Arrêt Blanco

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L'arrêt Blanco, rendu le 8 février 1873 par le Tribunal des conflits, est considéré comme le fondement du Droit administratif français.

Sommaire

[modifier] Circonstances de l'espèce

Agnès Blanco, âgée de 5 ans, est renversée et grièvement blessée par un wagonnet poussé par quatre ouvriers. Le wagonnet appartient à une manufacture de tabac de Bordeaux, exploitée en régie par l'État. Le père de l'enfant saisit donc la juridiction judiciaire d'une action en dommages-intérêts contre l'État, estimé civilement responsable de la faute commise par les quatre ouvriers. Un conflit s'élève entre les juridictions judiciaire et administrative et le Tribunal des conflits est chargé de trancher.

La question est de savoir « quelle est, des deux autorités administrative et judiciaire, celle qui a compétence générale pour connaître des actions en dommages-intérêts contre l'État » (Conclusions du commissaire du gouvernement David).

Cet arrêt du Tribunal des conflits est l'un des 11 rendus avec la voix déterminante du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice (Jules Dufaure), pour cause de partage de voix entre les membres. C'est d'ailleurs ce que rappelle le rapport du Tribunal des conflits pour 2005, p. 44

Le Conseil d'État, déclaré compétent par l'Arrêt Blanco, rendra un arrêt le 19 mai 1874, octroyant une rente viagère à la victime.

[modifier] Considérant essentiel de l'arrêt

« Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ;
Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés ;  » 
Arrêt Blanco du Tribunal des Conflits


[modifier] Commentaire

L'arrêt Blanco fait figure, selon l'expression du doyen Léon Duguit, de « pierre angulaire » du Droit administratif français. En effet, il définit à la fois la compétence de la juridiction administrative et le contenu du droit administratif. Il convient toutefois de souligner que l'importance donnée à l'arrêt Blanco résulte d'une reconstruction mythologique du droit administratif, opérée au début du XXe siècle sous l'influence du Commissaire du gouvernement Jean Romieu. Avant cette date, en effet, l'arrêt Blanco n'était pratiquement pas cité, ni dans les œuvres de doctrine, ni dans les conclusions de commissaires du gouvernement. De surcroît, cette approche est extrêmement discutée. En effet deux écoles doctrinales s'affrontent à ce sujet : l'école du service public (Duguit) et celle de la puissance publique (Hauriou). La principale différence entre ces deux courants réside dans le critère de l'application du droit administratif.

[modifier] Compétence

En référence à la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III qui proscrivent aux tribunaux judiciaires de « troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs », l'arrêt retient le critère de service public comme fondement de la compétence administrative. Ainsi, le commissaire du gouvernement déclare :

« Les tribunaux judiciaires sont radicalement incompétents pour connaître de toutes les demandes formées contre l'administration à raison des services publics, quel que soit leur objet, et alors même qu'elles tendraient, non pas à faire annuler, réformer ou interpréter par l'autorité judiciaire les actes de l'administration, mais simplement faire prononcer contre elle des dommages pécuniaires en réparation des dommages causés par ses opérations. »

[modifier] Responsabilité

Le Tribunal des conflits rejette par cet arrêt des principes du Code civil français, pourtant établis par le législateur, en revendiquant des « règles spéciales », justifiées par les « besoins du service ».

[modifier] Limites de l'arrêt

La loi et la jurisprudence postérieure ont précisé ou remis en cause les solutions apportées par l'arrêt Blanco :

  • Le service public n'est pas le seul critère de compétence du juge administratif. On peut invoquer par exemple le simple exercice de la puissance publique (TC 10 juillet 1956 Société Bourgogne-Bois).
  • Le triptyque originel de l'arrêt Blanco (coïncidence de l'intérêt général, action d'une personne publique et règles exorbitantes du droit commun) a été largement remis en cause par la jurisprudence postérieure.
  • Le service public n'entraîne pas toujours la compétence administrative, par exemple en cas de gestion privée d'un service public (CE 31 juillet 1912 Société des granits porphyroïdes des Vosges).
  • Un service public peut en effet être géré par une personne privée (CE 13 mai 1938 Caisse primaire aide et protection et CE 28 juin 1963 Narcy). La puissance publique est alors le critère de la compétence administrative (CE 13 janvier 1961 Magnier).
  • Un service public peut être soumis au droit privé quand il s'agit d'un service public industriel et commercial, et non administratif (TC 22 janvier 1921 Société commerciale de l'Ouest Africain et CE 16 novembre 1956 Union syndicale des industries aéronautiques). En outre les contrats passés par un service public ne sont administratifs que s’ils contiennent une clause exorbitante du droit commun (CE 31 juillet 1912 Société des granits porphyroïdes des Vosges) ou lié à l'exécution même du service (CE 20/04/1956 Époux Bertin).
  • La loi du 31 décembre 1957 a transféré à la juridiction judiciaire le contentieux des « dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque ». Le wagonnet ayant blessé Agnès Blanco relèverait donc aujourd'hui de la juridiction judiciaire.
  • L'autonomie du droit administratif est moins claire, les juridictions administratives appliquant parfois le code civil (CE 6 mai 1983 Société d'exploitation des établissements Roger Revellin).


[modifier] Notes et références de l'article

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes

Texte de l'arrêt

Bibliographie

  • Grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 15e édition, 2005 ;
  • René Chapus, « Signification de l'arrêt Blanco », in L'administration et son juge, PUF, 1999
  • René Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, coll. « Domat Droit public », 12e édition, 1998, t. 1.
  • Clément KABANGE Ntabala, "grand services publiques de l'Etat",in presse universitaire,paris,2006

Liens externes

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