Barbara Juliane von Krüdener

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Juliane de Krüdener
Portrait en 1786, avec son fils Paul, par Angelica Kauffmann.
Naissance 1764, Riga
Décès 1824, Karassoubazar
Activité Femme de lettres
Nationalité Russie Russie
Langue français
Genre Roman
Mouvement Piétisme
Œuvres principales Valérie

La baronne Beate Barbara Juliane von Krüdener, dite Juliane de Krüdener, née Vietinghoff von Vietinghoff, le 22 novembre 1764, à Riga et morte le 25 décembre 1824, à Karassoubazar en (Crimée), est une écrivaine germano-balte, de nationalité russe et d’expression française.

Sommaire

[modifier] Sa famille

Juliane von Vietinghoff est née dans une famille d'aristocrates germano-baltes, possessionnés dans les pays baltes et occupant des fonctions importantes en Livonie et dans l'ensemble de la Russie impériale.

Juliane von Vietinghoff, épouse von Krüdener, n'est pas le seul personnage célèbre de la famille von Vietinghoff, qui compte de nombreux intellectuels et officiers supérieurs, dans différents pays et depuis plusieurs siècles. Le premier Vietinghoff connu Arnold de Vitinghove, vivait au XIVe siècle, et était maître de l'Ordre teutonique de 1360 à 1364. Toutefois, du fait des victoires russes, la famille est ruinée et n'a plus de pouvoir, avant que son père lui redonne son premier éclat[1].

Du côté maternel, elle est l'arrière-petite-fille du maréchal et premier ministre russe Burckhardt de Munnich et la petite-fille d'Ernst de Munnich, ministre et fondateur du musée de l'Ermitage. Sa mère, la comtesse Anna Ulrika de Munnich, accueille l'arrière-grand-père de Juliane, Burckhardt de Munnich, à son retour d'exil en Sibérie. Les Munnich possèdent des terres en Livonie.

Le père de Juliane, le baron Otto Hermann de Vietinghoff, un ancien colonel, est premier conseiller d'État, sénateur, gouverneur de Riga et directeur général du collège médicinal (ministre de la santé) de toutes les Russies. Il est aussi l'un des deux conseillers pour la Livonie. C'est un homme riche et puissant. Il possède un palais à Saint-Pétersbourg, un somptueux hôtel à Riga, les terres seigneuriales de Kosse, de Jungfernhof et de Marienbourg, berceau de l'impératrice Catherine Ire de Russie, l'une des plus belles résidences de la Russie[2].


Anton Günther von Münnich (1645-1721)
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 |--> Burckhardt de Munnich (1683-1767)
 |     x Christiane Lucretia de Witzleben
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 |       |--> Ernst de Munnich (1707-1788)
 |       |       x Anne-Dorothée de Mengden
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 |       |         |--> Antoine de Munnich
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 |       |         |      |--> Serge de Munnich
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 |       |         |      |--> Céleste Octavie de Munnich (1785-1851)
 |       |         |            x Armand François d'Allonville (1764-1832)
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 |       |         |--> Johan Gottlieb de Munnich (1735-1813)
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 |       |         |--> Ernst Gustave de Munnich(1740-1812)
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 |       |         |--> Anna Ulrika de Munnich (1741-1811)
 |       |               x Otto Hermann de Vietinghoff (1722-1792)
 |       |                  |
 |       |                  |--> Barbara Juliane von Krüdener (1764-1824)
 |       |
 |       |--> Sophie de Munnich
 |       |
 |       |--> Louise Dorothée de Munnich
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 |--> Johann Rudolf von Münnich (1678-1730) 
 |        
 |--> Christian Wilhelm von Münnich (1686-1768)

[modifier] Biographie

[modifier] Sa jeunesse

Le Duché de Courlande. La Livonie est une province russe à l'est du duché. La demeure familiale de Kosse est au sud de l'actuelle Estonie.
Le Duché de Courlande. La Livonie est une province russe à l'est du duché. La demeure familiale de Kosse est au sud de l'actuelle Estonie.

Juliane von Vietinghoff est élevée par une mère qui est une luthériennne très traditionaliste.

Mais son père est l'un des responsables de la franc-maçonnerie russe et un rationaliste convaincu. Otto Hermann de Vietinghoff est en relation avec Georges-Louis Leclerc de Buffon, Diderot, d'Alembert, Melchior Grimm[3].

Juliane von Vietinghoff vit à Riga, mais séjourne régulièrement en la demeure familiale de Kosse, à Viitinaen en Livonie[4] Elle fut élevée d’abord au sein d’une campagne pittoresque et sauvage; ce charmant petit lac où le vent jetait quelquefois les pommes de pin de la forêt... La haute noblesse du Nord était alors attirée par un attrait invincible vers Paris, vers cette Athènes des arts et des plaisirs. Les princes et les rois s'honoraient d'y venir passer quelques instans, et d'y prendre, pour ainsi dire, leurs grades de beaux-esprits ou d'esprits-forts[5].

La future Madame von Krüdener, étudie l'allemand et le français. Elle séjourne très souvent à Paris et à Strasbourg[6]. Elle voyage beaucoup avec ses parents. Ils reçoivent à souper, outre des savants, de grands seigneurs de la Cour de Versailles[7].

[modifier] Son mariage (1782)

Bernardin de Saint-Pierre est l'ami et le confident de la jeune Juliane.
Bernardin de Saint-Pierre est l'ami et le confident de la jeune Juliane.

Ses parents essaient de la marier à un grand propriétaire terrien, mais elle tombe très malade[8] et délire. Elle tient des propos peu flatteurs sur son fiancé. Celui-ci retire sa parole.

Juliane von Krüdener rencontre le baron Burchard Alexis Konstantin von Krüdener (1744-1802), diplomate et ambassadeur de Russie en Courlande et se marie avec lui en 1782, au château familial de la mère du baron à Ramkau. Elle n'a que 17 ans[9]. Krüdener est considéré comme un savant par ses camarades d'université. Diplomate à Paris, il devient l'ami de Jean-Jacques Rousseau. Ambassadeur de Russie en Courlande, Catherine II de Russie lui a demandé de préparer l'annexion de cette principauté.

Le 31 janvier 1784, ils ont un fils, Paul von Krüdener, qui nait à Mittau. Le grand-duc Paul, le futur Tsar Paul Ier de Russie, est son parrain.

Après la naissance de son fils, Juliane se met à rédiger en français des journaux intimes. Écrire lui permet d'oublier l'échec de son couple. Son mari a 20 ans de plus qu'elle. C'est un diplomate froid et réservé. Juliane von Krüdener est frivole, affectueuse, et veut qu'on s'intéresse à elle. Son extravagance est sans limites.

Néanmoins, elle accompagne le baron Krüdener à Venise (1786), Munich, et Copenhague (1787) et elle écrit à Bernardin de Saint-Pierre : Je suis unie à l'homme le plus estimable du monde, le plus jaloux de mon bonheur et le plus digne de votre amitié[10]. Et elle se conduit comme une femme très éprise... avant de se lasser du côté renfermé du personnage.

[modifier] Juliane von Krüdener se sépare de son mari (1787)

C'est au Danemark que naît sa fille Juliette von Krüdener. Elle a des problèmes de santé et décide qu'elle doit aller dans le sud pour sa santé, avec sa fille et la fille de son mari. En 1787, elle peut ainsi se détacher de son mari pour passer à Paris, où elle rencontre à nouveau, faubourg Saint Marceau, Bernardin de Saint-Pierre. Elle va vivre en tout 20 ans en France.

Juliane von Krüdener est à Paris quand se réunissent les États généraux de 1789. Elle se soucie peu des évenements révolutionnaires et fait un compte de 20.000 francs chez la célèbre modiste de la reine, Madame Bertin, alors qu'elle parlait d'économie à Copenhague.

Un an après, elle séjourne à Montpellier, puis à Nîmes où sa belle-fille est attaquée par la foule, qui la prend pour une Anglaise[11]. Elle y rencontre un jeune capitaine de cavalerie, le marquis et futur général de division, Charles Louis Joseph de Gau de Frégeville. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Les deux amants partent de la France révolutionnaire. Lui se déguise en laquais. Ils vont à Copenhague, où la baronne dit à son mari qu'elle veut divorcer. L'ambassadeur refuse d'entendre parler d'un divorce et essaie d'arranger un modus vivendi, qui est facilité par le départ de Frégeville à la guerre.

[modifier] Retours auprès de sa famille

Le tsarevitch Paul Ier de Russie est le parrain de son fils Paul et le protecteur de son mari. Il est, malheureusement pour Krüdener, assassiné.
Le tsarevitch Paul Ier de Russie est le parrain de son fils Paul et le protecteur de son mari. Il est, malheureusement pour Krüdener, assassiné.

Mais toutes ses manoeuvres sont inutiles ; Juliane refuse de rester à Copenhague. Elle part en voyage, séjournant à Riga, au château familial, à Saint-Pétersbourg, où son père est devenu sénateur. Les retrouvailles ont endeuillées par la mort de son père en juillet 1792. Juliane von Krüdener est très choquée par la mort de son père qui était pour elle un protecteur face aux autres.

Elle séjourne à Kosse, la demeure familiale et est frappée par la misère de ses paysans. Elle crée des écoles, des dispensaires et les couvre de bienfaits avec une partie de l'héritage de son père[12].

Juliane von Krüdener va à Leipzig et en Suisse. Elle fréquente des suisses célèbres, comme Madame Necker et des émigrés qui n'ont pas encore perdu leur joie de vivre d'avant 1789. C'est d'ailleurs en Suisse, entre 1796 et 1798, qu'elle rédige ses premiers manuscrits. Pensée d'une dame étrangère ou Pensées inédites de Madame de Krüdener est édité dans différents pays.

Fin 1799, Juliane von Krüdener rejoint à Berlin son mari, qui occupe dès la fin de l'année suivante le poste de ministre de Russie. Elle est toujours en retard aux cérémonies officielles et se plaint de l'étiquette de la Cour de Prusse, du climat et de la maussaderie de ses habitants. Le roi de Prusse, sa femme ou la princesse Radziwill, n'apprécient pas du tout son bel esprit.

Ses difficultés d'argent continuent. Et le meurtre du Tsar, Paul Ier de Russie, protecteur du baron Krüdener, fait que son poste ambassadeur est menacé. Il est ministre à Berlin, car il a évité une guerre avec la Prusse et organisé une très grande et belle fête pour la fille de ce Tsar.

Fuyant toutes ces contrariétés, la baronne saisit l'occasion pour partir pour les bains de Teplitz. Elle fréquente là un certain nombre de princes russes ou allemands, dont les égards et l'empressement la change de l'atmosphère berlinoise, où même son cuisinier la regardait avec mépris. Elle écrit à son mari que les médecins lui ont conseillé de passer l'hiver dans le sud de l'Europe. Son mari meurt le 14 juin 1802, sans jamais l'avoir revue.

[modifier] Après 1801

François-René de Chateaubriand préface Mémoires et pensées, fait éditer Valérie et du temps de la Restauration fréquentera son salon et assistera à des réunions religieuses.
François-René de Chateaubriand préface Mémoires et pensées, fait éditer Valérie et du temps de la Restauration fréquentera son salon et assistera à des réunions religieuses.

Malgré 89, malgré les massacres de septembre et la Terreur, Juliane von Krüdener ne paraît pas avoir cessé de voir dans Paris, une continuelle Athènes. Héritière du siècle des lumières, et surtout de Jean-Jacques Rousseau, Madame von Krüdener, aborde le seuil du XIXe siècle avec une sensibilité toute romantique. En septembre 1801, Mme de Krüdener fait la connaissance de Madame de Staël à Coppet. Elle part la retrouver après la mort de son mari à Paris. Elle rencontre aussi Chateaubriand, Benjamin Constant, Alexandre de Tilly, et plusieurs autres écrivains français. A ce moment la capitale connaît une période de paix et de renaissance brillante de la société et des lettres. En 1802, Sainte-Beuve[13] la voit : encore assez jeune et belle, délicieuse de grâce ; petite, blanche, blonde, de ces cheveux d'un blond cendré qui ne vont qu'à Valérie, avec des yeux d'un bleu sombre, un parler plein de douceur et de chant, comme c'est le charme des femmes livoniennes. Elle rencontre aussi Chateaubriand, Benjamin Constant et plusieurs autres écrivains français. qui deviendront ses amis.

Mémoires et pensées sont parues dans le Mercure de France en 1802 avec une préface de Chateaubriand. Valérie paraît en l'an XII (1804), sans nom d'auteur, à Paris, grâce à l'aide de Chateaubriand. C'est son œuvre la plus connue, un roman épistolaire autobiographique qui lui vaut un succès immédiat dans les milieux littéraires parisiens.

Pourtant le mouvement teutonique de réaction contre la France, ou du moins contre l'homme qui la tenait en sa main, allait bientôt gagner Mme de Krüdener et la pousser, par degrés, jusqu'au rôle où on l'a vue finalement. Déjà dans Valérie, il y a trace de quelque opposition au Consul, à l'endroit des réflexions du comte sur les tableaux et les statues des grands maîtres qu'il faut voir en Italie même, sous leur ciel, et qu'il serait déraisonnable de déplacer. Le meurtre du duc d'Enghien ajouta l'indignation à ce premier sentiment indisposé[14].

Et puis, le nouvel empereur de toutes les Russies paie les dettes de son mari et lui fait cadeau d'une terre, qui jointe à la sienne constitue une belle fortune[15].

[modifier] Sa conversion 1804

Jung Stilling.
Jung Stilling.

De retour à Riga, en 1804, Juliane von Krüdener, jusqu'ici très orgueuilleuse, est sujette à une crise mystique qui la rapproche du piétisme. Une de ses connaissances, tombe mourant à ses pieds, en la revoyant. Elle est choquée, car elle est très fragile des nerfs et émotive. Elle trouve la paix intérieure auprès de son cordonnier, un disciple ardent des frères moraves.

Juliane part faire une cure thermale aux bains de Wiesbaden. A Königsberg elle a un long entretien avec la Reine Louise, et Adam Müller, un paysan très rustique, à qui Dieu avait demandé d'indiquer une mission prophétique au Roi Frédéric-Guillaume III de Prusse. La défaite a métamorphosé la Reine Louise. Avec Juliane, elles passent leurs journées auprès des malades, des pauvres et surtout des innombrables blessés. La reine accueille avec joie les enseignements de Madame de Krüdener[16].

Napoléon pour le piétisme est évidemment l'ante-christ ; et la fin du monde est proche. Cette croyance va se répandre dans les cours princières et dans la paysannerie. Toutefois un homme doit venir du Nord chasser l'ante-christ et le Christ va revenir pour régner mille ans sur la terre. Ses entrevues à Königsberg l'ont déterminé à mener ce combat pour sauver le monde. Elle part prêcher en Allemagne et en Suisse. Cette conversion spirituelle l’amène à prêcher dans le sud de l'Allemagne, puis dans le nord de la Suisse et en Alsace, suivie de milliers de disciples.

Madame de Krüdner passe ces années de transition, tantôt visitant des frères moraves, tantôt écoutant, à Carlsruhe, Jung Stilling, un pasteur un peu exalté. Elle rencontre un certain nombre d'aristocrates dans ces milieux, comme la princesse de Reuss, tante de la reine de Prusse, qui fuient les honneurs et le luxe et recherchent le bonheur pour eux et les pauvres et surtout Dieu. Mais Juliane von Krüdener se soucie avant tout des pauvres et de distribuer les dons de ses nouveaux amis, comme Charles Frédéric de Bade. Elle fréquente la Cour, dont les membres sont très flattés que l'auteur de Valérie vive à Carlsruhe.

