Simplicité volontaire

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La simplicité volontaire est un mouvement de société actuelle, à base plus individuelle qu'institutionnelle, qui propose à chacun de réduire sa dépendance à l'argent et à la vitesse, à libérer du temps pour la communauté plutôt que de l'utiliser pour gagner plus d'argent, de favoriser les comportements écologiques et respectueux de la société : le temps libéré ainsi doit être employé à un effet débond, plutôt qu'un effet rebond.

On peut tracer son origine en Europe dans les écrits de Léon Tolstoï et de John Ruskin (Unto This Last).

Ce mouvement se développe aussi en Amérique du Nord dans les écrits de Henry David Thoreau (Walden) et au Québec, province du Canada, sous l'influence de penseurs comme Serge Mongeau et des éditions Écosociété.

Il est représenté, par exemple, par le mouvement des Compagnons de Saint François ou encore les Communautés de l’Arche de Lanza del Vasto, inspiré par Gandhi, lui-même inspiré par Thoreau et Ruskin.

Sommaire

[modifier] Les fondements

L'idée est de chercher la simplification pour améliorer sa "qualité de vie". Cette philosophie de vie est née de l'opinion que la consommation n'apporte pas le bonheur et accroît l'aliénation. Dans la société de consommation, selon les tenants de la simplicité volontaire, on consacre son temps à gagner toujours plus d'argent pour satisfaire des besoins matériels de plus en plus nombreux qui pourtant ne seront jamais satisfaits en raison de leur renouvellement incessant. L'idée de la simplicité volontaire est de moins consommer, donc d'avoir moins besoin d'argent et moins besoin de travailler. En diminuant la contrainte de la consommation et du travail, on gagnerait du temps pour ce qui est important pour soi.

De façon très péjorative, on dit de quelqu'un qu'il rêve de simplicité volontaire lorsqu'il n'a pas (ou plus) les moyens pécuniaires suffisants pour assumer à plein ses envies de consommation. L'expression est alors ironique : la simplicité n'a ici plus rien de volontaire, elle est envisagée comme un pis-aller pour tenter de se raisonner de ses envies consuméristes, et plus du tout comme une philosophie ni un choix de vie.

[modifier] Une philosophie

La simplicité volontaire n'est pas la pauvreté ni le sacrifice. C'est un choix de vie délibéré. À ce propos, nous pourrions citer une maxime du philosophe Henri Bergson : « Ce qui est beau, ce n'est pas d'être privé, ni même de se priver, c'est de ne pas sentir la privation ». D'ailleurs, le philosophe français a écrit avec une grande perspicacité, dans le dernier chapitre de son dernier livre Les deux sources de la morale et de la religion un diagnostic de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement face au problème de la surconsommation : « Jamais, en effet, les satisfactions que des inventions nouvelles apportent à d'anciens besoins ne déterminent l'humanité à en rester là ; des besoins nouveaux surgissent, aussi impérieux, de plus en plus nombreux. On a vu la course au bien-être aller en s'accélérant, sur une piste où des foules de plus en plus compactes se précipitaient. Aujourd'hui, c'est une ruée ». (1932) la simplicité volontaire se veut justement comme une solution à cet engouement pour les produits de consommation que prévoit Bergson. En précurseur de ce courant, il précise les conditions de réalisation de cet idéal comme suit : « l'avenir de l'humanité reste indéterminé, parce qu'il dépend d'elle ». Il faudrait donc miser, selon Bergson, sur une éducation qui permet à la fois de comprendre l'impact de notre consommation grâce aux connaissances scientifiques et à la fois de développer notre goût pour des objets qui favorisent véritablement notre accomplissement personnel.

[modifier] Conscience environnementale

Ainsi, la simplicité volontaire, dans le sens où elle limite la consommation de biens matériels, contribue à ralentir la destruction des ressources naturelles ; l'écologie et la préservation de l'environnement font partie des préoccupations premières des volontaires, qui ont pris conscience de l'imminence de la crise écologique.

[modifier] Origine

Il y a 2500 ans, Socrate vivait une existence très simple et il croyait que celui qui possédait peu était plus près des dieux et de l'univers.

Socrate à Callicles : « Les plus malheureux, ce doit être ceux qui ne peuvent garder ce qu’ils ont reçu […]ces hommes déraisonnables [dont l'âme est] incapable, par défiance et par oubli, de ne pas laisser fuir son contenu. Tout cela, j’en conviens, est passablement déconcertant ; il est certain que cela met en lumière ce que j’ai l’intention de te faire voir, à condition que je sois capable de te convaincre d’échanger ta vie d’insatiabilité et d’incontinence contre celle qui se comporte d’une façon réglée, et de préférer une vie qui trouve suffisance et contentement dans ce qui lui est à chaque fois présent ! » [1]

Les Philosphes Cyniques prônaient déjà la simplicité dans l'Antiquité, ainsi qu'Épicure dont Bergson se réclame d'ailleurs explicitement. En effet, Épicure procède à une critique des besoins qui ressemble fort à celle proposée par la simplicité volontaire. Les deux pensées nous invitent à discerner le nécessaire du superflu, le naturel de l'artificiel, et à un retour vers la simplicité.

En Occident, les communautés monastiques furent les premières organisations de vie à choisir volontairement la frugalité et à pratiquer l'autosuffisance et même avant la secte des esséniens (adepte de l'alimentation crue). Saint François d'Assise, "l'unique parfait chrétien depuis Jésus" selon Ernest Renan, est aussi considéré comme un modèle de simplicité volontaire.

En Orient, on trouve également de nombreux modes de vie (hindouisme, bouddhisme) prônant la simplicité volontaire. La vie de Gandhi est un exemple de simplicité.

Plus récemment, on peut considérer Ivan Illich et son ami Jacques Ellul comme deux des pères de l'idée de décroissance et de simplicité volontaire.

En 1936, on trouve pour la première fois l'expression "simplicité volontaire" (simple living) dans un article de Richard Gregg, un disciple de Gandhi, qui reprend les idées principales de celui-ci. Cet article passa inaperçu lors de sa première parution et n'eut d'impact que lors de sa réédition en 1974.

L'expression « simplicité volontaire » est connue depuis le livre du même nom publié en 1973 par Duane Elgin[2]. Ce courant se développe depuis les années 1980 dans plusieurs pays industrialisés.

La critique de la société de consommation développée par Hannah Arendt peut aussi être considérée comme une source d'inspiration de la simplicité : dans Condition de l'homme moderne elle invite ainsi à laisser le travail dans le domaine privé pour laisser de la place à l'action politique dans l'espace public.

On peut ajouter comme une des voix actuelles de cette pensée, Pierre Rabhi, agroécologiste et écrivain.

[modifier] Avantages

Les avantages possibles de celui ou celle qui pratique la simplicité volontaire sont nombreux. Ils varient selon les choix de l'individu et de son mode de vie. Généralement, l'avantage le plus recherché est de décroître sa dépendance à l'argent ce qui implique une baisse de stress. Le simplicitaire peut donc se permettre de travailler moins et d'avoir plus de temps pour lui. En bref, il préfère être plutôt qu'avoir.

La mise en place de la simplicité volontaire pour un individu peut aussi augmenter son niveau de santé. En effet, le simplicitaire recherchera à faire des achats plus intelligents et bannira, par exemple, les cigarettes ou les aliments peu nutritifs. Le temps qu'il peut gagner en réduisant ses heures de travail lui permet de s'adonner à des activités physiques et à d'autre divertissements.

[modifier] Mise en œuvre

Comment agir concrètement?

La simplicité volontaire est une des composantes de la décroissance mais se situe avant tout dans le cadre de l'initiative individuelle et non des mesures collectives prises par la puissance publique.

L'individu tâchera de penser sa consommation dans son ensemble(I). Il notera que la consom'action est un pouvoir direct(II). Menée à son terme, cette réflexion lui permet d'agir pour ses convictions (II).

[modifier] I - Appréhender globalement la consommation

La mise en œuvre est quotidienne, elle impose une prise de recul. Cette prise de recul amène à repenser son travail, son alimentation, son habitat, sa santé, ses déplacements, ses vacances, ses loisirs, ses relations sociales, ses drogues...

La simplicité volontaire est accessible à tous, il suffit de réfléchir aux conséquences de sa consommation. En somme, la simplicité volontaire se résume à une consom'action.

Les conséquences doivent être appréhendées de manière globale : quel a été le coût de la fabrication (pour la planète, pour les droits de l'homme), quel est l'intérêt pour moi (santé, socialisation), à quel point cela me rend-il dépendant de l'argent (devrais-je travailler plus? avoir moins de loisirs?), ai-je fondamentalement besoin de ce bien/service?

En répondant à ces quelques questions, l'individu prend du recul sur sa consommation et augmente ses exigences quant aux produits. En consomm'agissant, les vendeurs de biens et services doivent s'ajuster. Le rapport dominant/dominé est clarifié. L'offre doit dépendre de ce dont le client a fondamentalement besoin et non de la notion de valeur ajoutée.

[modifier] II - Une problématique moderne : se réapproprier le pouvoir politique

La simplicité volontaire est un modus vivendi développé dans des société post-industrielle, pour la plupart occidentales à démocratie représentative. Ces sociétés vivent actuellement une crise importante de système (fortes abstentions, développement des extrêmes contestant les classes politiques au pouvoir). L'individu a le sentiment que le pouvoir lui échappe, d'autant plus pour les citoyens de l'Union européenne.

Ici, la mise en œuvre permet une action directe du citoyen sur son cadre de vie et l'espace public.

Par exemple : Une voiture a un coût sur l'individu (entretien, assurance, carburant) et sur la société (environnement pollué, accidents, infrastructures). Si l'individu rapproche son domicile de son travail (ou le travail de son domicile) ainsi que les autres pôles de sa vie : épicerie, activités culturelles, accès aux transports en commun alors, l'individu réduit son besoin d'argent pour le poste "voiture". Il diminue ainsi sa dépendance à l'argent, volontairement. L'individu est donc dans une logique de simplicité volontaire.

[modifier] III - La simplicité volontaire : potentiellement politique

L'argent économisé (voir supra) peut également être utilisé pour agir :

En reprenant l'exemple typique de la voiture, l'argent économisé peut être réinvesti dans un vélo électrique, des billets de trains ou la location de véhicules quand cela est indispensable. Et ainsi avoir les mêmes avantages qu'avec la possession personnelle d'un véhicule de tourisme.

Par conséquent, l'individu ne donne plus d'argent régulièrement à des sociétés pétrolières qui ne se préoccupent ni des droits de l'homme (voir la question birmane, irakienne et plus généralement des États-rentiers), de l'écologie (marées noires, dégazages, effet de serre) ou de sujets que l'individu tient à défendre.

En réduisant ses besoins en argent, l'individu est également plus à même de se libérer du temps. Ce temps peut notamment être consacré à l'action politique : information, proposition, réflexion.

La simplicité volontaire est donc une logique d'économies, d'écologie, de bien-être et de politique active.

[modifier] Critiques

D'une manière générale, la simplicité volontaire peut ête critiqué par des penseurs conservateurs, qui considère que la société moderne et industrielle telle qu'elle existe propose le meilleur avenir pour l'humanité. Elle peut également être critiquée par des penseurs de gauche qui considèrent qu'il est impossible de revenir à un mode de vie antérieure. Les marxistes, par exemple, répondent que c'est par l'organisation des masses de ceux qui profitent le moins de la société actuelle qu'une nouvelle société plus humaine peut être construite. Ils ne suivent pas les penseurs dela simplicité volontaire, car ils ne veulent pas échapper à la société, mais la transformer. Ils reprochent à la simplicité volontaire d'attirer avant tout ses adhérents des couches moyennes ou supérieurs de la société.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Gorgias (493 c, trad. L. Robin)
  2. Elgin, Duane. Voluntary simplicity : toward a way of life that is outwardly simple, inwardly rich / Duane Elgin. Rev. ed. New York : Quill, c1993. 240 p.
  • La Simplicité volontaire, ou comment harmoniser nos relations entre humains et avec notre environnement. Serge Mongeau, Éditions Québec Amérique. Montréal (1985)
  • La simplicité volontaire, plus que jamais…. Serge Mongeau. Éditions Écosociété. Montréal (1998)
  • L'ABC de la simplicité volontaire. Dominique Boisvert. Éditions Écosociété. Montréal (2005)
  • Découvrir les vraies richesses. Pistes pour vivre plus simplement. Pierre Pradervand. Éditions Jouvence. Genève (1996)
  • La Vie simple. Guide pratique. Pierre Pradervand. Éditions Jouvence. Genève (1999)
  • Comment atteindre la simplicité volontaire : une nouvelle façon de vivre sans artifices : se recentrer sur les choses vraiment importantes. Robert Dumoulin. Édimag. Montréal (2003)
  • Simplicité volontaire. Peut-on sauver la planète ?. Guy Samson. Editions Québécor. Montréal (2004)
  • La Simplicité volontaire. Malie Montagutelli (1986)
  • Quand la misère chasse la pauvreté. Majid Rahnema. Fayard/Actes Sud (2003)

[modifier] Filmographie

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes