Union de la Bretagne à la France

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Au XVe siècle, le duché de Bretagne est une grande principauté indépendante, qui jouit des prérogatives d'un État de fait et de droit. La chancellerie française lui conteste certains signes de souveraineté, mais celle-ci est reconnue par les États avec lesquels la Bretagne entretient des relations diplomatiques (Saint-Siège, Angleterre, Saint-Empire...)

Sommaire

[modifier] Circonstances de l'union

Les États voisins de la Bretagne ont parfois tenté de la contrôler, sinon pour elle-même, du moins pour obtenir des jalons dans le cadre d'un autre conflit : ce fut le cas au XIe siècle d'Henri II Plantagenêt qui a conquis une Bretagne entourée de toutes parts par ses possessions ; au XIVe des Anglais et des Français lors de la Guerre de Succession de Bretagne qui pour eux était un épisode de la guerre de Cent Ans ; à la fin du XVIe des Espagnols au cours de la Guerre de la Ligue durant laquelle ils tentèrent d'obtenir en même temps une étape sur la route maritime de leurs Pays-Bas, une base catholique face au roi protestant Henri IV et un duché pour l'infante Isabelle. L'élargissement du domaine royal a fait du roi de France un voisin immédiat de la Bretagne à partir de 1203 et plus encore en 1328 et 1482. Dès lors, la mise sous tutelle ou le contrôle direct de la péninsule devenait un trait dominant de la politique du royaume vis à vis du duché. Cela deviendra une constante à partir de 1341, dès le début de la Guerre de Succession de Bretagne. La victoire d'un prince ennemi du roi ne sera jamais acceptée de bon gré et les chicanes ou les guerres se succèderont jusqu'au succès définitif du royaume (en 1491, 1532 ou 1598 selon les conceptions).

Historiquement l'Armorique faisait partie intégrante de la Gaule celtique citée par Jules César et, lors de la chute de l'empire romain, elle fut intégrée au domaine gallo-romain dirigé par Syagrius avec le soutien d'Ambrosius Aurelianus, chef de migrants bretons venus de l'ile de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), sans toutefois que ceux-ci n'aient conclu le moindre foedus avec l'empire romain autorisant leur installation en Armorique. Syagrius se proclamant roi et s'émancipant du pouvoir impérial, son territoire fut attribué par l'empereur à Clovis après sa victoire à Soisson. Clovis reçut le titre de Consul Honoraire et de Patrice assurant la légitimité de son autorité sur l'ancien domaine Gallo-romain. L'Armorique fut ensuite incorporée au royaume de Childebert Ier. Le chaos se répandant en Bretagne, les rois Francs, selon leur politique de délégation d'une partie du pouvoir à des représentants locaux (système ancêtre de la féodalité), nommèrent des administrateurs de la Bretagne. Ainsi Nominoë est désigné Missus Imperatoris par le roi Louis le Pieux puis Ducatus Ipsius Gentismissus des bretons avant de rentrer en rébellion contre le pouvoir royal et obtenir une certaine autonomie pour la Bretagne.

Ainsi la chancellerie française puisait la justification de sa suzeraineté sur la Bretagne sur ces faits historiques, notamment par l'existence d'un foedus qui aurait été passé entre les bretons et les francs de Clovis, de la reconquête de l'Armorique par Charlemagne, de la vassalisation de la Bretagne à la Normandie au XIe siècle, la Bretagne devenant de ce fait un arrière-fief du roi.

Les chroniqueurs et la chancellerie bretons des XIVe, XVe et XVIe siècle défendaient la thèse inverse, arguant principalement de l'antériorité de l'installation des Bretons sur les Francs en Gaule (mais omettant l'absence de foedus avec l'Empire Romain autorisant l'implantation en Armorique et l'installation des Francs dans la région de Vannes, ainsi que les accords passés avec les rois Francs dépositaires de l'autorité suite à l'avènement de Clovis), de la souveraineté de la Bretagne due à son statut d'ancien royaume alors que Nominoë qui obtint une large autonomie pour l'administration de la Bretagne n'a jamais eu le titre de roi, de l'hommage simple « d'alliance », et non lige, que rendaient les ducs aux rois. Ce dernier point étant un fait récent et non reconnu par le roi de France.