[modifier] Une période d'errance et d'échecs

Jung Stilling réussit à lui transmettre son admiration et ses connaissances des idées d'Emanuel Swedenborg.
Jung Stilling réussit à lui transmettre son admiration et ses connaissances des idées d'Emanuel Swedenborg.

De l'autre côté de la frontière, dans le Wurtemberg, il n'en est pas de même : ses courriers aux communautés de frères moraves sont brulés. Cela n'empêche pas Juliane von Krüdener d'aller dans les endroits les plus infects prodiguer les soins les plus répugnants.

Elle trouve le temps néanmoins de terminer : Lettres de quelques gens du monde. Elle écrit aussi à cette époque : Othilde ou Le Souterrain.

La reine de Hollande la reçoit et elles parlent religion et de Valérie. Juliane von Krüdener ne veut pas rentrer à son service. Elle parle pourtant avec enthousiasme de la reine de Hollande à la reine de Prusse.

Jung Stilling réussit à lui transmettre son admiration et ses connaissances des idées d'Emanuel Swedenborg.

Juliane von Krüdener part écouter les prophéties de Jean Frédéric Fontaines, dans les Vosges. Il est l'auteur, paraît-il, d'un miracle. Elle arrive chez ce personnage bizarre à Sainte-Marie-aux-Mines, accompagnée de sa fille Juliette et d'un valet russe. Fontaines, moitié-charlatan, moitié-dupe, lui présente une prophétesse appelée Marie Gottliebin Kummer, dont les visions, soigneusement calculées pour ses intérêts pécuniers, sont pris pour des miracles par la baronne.

Son rang, ses dons aux pauvres, et son éloquence exubérante ont un grand impact sur les gens simples des campagnes. Et quand en 1809, les pasteurs décident de créer une communauté d'élus attendant l'arrivée du seigneur, beaucoup de paysans misérables vendent ou donnent leurs biens et suivent la baronne von Krüdene et le pasteur Fontaines dans le Württemberg. Ils sont expulsés du royaume. Elle est condamnée au pilori et à trois ans d'emprisonnement en tant qu'escroc. Pourtant elle dépense toute sa fortune pour convertir les pauvres.

En 1809 il est évidemment dangereux de proclamer que Napoléon est une bête de l'apocalypse et il ne faut pas oublier que le roi du Württemberg doit son trône à l'Empereur des Français.

Ses errances continuent : à Lichtenthal[17], à Karlsruhe. Puis elle va à Riga, grâce à l'aide d'un négociant juif de Karlsruhe qui paie ses dettes et ses frais de voyage. Juliane von Krüdener est présente lors du décès de sa mère le 24 janvier 1811.

Au bout d'un an, elle retourne à Karlsruhe et peut rembourser les 10.000 écus, grâce à la succession de sa mère. Elle n'a plus d'argent ! L'influence de Fontaines, à qui elle avait été religieusement mariée[18], s'affaiblit, et elle tombé sous celle de Johann Kaspar Wegelin (1766-1833), un marchand de tissus très mystique de Strasbourg.

[modifier] Les foules et les princes

L'impératrice Élisabeth de Russie espère qu'une rencontre de son mari avec Juliane von Krüdener va lui redonner la paix.
L'impératrice Élisabeth de Russie espère qu'une rencontre de son mari avec Juliane von Krüdener va lui redonner la paix.

Les foules désormais viennent la voir de loin et sa venue s'accompagne d'une épidémie de visions et des prophétie. En 1811, une comète leur fait croire que la fin est proche. En 1812 elle est à Strasbourg, où elle rend de nombreuses visites à Jean-Frédéric Oberlin[19]. Elle a réussi à convertir Adrien de Lezay-Marnésia, le préfet du Bas-Rhin, qui donne 30 mille francs à Jean-Frédéric Oberlin pour les pauvres de sa paroisse.

