Pascal Picq

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Pascal Picq est paléanthropologue et maître de conférences au Collège de France où il collabore avec le professeur Yves Coppens. Il est né le 22 janvier 1954 à Bois-Colombes en France. Il est l'auteur de plusieurs livres et articles scientifiques autour de la question de "qu'est-ce que l'humain ?". Il cherche surtout à trouver ce qu'est le propre de l'espèce humaine :

«  Le propre de l'humain n'est-il pas justement de se poser cette question : "Qu'est ce que l'humain ?" Et est-ce ce sens propre à notre espèce Homo sapiens ? Dans ce cas, les autres hommes, dits préhistoriques, étaient-ils des humains ?[1] »

Dans ce même texte, Picq répond à sa propre interrogation en affirmant que :

«  L'humain est bien une invention des hommes, qui repose sur notre héritage évolutif partagé, mais n'est pas une évidence pour autant. Homo sapiens n'est pas humain de fait. Il a inventé l'humain et il lui reste à devenir humain, ce qui sera fait lorsqu'il regardera le monde qui l'entoure avec humanité.[2] »

Pour Picq, il importe de différencier l'homme de l'humain. L'idée ou la croyance voulant que l'humain aille de soi, ou dit autrement, que l'homme soit considéré comme un primate humain oblige, selon Picq à une définition de ce qu'est l'humain. Les question que se posent Picq font référence à de grands débats entre spécialistes du comportement dit animal, sur la question de la continuïté ou de la discontinuïté entre l'animal, l'homme ou l'humain[3].

Sommaire

[modifier] Qu'est-ce que l'homme, selon Picq

Picq distingue l'homme en tant qu'espèce animale de l'humain en tant que concept philosophique. L'homme appartient à l'ordre des primates, terme qui signifie "les premiers". On doit cette classification à Carl von Linné - considéré comme le fondateur des sciences naturelles - dans l'édition de 1758 de la Systématique naturelle ou Systema Naturea.[4] Picq conçoit que notre espèce fait partie du genre Homo, dans la famille des hominidés qui se trouve elle-même dans la superfamille des hominoïdes ; eux-même classés dans l'infrastructure des anthropoïdes; au sein des primates; c'est-à-dire parmi les Archonta, autrement dit "Les chefs".[5] Ce qui permet à Pick de déclarer :

«  Difficile de faire plus anthropocentrique.[6] »

Pour Picq cet anthropocentrisme se gâte effectivement avec l'émergence des théories évolutionistes qui vont traduire la relation de proximité, auparavant perçue par l'observation visuelle par une relation de généalogie. Autrement dit, émerge la compréhension nouvelle que l'homme descend du singe. Selon Picq, c'est à partir de ce moment et en grande partie à cause de l'influence de Thomas Huxley et de Charles Darwin que les chimpanzés et les gorilles se retrouvent classés plus près des hommes que des singes. Il devenait problématique de ne pas créer "une classe à part" pour les hommes. D'un côté les spécialistes insistent sur un caractère jugé à l'époque exclusivement humain : la bipédie. De l'autre on s'axe sur les caractéristiques psychologiques ; d'où la classe des Psychozoa créée par Julian Huxley. Toujours selon Picq :

«  Ainsi, même dans le cadre des théories modernes de l'évolution, qu'on appelle néodarwinisme ou théorie synthétique de l'évolution - terme inventé pas Julian Huxley - et qui domine la pensée évolutionniste entre 1947 et 1977, les évolutionistes s'efforcent de réserver une place à part à l'homme, étant entendu que si son corp à évolué, il reste que ce qui fait l'humain échappe aux lois de l'évolution.[7] »

À partir des année 1970 et grâce à la systématique moléculaire on compare le matériel génétique afin d'établir des relations entre les espèces. Depuis l'avènement de la systématisation phylogénique, le classement des espèces ne répond plus à l'idée anthropocentrique, mais en fonction de relation de parenté. Picq affirme en ce sens qu'

«  Aujourd'hui, la famille des hominidés se compose des grands singes africains : gorilles, chimpanzés, bonobos et hommes. C'est tout simplement que nos origines sont africaines. [8] »

Pour Picq il est clair que le terme "Homme" correspond à l'espèce à laquelle nous appartenons. Il tente aussi de dresser un bref portrait de l'éthologie comparée, dans la visée des savoirs actuels.

[modifier] Le propre de l'homme, selon Picq

En découvrant que les plus anciens outils n'ont peut-être pas été produit par l'homme mais par un australopithèque[9], il a fallu admettre que le premier artisan de la préhistoire n'était peut-être pas un homme[10]. Il précise à ce sujet que le statut de premier homme attribué à Homo habilis ne fait pas plus consensus actuellement qu'en 1964.

Des critères tels que ceux-ci, développés dans les écrits de Picq, se retrouvent à la fois chez l'homme et chez d'autres espèces animales :

  • La bipédie
  • L'usage et la création d'outils
  • Les comportement guerriers
  • Les interdits sexuels
  • La vie sociale
  • La chasse et le partage de la nourriture
  • La sexualité
  • La politique, la morale et le mensonge
  • L'agression et la réconciliation
  • La communication symbolique
  • La conscience de soi
  • Les rires et pleurs

Ce ne sont donc pas ces critères qui définissent le propre de l'homme puisque nous les partageons avec d'autres animaux. Ce que nous avons longtemps cru qui nous différenciait des autres animaux est en fait lié à la façon avec laquelle nous avons regardé le monde qui nous entoure ; la lunette de l'anthropocentrisme a engendré des erreurs d'analyses chez les scientifiques qui se sont penchés sur la question.

Pour répondre à la question du propre de l'homme, Picq défend l'idée selon laquelle les Homo sapiens sont en quête d'humanité :

«  Les origines de notre espèce Homo sapiens sont certainement africaines et remontent à 200 000 ans. Mais une révolution considérable arrive, portée par certaines population d'Homo sapiens : la révolution symbolique, avec l'art qui apparaît sous toutes ses formes - musique, gravure, peinture, sculpture, sans oublier les parures et mobilier funéraire. [11] »

[modifier] Qu'est-ce que l'humain, selon Picq

Donc pour Picq, l'humain est loin d'être une évidence. Il donne alors sa définition conceptuelle de ce qu'est, selon lui, l'humanité:

«  C'est une construction de notre psychisme qui s'appuie nécessairement sur un susbtrat cognitif dont les origines remontent au-delà du dernier ancêtre commun que nous partageons avec le chimpanzé. Au cours de leur évolution, les chimpanzés ne sont pas devenus des hommes ; quant aux hommes, il n'est pas certain qu'ils soient devenu humains. [12] »

L'humanité devient alors chez Picq un idéal philosophique qui permet d'affirmer que certain comportements que peut adopter l'homme en tant qu'espèce, puisse être qualifié d'"inhumains". L'humain est donc pour Picq, une invention de notre espèce animale. Ce point n'est pas propre à Picq mais, s'inclut dans le changement de paradigme considérable qui s'est produit au cours des années 1960 et qui vise à rechercher une définition de l'homme, du genre Homo au sens biologique du terme. D'après les études actuelles dans son domaine de recherche Picq peut affirmer que l'homme n'a pas toujours été ou voulu être humain. Il dit à ce sujet

«  Je ne pense pas que les premiers hommes, quelque part en Afrique vers 3 millions d'années, s'interrogeaient sur leur condition humaine en descendant chaque matin de leur arbre et avant de partir quérir quelques charognes dans les savanes arborées.[13] »

C'est donc pour ces raisons et bien d'autres encore que Picq et les paléoanthropologues tentent de distinguer scientifiquement l'homme, en tant qu'espèce animale, de l'humain qui semble davantage être un concept philosophique ; une invention propre à notre espèce. Cette distinction conceptuelle permet aux paléoanthropologues d'étudier l'évolution de notre espèce, en décrivant spécifiquement l'objet de leurs recherches.

[modifier] Approche en opposition à l'approche de Picq

Il existe une approche importante actuellement qui ne va pas du tout dans la même direction que celle de Picq. Il s'agit de la thèse de la coévolution entre gènes et culture (theory of gene-culture coevolution) proposée par Edward Osborne Wilson. En effet selon Picq l'évolution biologique a précédé l'évolution culturelle, tandis que chez Wilson, l'hypothèse centrale est que les comportements sociaux sont dans toutes les espèces modelés par la sélection naturelle, y compris la nôtre, bien entendu. Ce que sous-tend cette position, c'est que l'évolution génétique est ce qui permet la culture. Wilson a une formule slogan qui résume son hypothèse "Les gènes tiennent la culture en laisse". La conclusion de Wilson soutient que l'émergence de la culture n'a pas mis un terme à l'évolution biologique de l'humanité[14], mais qu'au contraire, elle constitue un élément majeur d'une évolution biologique qui se poursuit. [15]

[modifier] Œuvres publiées

[modifier] Livres

  • PICQ, P. (2007) Lucy et l’obscurantisme, éd. Odile Jacob
  • PICQ, P. DESSALLES, J-L. et VICTORRI B. (2006) ; Les origines du langages: : Les origines de la culture Collection "Le collège de la cité", éd. Le Pommier, 190 pages, (ISBN 2746502666)
  • PICQ P, BOUTAUD J-J (2005) Le sens gourmand : De la commensalité - du goût - des aliments, ed. Jean-Paul Rocher, 200 pages (ISBN 2911361776)
  • PICQ P, LESTEL D, DESPRET V, HERZFED C,(2005) Les grands singes : L'humanité au fond des yeux, ed. Odile Jacob, 123 pages, (ISBN 2738116590)
  • PICq P. (2005) Nouvelle histoire de l'Homme, ed.Librairie Académique Perrin, 319 pages (ISBN 2262020485)
  • PICQ P. ROCHE H, (2005) Les premiers outils : Les origines de la culture ed. le Pommier, 127 pages (ISBN 274650202X)
  • PICQ P, SAVIGNY F. (2004) Les Tigres, ed.Odile Jacob,200 pages (ISBN 2738113427)
  • PICQ P. (2003) Berceaux de l'humanité : Des origines à l'Âge de bronze ed. Larousse, 464 pages (ISBN 2035053838)
  • PICQ P,NADEL O-M,(2003) Au commencement était l’homme, ed.Odile Jacob, 256 pages (ISBN 2738112811)
  • SERRE M, PICQ P,VINCENT J-D (2003) Qu’est-ce que l’Humain ?, ed. Le Pommier et le Collège de la Cité des sciences, (ISBN 2746501309)
  • (2003) La Colère, In Jean-François Bouvet (dir.) Le Péché, la Bâte et l’Homme, ed. Seuil
  • (2002) Le Singe est-il le Frère de l’Homme, ed. Le Pommier, 62 pages (ISBN 2746501139)
  • (2002) La Graphologie ed. Le Cavalier Bleu, 124 pages (ISBN 2846700133)
  • LE GALL M.G, LAURET J-F, PICQ P, (2002) Occlusion et fonction : Une approche clinique rationnelle, ed. Cdp - Centre de Protheses, 171 pages (ISBN 2843610567)
  • PICQ P, LEMIRE L. (2002) À la recherche de l’Homme, ed. Nil,(ISBN 2841112276)
  • COPPENS Y, PICQ P, Aux origines de l’Humanité : ouvrage collectif en deux volumes. ed Fayard. 700 pages (ISBN 2213603707)
  • PICQ P, (1999 réédition 2002) Les origines de l’Homme, l’Odyssée de l’espèce, ed. Tallandier, 264 pages (ISBN 2020660563)
  • Ouvrage collectif (2000) La plus belle histoire des animaux, ed. Seuil, 255 pages (ISBN 2020551276)
  • COPPENS Y, PICQ P, (1998) Les origines de l’Homme, ed. Tallandier-Historia, 160 pages (ISBN 2847340106)

[modifier] Livres pour jeunes

  • PICQ P, Pendanx J-D. (2001) La Préhistoire, ed. Mango, Regard Junior, (ISBN 2740411804) .
  • COLLECTIF (2000) Les Origines de l'Humanité, coffret 3 volumes, éd. Mango, Regard d’Aujourd’hui,192 pages (ISBN 2740413130)

Le coffret 3 volumes comprend les titres suivant :

  1. PICQ P, VERRECHIA N, (1996 ré-édité en 2000) Lucy et son temps, ed. Mango, Regard d’Aujourd’hui, 64 pages (ISBN 2740411316)
  2. PICQ P, CRAIPEAU J-L, (1993 ré-édité en 1999) À la rencontre des Hommes préhistoriques, ed. Nathan, Mégascope (ISBN 2092790420)
  3. PICQ P,(1997) Le premier Homme et son temps, ed. Mango, Regard d’Aujourd’hui
  • La vie des chimpanzés et des gorilles, ed. Nathan, Le Monde en Poche, 1992
  • La vie de Lucy et des premiers hominidés, ed. Nathan, Le Monde en Poche 1993

[modifier] Documents vidéo

  • PICQ P, BORGERS N,(1999) Le Singe cet homme, Arté / Doc en Stock,
  • PICQ P, BORGERS N,(1999) Du rififi chez les chimpanzés, Arté / Doc en Stock, (1998, Prix Léonardo)
  • Co-organisateur de la Soirée Thema (19 décembre 1998) : Le Singe cet Homme. De Quoi je me mêle de Daniel Leconte

[modifier] Emissions de radio

L'évolution face au créationnisme, Emission diffusée sur France Culture le 04 Juillet 2007

[modifier] Cd-rom

  • PICK P, COPPENS Y, DÉSERT L-M, (1996) Aux origines de l’Homme, ed.Microfolie’s ASIN: B00008D7EY (Prix Möbius international 1994)

[modifier] Conférences

  • 5 février 2004 Conférence " Toumai, Orrorin et Lucy des fossiles autour des origines", Centre Culturel de Villeurbanne.

[modifier] À voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • SERRE M, PICQ P,VINCENT J-D (2003) Qu’est-ce que l’Humain ?, ed. Le Pommier et le Collège de la Cité des sciences, (ISBN 2746501309)
  • CHAYEUX J-P (2003) Gènes et cultures - Symposium annuel, ed. Odile Jacob, 304 pages (ISBN 2-7381-1310-9)

[modifier] Références et notes

  1. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 33 dans Qu'est ce que l'humain ?
  2. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 64 dans Qu'est ce que l'humain ?
  3. Cette phrase s'inspire fortement de : PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 64 dans Qu'est ce que l'humain ? p.35
  4. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 39
  5. Cette phrase s'inspire fortement de : PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 39
  6. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 39 dans Qu'est ce que l'humain ?
  7. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 41 dans Qu'est ce que l'humain ?
  8. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 44 dans Qu'est ce que l'humain ?
  9. Des outils de plus de deux millions d'années ont été découverts en 1959 par Mary et Louis Leakey, dans les gorges d'Oldulvai, en Tanzanie, associés à des ossements de Paranthropus. Toutefois, aucun consensus n'existe à ce jour concernant le taxon à l'origine des premiers objets de pierre taillée.
  10. Cette phrase s'inspire fortement de : PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 45 dans Qu'est ce que l'humain ?
  11. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 59 dans Qu'est-ce que l'humain ?
  12. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 59 dans Qu'est ce que l'humain ?
  13. PICQ P L'humain à l'aube de l'humanité p. 33 dans Qu'est-ce que l'humain ?
  14. Chez Picq l'évolution biologique a précédé l'évolution culturelle
  15. Cette phrase s'inspire fortement de GAYON J. Évolution culturelle : le spectre des possibles, dans CHAYEUX J-P (2003) Gènes et cultures - Symposium annuel, ed. Odile Jacob