Rôle de la communauté internationale dans le génocide au Rwanda

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GÉNOCIDE AU RWANDA

Rwanda
Histoire du Rwanda
Populations des Grands Lacs
Ethnisme au Rwanda

Introduction
Événements initiaux
Causes du génocide
Acteurs rwandais
Communauté internationale
Institutions religieuses
Particularités du génocide
Conséquences du génocide
Justice internationale (TPIR)
Médias
Négationnisme

Glossaire et compléments
Bibliographie

Rwanda Murambi victimes momifiées du génocide de 1994
Rwanda Murambi victimes momifiées du génocide de 1994

Sommaire

[modifier] La Belgique

La Belgique a été extrêmement choquée par les événements de 1994. En tant qu'ancienne puissance coloniale elle suivait avec intérêt les événements de ce pays. La Minuar était composée pour moitié de soldats belges. Un ministre de Belgique, était venu en visite en février 1994, à un moment où selon certaines sources difficiles à vérifier, le déclenchement du génocide aurait été imminent. Rien ne nous permet de dire si cette visite a empêché ce premier déclenchement.

[modifier] La méthode administrative belge

Après avoir envahi le Rwanda – alors colonie allemande – en 1916, la Belgique se vit confier un mandat par la SDN en 1923. Pour des raisons qui tiennent à l'état des théories anthropologiques du monde occidental contemporain des années 20-30, la Belgique institua au Rwanda, comme au Burundi, un régime colonial qui divisa en ethnies la population du pays et imposa systématiquement la domination administrative des Tutsi sur les Hutu et sur les Twa. Les Tutsi ont dans leur grande majorité accepté cette dérive, et ont introjeté sans obstacles cette idéologie qui les favorisait.

[modifier] Les résistances belges à la décolonisation

Lorsqu'à la fin des années 1950, les Tutsi revendiquèrent l'indépendance, la Belgique renversa son alliance avec la monarchie tutsie au profit des Hutus. À la suite d'évolutions intellectuelles, dont une forme de théologie de la libération au sein de l'Église catholique coloniale au Rwanda, elle détourna les frustrations Hutu contre les privilèges qu'elle avait accordés à ses relais coloniaux. Les Tutsi devinrent la cible de la colère anticoloniale. La Belgique fut contrainte par les institutions internationales et la pression montante dans le pays d'accorder l'indépendance au Rwanda en 1962. À partir de là, les Tutsi devinrent l'objet de discriminations (quotas stricts pour l'accès aux universités et à la fonction publique par exemple) et de persécutions, perçues en Europe (le quotidien français Le Monde du 4 février 1964 titrait sur trois colonnes en dernière page : « L'extermination des Tutsi, les massacres du Ruanda sont la manifestation d'une haine raciale soigneusement entretenue. »[1]).

[modifier] Le retour belge à travers une mission de l'ONU

Lorsque l'ONU décide de constituer en 1993 une mission pour soutenir les efforts de paix au Rwanda, la Minuar, la Belgique fournit la moitié du contingent de casques bleus.

Après l'attentat du 6 avril 1994, la radio des mille collines diffusa la rumeur que les soldats belges de la Minuar en étaient l'auteur. Dix soldat belges furent capturés et assassinés par la Garde présidentielle rwandaise. Cet épisode dramatique plongea la Belgique dans la consternation et entraîna son désengagement de la Minuar. Dans la foulée, la Belgique entraîna à son tour l'ONU dans une spirale de désengagement. Un informateur, appelé « Jean-Pierre » par le général Dallaire, avait annoncé début 1994 à la Minuar ce projet de s'en prendre à des soldats belges pour les chasser.

[modifier] L'échec de l'engagement belge

Dès le 7 avril, la Belgique demande à l'ONU une extension du mandat de la Minuar pour évacuer ses 1520 ressortissants, mais pas pour protéger les Rwandais menacés. Les autorités rwandaises refusent une intervention de la Belgique, soupçonnée d'être à l'origine de l'attentat, et préfèrent une intervention française. On peut lire dans le rapport du sénat belge ces propos de l'ambassadeur belge le 12 avril 1994 : « Nous nous préoccupons surtout : ­ du personnel qui a travaillé pour nous ; ­ de certaines personnalités associées au processus de démocratisation ;­ des ecclésiastiques. » Le rapport poursuit : « Finalement, l'opération « Silver Back » débutera le 10 avril et se terminera le 15 avril, lorsque les derniers civils belges auront quitté le Rwanda. »

[modifier] Le temps de la réflexion politique

Après le génocide, la Belgique, traumatisée, engagea une réflexion parlementaire. Le sénat de Belgique institua une Commission d'enquête parlementaire qui enquêta et rédigea un rapport parlementaire.

