Saul Kripke

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Saul Aaron Kripke (né en novembre 1940 à Omaha, Nebraska) est un philosophe et logicien américain, professeur émérite de Princeton, et professeur de philosophie à la cité universitaire de la ville de New York (City University of New York, CUNY).

Il a eu une grande influence dans de nombreux domaines, depuis la logique jusqu’à la philosophie du langage. Une grande partie de ses travaux ne sont pas publiés, ou n'existent que sous la forme d'enregistrements et de manuscrits circulant de manière restreinte. Il est considéré comme l'un des philosophes vivants les plus importants.

Sommaire

[modifier] Œuvre

Kripke est surtout connu pour quatre contributions en philosophie :

  • en logique modale ;
  • la nouvelle théorie de la référence directe, dans Naming and Necessity, conférences à Princeton en 1972 ;
  • une interprétation controversée de Wittgenstein.
  • une nouvelle théorie de la vérité.

[modifier] Logique modale

Deux des premiers articles de Kripke, (A Completeness Theorem in Modal Logic, 1959, et Semantical Considerations on Modal Logic, 1963) furent des apports fondamentaux à la logique modale. Les systèmes de logiques les plus habituels sont ceux qui dépendent de l'axiome K, nommé d'après Kripke.

Kripke permit la démonstration de la complétude de la logique modale en donnant une sémantique. Son étudiant Henrik Sahlqvist montra la correspondance entre certains systèmes d'axiomes de la logique modale (ceux reposant sur les formules de Sahlqvist) et des propriétés de relation d'accessibilité entre les mondes possibles[1].

[modifier] Naming and Necessity

Ces trois conférences sont une attaque contre la théorie descriptive de la référence concernant les noms propres (Russell, Frege). Selon cette théorie, un nom propre réfère à un objet dans la mesure où le nom propre présente un contenu descriptif qui correspond à l'objet. Kripke donne plusieurs exemples pour montrer la fausseté de cette thèse : Aristote aurait pu mourir à deux ans, et ainsi ne pas satisfaire aux descriptions que nous associons généralement à son nom, alors que, quoiqu'il en soit, il est toujours identique à lui-même. Autrement dit, l'objet associé à une description définie peut changer.

Kripke propose alors une théorie causale de la référence, d'après laquelle un nom réfère à un objet par une connexion causale avec l'objet. Les noms sont alors des désignateurs rigides : ils réfèrent à l'objet nommé dans tous les mondes possibles, c'est-à-dire dans toutes les situations contrefactuelles imaginables, où cet objet existe. Cette référence est donc nécessaire, dans la mesure où la relation d'identité l'est aussi.

Cette théorie distingue être nécessaire et être connu a priori. Une vérité peut donc être a posteriori et nécessaire ou a priori et contingente :

  • une convention peut être a priori et contingente, comme la décision de référence à un mètre étalon ;
  • les propositions des sciences de la nature sont connues a posteriori, mais si elles sont vraies, elles le sont nécessairement, i.e. elles énoncent comment les choses sont ce qu'elles sont.

Cette théorie a par la suite été développée par Hilary Putnam, Keith Donnellan, Gareth Evans, et d'autres.

[modifier] Wittgenstein

Dans Règles et langage privé[2], Kripke a proposé une interprétation novatrice de ce qu'on appelle l'"argument du langage privé" de Wittgenstein, à savoir les paragraphes 143-246 de ses Investigations Philosophiques. L'ouvrage de Kripke a été très controversé, à la fois en tant qu'interprétation de Wittgenstein, et pour la position qui y est défendue. Kripke lui-même reste réservé dans l'ouvrage sur la question de savoir si l'argument qu'il attribue à Wittgenstein est bien celui de Wittgenstein, et considère que l'argument est intéressant en lui-même. Le Wittgenstein de Kripke, réel ou fictif, est devenu par la suite l'objet de discussions indépendantes de la discussion de Wittgenstein lui-même.[3] Le surnom de "Kripkenstein" a été forgé pour le désigner.

[modifier] La théorie de la vérité

Dans son article de 1975, « Outline of a Theory of Truth » (Journal of Philosophy 72, pp. 690-716), Kripke a montré qu'un langage peut en fait contenir sans contradiction le prédicat de vérité dans ce langage, ce qui est impossible dans la sémantique classique d'Alfred Tarski.

La vérité est en effet ici une propriété définie sur l'ensemble des énoncés grammaticalement bien formés dans le langage. On peut partir de l'ensemble des expressions qui ne contiennent pas le prédicat de vérité et on le définit ensuite sur ce segment : cela ajoute de nouveaux énoncés au langage et la vérité est ensuite définie récursivement sur ce nouvel ensemble. Contrairement à la théorie de Tarski, celle de Kripke permet à la « vérité » d'être l'union de toutes les étapes de la définition. Après une infinité dénombrable d'étapes, le langage atteint un point fixe et la méthode de Kripke n'étend plus le langage. Un tel point fixe peut ensuite être pris comme la forme de base d'un langage naturel qui contient son propre prédicat de vérité.

Mais ce prédicat demeure non-défini pour les énoncés qui ne peuvent pas se résoudre en des énoncés plus simples ne contenant pas le prédicat de vérité.

Ainsi « 'La neige est blanche' est vrai » est bien défini, de même que « '« La neige est blanche » est vrai' est vrai », et ainsi de suite, mais « Cet énoncé est vrai » ou « Cet énoncé n'est pas vrai » n'ont pas de conditions de vérité. Ils sont selon Kripke, « non-fondés » (ungrounded : dénués de fondement).

[modifier] Notes et références de l'article

  1. Théorème de complétude forte de Sahlqvist, voir Patrick Blackburn, Maarten de Rijke et Yde Venema, Modal Logic, 2001 [détail des éditions], chap. 4 Completeness, théorème 4.42, p. 210.
  2. Kripke, Wittgenstein on Rules and Private Language, Blackwell, Oxford, 1982, trad.fr. Th. Marchaisse, Règles et langage privé, Seuil, 1996.
  3. Stewart Cadish, "Private Language", Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2003.

[modifier] Oeuvres

  • Naming and Necessity, Harvard University Press, 1980 - parution initiale 1972. Trad. fr. P. Jacob et F. Récanati, La logique des noms propres, Paris, Les éditions de Minuit, coll. « Propositions », 1982.
  • Wittgenstein on Rules and Private Language: an Elementary Exposition, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1982. Trad. fr. Th. Marchaisse, Règles et langage privé, Seuil, Paris, 1995.

[modifier] Littérature secondaire

  • Filipe Drapeau-Contim, Pascal Ludwig, Kripke, référence et modalités. paris : PUF, 2005.
  • Pascal Engel, Identité et référence. La théorie des noms propres chez Frege et Kripke. Paris : Presses de l’École normale supérieure, 1985. ISBN 2-7288-0115-0.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes


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