Tomás de Torquemada

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Tomás de Torquemada, premier Grand Inquisiteur d'Espagne
Tomás de Torquemada, premier Grand Inquisiteur d'Espagne

Tomás de Torquemada (1420 à Torquemada ou Valladolid, Espagne - 16 septembre 1498 à Ávila, Espagne), était un moine dominicain, confesseur de la reine Isabelle de Castille et du roi Ferdinand II d'Aragon, et premier Grand Inquisiteur de l'Inquisition espagnole de 1483 à sa mort.

Sommaire

[modifier] Biographie

Isabelle de Castille
Isabelle de Castille

Tomás de Torquemada est né en 1420, peut-être dans la ville de Torquemada (espagnol torre quemada, en latin turris cremata, « la tour brûlée »), dans la province de Palencia, Castille-et-León, dans le nord de l'Espagne. D'autres historiens considèrent qu'il est né à Valladolid. C'est en tout cas à Valladolid qu'il grandit, et, comme son oncle le Cardinal Juan de Torquemada, il devint moine dominicain dans le couvent San Pablo de la ville. Il fut nommé à un âge encore jeune prieur du monastère de Santa Cruz à Ségovie, une fonction qu'il occupa pendant 22 ans (1460-1482).

Renommé pour son austérité, sa dévotion et son érudition, il devint confesseur de la princesse Isabelle, héritière de la Castille, alors qu'elle n'était encore qu'une enfant. Il entreprit de lui inculquer le devoir qu'elle aurait, en tant que futur souveraine, de défendre l'unité religieuse du Royaume, et le bénéfice politique qu'elle pourrait en retirer.

Après avoir épousé Ferdinand II d'Aragon en 1469, elle fut couronnée reine en 1474. Torquemada était très proche des souverains, devenant également confesseur du roi, mais il refusa les postes honorifiques qui lui étaient proposés, comme le riche évêché de Séville, et se contenta d'une fonction de conseiller. En grande partie à son instigation, ceux que l'on surnommera « les rois catholiques » décidèrent de mener une politique religieuse coercitive, au nom de l'unité de l'Espagne. Ils convainquirent le pape Sixte IV de réorganiser les tribunaux d'inquisition en Espagne, et de les placer sous le contrôle exclusif de la Couronne.

En 1483, Torquemada est nommé Grand Inquisiteur par une bulle papale. Il occupera cette fonction jusqu'à sa mort en 1498, s'acquittant de sa mission avec un zèle redoutable et une détermination implacable. (Voir ci-dessous, Torquemada et l'Inquisition espagnole)

Avec l'aide de légistes, il rédigea un « code de l'inquisiteur » de vingt-huit articles, qu'il promulgua le 29 novembre 1484 à l'occasion de l'assemblée générale des inquisiteurs à Séville. Il travaillera jusqu'à sa mort à affiner ce code en fonction de l'expérience acquise (ces règles sont regroupées dans les Compilación de las instrucciones del officio de la Santa Inquisitión).

Torquemada joua également un rôle décisif d'initiateur dans la Reconquista de l'Espagne musulmane, ainsi que dans la persécution et l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492. (Voir ci-dessous, Guerre contre les musulmans et persécution des juifs)

A la fin de sa vie, il se retira au couvent Saint-Thomas d'Ávila, qu'il avait fait construire, reprenant la simple vie de frère, tout en continuant d'occuper la fonction de Grand Inquisiteur et de réfléchir aux meilleures règles pour conduire et encadrer l'Inquisition. Il reçut à plusieurs repris la visite des souverains (et se rendit à Salamanque en octobre 1497 pour être aux côtés prince Don Juan mourant et réconforter le roi et la reine). En 1498, il présida à sa dernière assemblée générale des inquisiteurs.

Il mourut le 16 septembre 1498.

[modifier] Torquemada et l'Inquisition espagnole

Autodafé sur la Plaza Mayor de Madrid, Francisco Ricci, 1683. Note : la scène représentée date de 1680 et est donc postérieure à Torquemada.
Autodafé sur la Plaza Mayor de Madrid, Francisco Ricci, 1683. Note : la scène représentée date de 1680 et est donc postérieure à Torquemada.

En 1483, le "Conseil de l'Inquisition Suprême et Générale" (abrégé la Suprema) fut institué. Pour le présider, la fonction de Grand Inquisiteur (Inquisidor General) fut créée, à laquelle Torquemada fut nommé la même année, par une bulle papale. Bien que sous l'autorité théorique des monarques espagnols, le Grand Inquisiteur, en tant que représentant du Pape, avait la haute main sur l'ensemble des tribunaux inquisitoriaux et pouvait déléguer ses pouvoirs à des inquisiteurs de son choix, qui étaient responsables devant lui. Il est intéressant de noter que la fonction de Grand Inquisiteur était la seule fonction publique dont l'autorité s'étendait à tous les royaumes composant l'Espagne, constituant ainsi un relais utile pour le pouvoir des souverains.

Pendant ses quinze années en tant que Grand Inquisiteur, Torquemada sut donner à l'Inquisition espagnole une importance et une puissance sans précédent.

A partir d'un simple tribunal à Séville en 1481, un réseau de tribunaux inquisitoriaux ("Saint-Offices") fut développé à travers le pays, certains permanents, d'autres itinérants, permettant de mailler le territoire - notamment à Cordoue, Tolède, Valladolid, Ávila, Jaén pour la Castille et Saragosse, Valence, Barcelone, et Majorque pour le royaume d'Aragon. Après Torquemada, d'autres tribunaux seront encore créés, notamment dans les nouvelles possessions américaines de l'Espagne.

Par ailleurs, la confiscation des biens des "hérétiques" (ou déclarés tels) au profit exclusif de l'Inquisition procura à celle-ci une très grande richesse - et donc un pouvoir et des moyens d'action encore plus étendus. Ce fut d'ailleurs une source de tensions avec les souverains Isabelle et Ferdinand, pourtant mandataires de Torquemada, qui avaient espéré qu'une partie de cet argent viendrait alimenter le trésor public. Il fallut l'intervention du pape Alexandre VI pour que l'Inquisition espagnole consente à se déposséder d'une partie de son butin.

Initialement, l'installation de l'Inquisition suscita des résistances, aussi bien parmi les nobles que les gens ordinaires, en particulier dans le royaume d'Aragon - allant jusqu'à provoquer des révoltes, notamment à Valence et Lerida (il y aura également de violentes réactions anti-espagnoles lorsque Ferdinand tentera d'imposer l'Inquisition dans les possessions espagnoles en Italie). Mais, le pouvoir de Torquemada se trouva encore renforcé après le meurtre de l'inquisiteur Pedro de Arbués à Saragosse en 1485, qu'on attribua à des hérétiques et aux juifs, ainsi que par le supposé meurtre rituel - probablement imaginaire - du Santo Niño de La Guardia ("le Saint Enfant de la Guardia") en 1490, dont les juifs furent accusés.

Le pouvoir de l'Inquisition sur la vie des Espagnols était immense. Chaque âme chrétienne âgée de plus de douze ans (pour les filles) ou de quatorze ans (pour les garçons) était pleinement responsable devant elle. Les hérétiques (ou déclarés tels) et les conversos (juifs et musulmans convertis) étaient les premières cibles, mais toute personne critique de l'Inquisition était considérée comme suspecte.

L'Inquisition, sous la houlette de Torquemada, se caractérisa par son caractère impitoyable et sa brutalité. Les dénonciations anonymes, le recours à la torture pour extorquer des aveux étaient des pratiques courantes. Les "formes" étaient cependant respectées - même si aujourd'hui ces subtilités peuvent nous apparaître hypocrites ou simplement absurdes : l'Eglise n'ayant pas le droit de verser le sang, des tortures "adaptées" étaient employées lors de la Question destinée à extorquer des aveux aux suspects (par exemple le supplice de l'eau, ou le broyage des membres) ; de la même manière, l'Eglise n'avait pas formellement le droit de donner la mort, et les personnes condamnées pour les crimes d'hérésie jugés les plus graves (notamment les relaps) étaient remises au "bras séculier" (l'autorité civile) pour être exécutées par le feu ou par d'autres méthodes (pendaison...).

Parce qu'il craignait pour sa vie, et également pour impressionner et intimider, Torquemada se déplaçait en compagnie d'une escorte de 40 cavaliers et 200 soldats à pied.

Le caractère sommaire des jugements rendus par les tribunaux inquisitoriaux espagnols, la brutalité des méthodes employées, choquèrent en Espagne comme à l'extérieur du royaume. Ainsi, le pape Sixte IV lui-même, dès 1482, écrit à propos des inquisiteurs de Séville :

« Sans tenir compte des prescriptions juridiques, ils ont emprisonné nombre de personnes en violation des règles de justice, leur infligeant des tortures sévères et leur imputant, sans le moindre fondement, le crime d'hérésie, confisquant leurs biens à ceux qu'ils condamnaient à mort, si bien que pour fuir une telle rigueur un grand nombre d'entre eux se sont réfugiés auprès du Siège Apostolique, en protestant de leur orthodoxie. »

Rome recevait un flot constant de demandes de réhabilitations émanant de personnes condamnées par les tribunaux inquisitoriaux espagnols et par trois fois, Torquemada dut envoyer un émissaire auprès du Saint-Siège pour se justifier sur ses pratiques.

[modifier] Guerre contre les musulmans et persécution des juifs

[modifier] La Reconquista

"La capitulation de Grenade", par  Francisco Padilla : Boabdil devant Ferdinand et Isabelle.
"La capitulation de Grenade", par Francisco Padilla : Boabdil devant Ferdinand et Isabelle.

Torquemada avait longuement réfléchi à la confusion dans laquelle l'Espagne se trouvait ; il l'attribuait à la complaisance envers les "infidèles" et aux étroites relations entre ceux-ci et les chrétiens, au nom du commerce.

L'historien espagnol Juan de Mariana (1536-1624) soutient que la refondation de l'Inquisition, en conférant une nouvelle dynamique à l'idée d'un royaume unifié, a rendu le pays plus capable de mener à bien sa guerre contre les Maures.

Torquemada, là encore, pesa de tout son poids pour convaincre les souverains de la nécessité de débarrasser l'Espagne de l'occupant musulman. La prise de Zahaia par l'ennemi en 1481 fournit l'occasion de représailles. Torquemada apporta un soutien indéfectible à Isabelle et Ferdinand tout au long de la campagne de Reconquista, qui s'apparentait pour lui à une guerre sainte. Finalement, il sera au côté des Rois catholiques lors de leur entrée en vainqueurs dans Grenade le 2 janvier 1492, qui marquera la fin de la présence musulmane en Espagne. Il fondera un couvent de son ordre (les dominicains) dans cette ville.

[modifier] Persécution des juifs

Le rabbin Isaac Abravanel (1437–1508)
Le rabbin Isaac Abravanel (1437–1508)

Théoriquement, l'Inquisition n'avait autorité que sur les chrétiens baptisés, mais dans les faits Torquemada considéra la lutte contre les « infidèles » l'une de ses missions principales.

Les juifs furent l'une des cibles essentielles du zèle inquisiteur de Torquemada, et en particulier les conversos - ceux qui s'étaient convertis au christianisme, mais qui étaient soupçonnés de ne pas être sincères ou d'être secrètement revenus au judaïsme (les conversos étaient distingués entre marranos, pour ceux d'origine juive, et moriscos, pour ceux d'origine musulmane). La lutte contre ces « faux chrétiens » (ou perçus comme tels) fut l'une des motivations majeures du renouveau de l'effort d'Inquisition, et ils en furent les principales victimes.

Torquemada fut l'un des principaux partisans du décret d'Alhambra, édicté le 31 mars 1492 par Isabelle et Ferdinand. Ce décret donnait quatre mois aux juifs d'Espagne pour se convertir au christianisme ou quitter le pays. De surcroît, le mois suivant (avril), Torquemada donna des ordres interdisant tout contact entre les chrétiens et les juifs, sous peine de sévères sanctions, aboutissant à l'impossibilité de fait pour les exilés de vendre leurs biens avant leur départ, et conduisant à la saisie de ceux-ci par l'Inquisition.

La tradition espagnole rapporte qu'une délégation de représentants de la communauté des juifs d'Espagne, menée par le très influent Don Isaac Abravanel proposa au roi 300 000 ducats de « rançon » en échange de l'abolition de l'édit d'expulsion. Ferdinand hésitait à accepter l'offre, étant donnée la place centrale qu'occupaient les juifs dans le commerce du pays. On raconte que Torquemada intervint personnellement devant le roi, tenant en main un crucifix, et s'exclamant : « Judas Iscariote a vendu le Christ pour 30 pièces d'argent ; et votre Excellence s'apprête à le vendre pour 300 000 ducats. Le voilà ; prenez-Le et vendez-Le ! » Sur quoi il laissa le crucifix sur une table et quitta la pièce.

Pour empêcher la diffusion des hérésies, Torquemada ordonna qu'on brûlât les livres jugés non-catholiques, en particulier les Talmuds juifs et, après la défaite finale des Maures à Grenade, également des livres arabes (conduisant à la disparition irrémédiable d'une grande partie des traces de l'histoire du pays de 711 à 1492). Ces cérémonies constituaient la forme originelle des tristement célèbres "auto de fe" (qui prendront également par la suite la forme de cérémonies publiques de « réconciliation » des pécheurs avec l'Église ; l'exécution subséquente de ceux-ci - notamment par le feu, sur le bûcher - n'en faisait cependant techniquement pas partie).

Alors que certains juifs d'Espagne acceptent cette conversion forcée, un nombre important choisit de quitter le pays à la suite du décret d'Alhambra. Leur nombre n'est pas connu exactement. L'historien Juan de Mariana (1536-1624), qui écrit peu après l'événement, parle de 1 700 000, mais ce chiffre est considéré aujourd'hui comme beaucoup trop élevé. Il sera ramené par les historiens ultérieurs à 800 000. Aujourd'hui, on estime qu'entre 50 000 et 150 000 juifs ont choisi la conversion, et 150 000 à 200 000 autres l'exil. Quoi qu'il en soit, le préjudice pour l'Espagne fut considérable, et l'expulsion des juifs du royaume a été l'un des éléments déclencheurs du déclin commercial espagnol.

Cet exil est l'origine de la communauté ladino dans l'est méditerranéen (spécialement dans l'empire ottoman). Cette communauté continue à pratiquer le judéo-espagnol, variété archaïsante du castillan.

[modifier] Une ascendance juive ?

Hernando del Pulgar, historien officiel de la Cour, a écrit dans ses Los Claros Varones de Castilla ("Les hommes illustres de la Castille"), que les ancêtres de Juan de Torquemada, oncle de Tomas et lui aussi moine dominicain, "étaient d'un lignage de juifs convertis à notre sainte foi catholique". Cette affirmation n'a cependant pas pu être documentée avec fiabilité par des recherches historiques ultérieures.

[modifier] Une figure emblématique et controversée

Torquemada est passé à la postérité comme l'un des symboles de l'intolérance et du fanatisme religieux.

[modifier] Bilan de l'Inquisition espagnole sous Torquemada

Dans son Histoire critique de l'Inquisition espagnole (1817-1818), Juan Antonio Llorente, ecclésiastique espagnol libéral exilé à Paris, qui fut secrétaire général du Saint Office espagnol (l'Inquisition) et a pu travailler sur les archives, estime que pendant que Torquemada fut Grand Inquisiteur, 10 220 personnes furent brûlées, 6860 autres condamnées à être brûlées en effigie, et 97 321 furent "réconciliées" avec l'Eglise. Ces chiffres sont cependant considérés comme largement exagérés par les historiens modernes. Ils estiment aujourd'hui le nombre de personnes envoyées au bûcher comme étant probablement plus proche de 2000 personnes, une grande majorité étant des conversos d'origine juive. Ce qui représente tout de même un nombre loin d'être négligeable - "en soi un horrible holocauste au principe de l'intolérance religieuse", selon les mots de l'Encyclopaedia Brittanica (édition de 1911, aujourd'hui dans le domaine public).

[modifier] Défense de Torquemada

Joseph de Maistre
Joseph de Maistre

Cependant des voix, en particulier à son époque, se sont élevées pour prendre la défense de Torquemada. Le chroniqueur espagnol Sebastián d'Olmedo l'a appelé "le marteau des hérétiques, la lumière de l'Espagne, le sauveur de son pays, l'honneur de son ordre".

Le philosophe contre-révolutionnaire Joseph de Maistre, dans ses Lettres à un gentilhomme russe sur l'Inquisition espagnole (1815), avance l'idée que l'Inquisition fut instaurée par les souverains d'Espagne parce que l'existence même de la nation espagnole était menacée, en raison de la présence musulmane et de l'influence (supposée) de la communauté juive espagnole. Il précise ce qui est selon lui un axiome de l'action politique : "Jamais les grands maux politiques, jamais surtout les attaques violentes portées contre le corps de l'état, ne peuvent être prévenues ou repoussées que par des moyens pareillement violents". Par conséquent, selon lui, l'action de Torquemada doit être mise en balance avec les dangers qui menaçaient le royaume : "Si vous pensez aux sévérités de Torquemada, sans songer à tout ce qu'elles prévinrent, vous cessez de raisonner." (op.cit.)

Par ailleurs, il existe un courant historique moderne de "révision" de l'histoire de l'Inquisition espagnole, mené notamment par l'historien britannique Henry Kamen (voir Références). Ces historiens tentent de montrer qu'il existe bien une "légende noire" de l'Inquisition espagnole (et plus généralement de l'histoire espagnole des derniers siècles), peignant celle-ci sous un jour particulièrement brutal et maléfique. Cette "légende noire" serait en grande partie due à des intellectuels protestants, comme par exemple l'écrivain anglais John Foxe (1516-1587), choqués par la répression contre les protestants, et noircissant à dessein le trait à des fins de propagande contre l'Eglise catholique. Cette "légende noire" a également été largement exploitée par l'Angleterre et la Hollande, rivaux politiques et commerciaux de l'Espagne.

Mais, estiment ces historiens, l'Inquisition espagnole n'était ni aussi puissante ni aussi cruelle qu'on a bien voulu le dire. Ainsi par exemple, concernant la torture, elle était également la norme dans les tribunaux royaux espagnols, et lorsqu'elle y fut abolie, les tribunaux d'Inquisition y renoncèrent également. Les prisons de l'Inquisition étaient généralement d'un confort supérieur aux prisons civiles de l'époque (taille des cellules, fenêtres laissant passer la lumière...). Enfin, la peine de mort restait assez exceptionnelle, réservée aux personnes considérées comme des cas irrécupérables - en particulier les relaps.

[modifier] Une incarnation du fanatisme ?

Les défenseurs de Torquemada soulignent également son absolue dévotion aux causes qu'il défendait - l'unité de l'Espagne et la pureté de la religion catholique. Il ne s'est jamais enrichi personnellement à travers les richesses considérables obtenues par le Saint Office à travers la saisie des biens des condamnés. Au contraire, il a même bataillé pour soustraire cet argent aux souverains, et l'a utilisé pour accroître encore l'efficacité et l'étendue des tribunaux inquisitoriaux, ainsi que pour ouvrir des couvents de son ordre (dominicain). A la fin de sa vie, il a même repris la vie dépouillée et austère de simple frère au couvent Saint-Thomas d'Ávila.

Cependant, on peut tout de même remarquer que c'est peut-être là une des définitions du fanatisme. Le fanatique n'est pas quelqu'un qui utilise une cause pour son intérêt personnel, mais au contraire une personne qui est prête à tout sacrifier à la cause qu'elle juge sacrée, y compris elle-même - et les autres.

D'autre part, comme il a été rappelé plus haut, le caractère intraitable de Torquemada et la brutalité de son action suscitèrent beaucoup d'incompréhensions et de protestations, y compris de son vivant. Au point que, par trois fois, il dut envoyer un émissaire pour se justifier auprès du pape.

En 1836, les libéraux espagnols brisèrent sa tombe dans la chapelle du couvent d'Ávila, et dispersèrent les ossements de celui qu'ils estimaient être l'une des pires incarnations de l'intolérance et du fanatisme.

[modifier] Torquemada dans la fiction

  • Bande dessinée : dans Requiem, Chevalier Vampire, de Pat Mills et Olivier Ledroit, Torquemada est réincarné en loup-garou, réincarnation typique des fanatiques religieux dans l'univers de cette bande dessinée. Il fait parfois, au fil des tomes, office de monture à Claudia Blackwell, personnage clef de cet univers.

[modifier] Références

  • Encyclopaedia Britannica, édition de 1911 (maintenant dans le domaine public), dont cet article incorpore certains éléments (traduits depuis l'anglais). [1]
  • Bartolomé Bennassar, L'Inquisition espagnole, XVeXIXe siècle, Hachette, Paris, 1979.
  • Francisco Bethencourt, L'Inquisition à l'époque moderne (Espagne, Portugal, Italie : XVe-XIXe siècle), Fayard, Paris, 1995.
  • Henri Maisonneuve, L'Inquisition, Desclée-Novalis, 1989.
  • Henry Kamen, The Spanish Inquisition : A Historical Revision, Weidenfeld & Nicolson, London, 1997. (Première édition : 1965).
  • Edward Peters, Inquisition, The Free Press, New York, 1988. (Note : comme le précédent, cet ouvrage s'inscrit dans le courant moderne de "révision" de l'histoire de l'Inquisition).
  • Juan Antonio Llorente, Histoire critique de l'Inquisition d'Espagne : depuis l'époque de son établissement par Ferdinand V, jusqu'au règne de Ferdinand VII, tirée des pièces originales des archives du Conseil de la Suprême, et de celles des tribunaux subalternes du Saint-office, Alexis Pellier, Paris, Treuttel et Würz, 1817-18. (Note : cet ouvrage a longtemps fait référence, mais il est aujourd'hui considéré par les historiens actuels comme insuffisamment rigoureux (en particulier les bilans chiffrés, largement surévalués) ; il reste cependant un document historique intéressant.)
  • Joseph de Maistre, Lettres à un gentilhomme russe sur l'Inquisition espagnole (1815). Disponibles en ligne.

[modifier] Liens internes