Diocèse de Liège avant 1559

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Le Diocèse de Liège est une circonscription ecclésiastique qui faisait partie de l'Archevêché de Cologne.
La structure de cet archevêché est directement héritée de l'organisation administrative de l'Empire romain durant l'Antiquité tardive puisque le diocèse est fondée sur la base de la cellule administrative et religieuse nommée Civitas Tungrorum et que l'archevêché fut fondé sur les bases de la Germanie inférieure. On attribue la fondation de ce diocèse à Saint Servais qui vécut au IVe siècle. Le siège de ce diocèse était Tongres mais il fut de fait assez rapidement déplacé vers Maastricht avant d'être fixé à Liège au VIIIe sur les lieux de l'assassinat de Saint Lambert. D'autres villes servirent de siège épiscopal temporaire en fonction des nécessités Huy, Dinant, Givet, Mouzon.

Sommaire

[modifier] Repère

Le diocèse a couvert de la fin du IVe siècle à 1559 sur les trois-quarts de la Wallonie actuelle, la Province de Limbourg belge, une partie de la Province du Brabant flamand et des Pays-Bas.

[modifier] Importance historique

[modifier] Longévité

D'abord cité romaine (civitas) avant d'être un diocèse au sens moderne ce territoire à connu diverses formes d'unité (politique, religieuse, culturelle, économique, ...) durant environ 15 siècles depuis 89 jusque 1559.
Les cartes suivantes [1], [2], permettent de s'en faire une idée et de comprendre son importance historique pour la Belgique et, plus particulièrement, la Wallonie.

[modifier] Etat du Saint Empire (principauté de Liège)

Le fait le plus marquant de cette longue histoire est en 987 l'extension de l'autorité de l'évêque au domaine temporel sur tout son diocèse qui est alors un des États de ce qui deviendra le Saint Empire Romain Germanique.
Les évêques de Liège de cette époque deviennent dès lors des personnages très importants à la fois suzerain direct de l'empereur et autorité spirituelle que l'on nomme aujourd'hui prince-évêque. Cet état des choses ne dura pas plus de 2 siècles à la fin de la période ottonienne (fin du XIIe siècle) de l'empire. L'autorité du prince-évêque fut discutée par ses vassaux, le duc de Limbourg, le comte de Namur, etc. Elle se limitera aux territoires que l'évêché posédait en propre. Même si les territoires détenus en propre connurent encore une certaine extension et même si Erard de la Marck réussit une courte restauration de l'autorité du prince-évêque, l'autorité et le prestige de l'évêque ne connut cependant plus rien de mieux que les XIe siècle et XIIe siècle. Les successeurs d'Erard de la Marck ne surent rien faire contre le démantèlement du territoire dont ils avaient la charge spirituelle.

[modifier] Unité culturelle

Le territoire du diocèse est entièrement axé sur la Meuse depuis les Ardennes jusque son delta commun avec le Rhin ce territoire est également celui de l'art Mosan.

La partie romane du territoire (sud) du diocèse de Liège est considérée comme l'ére du wallon la partie germanique (nord) comme celle du limbourgeois.
La division en deux du territoire est sans doute due à une latinisation de plus longue durée au sud de l'axe de communication important qu'était pour la région la route Bavay-Cologne et remonte donc à l'Antiquité tardive.

Félix Rousseau a dressé une carte du diocèse de Liège qui privilégie sa partie romane établie au sud d'une ligne qui va de Louvain à Maastricht (revoir la carte [3]). Il ne parle pas du reste du diocèse qu'il étudie d'environ 600 à 1200 et s'en explique comme suit : Le territoire omis n'offre que peu d'intérêt pour la période qui nous occupe spécialement. Il dépendait de l'ancienne Toxandrie. Or jusqu'au XIIe siècle, les parties vivantes de l'évêché de Liège étaient représentées par la Hesbaye, le Condroz, l'Entre-Sambre-et-Meuse et l' Ardenne. La Toxandrie ne constituait, à proprement parler qu'une annexe. [1].

[modifier] Domaines des Carolingiens dans le diocèse cités dans les archives

Dans l'ouvrage déjà cité sur la Meuse et le Pays mosan, Félix Rousseau insère une carte (entre la p.244 et la p.245), avec une série de localités dont il justifie la mention par le fait qu'elles appartiennent aux Carolingiens. Ces notes sont intéressantes car elles donnent une idée de la vie de l’ancien diocèse et de la présence en ses terres des Carolingiens dans leurs villas (anciennes villas romaines). On y reconnaîtra des communes appartenant à toutes les provinces wallonnes ainsi que Givet et Revin (en France), de même que quelques autres du Brabant flamand et du Limbourg, puis des localités plus éloignées en relation avec le pouvoir carolingien.

[modifier] Avant 815 (mort de Charlemagne)

Nivelles (fondation d'un monastère en 640), Fosses (idem, 650), Lierneux (cité dans un acte du 15 août 747 par un maire du palais), Hermalle-sous-Argenteau, - trois lieux hors du diocèse Waudrez, Chevesnes (hameau de Sars-la-Buissière, Bienne-lez-Happart - le pagus de Lomme (sans doute Frasnes-lez-Couvin), (notamment villae en dons à une église de Chèvremont en 680), Floreffe (680-714 et le monastère de Malonne, Saint-Gérard (abbaye fondée par Gérard de Brogne), Andenne (Monastère 691), Leernes et Trazegnies (villae données à un abbé de Lobbes 697-713). Jupille (Pépin II se trouvait à Jupille quand son fils fut tué à Liège par un Frison, 714), Chèvremont (Carloman et Pépin le Bref y enfermèrent leur frère Griffon en 741 après la mort de Charles Martel; Lothaire Ier et Lothaire II ont daté des écrits de cette forteresse), Amblève (Charles Martel y remporte une victoire sur les Neustriens en 716), Glain (localité disparue, entre Rogery et Beho: C.Martel y fait un séjour en 720), Herstal (c'est là que Charlemagne réside le plus souvent, Herstal comprenait Vivegnis et Wandre), Bastogne (une des localités les plus anciennes du pays: Charles le Gros donne à une église d' Aix-la-Chapelle, une villa de cette localité en 887), Estinnes (sur l'initiative de Carloman, un synode se tint dans une villa d'Estinnes en 743), Fontaine-Valmont (Carloman fait don au monastère de Lobbes de sa villa en cette localité), Wasseiges (importante villa de la Hesbaye), Godinne, Mozet Leignon, Wellin, Heyd Paliseul, Olne Ferrières (importantes villae données à l'abbaye de Stavelot-Malmedy en 747), Longlier (légèrement hors diocèse) (principale villa de chasse des Mérovingiens et Carolingiens avec des séjours de Pépin le Bref, Charlemagne, Lothaire Ier etc.), Revin (commune française au sud de Givet dont une église était la propriété de l'abbaye de Prüm: le domaine de Revin comprenait également Fumay et Fépin), Mellier villa carolingienne (hors diocèse) non loin de Léglise), Pesche (un acte de donation à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés près de Paris est signé d'une villa de cette localité en 790), Awans, Esneux, Thommen, Ghérain, Theux, Wéris (Louis le Pieux confirme des donations diverses en chapelles et en dîmes attachées à ces lieux en 814).

[modifier] Après 815 (Louis le Pieux puis Traité de Verdun)

Gimnée (Louis le Pieux donne à la cathédrale de Reims les mines de plomb de cette localité en vue de sa reconstruction en 816: l'ancienne paroisse de Gimnée comprenait également Doische et Vaucelles), Beez, Wépion donations diverses par Louis le Pieux en 832), Villance (villa carolingienne: cette paroisse comprenait Libin, Glaireuse, Anloy et Transinne), Pont-de-Loup (comprenant Couillet et Monceau-sur-Sambre) et Marchienne-au-Pont (avec Châtelet): donation de villae par Louis le Pieux en 839), Couvin, Tirlemont (Charles le Chauve y confirme en 872 le partage des biens de l'abbaye de Saint-Germain), Meersen (Lothaire I, Charles le Chauve et Louis le Germanique tiernnent un colloque en cette localité en 851), Jandrain-Jandrenouille (donation par Lothaire Ier de biens de cette localité en 855), Soye (donation d'une ferme par Lothaire II en 855), Elsloo (cité comme palais carolingien, les Normands s'en emparent en 881), Lens-Saint-Servais ou Lens-Saint-Remy (Charles-le-Gros y fait frapper monnaie dans un palatium carolingien en 860), Ham-sur-Heure (Lothaire II donne à l'abbaye de Lobbes le fisc de cette localité en 855 ou 869), Walhorn, Baelen, Petit-Rechain, Sprimont, Chevigny, Amberloup, (conformation entre 855 et 860 de la donation à une église d'Aix-la-Chapelle de 44 villae), Fourons (colloque entre Louis le Jeune et Louis le Bègue suivie d'un traité en 878: c'était une villa royale), Anthisnes et Heure (donations de Louis le Bègue à un fidèle en 879), Thiméon (une armée franque y bat les Normands en 880), Havelange Enneille, Sasseux (don par Charles le gros de plusieurs fermes en 887, Sasseux est un lieu-dit de La Roche-en-Ardenne), Bihain (don par Zwentibold à l'abbaye de Stavelot de plusieurs dépendances en en 895), Mortier (Louis IV de Germanie confirme des donations), Givet cité comme localité fiscale en 930, localité qui est le siège d’un des principaux péages sur la Meuse).

[modifier] Autres localités importantes à citer

Il convient pour être complet de citer les autres localités importantes qui ne sont pas liées à des domaines carolingiens comme pour l'actuelle Province du Brabant wallon, Jodoigne et Orp-le-Grand. Pour l'actuelle Province de Hainaut, essentiellement Lobbes. Pour la Province de Namur: Chimay, Oignies Florennes, Ciney, Spontin, Gembloux etc. Pour la Province de Luxembourg, Rochefort, Saint-Hubert Bouillon, La Roche-en-Ardenne etc. Pour la Province de Liège, Huy, Liège, Visé, Saint-Vith etc. Pour la Province du Brabant flamand, Louvain, Overijse essentiellement. Pour la Province de Limbourg, Tongres et Saint-Trond exclusivement. Pour les Pays-Bas et le Luxembourg Maastricht et Wiltz.

[modifier] Le diocèse de Liège se distingue de la Principauté

Comme il est partie prenante du système de l'Église impériale, son titulaire Notger reçoit, au 10e siècle, du Saint Empire romain germanique, des terres où il exerce une souveraineté temporelle. Ce domaine va progressivement s'accroître, s'émanciper de l’Empire et devenir un État indépendant, la Principauté de Liège, État qui ne recouvrira jamais, en son maximum d’extension, qu’un tiers environ du diocèse proprement dit (sauf quand le diocèse fut réduit en 1559).

[modifier] Implications culturelles et linguistiques

La place de ce diocèse au centre de l’Empire de Charlemagne explique le rayonnement très important des écoles liégeoises aux XIe siècle et XIIe siècle [4] et une réelle activité scientifique en Wallonie. Le poids de son importance religieuse qui rejaillit sur le social, le politique et le culturel a laissé des traces encore visibles aujourd’hui.

Aire de la langue wallonne en Wallonie : ses limites sont celles de l'ancien diocèse en cette contrée
Aire de la langue wallonne en Wallonie : ses limites sont celles de l'ancien diocèse en cette contrée

L'ancien diocèse de Liège, en sa partie wallonne (dans le sens de roman ou de "francophone", pas de la langue régionale), a des limites qui coïncident de manière frappante avec celle du wallon (au sens de la langue régionale) (les archidiocèses de Trèves et de Reims ont laissé leur marque en Belgique avec respectivement le gaumais et champenois, et les diocèses de Cambrai et Tournai avec le picard). L’Atlas linguistique de la Wallonie a bien mis en valeur cette très ancienne trace possible de l’influence des subdivisions de l’Église.

[modifier] La réforme de 1559

En 1559, Philippe II le réduit quelque peu. Le diocèse de Liège est le berceau de l’art mosan, la base de départ de la puissance et de l’indépendance politique de Liège, l’un des éléments qui peut expliquer le caractère roman de la Wallonie. L'historien Félix Rousseau est celui qui a le mieux mis en lumière l'ensemble de ces données, le considérant comme l’un des éléments les plus importants tant de l’histoire de Belgique que de celle de Liège et de la Wallonie.

[modifier] Notes

  1. Félix Rousseau in La Meuse et le Pays mosan en Belgique, éditions culture et civilisation, Bruxelles, 1977, p. 220

[modifier] Voir aussi