« Le 6 avril 2000, le Premier ministre belge Guy Verhofstadt assista à Kigali à la cérémonie commémorant le sixième anniversaire du génocide. Il saisit l’occasion de faire des excuses après six ans et “d’assumer la responsabilité de mon pays”, d’après ce que l’on a appris par la suite «au nom de mon pays et de mon peuple, je demande pardon » [2]

[modifier] Des suites judiciaires en Belgique

[modifier] La France

[modifier] "Les accords particuliers d'assistance militaire" du 18 juillet 1975

Le 18 juillet 1975, Valéry Giscard d'Estaing avait signé avec le président Juvénal Habyarimana des accords de coopération pour la formation de la gendarmerie rwandaise. Cet accord stipulait dans son article 3 des limites très précises : “ ils (les militaires français) ne peuvent en aucun cas être associés à la préparation ou à l’exécution d’opérations de guerre, de maintien ou de rétablissement de l’ordre ou de la légalité ”[réf. nécessaire]. Ensuite le président François Mitterrand et le président Juvénal Habyarimana tissèrent des « liens d'amitiés » entre les deux pays.

Le 20 avril 1983, un amendement à l'article 3 de l'accord de 1975 permit aux militaires français chargés de la formation de la gendarmerie rwandaise de servir « sous uniforme rwandais » et supprima les prudentes limites citées plus haut[réf. nécessaire]. Dès le début de l'invasion des exilés Tutsi venus de l'Ouganda le 1 octobre 1990, le président Habyarimana appellera la France à le soutenir militairement, bien que, contrairement à une idée répandue, les accords signés entre les deux pays ne soient pas des accords de défense, mais seulement des accords de formation de la gendarmerie rwandaise. S'il y a eu des accords de défense, ils n'ont pu être que des accords oraux, d'homme à homme, entre François Mitterrand et Juvénal Habyarimana.

[modifier] L'opération Noroît

Les troupes du Front patriotique rwandais, l'Armée patriotique rwandaise, entrent au Rwanda le 1er octobre 1990. Ils sont accusés de massacres par le gouvernement hutu lors de leur progression[réf. nécessaire]. L'ancien officier de l'APR Abdul Joshua Ruzibiza a confirmé ces accusations dans son livre paru en 2005, se fondant sur sa propre expérience et sur des témoignages d'autres officiers de l'APR[réf. nécessaire].

Dès le 4 octobre 1990, l’armée française est déployée à Kigali sous le nom d'opération Noroît pour défendre le président Juvénal Habyarimana contre les rebelles du FPR. Le rapport de la mission parlementaire française juge « La présence française […] à la limite de l'engagement direct »[réf. nécessaire]. Cette opération a permis d'organiser, d'entraîner et d'encadrer les militaires rwandais, qui à leur tour auraient armé les milices Interahamwe, et même directement des miliciens Interahamwe, dans les camps de Gabiro et de Bigogwe, selon des témoignages rwandais et du gendarme Thierry Prungnaud du GIGN[réf. nécessaire].

Jean Nderiya, rescapé du génocide, a déclaré « À partir de 1992, on voyait des militaires français avec des Interahamwe, je les ai vus plusieurs fois, aux barrages, avec des gendarmes rwandais. » [réf. nécessaire]

Le colonel Joubert a pour sa part déclaré à l'universitaire Bernard Lugan que le premier camp servait de camp de formation militaire, mais pour le perfectionnement de soldats expérimentés et non de miliciens, et que le second n'a jamais été un lieu d'encasernement français mais belge[réf. nécessaire]. C'était même le symbole de la coopération militaire belge, d'après les témoignages recueillis par Pierre Péan.[réf. nécessaire]

Selon d'autres témoignages rwandais, l'armée française aurait d'autre part procédé à des contrôles d'identité ethniques, parfois accompagnés de miliciens en plus de leurs homologues rwandais, et des interrogatoires en prison dès 1991. Selon Damascène Nsanzimfura, « Les Interahamwe étaient avec des militaires français. Ce que j'ai vu de mes propres yeux, c'est que les gens que les Français ont arrêté, connus comme des Tutsi, les Interahamwe sont venus après eux. Ils les ont ramassés et mis dans des voitures et ils les ont acheminés quelque part. » [réf. nécessaire]Ces allégations ont toujours été démenties par les militaires et les hommes politiques français[réf. nécessaire]. Aucun document d'archive français ne vient les étayer. Elles ont surtout été formulées par Alison Des Forges, qui est revenue sur ses déclarations dans un courrier adressé à la mission parlementaire d'information : bien au contraire, dit-elle alors, la présence des français a mis fin à l'usage de la torture par les forces de l'ordre rwandaises. L'autre accusateur est Jean Carbonare, devenu le principal conseiller de Paul Kagame en 1995. Carbonare affirme que des interrogatoires ont eu lieu au camp de Bigogwe[réf. nécessaire]. Or, comme il a été dit plus haut, aucune troupe française n'était stationnée à Bigogwe, il s'agissait de soldats belges.

Le 31 juillet 1992, vingt-trois mois après le début de l'engagement militaire français, La France et le Rwanda ont régularisé la rédaction de l'accord d'assistance militaire de 1975 pour qu'il concerne aussi la formation des Forces armées rwandaises en changeant simplement dans sa rédaction les mots « Gendarmerie rwandaise » par « Force armées rwandaises » aux articles 1 et 6 de l'accord de 1975, et toujours sous « uniforme rwandais » selon l'avenant de 1983[réf. nécessaire].

Parallèlement la France, en accord avec la communauté internationale, a officiellement soutenu le processus de paix des négociations des accords d'Arusha entre le pouvoir rwandais, son opposition et les exilés du FPR.

[modifier] Le retrait devant l'arrivée de la Minuar

En décembre 1993, le FPR et ses alliés n'ayant accepté de signer les accords d'Arusha qu'à la condition sine qua non que les troupes françaises quittent le Rwanda[réf. nécessaire], la France s'efface officiellement devant l'arrivée de la Minuar, mission de paix de l'ONU, venue aider à la mise en œuvre des accords d'Arusha. L'opération Noroît s'achève, mais la mission d'assistance technique française a en toute transparence repris la forme qui était la sienne avant octobre 1990[réf. nécessaire].

Trois coopérants militaires français (deux sous-officiers de Gendarmerie et l'épouse de l'un d'entre eux) ont été assassinés dans les heures qui ont suivi l'attentat, au moment où ils accueillaient à leur domicile de nombreux rwandais qui venaient s'y réfugier[réf. nécessaire].

[modifier] L'opération Amaryllis

Le 8 avril 1994, deux jours après l'attentat contre le président Habyarimana, la France déclenche l'opération Amaryllis pour permettre l'évacuation sécurisée de 1500 ressortissants, essentiellement occidentaux, ainsi que des membres de la famille du président. Certains rescapés rwandais ont vivement critiqué cette opération qui, selon des témoignages, n'incluait pas l'évacuation des Rwandais menacés par les massacres, même lorsqu'ils étaient employés par les autorités françaises. En revanche les troupes françaises ont assuré l'évacuation de près de 400 personnes presque exclusivement des personnes proches du régime d'Habyarimana, y compris Mme Habyarimana et sa famille [3].

La Mission parlementaire d'information sur le Rwanda a entendu plusieurs points de vue contradictoires sur ce sujet. L'ambassadeur Marlaud s'est élevé contre les accusations de discrimination dans les évacuations et il a été fait état d'un télégramme du 11 avril venant de Paris : “ le département vous confirme qu’il convient d’offrir aux ressortissants rwandais faisant partie du personnel de l’ambassade (recrutés locaux), pouvant être joints, la possibilité de quitter Kigali avec les forces françaises ”.[4] En revanche plusieurs témoignages ont apporté des éléments indiquant que très peu de soutiens ont été apportés aux victimes du génocide en cours :

  • L'historien Gérard Prunier a indiqué qu'à sa connaissance, une seule personnalité d'opposition au régime Habyarimana a pu trouver refuge à l'ambassade de France.[4]
  • M. Michel Cuingnet, alors Chef de la Mission civile de coopération, "a souligné le refus d’évacuation des employés du centre culturel " et a fait état de "l’empressement mis à évacuer les proches d’Habyarimana, comme M. Nahimana, responsable de la Radio des Mille Collines" [4]
  • Le rapport conclut qu'il "semble donc qu’en l’espèce, il y ait bien eu deux poids et deux mesures et que le traitement accordé à l’entourage de la famille Habyarimana ait été beaucoup plus favorable que celui réservé aux employés tutsis dans les postes de la représentation française -ambassade, centre culturel, Mission de coopération" [4]

Le 14 avril l'opération Amaryllis est terminée.

[modifier] L'opération Turquoise

Icône de détail Article détaillé : Opération Turquoise.

La France fut très active à l'ONU dans les discussions sur le renforcement de la Minuar en mai 1994. Devant l'inertie de la communauté internationale, elle obtint difficilement l'aval de l'ONU, pour conduire l'opération Turquoise, du 22 juin au 22 août 1994. Cette opération fut conduite à partir du Zaïre dans le sud-ouest et le Nord-Ouest du Rwanda.

Les minutes du conseil des ministres, étudiés par Pierre Favier et Michel Martin-Roland, puis par Pierre Péan, indiquent que le président François Mitterrand et le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé étaient des partisans résolus d'une intervention, afin de sauver les vies qui pouvaient encore l'être. Le Premier ministre Édouard Balladur et le ministre de la Défense François Léotard craignaient un dérapage vers une opération coloniale [5], mais se sont ralliés à la position des deux premiers. Le but annoncé était de protéger, dans une « zone humanitaire sûre », les « populations menacées » aussi bien par le génocide que par le conflit militaire entre le FPR et le gouvernement intérimaire rwandais. La France revendique d'avoir protégé les 8000 Tutsi du camp de Nyarushishi, et d'avoir secouru 800 Tutsi à Bisesero près de Kibuye.

L'attitude réelle de l'armée française sur le terrain est l'objet de vives controverses, selon les périodes et les lieux de l'opération turquoise.

Joseph Ngarambe, qui a analysé pour le TPIR trois cents enregistrement vidéos, a indiqué :

« On y voit nettement l’affrontement entre extrémistes hutus et l’armée française, après le démantèlement des barrières pour laisser passer les Tutsis. Les extrémistes se sont demandé s’ils devaient attaquer les Français. On voit les militaires français arriver dans le grand camp de Tutsis de Nyarushishi pour les protéger, on voit les évacuations, mais aussi comment les Français malmènent les FAR[6]. »

Un gendarme français du GIGN a affirmé en 2005 dans Le Point et sur France Culture que les quinze premiers jours les militaires français sur le terrain avaient été informés par la France que c'étaient les Tutsi qui massacraient les Hutu.[7]

Des affrontements militaires ont eu lieu avec les soldats du FPR de Paul Kagame.

La classe politique française fut presque unanimement en faveur de cette opération. Valéry Giscard d'Estaing fut le seul homme politique français à critiquer ouvertement l'existence même de cette opération, le 7 juillet 1994 par des propos rapportés par le journal Le Monde: "« …Qu’est-ce qu’on va faire ?”, s’est interrogé l’ancien président de la République. “Il y a des Tutsi qui avancent. Est-ce qu’on va s’opposer à leur avance, de quel droit ?”, s’est-il exclamé. « Actuellement on a les Tutsi qui avancent, c’est-à-dire les victimes et on a derrière nous une partie de ceux qui ont procédé aux massacres… ». Les ONG ne s'associèrent pas tout de suite au rôle humanitaire que l'armée attendait d'elles.

[modifier] Les reproches faits à la France

Les militaires français ont reconnu avoir procédé, pendant l'opération Noroît, à des contrôles d'identités sur la base de la carte d'identité ethnique de la république rwandaise, qui précisait si la personne était Hutu, Tutsi ou Twa[réf. nécessaire]. Ils ont également reconnu avoir conseillé des officiers des FAR dans les combats contre le FPR[réf. nécessaire]. Des témoins affirment que des militaires français auraient pris part à ces combats[réf. nécessaire], ce que la France dément[réf. nécessaire].

La France, un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, est ainsi accusée pendant cette période d'avoir armé et aidé le régime. Des voix allèguent qu'en renforçant un camp qui allait devenir génocidaire la France aurait favorisé l'éclosion du génocide.[réf. nécessaire]

Pour Pierre Péan et Bernard Lugan, le seul reproche qui peut être fait à la France est de ne pas être allée jusqu'au bout de sa logique, puisque, selon eux, ce seraient les attaques du FPR qui ont déclenché, en toute connaissance de cause, le génocide par les milices hutues, comme les attaques précédentes avaient déclenché, tout aussi sciemment, les premières exactions : la France aurait dû maintenir ses troupes en 1993, ne pas se laisser intimider, et rééditer ce qui avait été fait en 1990.[réf. nécessaire]

Des livraisons d'armes aux Forces armées rwandaises, sur l'aéroport de Goma, ville frontalière du Rwanda au Zaïre, auraient été effectuées jusqu'au 18 juillet 1994[réf. nécessaire]. L'une d'elle est établie sur la base d'une livraison effectuée par l'Égypte en 1992 qui aurait reçu la caution du Crédit lyonnais, alors banque publique, plus précisément de son agence à Londres. Le document produit par Human Right Watch[réf. nécessaire] ne mentionne qu'un blanc à côté de « la banque » se portant caution. Il y a bien eu, en revanche, une livraison par des trafiquants le 18 juillet, mais à cette date, Kigali était déjà tombée aux mains du FPR. La commission d'enquête citoyenne a recensé cinq livraisons dans ses documents collectés, mais un de ses témoins, le journaliste Franck Johannès parle de livraisons quotidiennes.[8]

La France est également accusée d'avoir continué son soutien aux génocidaires pendant l'opération Turquoise[réf. nécessaire], ce que ses responsables réfutent en revendiquant une intervention humanitaire exemplaire[réf. nécessaire]. Humanitaire pour les uns, notamment au moment de l'épidémie de choléra dans les camps de réfugiés constitués aux Zaïre, cette opération fut vivement contestable pour les autres, car elle aurait selon eux facilité la fuite de responsables du génocide sans les désarmer, la continuation du génocide plus longtemps que dans le reste du pays et un déplacement massif de populations aux Zaïre (environ deux millions de personnes). Les autorités françaises accusent le FPR d'avoir provoqué la moitié de ces déplacements[réf. nécessaire], en refusant leur conseil de ne pas investir le nord-ouest du pays. Pour le FPR[réf. nécessaire], ces conseils sont une preuve de plus de la collusion française pendant le génocide, puisqu'essentiellement les militaires français demandait au FPR de laisser une partie du pays aux milices génocidaires.

[modifier] La mission d'information parlementaire

À la suite d’une campagne de presse, notamment des articles du journaliste Patrick de Saint-Exupéry parus en 1994 et en 1998 dans le journal français Le Figaro, le parlement français décida d’examiner l’action de la France au Rwanda, par le moyen d’une Mission d'information parlementaire sur le Rwanda. Des ONG françaises auraient souhaité une mission d’enquête parlementaire, dont les pouvoirs juridiques sont plus étendus, pour rechercher la vérité. Après plusieurs mois de travaux, fondés sur des entretiens et l'étude de documents d'archives, le président de la mission parlementaire, l'ancien ministre des Armées Paul Quilès, conclura à la non culpabilité de la France (décembre 1998).

[modifier] Le ressurgissement des reproches

Dix ans après, lors de l'année 2004, des livres, des films, des émissions de radio et de télévision ont ravivé les polémiques sur le rôle de la France au Rwanda. En mars 2004, le journal Le Monde diffusa des fuites du rapport Bruguière accusant Paul Kagame d'être l'auteur de l'attentat contre Juvénal Habyarimana. De leur côté, à l'initiative de l'association Survie, des ONG insatisfaites par les conclusions du rapport de la mission parlementaire sur le Rwanda, se sont auto-constitués en commission d’enquête citoyenne. À l'issue d'une semaine de travaux à Paris leurs « conclusions provisoires » ont été lues le 27 mars 2004 lors d'un colloque qu'ils ont organisé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale française, en présence d'un des deux rapporteurs du rapport parlementaire, l'ancien député Pierre Brana. Le 7 avril 2004, un grave incident diplomatique eut lieu entre le Rwanda et la France lors des commémorations du génocide à Kigali. Au cours des cérémonies, le président rwandais accusa publiquement la France de ne pas s'être excusée de son rôle au Rwanda et de prétendre participer malgré tout aux commémorations.

En juillet 2004, les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont convenu de « partager un travail de mémoire » sur le génocide. Le Rwanda annonçait quelques jours plus tard: « le conseil des ministres a adopté le projet de loi organique portant création de la commission nationale indépendante chargée de rassembler les preuves de l'implication de la France dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994 » [9]. Le ministère des Affaires étrangères français « a pris acte » de la création de cette commission rwandaise.

Le 22 octobre 2004, le Tribunal pénal international pour le Rwanda demanda officiellement à la « République de France », de permettre à son ancien ambassadeur Jean Michel Marlaud et un de ses représentants militaires, l'officier Jean-Jacques Maurin, de répondre à la demande de la défense du cerveau présumé du génocide : le colonel Bagosora en cours de jugement. Le colonel Bagosora fut le premier officier rwandais ancien élève de l'École de guerre française. [1]

Le 27 novembre 2004, dans un débat télévisé sur France 3, après la projection du film «Tuez-les tous !» réalisé par trois étudiants de sciences politiques, le président de la mission parlementaire d'information pour le Rwanda, Paul Quilès envisagea pour la première fois que « la France demande pardon au peuple rwandais, mais pas à son gouvernement ».

[modifier] Des suites judiciaires en France

Diverses plaintes ont été déposées en France contre des génocidaires présumés présents sur le sol français.[réf. nécessaire] Aucune n'a encore abouti. En juin 2004, la France a été condamnée à ce sujet pour la lenteur de sa justice par la Cour européenne des droits de l'homme[réf. nécessaire].

Le 3 février 2005, la commission d’enquête citoyenne publie en librairie son rapport et un mémorandum juridique pour cadrer la question des poursuites juridiques éventuelles contre des responsables français. Entretemps, des plaintes ont été déposées devant la justice française par des Rwandais, qui se disent victimes de l'action de Français au Rwanda. Il s'agit notamment de viols prétendument commis au camp de Nyarushishi, dans la zone humanitaire sûre de l'opération Turquoise, par des soldats français[réf. nécessaire].

Le 16 février 2005 plusieurs nouvelles plaintes ont été déposées devant la justice par maître Antoine Comte et maître William Bourdon à Paris au nom de plaignants rwandais[réf. nécessaire]. Cette fois les plaintes portent sur des actes de « complicités de génocide » de la part de responsables militaires français que la justice devra identifier. Ces plaintes sont également localisées dans la ZHS de l'opération Turquoise. Conformément au droit international et au droit français, les plaintes pour complicité de génocide sont imprescriptibles.

[modifier] Les États-Unis

Le rôle des États-Unis est directement inspiré de l'échec qu'ils venaient de subir lors de leur intervention en Somalie en 1993. Pendant deux mois, d'avril à mai 1994, les dirigeants états-uniens feront la guerre[réf. nécessaire] à l'emploi du mot génocide qui aurait obligé la communauté internationale à une intervention au Rwanda en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948). Elle fut incontestablement l'un des freins à l'efficacité de la Minuar pendant le génocide.

En 2001, le gouvernement états-unien déclassifia des documents confirmant l'attitude des USA de ne pas avoir pris en compte la réalité de la situation dès janvier 1994. [10]

Cette attitude, perçue très négativement dans le monde[réf. nécessaire] et plus particulièrement par les rescapés du génocide amena le président Clinton à présenter des excuses à mots couverts aux Rwandais[réf. nécessaire]. Elle est également vigoureusement soulignée par la classe politique française quand la France est accusée par le FPR et ses relais[réf. nécessaire].

[modifier] L'Organisation de l'Unité africaine et les pays africains

L'OUA, aujourd'hui transformée en Union africaine, a fait un rapport sur le génocide en 2000.

Les pays qui entourent le Rwanda ont accueilli les réfugiés Tutsi qui fuyaient le Rwanda à partir de 1959. L'Ouganda est devenu le lieu de regroupement du Front Patriotique Rwandais qui décida de rentrer par la force au Rwanda en octobre 1990. La Tanzanie, à Arusha, abrita les négociations de paix entre le FPR et le régime Habyarimana, et ensuite le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Les événements du Burundi, très proche du Rwanda quant à la structure de sa population et par la colonisation, mais ayant eu une histoire différente après les indépendances, ont probablement eu une influence très importante sur les planificateurs du projet génocidaire.

Le génocide au Rwanda a été vivement ressenti en Afrique. Mais les Forces armées rwandaises, ex-FAR du régime génocidaire, et les milices Interahamwe ont trouvé refuge notamment au Zaïre. De nombreux responsables du génocide, des planificateurs recherchés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, ont trouvé refuge dans les pays d'Afrique. Certains ont été capturés et remis au TPIR.

En l'an 2000 un collectif d'écrivains africains se constitua pour écrire « par devoir de mémoire » sur le génocide au Rwanda.

Encore aujourd'hui l'Afrique des grands lacs, et plus particulièrement la République démocratique du Congo, subissent l'instabilité politique en partie provoquée par la présence des forces génocidaires en fuite et par le FPR. L'Afrique du Sud joue un rôle de plus en plus présent dans les efforts de pacification de cette région.

[modifier] L'Organisation des Nations unies

Au moment du génocide, le secrétaire général de l'ONU est Boutros Boutros-Ghali. Le rôle de l'ONU a été critiqué, notamment par la France[réf. nécessaire] (qui en est un des cinq membres permanents de son organe directeur) et le Rwanda. L’ONU n’a pas fait d’enquête sur l’attentat qui a été le signal de départ du génocide. Pendant des semaines, la communauté internationale a laissé faire les tueries sans intervenir. La MINUAR, mission des nations unies au Rwanda, dut se débrouiller pendant cette période dans des conditions que son commandant le général Roméo Dallaire a longuement relatées dans son livre J'ai serré la main du diable. L’ONU a fait un rapport sur le génocide.

