Reliure

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Reliure et couverture d'un livre ancien
Reliure et couverture d'un livre ancien

La reliure (nom dérivé de relier, lui-même issu de religare en latin) consiste à lier, à rassembler « la » ou « les » feuilles d'un livre, pliées ou non en cahier, de manière à en prévenir la dégradation, à en permettre l'usage durable et souvent à lui donner une esthétique avenante. Par extension, le terme désigne aussi le résultat de ce travail.
Très vite, cette pratique artisanale s'est érigée en art. Aujourd'hui les amateurs bibliophiles peuvent rechercher des reliures, à la rareté ou à l'esthétique exceptionnelles.

Il existe plusieurs types de reliure :

On distingue la reliure pleine, qui se dit d'un livre entièrement recouvert de cuir ou de tissu; la demi-reliure, dont seul le dos est recouvert d'une matière noble (le reste du volume étant recouvert d'un papier); et les demi-reliures à bande ou à coins, dont on protège également les parties les plus exposées à la main du lecteur, côté gouttière. La reliure en toile est généralement ornée d'une pièce de titre (morceau de cuir placé sur le dos du livre. Il y est apposé le nom de l'auteur et le titre du livre).

Les qualités des cuirs utilisés et leurs utilisations peuvent varier. Il existe des reliures, du meilleur au plus banal, en peau de vélin, en veau ou box, en maroquin, en daim ou agneau velours (peaux très souples et chamoisées), en chagrin, en basane, etc. Cette hiérarchie a pu varier selon les époques.

Sommaire

[modifier] Le travail traditionnel du relieur

Un relieur en action.
Un relieur en action.

Après avoir mis en cahiers les feuilles imprimées (pliure), les avoir battues sur un bloc de marbre ou de pierre avec un lourd marteau à tête convexe (batture), et les avoir tenues en presse un certain temps, on procède à l’ébarbage éventuel puis, pour les relier, au grecquage, qui consiste en plusieurs incisions faites au dos du volume avec une scie à main nommée scie à grecquer : ces incisions servent à guider la brocheuse dans l'opération de couture. On met alors les cahiers sur le cousoir, et on passe des fils autour de plusieurs ficelles qui entrent dans les incisions faites au dos, et dont les bouts sont ensuite rattachés a la couverture. Cela fait, on encolle le dos des feuillets, pour qu'ils ne puissent plus bouger. On procède ensuite à l’endossure (arrondir, dans un étau, le dos du livre à l'aide d'un marteau), au rognage (couper ou poncer la Tête, la queue et la gouttière du livre), puis à la dorure ou au coloriage de la tranche; après quoi, on pose le signet et la tranchefile.

Quand on a appliqué sur le dos une bande de parchemin mouillé ou de toile, on colle sur le carton la basane, le maroquin, la toile ou le papier, qui doivent le recouvrir. La couverture faite, il ne reste plus qu'à coller les gardes ; enfin à appliquer les dorures, mosaïquages et autres ornements, et à mettre le titre. Bien entendu, cette description du travail du relieur est très sommaire et il existe de nombreuses variantes.

[modifier] Les formats

En matière de reliure, métier de traditions, on s’exprime beaucoup plus souvent en formats qu’en mesures métriques. Il existe un vocabulaire pour le format des feuilles, un vocabulaire pour le format définitif du livre et même des formats donnant des informations complémentaires.

[modifier] Format des feuilles

Plusieurs pages sont imprimées simultanément sur une même grande feuille de papier. Cette feuille sera ensuite pliée de telle façon que les pages se présentent au lecteur dans l’ordre où elles doivent être lues et constituent ce que l’on appelle un cahier. Les pages seront finalement coupées au niveau des plis pour obtenir un livre proche de sa forme définitive. Or, ces grandes feuilles qui peuvent être de format différent sont, suivant leurs dimensions, appelées : Colombier, Jésus, raisin, Carré, Coquille ou Couronne (voir l'article Format de papier).

[modifier] Format des livres

Chacune de ces feuilles est susceptible d’être pliée en 2 (in-folio), en 4 (in-quarto, aussi noté in-4°), en 8 (in-octavo, aussi noté in-8°) ou encore en 12 (in-duodecimo, in-12°). Lorsque le livre, chose exceptionnelle, est composé de feuilles entières, il porte le nom d’in plano (il est donc de très grande taille). Dans le tableau ci-dessous, nous donnons une idée des dimensions créées par la combinaison des formats.

Table de correspondance des formats de papier (en cm)

Nom des feuilles in-plano in-folio in-4° in-8° in 16° in-18°
Colombier 84 × 61 61 × 42 42 × 30,5 30,5 × 21 - -
Jésus 70 × 54 54 × 35 35 × 27 27 × 17,5 17,5 × 13,5 18,5 × 11,5
Raisin 64 × 49 49 × 32 32 × 24,5 24,5 × 16 16 × 12,5 16,5 × 10,5
Coquille ou carré 56 × 44 44 × 28 28 × 22 22 × 14 14 × 11 14,5 × 9
Écu 40 × 52 26 × 40 20 × 26 13 × 20 11 × 13 13,3 × 8,6
Couronne 36 × 46 23 × 36 23 × 18 18 × 11,5 11,5 × 9 12 × 7,7

[modifier] Autres types de format

Les livres dont la hauteur est plus petite que la largeur sont dits de formats « oblongs » ou « à l’italienne ». En dehors des formats réguliers qui figurent sur le tableau, il existe d’autres formats regroupés sous le vocable générique de « formats bâtards ».

[modifier] Le jargon du relieur

Ce jargon, très particulier, est aussi employé par les libraires, les bibliothécaires et les bibliophiles pour décrire les défauts (ou les qualités) d’un livre ancien. Il est donc particulièrement intéressant à connaître pour des transactions à distance nécessitant des descriptions complètes des reliures. Avec le développement de la vente de livres anciens sur Internet, ce vocabulaire a regagné un usage fréquent.

le jargon du relieur
Ais 
planchette de bois et aussi plat d'un in-folio
Cahier 
ensemble de feuillets doubles pliés sur une faible épaisseur puis cousus ensemble par leurs fonds et fixés ensuite sur les tranchefiles
Chasse 
espace dont la couverture déborde le livre (voir schéma)
Coiffes 
extrémités du dos débordant du livre
Collationner 
Mettre en ordre les feuillets épars d’un volume décousu. Par extension, vérifier la bonne suite des pages.
Dos 
le côté visible une fois le livre rangé normalement dans une bibliothèque et sur lequel on inscrit le titre. Le néophyte lui donne souvent, à tort, le nom de « tranche » qui qualifie autre chose.
Entrenerfs 
distance séparant les nerfs entre eux
Fonds 
plis des feuillets doubles
Gardes 
papiers blancs ou de couleurs, marbrés ou jaspés, placés au début et à la fin du volume, pour le protéger et améliorer sa présentation
Gouttière 
côté opposé du dos et d'une forme concave égale à l'arrondi du dos et obtenu par l'arrondissure du dos .
Mors 
ligne suivant laquelle la couverture forme charnière
Nerfs 
à l'origine, éléments de renforcement de la fixation des cahiers. En saillies visibles sur le dos des livres, ils sont placés comme de simples décorations sur certaines reliures modernes.
Plats 
ce sont les deux cartons recouvrant le livre
Queue 
la queue est la partie inférieure
Signets 
ruban fixé en tête du livre, destiné à marquer la page où s’est arrêtée la lecture
Tête 
la tête d’un livre est le côté supérieur (voir schéma)
Tranche 
indifféremment les trois côtés du livre autres que le dos, qui peut-être de tête, de queue ou de gouttière
Tranchefiles 
petit rouleau de papier, recouvert de fils de soie multicolores, placé sous la coiffe pour la renforcer et bien fixer les cahiers (voir schéma)

[modifier] Histoire de la reliure

Reliure médiévale rhénane, musée de Cluny
Reliure médiévale rhénane, musée de Cluny

La reliure était déjà classée comme un art chez les Romains : on distinguait les librarioli, les glutinatores, etc. Pendant le Moyen Âge, les reliures furent quelquefois splendides, mais le plus souvent sobres et peu ornées. Après la découverte de l’imprimerie et à l’époque de la Renaissance, cet art prit un grand essor : dès la fin du XVe siècle, on vit les reliures en maroquin et en veau succéder aux reliures en bois couverts d’étoffes ou de peaux mégissées. L’Italie, puis Lyon et Paris fournirent alors les plus habiles relieurs : on cite, en France, Pierre Roffet, dit le Faucheux, sous François Ier et Henri II ; Nicolas et Clovis Ève, sous Charles IX, Henri III et Henri IV. Les amateurs recherchent les livres que firent relier les bibliophiles de ce temps, Grolier, Laurin Lien vers un homonyme?, Maioli, etc.

Au XVIIe siècle, les arabesques italiennes, les filets, les entrelacs, les ornements rehaussés d’or et de couleur, firent place à des reliures simples et sévères, notamment en maroquin rouge et en veau uni, souvent de couleur sombre, comme dans les reliures dites Jansénistes. Le Gascon, P. Gaillard et Ruette, puis Boyet, Du Seuil, les deux Dérôme et Padeloup, enfin Bisiaux et Bradel, sont les relieurs les plus estimés des XVIIe et XVIIIe siècle ; on cite à la même époque en Angleterre, Baumgarten, Welcher, Roger Payne, Kalthober, etc.

Au XIXe siècle, on retiendra les reliures de Purgold, de Bozerian, de Simier, de Thouvenin, de Bauzonnet et de Trautz son gendre, celles de Kœhler, Duru, Niédrée, Capé, Thompson, Marius (doreur), etc., en France, et de Clarke, Lewes, Hering, Rivière, etc., en Angleterre. Avec le début du XXe siècle, la reliure devient création artistique à part entière et se répartit entre livres d’artistes (création originale de tout le livre dont la reliure) et livres-objets (création d’une reliure originale). Parmi les relieurs d’art les plus remarquables du XXe siècle, citons Rose Adler, Paul Bonet, Robert Bonfils, Antoinette Cerutti, Georges Cretté, Henri Creuzevault, Germaine de Coster, Louise-Denise Germain, Pierre Legrain, Georges Leroux, Madame Marot-Rodde, Monique Mathieu, Pierre Lucien Martin, Georges Plumelle, François-Louis Schmied.

À la même époque naît la reliure industrielle qui grâce à la rationalisation du travail, l'emploi de machine et la concentration de la main-d’œuvre permet des séries très importantes. Le relieur Engel, Lenègre en sont les initiateurs en France

[modifier] Autres types de reliure

[modifier] Le dos carré collé

Avec la reliure industrielle, les cahiers assemblés selon l'ordre normal de la lecture, sont découpés sur le dernier pli du cahier à l'aide du massicot pour obtenir un dos bien plat ou bien les exemplaires à relier sont déjà assemblés et au format (Photocopies ou impression numérique). Les feuillets seront alors indépendants. Le livre posé sur le dos sera fraisé (grecquage) pour obtenir des entailles qui permettront à la colle de pénétrer, assurant une parfaite adhérence de chaque feuillet sur le dos de la couverture.

La couverture sera rajoutée aussitôt pour parfaire l'ouvrage et l'ensemble est massicoté sur les trois faces du livre pour permettre de tourner les pages sans avoir à utiliser le coupe-papier manuel, lorsque le livre est réalisé avec des cahiers assemblés.

[modifier] Les reliures en bureautique

Reliure anneaux plastiques
Reliure anneaux plastiques

La reliure bureautique, comme la reliure classique, est destinée à présenter des documents assemblés. Cependant elle présente une variété de solutions pour s'adapter aux besoins spécifiques du monde de l'entreprise qui sera attentive aux caractéristiques suivantes :

  • le coût et le délai de fabrication sont souvent des facteurs importants : les entreprises recherchent un coût faible et une production dans des délais courts ;
  • la permanence de la reliure : contrairement aux livres, les documents d'entreprise n'ont pas forcément une durée de vie longue ; ils peuvent devenir obsolètes en quelques mois, parfois quelques semaines seulement ;
  • le nombre de documents à relier : il peut varier de quelques exemplaires à plusieurs milliers.
  • les destinataires : une entreprise ne met pas le même budget pour l'impression des résultats annuels destinés aux actionnaires que pour la diffusion d'une note interne.
  • l'accessibilité de la technique employée : dans un monde en perpétuel mouvement, pouvoir relier des documents soi-même représente souvent une économie de temps et de moyens ;

C'est pourquoi il existe plusieurs types de reliures. La principale consiste à perforer préalablement le papier à l'aide d'un perforelieur puis à monter une reliure plastique ou métallique sur le document perforé. On parle alors de « reliure mécanique ». C'est souvent à tort que l'on fait référence à la « reliure spirale » car la reliure en question n'est pas une spirale à proprement parler mais le plus souvent un « peigne » constituant une série d'anneaux en plastique (comb binding en anglais) ou en métal (double ring binding en anglais). Il existe une véritable reliure bureautique en spirale hélicoïdale en métal où dans sa version plus moderne en plastique, que l'on trouve principalement en Amérique sous l'appellation de reliure coil (ressort en anglais).

La reliure type "Serdo ou Serodo" permet de rassembler des pages sans collage ni perforation. Elle ne nécessite aucun matériel mais l'épaisseur des ouvrages ainsi rassemblés reste limitée. Ceux-ci doivent être glissés dans la baguette de reliure, l'ensemble tenant par simple pression de la baguette sur les feuillets.

Des reliures garantissant l'authenticité d'un document par scellé, des reliures à peigne rigide, des reliures thermocollées à dos souple ou rigides[1] viennent compléter les possibilités d'assemblage des documents.

Actuellement, la diffusion massive de documents par voie électronique (notamment par messagerie électronique, par site Internet, par serveur FTP ou sur disque optique), en diminuant le nombre de documents diffusés sous forme papier, concurrence le marché de la reliure d'entreprise.

[modifier] Formation

  • CAP Arts de la reliure: en deux ans après la troisième ou en un an après le baccalauréat.
  • BMA (Brevet des métiers d'art) Arts de la reliure et de la dorure: en deux ans après le CAP Arts de la reliure.

Les titulaires d’un BMA Arts de la reliure et de la dorure peuvent généralement préparer un DMA art graphique option reliure à l'Ecole Estienne. Le CAP et le BMA se préparent au lycée professionnel Tolbiac.

[modifier] Notes et références

  1. les feuilles sont insérées dans une chemise dont la tranche, qui contient une colle liquide à chaud, est chauffée ; en se liquéfiant, la colle se propage sur les tranches des feuilles ; en refroidissant, la colle redevient solide, bloquant les feuilles

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes