Accord du participe passé en français

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L'accord en genre et en nombre du participe passé est une des règles les plus délicates de la grammaire et de l'orthographe françaises. À l'école et hors de l'école, elle a longtemps constitué un des critères principaux pour distinguer ceux qui maîtrisent l'orthographe et ceux qui ne la maîtrisent pas, et donc, un marqueur social. Les manuels scolaires proposent un ensemble de règles complexes et codifiées. Mais la complexité de ces règles suscite parfois un excès de zèle qui aboutit lui aussi à des fautes.

Aujourd'hui, l'accord du participe passé, dans les formes où il pouvait s'entendre à l'oral, tend à disparaître. Le marquage du féminin, en particulier, s'efface de la langue parlée. À l'écrit cependant, des règles strictes sont encore appliquées, même si une certaine tolérance a été recommandée en France par l'arrêté Haby du 28 décembre 1976.[1]

Sommaire

[modifier] Règle générale

[modifier] Le participe passé sans auxiliaire

Comme n'importe quel adjectif, le participe passé utilisé sans auxiliaire s'accorde en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte :

  • Les lettres reçues.
  • La rumeur répandue.

Il s'accorde également en fonction d'attribut du sujet :

  • Elle semble étonnée.

[modifier] Le participe passé conjugué avec l'auxiliaire être

Le participe passé conjugué avec l'auxiliaire être s'accorde avec le sujet :

  • Ils sont étonnés.
  • Les moissons sont rentrées.

[modifier] Le participe passé conjugué avec l'auxiliaire avoir

Le participe passé est invariable :

  • J'ai reçu des lettres.

sauf si le complément d'objet direct (COD) le précède.
Dans ce cas, il s'accorde en genre et en nombre avec le COD :

  • Les lettres que j'ai reçues.

Le pronom relatif que est ici COD. Il reprend le groupe nominal les lettres, et est placé avant le participe.

Cette différence d'accord selon la place du COD est en fait directement liée à la logique de la langue française : le français se lisant et s'écrivant de gauche à droite, l'accord avec le COD placé avant le verbe est facile à repérer, tandis qu'un hypothétique accord avec le COD placé après le verbe l'est moins.

Cette règle est une invention du poète Clément Marot[2],[3], qui l'introduit en 1538, par imitation de la grammaire italienne.

Explication de Bernard Cerquiglini en images

[modifier] Cas des verbes pronominaux

[réf. souhaitée]

La plupart des verbes pronominaux suivent la règle d'accord des participes employés avec l'auxiliaire avoir[réf. nécessaire]. Cependant les règles changent lorsque le verbe est dit essentiellement pronominal.

[modifier] Cas des verbes essentiellement pronominaux

Un verbe essentiellement pronominal est un verbe qui n’existe qu'à la forme pronominale.
Le participe passé de ces verbes s'accorde avec le sujet :

  • Ils se sont enfuis.

Le verbe s'enfuir n'existe pas sous la forme enfuir. Il s’agit donc d’un verbe essentiellement pronominal, qui s'accorde avec le sujet Ils.

Cette règle s'applique aussi dans le cas des verbes pronominaux subjectifs ou autonomes (souvent qualifiés de verbes essentiellement pronominaux) : ce sont des verbes dont la forme pronominale n'a pas le même sens que la forme non pronominale :

  • Ils se sont aperçus de cette faute.

Les verbes s’apercevoir et apercevoir n'ont pas le même sens.

Exceptions :

Quoique essentiellement pronominal, le verbe s'arroger s'accorde avec le complément d'objet direct si celui-ci est placé avant le verbe :

  • Les droits que la direction s'est arrogés.

