Acte administratif unilatéral en France

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En droit français, l'acte administratif unilatéral est l'acte administratif pris par une personne publique créant des droits et obligations à l'égard des administrés. On l'oppose au contrat administratif.

Sommaire

[modifier] L'entrée en vigueur de l'acte administratif unilatéral

On distingue les actes réglementaires qui définissent une situation générale, des actes non-réglementaires qui se composent en majorité des décisions individuelles (caractérisant une situation individuelle), des décisions collectives (concernant plusieurs personnes dont la situation est solidaire) et les décisions particulières (pour une situation individualisée qui a des effets sur un nombre indéterminé de personnes).

Exemples :
règlement : interdiction de stationner dans une rue
décision individuelle : M. X est titularisé comme professeur certifié
décision collective : résultat d'un concours
décision particulière : déclaration d'utilité publique

La distinction ne se fait pas sur le nombre de destinataires mais sur l'individualisation de cette décision.

Cette distinction n'est pas absolue, ainsi certains actes peuvent être les deux. De plus, certains actes sont soumis à un régime juridique qui emprunte aux deux catégories.

[modifier] Les effets de l'acte administratif

L'acte administratif est exécutoire par nature. En d'autres termes, point n'est besoin d'une décision de justice ou d'une décision d'une autre autorité pour lui conférer force exécutoire au préalable. Les recours contre les actes administratifs n'ont en principe pas d'effet suspensif.

[modifier] L'exécution de l'acte administratif

L'exécution de l'acte administratif s'effectue par la voie administrative (moyens de l'administration). L'administration peut aussi avoir recours au droit privé pour l'exécution de ses actes contre les particuliers.

[modifier] La disparition de l'acte administratif unilatéral

[modifier] Disparition de l'acte administratif hors la volonté de l'administration

La disparition de l'acte administratif peut être due à la disparition de l'objet de l'acte, au décès de son destinataire. Elle peut résulter de son annulation pour illégalité par le juge administratif (le juge de l'excès de pouvoir) ou par le supérieur hiérarchique. Elle peut enfin résulter de la survenance du terme exprimé dans l'acte.

[modifier] Disparition de l'acte administratif par la volonté de l'administration

Le retrait est la disparition rétroactive alors que l'abrogation ne vaut que pour l'avenir.

[modifier] Abrogation et retrait des actes réguliers

En vertu du principe de non-rétroactivité des actes administratifs, les actes administratifs réguliers ne peuvent être retirés. Par exception, la jurisprudence a admis ce retrait pour les actes individuels à la demande de leur bénéficiaire.

Pour l'abrogation des actes réguliers, il faut distinguer selon les actes individuels et les actes réglementaires.

Les actes réglementaires sont toujours abrogeables, à tout moment, même si ce dernier avait été pris pour une durée précisée (nul n'a de droit acquis à une réglementation).

Les actes individuels réguliers ne sont en principe abrogeables que s'ils ne sont pas créateurs de droit. Cependant un acte créateur de droit n'est pas intangible puisqu'il peut être contredit par un acte contraire. Ainsi la nomination régulière d'un fonctionnaire ne peut être abrogée mais ce dernier peut être licencié, révoqué ou mis à la retraite.

[modifier] Abrogation et retrait des actes irréguliers

Les actes irréguliers peuvent et même doivent être retirés par l'administration au nom du principe de légalité. Ce retrait permet de plus d'anticiper sur l'annulation que le juge administratif pourrait prononcer. Cependant, la sécurité juridique demande que ce pouvoir de l'administration soit encadré et tempéré afin de préserver les éventuels droits acquis.

Le cas des règlements

Les règlements illégaux dès l’origine peuvent être retirés tant que les délais de recours contentieux ne sont pas épuisés et pendant toute la durée de l'instance si un recours a été engagé. Passé ce délai, ils peuvent et doivent être abrogés, soit d’office, soit à la demande d’une personne y ayant intérêt. L'autorité administrative compétente est tenue d'abroger de tels règlements lorsqu'elle est ainsi saisie d’après l’arrêt Compagnie Alitalia (C.E. Ass. 3 février 1989). Jurisprudence reprise par la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.

Dans le cas où un règlement devient illégal suite à un changement de circonstances de fait ou de droit, tout intéressé peut demander son abrogation à l’administration compétente à toute époque, d’après l’arrêt Despujols (CE Sect. 10 janvier 1930), et peut même agir par un recours contentieux direct dans le nouveau délai de recours né suite au changement de circonstances.

Le cas des actes individuels

Pour les actes individuels créateurs de droit, la règle traditionnelle provenait de l'arrêt Dame Cachet (C.E 3 novembre 1922) selon lequel l'administration pouvait retirer l'acte illégal tant que le juge de l'excès de pouvoir était compétent pour l'annuler. Le délai était donc de deux mois à compter de la publication éventuelle de l'acte. Cette jurisprudence a montré ses limites car l'absence de publication d'un acte individuel (et l'absence de notification aux tiers concernés) ne permettait pas de déclencher à leur égard le délai de deux mois. L'acte devenait donc retirable par l'administration indéfiniment (C.E 6 mai 1966 Ville de Bagneux). Cette jurisprudence fut tempérée par les arrêts Ève (C.E. Sect. 14 novembre 1969 ) en ce qui concerne les décisions implicites d'acceptation (non retirables) et Mme de Laubier (C.E. Ass. 24 octobre 1997) en ce qui concerne l’effet d’un défaut de mention des voies et délais de recours (dont l’administration ne pouvait se prévaloir à son propre profit).

Les règles de droit ont radicalement évoluées depuis.

Il faut distinguer trois cas quant aux décisions individuelles créatrices de droit mais illégales 

a) Pour les décisions implicites d'acceptation, l'article 23 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 indique qu’une telle décision peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : 1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre; 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre; 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé.

b) Pour les décisions implicites de rejet, la jurisprudence Cachet continue de s’appliquer : l’administration peut et doit retirer l’acte, pour illégalité, dans le délai du recours contentieux (CE, 26 janvier 2007, n° 284605, SAS Kaefer Wanner).

c) Pour les décisions explicites, la jurisprudence a été transformée profondément le 26 octobre 2001 avec l'arrêt Ternon selon lequel le retrait d'un acte créateur de droit explicite est possible, s'il est illégal et sauf législation ou réglementation spécifique, dans les quatre mois suivant la prise de décision et seulement dans ce délai (il peut aussi être retiré dans le cas, très rare, où le bénéficiaire demande lui-même le retrait). Le délai de retrait d'un tel acte est donc désormais totalement déconnecté du délai de recours contentieux.

Les décisions pécuniaires sont créatrices de droit, et ne peuvent être retirées au delà du délai de quatre mois (jurisprudence Soulier, C.E. 6 novembre 2002), mais peuvent être abrogée si les conditions légales de versement ne sont pas ou ne sont plus réalisées. En revanche, de simples erreurs de liquidation dans le paiement d'une somme ne sont pas créatrices de droit et l'administration est alors en droit de récupérer les trop-perçus.

Exceptions

a) Une exception aux règles précédentes résulte de l'article L. 424-5 du Code de l’urbanisme qui dispose, pour les décisions rendues après le 1er octobre 2007 :
« La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d’aucun retrait.
Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. »
Mais cette uniformisation des délais de retrait de l'article L.424-5 du Code de l’urbanisme ne concerne pas les certificats d'urbanisme.

b) D'autres exceptions peuvent résulter de normes spécifiques, notamment lorsque le droit de l'Union européenne entre en jeu.

Le cas des actes non-créateurs de droit

Par ailleurs, les actes individuels non-créateurs de droit (comme une autorisation précaire) peuvent toujours être abrogés par l'administration compétente qu’ils soient ou non réguliers. Il n'y a obligation d'abroger l'acte que si celui-ci est devenu irrégulier au cours de son existence (du fait d'un changement de circonstances). Enfin, l'administration peut et doit le retirer s'il était illégal dès le départ (cas d’un acte obtenu par fraude par exemple, ou d'un acte purement recognitif erroné).

[modifier] Les catégories d'acte administratif unilatéral

[modifier] Bibliographie

  • Yves Gaudemet, Traité de Droit administratif Tome 1 16e édition, 2001