Acquis sociaux

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Le terme d'acquis sociaux fait référence à des droits collectifs, le plus souvent d'employés, faisant partie du droit social, inscrits dans le code du travail par une loi, ou fixés au sein de chaque branche professionnelle par des accords collectifs et des conventions collectives, signés après négociations par les partenaires sociaux.

Sommaire

[modifier] Obtention

Ces acquis sociaux sont parfois obtenus par des mouvements sociaux, en particulier par la grève. Ils sont également obtenus lors de périodes historiques particulières. Dans cette dernière catégorie on peut citer en France les congés payés en 1936 (suite à la grève générale de mai-juin), la création de la Sécurité sociale en 1945, celle-ci faisait partie du programme du Conseil national de la Résistance. Ils ne peuvent être obtenus de manière soutenable que grâce au progrès technique.

L'expression « acquis sociaux » fait aussi référence à des changements, considérés comme un progrès, souvent obtenus dans le cadre du mouvement ouvrier, comme l'interdiction du travail des enfants, les congés maternité, ou la diminution du temps de travail. Ainsi Raoul Vaneigem considère que « Les services publics et les acquis sociaux, arrachés de haute lutte par des générations d’ouvriers et d’employés, ne résultent pas d’une grâce providentielle. Ils ne sont pas la propriété de l’État. Ils appartiennent à l’ensemble des citoyens »[1].

Néanmoins, un philosophe et écrivain comme Jean-François Revel est très critique de cette vision des acquis sociaux qui auraient été acquis par la grève ; il qualifiait ainsi en 2000 de « mythe » la théorie selon laquelle « les « luttes », les grèves, les occupations d'usines auraient permis le progrès social. » Il s'appuyait sur l'exemple de la première limitation du travail des enfants par le libéral François Guizot en 1841[2] ou l'abolition du délit de coalition par le libéral Emile Ollivier[3]. Il rappelle en outre l'hostilité de certains socialistes de l'époque - comme Jules Guesde - à ces mesures, accusées d'être une tentative de division des ouvriers[4].

L'historien Claude Harmel développait une argumentation similaire en 1997, rendant responsables les syndicalistes révolutionnaires d'avoir par leur intransigeance empêché l'amélioration des conditions des ouvriers, qui a au XIXe siècle été bien davantage le fruit de législations d'hommes politiques libéraux. Et Harmel de citer l'opposition de la CGT au projet Doumergue de mise en place de conventions collectives, l'organisation syndicale arguant que « les lois ouvrières en projet [..] ont pour objet d'entraver le développement du syndicalisme et d'étrangler le droit de grève »[5].

[modifier] Les controverses sur l'aspect « acquis »

Le vocable « acquis » s'inscrit dans la notion de permanence. Or les syndicats de salariés qui les défendent sont conduits à lutter pour leur maintien car les acquis sociaux de certaines catégories sociales sont régulièrement remis en cause par les gouvernements ou les organisations patronales qui considèrent que le caractère définitif de tout acquis est en contradiction avec une économie en perpétuelle mutation. Ainsi Jean-François Revel déclarait-il : « Les inégalités libérales des sociétés de production sont agitées d’un brassage permanent et elles sont modifiables à tout instant. Dans les sociétés de redistribution étatique, les inégalité sont au contraire figées et structurelles: quels que soient les efforts et les talents déployés par un actif du secteur privé français, il n’aura jamais les avantages “acquis” (c’est à dire octroyés et intouchables) d’un agent d’Electricité de France.[6] ». Le patronat avance souvent l'argument qu'au sein d'une entreprise, les acquis sociaux nuisent à la compétitivité économique de cette entreprise et peuvent même obérer son développement ou la mettre en difficulté en comparaison avec des entreprises concurrentes. Cet argument est considéré par certains partis de gauche, d'extrême-gauche et par des syndicats comme du « chantage à l'emploi » et une logique de dumping social.