Le verbe s'entre-nuire également essentiellement pronominal possède un participe passé invariable :

  • Ils se sont entre-nui

[modifier] Exemples de verbes essentiellement pronominaux

  • Se souvenir ;
  • S'abstenir ;
  • S’enfuir

Verbes subjectifs ou autonomes :

  • S'apercevoir.
  • Se recueillir.
  • S'échapper

[modifier] Cas des autres verbes pronominaux

Dans le cas des autres verbes pronominaux, qui existent sous les deux formes, le participe passé s'accorde avec le COD si celui-ci est placé avant lui :

  • Elles se sont envoyé des cadeaux.

Le verbe envoyer existe. On cherche le COD : des cadeaux est placé après le participe. Il n'y a donc pas d'accord.

  • Les cadeaux, elles se les sont envoyés.

Cette fois, le pronom COD les, qui reprend Les cadeaux, est placé avant le participe. Celui-ci s'accorde donc.

  • Les cadeaux qu'elles se sont envoyés.

Même cas, sauf que le pronom relatif est ici le COD du verbe.

[modifier] Explication

Dans le cas de ces verbes, le pronom qui les précède n'a pas la fonction de COD.
Il peut avoir la fonction de complément d'objet indirect (ou COI) :

  • Elle m'a envoyé une lettre équivaut à Elle a envoyé une lettre à moi.

Ou encore marquer l'appartenance :

  • Je me suis lavé les mains équivaut à J'ai lavé mes mains

[modifier] Comment faire lorsque le COD n'est pas évident

Il faut se demander si le pronom précédant le verbe pronominal est COD ou non :

  • Ils se sont lavés.

On lave quelque chose. Se est COD : on fait l'accord.

  • Ils se sont plu.

On dit plaire à quelqu'un. se est donc COI. On ne fait pas l'accord.

  • Les hommes qui se sont succédé se sont souvent haïs.

Explication de Bernard Cerquiglini en images.

[modifier] Cas des verbes pronominaux de sens passif

Enfin, dans le cas où la forme pronominale remplace une forme passive, la règle veut que le participe passé s'accorde avec le sujet :

  • Cette règle s'est appliquée de tout temps.
  • Cette ville ne s'est pas construite en un jour.

En pratique, il est cependant difficile de se tromper sur cet accord. Toutes les interprétations possibles, même erronées, aboutissent en effet à l'accord convenable. On peut ainsi penser que la présence de l'auxiliaire être implique l'accord avec le sujet ; ou considérer que le pronom se, de sens réfléchi, est COD du verbe. Comme il est placé avant le verbe, il y aura là aussi accord.

[modifier] Cas particuliers d'accords avec l'auxiliaire avoir

Nota bene : les problèmes posés par l'accord du participe passé peuvent se révéler particulièrement ardus et litigieux dans les cas particuliers. Une grande indulgence est donc de mise, et est préconisée par l'arrêté du 28 décembre 1976 qui autorise certains accords (ou absences d'accord) auparavant proscrits.

[modifier] Le participe passé est placé devant un infinitif

En principe, lorsqu'un participe passé est placé devant un infinitif, pour qu'il y ait accord, il faut :

  1. Que le COD soit placé avant le participe passé,
  2. Et que le COD soit le sujet de l'action de l'infinitif :
  • J'ai vu ces oiseaux voler.

La condition 1 n'est pas remplie. Il n'y a pas d'accord.

  • Ces oiseaux, je les ai vus voler
  • Ces oiseaux que j'ai vus voler

Dans ces deux exemples, la condition 1 est remplie. On se demande alors qui est le sujet de l'action voler. Il s'agit des oiseaux, il y a donc accord.

MAIS

  • Les voleurs, je les ai vu emmener. (sous-entendu, par la police).

Ici, la condition 1 est remplie, mais pas la 2 puisque les voleurs n'est pas le sujet véritable de l'action d'emmener.

[modifier] Explication

Cette règle d'accord est en fait un reliquat de la proposition infinitive en latin, dont l'existence en français reste contestée par certains grammairiens.

[modifier] Exceptions

  1. Le participe passé du verbe faire est toujours invariable lorsqu'il est placé devant un infinitif :
    • Ma robe, je l'ai fait nettoyer.
  2. Le participe passé du verbe laisser est invariable lorsqu'il est placé devant un infinitif, selon les rectifications orthographiques du français de 1990 :
    • Ma robe, je l'ai laissé traîner.
Selon le rapport du Conseil supérieur de la langue française, laisser joue dans ce cas le même rôle de semi-auxiliaire que faire.

[modifier] Le participe passé est précédé de « en »

En est considéré comme un pronom adverbial invariable de statut incertain. Il ne rentre pas en ligne de compte, la plupart du temps, dans l'accord du participe passé. On suivra donc presque toujours la règle ordinaire, en cherchant si le participe passé est précédé d'un autre complément direct :

  • J'en ai reçu des réponses.
Le COD des réponses est situé après le participe, on ne fait donc pas l'accord. En a ici une valeur partitive.
MAIS
  • J'ai écrit à Londres ; voici les réponses que j'en ai reçues.
car que, représentant les réponses, est ici complément direct et précède le participe. Le pronom en remplace « de Londres » et a donc valeur de complément de lieu.
  • Des réponses, j'en ai reçu.
  • Des réponses, j'en ai reçues.
Dans ces deux cas, en est bien le seul COD de la phrase, puisque Des réponses est mis en apposition. Les deux formes sont alors admises, selon qu'on considère que en représente les réponses dans leur ensemble (j'ai reçu un ensemble de réponses), auquel cas on ne fait pas l'accord ; ou bien des réponses dans leur pluralité (J'ai reçu plusieurs réponses), auquel cas on fait l'accord.

[modifier] Autres exceptions

  1. On n'accorde pas les participes passés lorsqu'ils sont précédés d'un complément de durée, de mesure ou de prix, qui ne sont pas des COD. C'est le cas avec des verbes tels que coûter, durer, mesurer, peser, régner, valoir, vivre, etc.
    • Les vingt ans qu'ils ont vécu ensemble. (= ils ont vécu ensemble pendant vingt années)
    • Les vingt ans qu'ils ont vécus ensemble. (= ensemble, ils ont vécu vingt années, COD) (les deux sens sont différents)
  1. MAIS
    • Les déboires qu'ils ont vécus ensemble.
    Ici en effet, le complément n'a plus de sens de durée.
  2. Les participes passés des verbes semi-auxilaires, comme devoir, pouvoir, vouloir, etc., ainsi que ceux des verbes utilisés pour exprimer une opinion (dire, affirmer, croire, penser, etc.) sont invariables lorsqu'ils sont suivis d'un infinitif sous-entendu :
    • J'ai pris toutes les précautions que j'ai pu.
    On sous-entend ici que j'ai pu prendre. que n'est donc pas COD de pouvoir, mais de l'infinitif.
  3. Le participe passé des verbes impersonnels, conjugué avec l'auxiliaire avoir, est toujours invariable :
    • Tous les efforts qu'il a fallu, en vain.
  4. Les participes passés utilisés comme prépositions restent invariables. (Cas de ci-joint, étant donné, etc.)
    • Étant donné la conjoncture, ...
    • Ci-joint une lettre qui vous donnera mes raisons.
    MAIS
    • La lettre ci-jointe vous donnera mes raisons.
    Car dans ce cas le participe est employé comme adjectif.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes, références

  1. Arrêté du 28 décembre 1976 relatif aux tolérances grammaticales ou orthographiques (Journal officiel - N.C. du 9 février 1977). voir le contenu
  2. Dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, des Lettres et des Arts d'Amiens  : Puis le mourant dit à dieu, à ses enfants qui sur lui ont posée cette épitaphe et la tombe arrosée.
  3. ...las chanson fut bien ordonnée, qui dit : M'amour vous ay donnée : et du bateau est estonné qui dict : M'amour vous ay donné... dans Histoire des révolutions du langage en France De Francis Wey