Rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques

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Le rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques est un document présentant un ensemble de modifications de l'orthographe française. Les pays de la francophonie ayant participé aux discussions ont recommandé d'appliquer ces réformes, sans mesures contraignantes.

Sommaire

[modifier] Historique

Dans son discours du 24 octobre 1989, le Premier ministre français de l'époque, Michel Rocard, a proposé à la réflexion du Conseil supérieur de la langue française cinq points précis concernant l'orthographe :

Ces rectifications sont modérées dans leur teneur et dans leur étendue.

C'est sur ces cinq points que portent les propositions du rapport. Elles ne visent pas seulement l'orthographe du vocabulaire existant, mais aussi et surtout celle du vocabulaire à naître, en particulier dans les sciences et les techniques.

Dans certains cas, l'orthographe réformée correspond à une orthographe qui était déjà massivement employée, mais en étant auparavant fautive, en particulier dans les cas des accents. Ainsi, nombre de personnes n'utilisent pas d'accents circonflexes là où les rectifications le permettent (des mots comme « boîte », « île », « il plaît »). Pour le mot « événement », par exemple, un suivi sur internet à l'aide de moteurs de recherche montre que 25 % des pages retournées emploient « évènement » (ce qui ne peut être qualifié de succès de la réforme : plus conforme à la prononciation courante, cette graphie était une faute très répandue).

L'Association pour l'information et la recherche sur les orthographes et les systèmes d'écriture (AIROÉ) pour la France, l'Association pour la nouvelle orthographe (ANO) pour la Suisse, l'Association pour l'application des rectifications orthographiques (APARO) pour la Belgique, le Groupe québécois pour la modernisation du français (GQMNF) pour le Québec, la Coalition pour l'application des rectifications orthographiques (CARO) réunis au sein du Réseau pour la nouvelle orthographe du français (RENOUVO), diffusent régulièrement sur leurs sites respectifs ou dans leurs revues des informations sur le sujet.

[modifier] Diffusion

Présentées par le Conseil supérieur de la langue française, ces rectifications ont reçu un avis favorable de l'Académie française à l'unanimité, ainsi que l'accord du Conseil de la langue française du Québec et celui du Conseil de la langue de la Communauté française de Belgique.

L'Académie française, bien que participant à la diffusion des informations sur la réforme[1], se dit « encore en période d’observation »[2].

Ces « règles » ne sont toutefois que des recommandations. Elles n'ont aucun caractère obligatoire, et c'est une des raisons qui font qu'elles sont largement ignorées ; sans obligation ce sont les habitudes acquises qui perdurent. La réforme de l'orthographe allemande de 1996 avait été imposée plus fermement, par exemple en donnant une date limite à la presse pour s'y conformer, sous peine d'amende. Pour éviter les conflits ouverts qui apparurent en Allemagne, ou par manque de volonté, aucune contrainte comparable ne fut mise en place. Résultat sans même s'opposer activement, une large proportion des francophones ignore l'existence même de la réforme.

Tout comme celles de l'arrêté de tolérances orthographiques de 1901, ces modifications ne sont guère appliquées à ce jour[3].

[modifier] Entrée dans les ouvrages de référence

  • Les rectifications orthographiques de 1990 ont été publiées en France au Journal officiel.
  • Elles ont fait l'objet de circulaires concernant leur enseignement en Suisse et en Belgique[4]. En France, les programmes publiés en 2007 par le ministère de l'Éducation précisent qu'« on s'inscrira dans le cadre de l'orthographe rectifiée »[4] Mais les professeurs sont loin d'être massivement habitués à utiliser la nouvelle orthographe, et il n'y a aucune recommandation pour les examens. En France, un élève passant le bac est informé sur les sujets d'allemand des tolérances en vigueur concernant la réforme de l'orthographe allemande de 1996, mais pas de celles concernant le français.
  • Les rectifications sont entrées dans la dernière édition en cours du dictionnaire de l'Académie (la neuvième), dans les dictionnaires Hachette et Nouveau Littré. Les dictionnaires Larousse et Robert le font progressivement.
  • Les correcteurs informatiques (de Microsoft, OpenOffice, Antidote, ProLexis, etc) incorporent les nouvelles orthographe dans leurs mises à jour, mais en laissant le choix à l'utilisateur (souvent même, l'ancienne orthographe est la configuration par défaut). ProLexis propose à l'utilisateur de choisir l'orthographe qu'il emploiera, aussi bien qu'il lui propose d'appliquer ou non la féminisation des noms de métiers.
  • Les éditeurs restent souvent à l'ancienne orthographe : Grasset & Fasquelle (exemple : Qui connaît Madame Royal ?, paru en 2007).