[modifier] Les décisions du Conseil de sécurité

  • En janvier 1994, le Rwanda obtint un représentant au Conseil de sécurité. Pendant toute la durée du génocide, ce représentant du Rwanda, dont le gouvernement conduisait le génocide, assistera aux débats du Conseil de sécurité.
  • à la mi-mai, après la militance de la plupart des membres du Conseil de sécurité, en particulier des É.-U., pour refuser de parler de génocide, brusquement le Conseil de sécurité se ravise et décide (résolution 918) de lancer une MINUAR II d’un effectif de 5500 hommes qui devra entrer en action vers le 22 août 1994 en invoquant des contraintes techniques de préparation. En même temps un embargo sur les armes est décrété.
  • Le 28 juin 1994 le rapporteur de la commission des droits de l’homme de l’ONU dévoile son rapport et confirme l’existence d’un génocide[réf. nécessaire].
  • Le 4 juillet 1994, alors que le FPR prend Kigali et met fin au génocide dans la partie qu’il contrôle, la France décrète la ZHS, zone humanitaire sûre, dans le sud ouest du Rwanda, où les génocidaires ne seront pas efficacement combattus selon le rapport des députés français en 1998[réf. nécessaire].
  • La Minuar sera dissoute et quittera le Rwanda en mars 1996.

[modifier] Réflexions des acteurs onusiens impliqués

Kofi Annan, qui n’était pas encore secrétaire général de l’ONU, a été très marqué par le génocide. Il dirigeait alors le « Domp » (Département des opérations de maintien de la paix), service de l’ONU qui avait la responsabilité du suivi des relations avec la Minuar. Dans son discours du 7 avril 2004, à l’occasion du dixième anniversaire du génocide, il a fait part des préoccupations particulières que lui inspirent les événements du Rwanda dans la prévention indispensable des conflits armés et des génocides. [11]

Dans son rapport « Aucun témoin ne doit survivre », HRW souligne les écarts d’appréciation au moment du génocide entre le général Dallaire et Jacques-Roger Booh Booh, le responsable diplomatique de la Minuar[réf. nécessaire]. Selon l’association, au moment du génocide, les communications sur les événements du Rwanda de Jacques-Roger Booh Booh étaient très éloignées de la réalité, contrairement à celles de Roméo Dallaire, et ont probablement contribué à la mauvaise information du Conseil de sécurité[réf. nécessaire].

Dans son livre J'ai serré la main du diable, le général Dallaire a critiqué[réf. nécessaire] Jacques-Roger Booh Booh, dont il n’appréciait guère les méthodes et la proximité diplomatique avec la France et le secrétaire général de l’époque, Boutros Boutros-Ghali, qui s’était absenté[réf. nécessaire] de cette actualité jusqu’au 21 avril 1994. Il critique également très sévèrement l’action de la France au Rwanda[réf. nécessaire].

En mars 2005, Jacques-Roger Booh Booh publie un livre édité en France[12], critiquant très durement son ancien subordonné[réf. nécessaire] en prenant le risque de s’attaquer à sa réputation morale, sur le même registre que les caricatures de la propagande génocidaire au moment des événements[réf. nécessaire].

[modifier] Les organisations non gouvernementales

Les ONG ont pris le génocide au Rwanda de plein fouet. Certaines, comme la Fédération internationale des Droits de l'Homme ou l’association française Survie, avaient donné l’alerte au moins un an avant.

[modifier] Médecins du Monde et Médecins sans frontières

Face aux événements les médecins furent submergés. Médecins du monde et Médecins sans frontières avaient des missions sur place. Médecins sans frontières employait plusieurs centaines de Rwandais. Une très grande partie d’entre eux furent massacrés devant des occidentaux impuissants. Le staff français de Médecins sans frontières aura une action médiatique extrêmement critique contre les autorités françaises en avril et mai 1994 et se déplaça à l’ONU. Leur appel restera célèbre : « On n'arrête pas un génocide avec des médecins. »

Lors de l’opération Turquoise de la France, à la fin du génocide, un clivage se creusa entre les ONG qui acceptaient l’intervention et celles qui s’en méfiaient. Les autres sections nationales de Médecins sans frontières ne partageaient pas toutes l’approche de la section française. Les militaires français, qui comptaient sur les ONG pour « faire de l’humanitaire », déplorèrent leurs réticences. Ces réticences furent partiellement vaincues lorsque le choléra éclata dans les camps de réfugiés et qu’il fallut porter secours aux réfugiés malades. Mais en novembre 1994, Médecins sans frontières quitta à nouveau les camps, affirmant que les extrémistes hutus s’étaient imposés par la force dans les populations réfugiées au Zaïre[13].

[modifier] Human Rights Watch

Human Rights Watch publia un rapport en mai 1994[14]. En 1999, HRW et la Fédération internationale des Droits de l'Homme publièrent un rapport commun de 800 pages, Leave None to Tell the Story[15], traduit Aucun témoin ne doit survivre[16] en français.

[modifier] Autres

En 1998 en France des Comités Vérité sur le Rwanda furent initiés pour tenter d’obtenir en vain du parlement qu’il fasse une commission d’enquête sur l’implication de la France au Rwanda au lieu d’une mission d’information[réf. nécessaire].

En 2004 des ONG constituèrent avec diverses personnalités une Commission d'enquête citoyenne sur l'implication de la France au Rwanda qui déboucha sur un rapport de 600 pages : L'horreur qui nous prend au visage et un ouvrage sur la faisabilité de la mise en cause juridique de responsable français devant la justice : Imprescriptible[réf. nécessaire].

Pierre Péan a critiqué le rôle des ONG, notamment celui de Jean Carbonare, ancien président de Survie, qui après le génocide et la mise en cause de la France par son association a travaillé sur des projets de reconstruction avec le président Pasteur Bizimungu[réf. nécessaire]. Jean-Marie Vianney Ndagijimana, ministre des Affaires étrangères du Rwanda entre juillet et octobre 1994 aurait par exemple déclaré à Pierre Péan : « Carbonare a été l’œil de Kagame auprès de Bizimungu et des membres du gouvernement qui ne faisaient pas partie du premier cercle de Kagame»{{refnec}. Filip Reyntjens, qui a formulé par ailleurs plusieurs reproches à Noires fureurs, blancs menteurs[réf. nécessaire], jugerait que M. Péan s’est livré à un travail intéressant sur les réseaux du FPR en France et en Belgique, mais à nuancer sur d’autres points[réf. nécessaire]. En raison des informations nouvelles qu’il apporte au débat (notamment sur la politique française et sur les réseaux de propagande du FPR) ainsi que de certains propos « inacceptables » ou « non fondés », F. Reyntjens s’est montré en accord avec C. Vidal en considérant que le livre de P. Péan est à la fois « important et contestable »[17].

Pour illustrer ce point, F. Reyntjens a fait un certain nombre de critiques spécifiques vis-à-vis de cet ouvrage qu’il qualifie de livre « à thèse » et « non scientifique »[réf. nécessaire]. P. Péan montre non seulement son parti pris, a constaté F. Reyntjens, et utilise des sources qui ne sont « pas sérieuses », mais il nous demande également de le croire sur parole, notamment concernant une conversation privée, qui date du 1er juillet 1994 qu’il a eue avec le président François Mitterrand pendant laquelle ce dernier lui aurait dit « Savez-vous que les Tutsis massacrent aussi ? ».[18]

[modifier] Voir aussi


GÉNOCIDE AU RWANDA
Rwanda
Histoire du Rwanda
Populations des Grands Lacs
Ethnisme au Rwanda
Introduction
Événements initiaux
Causes du génocide
Acteurs rwandais
Communauté internationale
Institutions religieuses
Particularités du génocide
Conséquences du génocide
Justice internationale (TPIR)
Médias
Négationnisme
Glossaire et compléments
Bibliographie

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Le Monde du 4 février 1964
  2. Extrait du chapitre 15.52 du rapport de l'OUA
  3. Alain Frilet and Sylvie Coma, “Paris, terre d’asile de luxe pour dignitaires hutus,” Libération, May 18, 1994, p. 5 cité par Alison Des Forges, Leave None to Tell the Story: Genocide in Rwanda, Human Rights Watch, 1999
  4. abcd Rapport Quilès - L'opération Amaryllis - D - Les critiques page 275 et suivantes
  5. Lettre de Monsieur Balladur à François Mitterrand du 21 juin 1994
  6. Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs, loc. cit.
  7. Lire le témoignage de Thierry Prungnaud dans les notes en marge du rapport de la CEC
  8. Rapport CEC
  9. Selon une dépêche de l'AFP du 2 août 2004
  10. “Bystanders to Genocide", The Clinton Administration knew enough about the Rwandan genocide early on to save countless lives. It passed up every opportunity to do so. Why? by Samantha Power, Septembre 2001, The Atlantic Monthly
  11. discours du secrétaire général de l’ONU devant la commission des droits de l’homme à Genève, le 7 avril 2004
  12. Le patron de Dallaire parle, éd. Duboiris, 2005
  13. Le président de l'organisation déclara : « L'administration des camps est une reconstruction fidèle de celle qui a présidé au génocide. La “police” et la “justice”, aux mains de cette même administration, pratiquent menaces, exactions, exécutions sommaires et manipulations de foules ». Cité par Patrick de Saint-Exupéry, L'inavouable, la France au Rwanda, les Arènes (2004), p.143
  14. Génocide au Rwanda
  15. Leave None to Tell the Story
  16. Aucun témoin ne doit survivre
  17. Voir l’article “Un livre important et contestable,” par Claudine Vidal. Le Monde, 9 décembre 2005.
  18. Extrait de : Terreur au Rwanda: les enjeux d’une controverse (1990-1994).
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