Outre Rhin, elle rencontre Jean-Paul Richter[20], Achim von Arnim, Schenkendorf et Zacharias Werner.

En 1813, elle est à Genève, où elle crée une communauté dirigée par Henri Louis Empeytaz. Juliane von Krüdener prévoit entre autres le retour de Napoléon de l'île d'Elbe.

En septembre 1814, elle va à Waldersbach, où Empeytaz l'avait précédée ; et à Strasbourg, où ils sont reçus par Franz Karl von Berckheim.

A Karlsruhe, elle fréquente Désirée Clary, la reine de Suède ; la reine Hortense de Beauharnais et son frère, Eugène de Beauharnais, le vice-roi d'Italie.

Juliane von Krüdener va devenir l'amie et la conseillère du tsar Alexandre Ier de Russie.
Juliane von Krüdener va devenir l'amie et la conseillère du tsar Alexandre Ier de Russie.

L'impératrice Élisabeth de Russie vient la voir à Karlsruhe. Elle, et les dames piétistes de son entourage espèrent que l'empereur Alexandre Ier de Russie va trouver la paix intérieure en rencontrant Madame de Krüdener, paix qu'une entrevue avec Jung-Stilling ne lui a pas apportée. La baronne de son côté a écrit des lettres à Roxandre de Stourdza, soeur du secrétaire roumain des tsars, la priant d'obtenir une entrevue.

Au printemps de 1815 la baronne s'installe à Schlüchtern, une enclave du royaume de Bade au Württemberg. Elle essaie de persuader les paysans de vendre tous leurs biens et de venir la rejoindre. D'autres partent dans le Caucase, car leurs pasteurs leur disent que les juifs vont retourner en Terre Sainte et ils veulent se rapprocher de Jérusalem.

Près de sa demeure, à Heilbronn, l'empereur Alexandre Ier de Russie établit son quartier général le 4 juin. Elle le rencontre tard dans la nuit. Le tsar la reçoit. Une bible est encore ouverte. L'arrivée soudaine de la baronne lui semble une réponse à ses prières. Pendant trois heures la prophétesse lui prêche son étrange évangile. L'homme le plus puissant d'Europe s'assoit, met son visage au creux de ses mains, sanglotant comme un enfant. Et puis enfin il lui a déclare qu'il a retrouvé la paix.

Elle a aussi une influence spirituelle sur la reine Louise de Prusse, la reine Hortense de Beauharnais, la princesse Stéphanie de Beauharnais.

[modifier] La Restauration

Madame de Staël est à ses côtés très souvent : en Suisse, en Allemagne et à Paris.
Madame de Staël est à ses côtés très souvent : en Suisse, en Allemagne et à Paris.

Au moment des Cent-Jours, elle demande au tsar Alexandre, son souverain, d'assumer le rôle d'Élu de Dieu et, comme tel, de prendre la direction d'une nouvelle Église chrétienne régénérée et lavée des atrocités de la Révolution et de l'Empire.

À la demande du tsar elle le suit à Heidelberg. Elle assiste à ses côtés la grande revue de l'armée russe dans la plaine des Vertus, en Champagne[21] et puis à Paris. Puis, elle est logée à l'hôtel Montchenu, juste à côté du quartier général impérial dans le palais de l'Élysée. Une porte privée relie les deux demeures, et chaque soir l'empereur participe aux prières et aux réunions conduites par la baronne et Empeytaz. Dans toutes les décisions européennes la baronne von Krüdener semble avoir joué un rôle politique non négligeable.

À la même époque, Juliane von Krüdener tient un salon littéraire célèbre au faubourg Saint-Honoré à Paris, fréquenté par François-René de Chateaubriand, Madame de Staël, Juliette Récamier, Pierre Garat (musicien), Jean Baptiste Antoine Suard, Antoine Balthazar Joachim d'André [22], Benjamin Constant, Benjamin Constant, Laurent Pierre Bérenger, Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, Madame de Lézay-Marnésia, M. de Gérandon, un proche d'André-Marie Ampère. Parmi eux se glisse le ministre suisse Empeytaz, son directeur spirituel. Chateaubriand, Benjamin Constant, Juliette Récamier, la duchesse de Bourbon, et Benjamin Constant sont attirés par le piétisme.