Plus largement, les libéraux qualifient les acquis sociaux des fonctionnaires ou des personnels d’entreprises publiques de « privilèges » dont la défense (par des grèves, par exemple dans les transports collectifs) perturberait le fonctionnement économique. Ils considèrent également que dans le cadre de la compétitivité économique d'un pays, ces acquis défavorisent les initiatives entrepreneuriales et le fonctionnement optimal de l'économie (temps de travail rigide, contraintes administratives, horaires d'ouverture des magasins, …), avec à la clé une diminution de la croissance économique.

Sur le plan du marché du travail, la théorie des insiders-outsiders avance que les acquis sociaux des salariés favorisent les personnes ayant un travail salarié au détriment des chômeurs.

[modifier] En France

[modifier] Le cas du secteur public français

En France, la principale cible des adversaires des acquis sociaux sont les salariés du secteur public. Ces derniers sont soit des fonctionnaires, soit des salariés de droit privé dont les conditions de travail sont régies par des conventions collectives (les fonctionnaires n'ont pas de conventions collectives, de même ils n'ont pas le droit de faire appel aux Prud'hommes).

Le statut de fonctionnaire est considéré par certains comme plus avantageux que le statut de salarié de droit privé, par exemple concernant le statut d'« employé à vie ».

Cependant, pour les emplois très qualifiés (particulièrement pour les médecins et chercheurs, dont les revenus sont deux à cinq fois plus élevés dans le secteur privé[réf. nécessaire]), à qualification égale, le niveau de salaire est plus élevé dans le privé.

Au sein de la fonction publique française ou des entreprises publiques, certains groupes possèdent un pouvoir de pression élevé sur le gouvernement français, qui leur permet d'obtenir plus facilement ou de conserver certains acquis sociaux (par exemple, employés de la SNCF, d'EDF, ...).

Selon les syndicats, le secteur public en France est considéré comme « en avance » en matière d'acquis sociaux. Le statut de fonctionnaire français ou d’agent de certaines entreprises publiques étant, en général, plus protecteur que dans d'autres branches. Selon ces syndicats, les avancées sociales de la fonction publique seraient étendues progressivement à d'autres secteurs, selon une théorie de « locomotive sociale »[réf. nécessaire].

En période de chômage fort dû à une crise économique, les entreprises privées peuvent pratiquer des « ajustements » (pouvoir d'achat des salaires en stagnation ou plus faibles, « flexibilisation » ou augmentation du temps de travail, contrats de travail plus flexibles, …). Les libéraux regrettent que les salariés de la fonction publique ne soient pas soumis aux mêmes règles que les salariés du secteur privé et déplorent en particulier l'existence d'un « statut » particulier, source d'inégalités et de privilèges selon eux et dérogeant à l'égalité devant la loi[7]. Ils avancent en particulier l'exemple italien où le statut de fonctionnaire a été quasi-supprimé par le ministre de gauche Franco Bassanini en 1996. Ils estiment également que l'emploi à vie n'a pas de fondement et que, pour réduire l'importance de la fonction publique dans l'économie française, ce dernier devrait pouvoir licencier.

[modifier] Rôle économique des avantages « conjoncturels »

Certains économistes, dont les néo-keynésiens, arguent que des augmentations des bas salaires peuvent stimuler la consommation. Selon eux, cela contribuerait à améliorer la situation économique. Selon d'autres économistes (néo-classiques et libéraux), cela entraînerait inflation et chômage, précarisation de certains emplois[réf. nécessaire], et dégradation de la compétitivité économique (d'où hausse des importations et baisse des exportations).

[modifier] Notes et références

  1. Raoul Vaneigem, Modestes propositions aux grévistes, Verticales, 2004.
  2. Règne de Louis-Philippe
  3. Histoire du syndicalisme
  4. Le libéralisme ne garantit pas des solutions parfaites. Il n'a jamais été une idéologie., Entretien avec Jean-François Revel, Le Figaro, 1er mai 2000
  5. La pensée libérale et les questions sociales, Claude Harmel in Aux sources du modèle libéral français, Perrin, 1997, [lire en ligne]
  6. Jean-François Revel, La Grande parade, 2000, p. 257.
  7. Il faut supprimer le statut de fonctionnaire, Conscience politique

[modifier] Voir aussi