[modifier] Résumé des modifications

  • le trait d'union : un certain nombre de mots remplaceront le trait d'union par la soudure (exemple : « porte-monnaie » devient « portemonnaie » comme « portefeuille  » ; exemple qui est souvent à l'honneur, la réforme de l'orthographe allemande ayant transformé « portemonnaie » en « Portmonee  ») ;
  • le pluriel des noms composés : les mots composés du type « pèse-lettre » suivront au pluriel la règle des mots simples (des « pèse-lettres  ») ;
  • l'accent circonflexe : il ne sera plus obligatoire sur les lettres « i » et « u  », sauf dans les terminaisons verbales et dans quelques mots (exemple : « qu'il fût  », « mûr  ») ;
  • le participe passé des verbes pronominaux : il sera invariable dans le cas de « laisser » suivi d'un infinitif (exemple : « elle s'est laissé mourir ») ;
  • les anomalies :
    • mots empruntés : pour l'accentuation et le pluriel, les mots empruntés suivront les règles des mots français (exemple : un « imprésario », des « imprésarios ») (dans pas mal de cas, il s'agit non de nouvelles formes mais de trancher des cohabitations existantes)
    • séries désaccordées : des graphies seront rendues conformes aux règles de l'écriture du français (exemple : « douçâtre » remplace « douceâtre  »), ou à la cohérence d'une série précise (exemple : « boursoufler » devient « boursouffler » comme « souffler  », « chariot » devient « charriot » comme « charrette  »).

Ces propositions sont présentées sous forme, d'une part, de règles d'application générales et de modifications de graphies particulières destinées aux usagers et aux enseignants, et, d'autre part, sous forme de recommandations à l'usage des lexicographes et des créateurs de néologismes.

[modifier] Détail

Les modifications dont il est question dans cet article (1990) ont introduit 10 règles de modifications sur proposition du Conseil supérieur de la langue française :

Règles Exemples
Les numéraux composés sont toujours reliés par des traits d'union. trente-et-un
cinq-cents
six-millième
Dans les noms composés de la forme verbe + nom (par exemple : pèse-personne) ou (préposition + nom) (par exemple : sans-papier), le second élément prend la marque du pluriel lorsque le mot est au pluriel. un presse-papier, des presse-papiers
un après-midi, des après-midis
Emploi de l'accent grave (au lieu de l'accent aigu) dans un certain nombre de mots ainsi qu'au futur et au conditionnel des verbes qui se conjuguent comme céder. événement → évènement
réglementaire règlementaire
je cèderai, ils règleraient
L'accent circonflexe disparait sur i et u, mais on le maintient dans les terminaisons verbales du passé simple, du subjonctif, et en cas d'ambigüité. coûtcout
entraînerentrainer, nous entrainons
paraîtreparaitre, il parait
Les verbes en -eler ou -eter se conjuguent comme peler ou acheter. Les dérivés en -ment suivent les verbes correspondants. Exceptions : appeler, jeter et leurs composés (y compris interpeler). j'amoncèle, amoncèlement
tu époussèteras
Les mots empruntés forment leur pluriel comme les mots français et sont accentués conformément aux règles qui s'y appliquent. des matchs
des scénarios
révolver
La soudure s'impose dans un certain nombre de mots, notamment :
  • les mots composés de contr(e)- et entr(e)-
  • les onomatopées
  • les mots d'origine étrangère
  • les mots composés avec des éléments « savants »
contrappel
entretemps
tic-tactictac
week-endweekend
agroalimentaire
portemonnaie
Les mots en -olle et les verbes en -otter (et leurs dérivés) s'écrivent respectivement -ole et -oter. Exceptions : colle, folle, molle et les mots de la même famille qu'un nom en -otte (comme botter, de botte). corole
frisoter, frisotis
Le tréma est déplacé sur la lettre u prononcée dans -güe- et -güi- et est ajouté dans quelques mots. aigüe, ambigüe
ambigüité
argüer, gageüre
Le participe passé de laisser (de même que faire) suivi d'un infinitif est invariable elle s'est laissée mourir → elle s'est laissé mourir
elles se sont faites avoir → elles se sont fait avoir

Il y a, en outre, de nombreuses modifications orthographiques sur des mots divers (charriot sur le modèle de charrue, corole sur le modèle de bestiole).

[modifier] Source papier

  • La source première est un fascicule (sur papier) du Journal officiel de la République française, édition des Documents administratifs (ISSN 0242-6773), année 1990 – n°100, 6 décembre 1990, intitulé : Les Rectifications de l'orthographe — Conseil supérieur de la langue française. Le fascicule comporte 18 pages numérotées de 1 à 18 ; les pages 2, 6, 8 et 10 sont blanches. Le fascicule comporte une Présentation de Maurice Druon (pages 3 et 4), une Réponse du Premier ministre (page 7) — alors Michel Rocard, le plan du Rapport (page 9) ainsi que le rapport lui-même (pages 11-18).

[modifier] Notes

  1. Introduction du rapport du Conseil supérieur de la langue française
  2. Rectifications orthographiques (1990), état de la question
  3. Comment en est-on arrivé là ? Les raisons du désastre, dossier Le scandale de l'illettrisme, Le Nouvel observateur nº2235, 6 septembre 2007.
  4. ab • www.orthographe-recommandee.info : informations sur les rectifications de l'orthographe française ("nouvelle orthographe" ou "orthographe rectifiée")

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes