au présent, mais sans jamais y parvenir, tout comme Vladimir et Estragon attendent un Godot qui n'arrivera jamais. Enfin, il forme lui aussi un duo avec un autre personnage. Certains spectateurs de la série ont vu dans ces similitudes des références à la pièce.
  • L'un des personnages du jeu vidéo Phoenix Wright Trials and Tribulations s'appelle Godot, en référence à cette pièce de théâtre.

[modifier] Liens externes