Chateaubriand se détachera rapidement de Krüdener et écrit, dans ses Mémoires d'outre-tombe: "Madame de Krudener m'avait invité à l'une de ces sorcelleries célestes. Moi, l'homme de toutes les chimères, j'ai la haine de la déraison, l'abomination du nébuleux et le dédain des jongleries. La scène m'ennuya: plus je voulais prier, plus je sentais la sécheresse de mon âme. Je ne trouvais rien à dire à Dieu et le Diable me poussait à rire."

Juliane von Krüdener convainc le tsar de la nécessité d'appliquer les préceptes chrétiens à la politique, et l'incite à former une Sainte-Alliance, qu'elle baptise elle-même de ce nom (1815), mais ses buts sont la défense de la paix à tout prix et le soutien à des empires multinationaux face au droit des peuples à vivre libres.

[modifier] La fin de sa vie

Comme pour Juliane von Krüdener, le soutien d'Alexandre Ypsilántis aux indépendantistes grecs est désapprouvé par le Tsar.
Comme pour Juliane von Krüdener, le soutien d'Alexandre Ypsilántis aux indépendantistes grecs est désapprouvé par le Tsar.

Juliane retourne dans le sud de l'Allemagne, la Suisse et l'Alsace où elle essaie à nouveau de convertir les masses en particulier par des soupes populaires. La partie nord de la Suisse est très pauvre. Mme de Krüdener s'y rend pour soulager la misère de tant d'affamés. Elle parcourt l'Allemagne avec 300 pasteurs et fidèles[23]. Cette pieuse mission est dénoncée par Metternich et les cantons suisses, comme l'instrument des révolutionnaires les plus dangereux, et Juliane von Krüdener est reconduite de brigade de police en brigade de police jusqu'en Russie[24].

Juliane von Krüdener retourne à Riga en 1818 avant de s'installer à Saint-Pétersbourg. Son influence à la fois politique et religieuse sur l'aristocratie russe est grande. Toutefois, le Tsar refuse désormais de la rencontrer. Lors de la Guerre d'indépendance grecque, elle prêche à Saint-Pétersbourg la croisade contre les Turcs, mais le tsar s'oppose à ses vues et lui demande dans une longue lettre de quitter la ville. Le 12 mai 1821, la Sainte-Alliance publie un manifeste rappelant aux populations qu’elles devaient attendre réformes et justice de leurs souverains légitimes, et non chercher à les obtenir par les armes.

En mai 1824, Juliane von Krüdener part en Crimée, où se multiplient les colonies allemandes. Veut-elle les convertir à son piétisme luthérien ? En réalité selon différentes sources, elle va là bas pour une cure thermale en compagnie de sa fille, de son gendre, le baron de Berckheim, et de la princesse Anna Galitzine.

Juliane von Krüdener est donc presque rejetée par les autorités impériales et elle a dépensé une partie de sa fortune pour convertir et aider les pauvres. C'est dans cette sorte de déchéance qu'elle décède à Karassoubazar le 25 décembre 1824, à l'âge de 50 ans, dans une colonie de Suisses venus s'établir en Crimée.

Après sa mort, certains en feront une sainte, d'autres une folle. La duchesse d'Abrantès ne s'intéressera pas qu'à son côté mystique et écrira : Madame de Krudener est une des femmes les plus remarquables, comme talent. En tous les cas à une époque où la plupart des femmes sont soumises à leurs maris, Juliane von Krüdener est une femme qui a une grande influence sur les hommes.

Toutefois, la princesse Anna Galitzine, un instant influencée par les idées de la baronne, redevient favorable aux idées de Voltaire[25], et c'est le cas de beaucoup de ses proches.

[modifier] Sa descendance

Amalia Freyin, femme du baron Alexander von Krüdener, son neveu, puis du comte Adlerberg.
Amalia Freyin, femme du baron Alexander von Krüdener, son neveu, puis du comte Adlerberg.
  • Juliette von Krüdener (1787-1865), sa fille x Franz Karl von Berckheim (1785-1836), baron, maître des requêtes et commissaire-général de police.
  • Paul von Krüdener (1784-1858), son fils. Jean-Pierre Frédéric Ancillon est son précepteur. Attaché à l'ambassade russe à Paris en 1804. Secrétaire d'ambassade en France en 1812, il est arrêté sur ordre de Napoléon. Chargé d'affaires de la Russie en Suisse
  • Juliette von Krüdener (1825–1915), écrivaine.

[modifier] Œuvres

  • Pensée d'une dame étrangère ou Pensées inédites de Madame de Krüdener (1799)
  • 1785 - 1807, Lyon, Univ. Lyon II, CNRS, 1976
  • Géraldine I, une version autobiographique de sa liaison avec le comte Adrien de Lezay-Marnésia.
  • Alexis, ou Histoire d’un soldat russe,
  • La Cabane des lataniers, inspiré de Paul et Virginie,
  • Élisa, ou l’Éducation d’une jeune fille
  • Les Malheurs de l’Helvétie
  • Pensées et maximes .

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard
  • Abel Hermant, Madame de Krüdener, Paris, Hachette, 1934 (rééd. Dualpha, 2006 (ISBN 2915461724))
  • Francis Ley, Bernardin de Saint-Pierre, Mme de Staël, Chateaubriand, Benjamin Constant et Mme de Krüdener, Paris, Montaigne, 1967
  • Francis Ley, Madame de Krüdener et son temps, Paris, Plon, 1962
  • Jean René Derré, Écrits intimes et prophétiques de Madame de Krüdener, Paris, CNRS, 1975
  • Henri Troyat, Alexandre Ier, Paris, Flammarion, 1980

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard, p.2
  2. Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard, p.3
  3. Biographie universelle
  4. La demeure a été mentionnée pour la première fois en 1542. Par la suite elle appartient à la famille des Vietinghoff pendant très longtemps et plus tard il aura plusieurs propriétaires et deviendra après 1945 une école. Le bâtiment principal à deux étages a été remanié en 1896.
  5. Poètes et romanciers modernes de la France : Madame de Krüdner, Sainte-Beuve
  6. Blackwood's Edinburgh Magazine, p. 610
  7. Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard, p.6.
  8. La rougeole
  9. Et non 14 ans, comme l’écrit Sainte-Beuve. Elle est née en 1764.
  10. Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard, p. 17
  11. Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard, p.36.
  12. Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard, p. 67
  13. Portraits de femmes, Édition de Gérald Antoine
  14. Sainte-Beuve, Op. cit.
  15. Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard, p. 122.
  16. Vie de Madame de Krudener, Par Charles Eynard, p.160.
  17. Près de Baden
  18. Madame Fontaines étant d'accord pour cette bigamie à condition que la baronne continue à les faire vivre !
  19. Le célèbre pasteur de Waldersbach
  20. Qui tombe amoureux d'elle dès qu'il la rencontre à Leipzig où elle va voir son fils (Life of Jean Paul F. Richter, Par Eliza (Buckminster) Lee, p.2)
  21. Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, avec les ..., Par Hoefer (Jean Chrétien Ferdinand), p.238
  22. Intendant des Douanes sous Louis XVIII, comme jadis Ernst de Munnich, son grand-père
  23. Mémoires sur la Restauration, ou Souvenirs historiques sur cette époque, la Révolution de 1830 ..., Par Laure Junot Abrantès, duchesse d', Laure Junot Abrantès, p.35
  24. Les femmes en Orient, Par Dora d'Istria, p.76
  25. Russia on the Black Sea and Sea of Azof Being a Narrative of Travels in the Crimea and Bordering ... par Henry Danby Seymour, p.209.