Dans le prolongement de cette politique séculaire, les rois de France trouveront dans les circonstances de la fin du XVe et du début du XVIe le moyen de ramener le duché dans leur giron:

  • L'Angleterre, alliée traditionnelle des Montfort, ne peut plus agir en force sur le continent depuis qu'elle en a été chassée en 1450/52 et depuis qu'elle s'est engluée dans la Guerre des Deux-Roses. À l'issue de cette guerre, la nouvelle dynastie Tudor n'a pas encore les moyens intérieurs de se risquer à une opération d'envergure outre-mer.
  • La Bretagne perd un autre allié important avec la mort du duc de Bourgogne Charles le Téméraire en 1477, qui a une fille pour héritière.
  • La fin de la dynastie d'Anjou en 1482 donne au roi le contrôle de la frontière brito-angevine.
  • La noblesse bretonne a de nombreux intérêts dans le royaume et touchent, comme les autres nobles du royaume, des pensions associées à leurs titres.
  • François II irrite la noblesse de Bretagne, car prince du val de Loire, il a conservé de son enfance à la cour de France de solides attaches avec les princes de Valois (d'où les coalitions malheureuses lors des révoltes féodales contre le roi). En outre les nobles jalousent l'influence des Valois et celle du simple bourgeois qu'est le trésorier Landais. Ce manque d'autorité sur sa haute aristocratie et sur son gouvernement en général privera François II, puis Anne de soutiens. La noblesse préférant respecter le pouvoir royal et ne s'associant que faiblement à la révolte des grands féodaux lors de la guerre folle.
  • François II n'a pas de descendance masculine légitime. Ses filles (Anne et Isabeau) sont proclamées héritières devant les États de Bretagne, mais d'autres héritiers potentiels prétendent à la succession : Le vicomte de Rohan, le prince d'Orange, Alain d'Albret et le roi de France (qui avait acheté les droits de la famille de Penthièvre).

La survie de l'État breton passe alors par le mariage d'Anne de Bretagne à qui il faut trouver un époux. La conséquence de la défaite de Saint-Aubin du Cormier, le traité de Sablé dit « traité du Verger » signé avec Charles VIII, roi de France, impose à François II, duc de Bretagne le 19 août 1488 qu'il ne peut marier ses filles sans l’accord du roi de France.

Louis XI (qui éprouve pour le duc de Bretagne une « grant hayne » suite à ses participation à tous les grands complots), puis ses enfants la régente Anne de Beaujeu et Charles VIII veulent:

  • casser la menace de l'encerclement du royaume entre la Bourgogne (puis l'Autriche) et les Pays-Bas au nord et à l'est, et la Bretagne à l'Ouest.
  • Affermir le pouvoir royal face à un François II qui usurpe des signes de la souveraineté : sceau en majesté, couronne à haut fleurons, usage ducal du principe de lèse-majesté, érection d'un Parlement (de justice) souverain, création d'une université en Bretagne (à Nantes), diplomatie indépendante et directe avec les puissances du temps, éviction des agents du fisc royal, querelle de la régale...
  • Punir les nobles ayant participé aux coalitions hostiles au roi; François II ayant participé à la Ligue du Bien public (1465), la conquête de la Normandie pour Monsieur Charles (1467-68), la guerre de 1471-73, la Guerre folle (1484-85) et la guerre franco-bretonne (1487-1488).

[modifier] Comparaison avec d'autres États

Dans le livre L'union de la Bretagne à la France Dominique Le Page et Michel Nassiet insistent sur les différences existant à l'époque entre la Bretagne, le Portugal, les Pays-Bas du Nord. Les deux derniers choisissent la voie de la rébellion contre le pouvoir central, la Bretagne n'ayant ni les atouts du Portugal (les alizés, les grandes découvertes) ni la force de conviction des Provinces-Unies des Pays-Bas (persécution du protestantisme par l'Espagne).

Au niveau Européen, la Bretagne est pourtant considérée à cette époque comme un duché puissant, doté d'une importante flotte. C'est l'un des principaux pays commerçant avec les Provinces-Unies. C'est sous François II que l'essor du commerce débuta et se poursuivi pour atteindre l'apogée avec le premier empire colonial français avec le commerce vers l'amérique du nord et la compagnie des Indes.

[modifier] Facteurs politiques et économiques

Le duché de Bretagne ne peut que se soumettre, en dépit des résistances face à l'une des plus fortes armées d'Europe. Il faut ajouter que les élites bretonnes étaient attirées par la cour du roi de France et la bourgeoisie marchande de Saint-Malo se désintéressait des intérêts des ducs de Bretagne.

Selon Bertrand d'Argentré, Dom Lobineau, Dom Morice, J.P. Leguay et la plupart des historiens qui se sont penchés sur la question, certains membres des États de Bretagne ayant été intimidés ou achetés par la France, la demande d'union était en réalité inspirée par François Ier. [1]

Le docteur Louis Melennec, docteur en droit, va même jusqu'à affirmer que ces manœuvres mettent en cause la validité juridique du traité d'union. [2]

[modifier] Traité d'union

1532 : signature du traité d'union entre la Bretagne et la France, voté par les États de Bretagne, après quarante ans d'unions matrimoniales entre les duchesses de Bretagne et les rois de France. Il s'agit donc, à ce moment, d'une union voulue par les représentants des deux parties, et formellement sollicitée par les États de Bretagne. Le Traité de 1532 signe l'union de la Bretagne et de la France.

Louis Melennec défend la thèse que le traité serait frappé de nullité. Or, la duchesse Claude en céda l'usufruit à son mari, le roi François Ier, puis à titre perpétuel en 1515. Son fils cadet, Henri, fut le dernier Duc de Bretagne avant qu'il n'accède au trône de France à la mort de François Ier.

Dans ces conditions il apparaît que François Ier, usufruitié du Duché de Bretagne avait tout pouvoir pour engager la réunion de la Bretagne à la France et que indépendamment, Henri, Duc de bretagne, accédant au trône de France intégrait de fait le Duché au domaine royal.

[modifier] Notes et références

  1. «  Une habile pression sur certains membres des États de Bretagne réunis à Vannes en août 1532, des dons et des pensions distribuées à bon escient facilitent le dénouement. Le 4 août, malgré l'opposition de quelques personnalités, la plupart des participants sollicitent l'union réelle et perpétuelle avec la France, sous réserve de la confirmation et du respect des anciens privilèges [lois particulières]. Le roi accepte la requête… dont il est l'inspirateur et publie, le 21 septembre 1532, au château de Plessis-Macé (…) un acte fondamental, véritable contrat, qui déclare la Bretagne irrévocablement unie à la couronne mais préserve ses libertés et ses institutions administratives, fiscales, judiciaires et religieuses. »

  2. « Au plan juridique, la Bretagne n'a jamais été réunie à la France. En 1532, il y eut avec la complicité de quelques barons et principaux du duché, un acte par lequel la Bretagne, État indépendant et souverain, fut censée solliciter la jonction perpétuelle du duché avec son ennemi millénaire, le royaume de France. Cet acte fut arraché aux États, qui eussent, sans aucun doute, mis un veto péremptoire à ce sabordage programmé de la principauté, alors la troisième puissance européenne, après la France et l'Angleterre, s'ils n'avaient été subjugués. »

[modifier] Bibliographie