Massacre d'Ascq

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Le massacre d'Ascq est un massacre commis par des troupes allemandes et déclenché dans le village français d'Ascq dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, à l'occasion d'un accident matériel de roulage.

Sommaire

[modifier] Contexte

Fin mars 1944, Ascq est un gros bourg de 3 500 habitants, situé à égale distance de Lille et de la frontière belge, bordé par la nationale 41 et traversé par la voie ferrée Lille-Tournai-Bruxelles---Tournai-Charleroi.

Nous sommes en pleine Seconde Guerre mondiale et la population subit de plein fouet l'occupation allemande. La ligne de chemin de fer a été endommagée par deux explosions les 27 et 30 mars 1944, et la police allemande est venue enquêter au village. Ces deux attentats de mars 1944, ainsi que divers autres antérieurs, avaient été ordonnés, dans le cadre de la mise au point du « plan Vert », par Dominique Ponchardier, chef du réseau des sosies du Nord, et dont le jeune adjoint Beaurin, chargé de la zone spéciale du Nord, a été arrêté sur dénonciation à la police allemande et emprisonné à la prison d'Amiens en vue d'être fusillé le 27 février 1944. Il en a été délivré par Dominique Ponchardier lui-même, lors du bombardement de la prison d'Amiens (opération Jéricho) intervenue le 18 février 1944.

Dans Les Pavés de l'Enfer[1], Dominique Ponchardier précise que les hommes de cette unité venaient de Russie. Il est vraisemblable que les SS venant de Russie avaient été amalgamés avec les jeunes allemands âgés de 17 et 18 ans des classes de conscrits levées au début de l'année 1944. Une réserve doit être faite au sujet de la destination de cette unité, à savoir la Normandie. En effet, les unités blindées SS de toute nature ne pouvaient être désaffectées hors de leur zone, en l'occurrence celle de la 15e armée, que sur ordre personnel d'Hitler. Or, on ne dispose d'aucune donnée sur l'affectation en Normandie de cette unité qui n'y figure pas dans l'ordre de bataille au début d'avril 1944. Cependant, on sait que la 9e division panzer-SS Hohenstauffen, qui fut détruite par le Bomber Command début mai 1944 au moment de son embarquement ferré, devait être affectée à la Normandie, alors que la deuxième Panzerdivision de la Wehrmacht, elle-même reformée par amalgame et nouvellement équipée de chars Panther, restait placée en réserve sur l'ordre d'Hitler. Elle sera affectée à la bataille de Normandie après sa mise à disposition par Hitler au commandement de feld-maréchal Erwin Rommel en rejoignant la contre-attaque de Villers-Bocage le 13 juin 1944, après être passée par Beauvais et Paris, en ne s'étant déplacée que de nuit[2].

Il est probable qu'à la suite des bombardements massifs des gares d'Amiens-Longueau[3] intervenus au mois de mars 1944, une partie de ce bataillon de reconnaissance SS fut déplacée dans la zone au Nord d'Abbeville, en appui de la 6e nouvelle division parachutiste allemande[4] qui avait fait l'objet de nombreux mouvements de troupes depuis le mois de janvier 1944, autour du PC d'Abbeville[5]. Cette concentration de troupes au nord d'Abbeville faisait suite à une décision prise par Rommel à la suite d'une visite du Mur de l'Atlantique effectuée dans cette zone les 22 et 23 décembre 1943[6]. Momentanément, le train de cette unité de reconnaissance SS ne pouvait rejoindre Abbeville via Longueau transformée en paysage lunaire par le Bomber Command, mais devait obligatoirement rejoindre la ligne de Boulogne-Paris par des voies secondaires.

Outre des renforts conséquents d'artillerie et de la flack provenant de la zone de Dunkerque[7], cette 6e division parachutiste allemande avait besoin d'un bataillon de reconnaissance confirmé.

[modifier] Le train

Le 1er avril 1944, à 22 h 44, le train 649.355 (n° français 9872) venant de Baisieux arrive aux abords de la gare d'Ascq. Le convoi est très important. Il transporte des éléments d'un bataillon blindé de reconnaissance de la 12e Panzerdivision SS Hitlerjugend, en provenance du camp d'Aarschot en vue du renforcement de la défense côtière de Normandie. Il se compose de la 1re compagnie d'automitrailleuses commandée par le sous-lieutenant Kudoke, de la 2e compagnie de chars de reconnaissance commandée par le lieutenant « Obersturmführer » Walter Hauck (25 ans), de la 3e compagnie d'infanterie sur chars légers de transport commandée par le sous-lieutenant Hauer et l'adjudant-chef Sturm, de l'état-major du bataillon avec un groupe d'agents de liaisons, ordonnances, etc., sous les ordres du sergent Stun. Au total, il y a environ 400 hommes, et 60 blindés et véhicules.

[modifier] Le sabotage

Gare d’Ascq vers 1900
Gare d’Ascq vers 1900

Soudain à 22 h 45, le bruit sourd d'une explosion retentit, et la locomotive qui roulait à faible vitesse (environ 25 km/h) s'arrête à la hauteur de la cabine d'aiguillage. Quelques plateformes chargées de véhicules sortent des rails, et quelques autres explosions ont lieu. Le groupe de résistants local appartenant au réseau Voix du Nord vient d'organiser le troisième sabotage de la semaine.

Les dégâts sont vraiment minimes. Aucun homme n'est blessé. Une note d'archives d'Hauck énonce : un pneu d'automitrailleuse 8 roues endommagé, la boîte de vitesse d'une camionnette endommagée, une autre automitrailleuse projetée sur deux motocyclettes dont les essieux et jantes ont été faussés. L'incident est jugé peu important, étant donnée l'insignifiance des dégâts.

[modifier] Organisation du massacre

Ce n'est qu'une demi-heure plus tard qu'éclate une rafale de mitraillette en direction des habitations, suivie de coups de sifflets et d'ordres. Les SS se rassemblent près du passage à niveau, habillés en feldgrau ou avec l'uniforme noir des blindés avec des écussons à tête de mort.

Walter Hauck donne l'ordre de rassembler tous les hommes de 17 à 50 ans et de les conduire sur les lieux du sabotage. Il constitue quatre groupes sous les ordres d'un gradé responsable : l'adjudant Jura cherchera les terroristes, le sous-lieutenant Kudoke explorera la partie gauche du chemin de fer, le sous-lieutenant Hauer la droite, l'adjudant Wetzlmayer ira du passage à niveau au centre du village et le sergent Buss a pour ordre d'abattre tout civil qui s'approcherait du train.

Toutes les habitations sont fouillées et les portes d'entrée forcées. Les otages sont emmenés à la cabine d'aiguillage puis à l'arrière du train. Hauck clame trois fois « Sieg Heil », repris en cœur par ses hommes. Suivent des rafales de mitraillettes, de coups de fusils et de revolvers, de cris des militaires allemands et de douleur, d'angoisse et d'agonie chez les otages. Hauck se précipite alors avec quelques hommes vers la gare. Des employés de la Reichsbahn du train déraillé s'éclipsent rapidement à leur vue. Le chef de gare Victor Carré et l'employé Élie Derache sont jetés à terre, frappés, puis les SS leur tirent dessus à la mitraillette avant de quitter le bâtiment. Derache, indemne de blessures, fait un garrot à son chef. Il téléphone ensuite à la permanence de Lille, réclame le service de sécurité et des secours à l'Eisenbahndirektion de Lille. Un territorial de la Wehrmacht du Kommando 908 chargé de la police de voie alerte ses supérieurs.

Malgré les ordres de Hauck, le Kommando Kudoke qui commence à visiter les maisons n'emmène pas tous les hommes qu'il rencontre, et épargne notamment Arthur Rigaut et Albert Thélier, les habitants des deux premières maisons qu'il visite. À au moins deux reprises, il laisse à la place une note rédigée en allemand. Mais Kudoke recroise Hauck, qui lui donne l'ordre d'emporter tous les sujets masculins. En chemin, il croise aussi un adjudant-chef de la Feldgendarmerie qui lui déclare que les SS ne sont pas qualifiés pour sortir les hommes des maisons. Mais les soldats continuent leur travail. Certains promettent aux familles que leurs hommes reviendront bientôt à la maison.

Le Kommando Hauer cherche lui aussi tous les individus masculins afin d'en faire des otages. Il parcourt les rues Marceau (rue principale, aujourd'hui rue Gaston Baratte), du Quennelet, du Maréchal Foch et Masséna. Comme Kudoke, il ne trouve que des portes fermées et doit les enfoncer. Mais contrairement à son collègue, il ne trouve que femmes, enfants et vieillards. Les hommes jeunes se sont presque tous enfuis. Il donne donc l'ordre de tirer sur tous les fuyards. La brutalité du Kommando Hauer est terrible. Divers faits sont relatés. Ils frappent, battent et piétinent Mme Albert. Ils cassent portes et fenêtres. La femme d'Alexandre Bouchard est tirée par les cheveux et brutalisée, avant d'être jetée dehors avec ses jeunes enfants. Chez Mme Wauquier, rue du Maréchal-Foch, un SS empoigne une fillette de 5 ans et la jette violemment sur le sol.

Le Kommando Wetzlmayer arrive lui près de l'église, et exécute plusieurs hommes autour et dans le presbytère.

[modifier] Premières exécutions

Un premier groupe composé à la fois d'hommes et de femmes est rassemblé dans la cabine d'aiguillage du passage à niveau. Les otages sont emmenés en file indienne, les bras levés, à coups de crosse, le long de la voie. Les SS rient et sifflent pendant que leur officier roue de coups les otages, sans raison apparente. Monsieur Lautem, le garde-voie, est abattu de deux balles tirées à bout portant. Devant les filles et les épouses, les soldats abattent quelques hommes. Puis les femmes sont renvoyées. Les otages sont alors regroupés dans un wagon, et jetés un par un aux bourreaux. Il y aura quelques tentatives de résistance chez les civils, mais presque tous (une quinzaine) sont exécutés un par un. Il y aura quelques survivants, gravement blessés.

Devant le train est situé un terrain, avec au bout la « Maison Roseau », dernière maison de la rue Mangin appartenant à Marcel Roseau. Vers 0 h 15, quatre hommes sont dépêchés là-bas car les allemands suspectent des fuyards de s'être enfuis dans cette direction. Ils s'y embusquent afin de tuer tous les rescapés qui tenteraient de fuir vers la rue Mangin. L'idée est pertinente, et de nombreux fuyards sont abattus. Le propriétaire de la maison aura néanmoins la vie sauve.

[modifier] Suite des exécutions

Walter Hauck

Hauck décide ensuite de procéder à une exécution collective pour les prochains pelotons et fait aligner les hommes sur le champ voisin de la « Maison Roseau », face au train qui se trouve distant d'une cinquantaine de mètres. Les hommes sont peu à peu abattus par petits groupes.

L'adjudant Jura a essayé de chercher les responsables de l'attentat en réquisitionnant des bicyclettes, mais n'y est pas parvenu. Il décide alors de se rendre au domicile du maire Delebart. Le maire est emmené à pied au lieu d'exécution, mais au moment de l'exécution retentissent des bruits de moteurs ainsi que des coups de sifflets. Le cauchemar est terminé.

[modifier] Témoignage du maire d'Ascq

M. Delebart, maire du village d'Ascq en 1944, faisait partie du quatrième peloton qui échappa à la mort.

Voici ses déclarations :

« [...] Je quittai donc la maison... On me dirigea vers le passage à niveau de la rue Marceau, là une véritable effervescence de soldats régnait, il [un soldat] me conduisit à un officier qu'il appelait le commandant : ce dernier me fit savoir en allemand le pourquoi de tout ce qui était arrivé à Ascq ; ne connaissant pas leur langue, je n'y comprenais rien, et lui demandai si parmi ses soldats ne se trouvait pas un interprète. Un soldat s'avança et me traduisit les paroles prononcées par l'officier. J'étais loin de supposer qu'une véritable tragédie était en train de se dérouler. J'appris donc par l'interprète qu'un attentat venait d'être commis sur la voie et que leur train était déraillé et la machine kapout et qu'il rendait responsable la population et la commune pour cet acte de sabotage ; en conséquence, cinquante personnes avaient été fusillées, et le groupe, soit une trentaine de civils de mes administrés qui se trouvait sur le trottoir de droite, gardés par des soldats allemands, allaient être passés par les armes immédiatement ; c'est alors que j'élevais une violente protestation de leur façon d'agir envers une population qui ne pouvait rien dans ce qui était arrivé et que cette dernière était innocente. Tout ceci eut le don de l'exaspérer et c'est alors que l'interprète me déclara venant de son officier et en me frappant sur l'épaule : « Vous aussi, Monsieur le Maire, vous serez fusillé ». Et à ce moment-là, je reçus un formidable coup de pied dans les reins qui me lança dans le groupe de civils qui attendaient le départ pour l'exécution. »
« Le petit cortège se mit en route encadré de soldats qui ne ménageaient ni coups de crosse, ni coups de pied : à tous moments, nous heurtions des cadavres. Après avoir marché sur le bas côté de la ligne du chemin de fer sur une longueur de deux cents mètres environ, l'ordre d'arrêt nous fut donné, les soldats nous placèrent face à leur train, bras levés. J'eus alors l'impression que le moment suprême était venu et qu'ils allaient nous fusiller dans le dos, nous restâmes dans cette position quatre à cinq minutes, c'est alors que des coups de sifflet retentirent... On nous intima l'ordre d'avoir à rentrer chez nous au plus vite ; ce fut alors une véritable course à travers champs pour regagner nos demeures. [...] »

[modifier] Arrêt du massacre

Dès 23 h 15 le 1er avril, la gare de Lille et la gendarmerie de Lannoy ont été averties du sabotage. A 23 h 30, Derache demande du secours. Cependant les sabotages sont fréquents, et la gendarmerie française qui n'aime pas se retrouver face aux Allemands n'est pas pressée d'intervenir. L'adjudant dépêché sur place à Ascq n'arrive au village qu'une heure après l'alerte, et ne dispose d'aucun moyen téléphonique pour informer ses supérieurs de la gravité de la situation. Pour rendre compte à son chef, il ne peut que se rendre personnellement à Roubaix.

De leur côtés, les Allemands du Kommando 908 de la Wehrmacht stationnés à Ascq, et qui ne peuvent intervenir, avertissent leur supérieurs à Lille. Finalement, la Reichsbahn se rend compte de la situation, et la Feldgendarmerie est envoyée au village. C'est un détachement de cette Feldgendarmerie, commandé par le lieutenant Fricke, qui intime aux SS l'ordre d'arrêter. D'un air furieux, un officier crie aux victimes alignées prêtes à mourir « partez tous chez vous et tout de suite ». Il est 1 h 15, le 2 avril 1944. En tout, 86 civils auront été massacrés.

À 2 h du matin, tandis que certains Waffen-SS sont occupés à détrousser les cadavres, la queue du train militaire (environ 40 wagons) retourne en gare de Baisieux avec Hauck à son bord, tandis que Jura restera avec les wagons restants à Ascq.

[modifier] Les massacrés

La relève des morts commence le matin du 2 avril 1944 : dix, rue Mangin ; un, rue Courbet ; un, place de la Gare ; deux, rue Marceau (actuellement rue Gaston-Baratte), devant le portail de l'église et trois au presbytère ; sept, carrière Dewailly et soixante-deux au Quennelet près de la voie ferrée.

Liste des massacrés, par ordre alphabétique. Le plus vieux était Pierre Briet, 75 ans, et le plus jeune Jean Roques, 15 ans.

  • 01. Lucien Albert, 38 ans (prisonnier en congé maladie).
  • 02. Henri Averlon, 49 ans (sinistré d'Hellemmes).
  • 03. Claude Averlon, 21 ans (sinistré d'Hellemmes).
  • 04. René Balois, 29 ans (habitant de Roubaix).
  • 05. Gaston Baratte, 46 ans (dirigeant d'un tissage spécialisé pour l'ameublement).
  • 06. Louis Beghin, 32 ans.
  • 07. Robert Billaux, 44 ans (prisonnier rapatrié).
  • 08. Pierre Brillet, 75 ans (négociant retraité).
  • 09. Maurice Carpentier, 44 ans.
  • 10. Edgar Castain, 60 ans.
  • 11. René Catoire, 61 ans (horloger-bijoutier).
  • 12. Gaston Chrétien, 39 ans (artisan-serrurier, président de la Ligue ouvrière chrétienne).
  • 13. Henri Comyn, 24 ans.
  • 14. Arthur Couque, 35 ans.
  • 15. Clovis Couque, 31 ans (employé de chemin de fer).
  • 16. Pierre Courmont, abbé, 38 ans.
  • 17. Maurice Cousin, 35 ans (abbé, vicaire).
  • 18. René Crucq, 36 ans.
  • 19. Henri Debachy, 34 ans.
  • 20. Julien Declercq, 42 ans.
  • 21. Emile Decourselle, 58 ans (garde-champêtre d'Ascq).
  • 22. Louis Deffontaine, 32 ans (habitant de Baisieux).
  • 23. Henri Dekleermaker, 20 ans (garde-voie).
  • 24. Eugène Delannoy, 45 ans.
  • 25. René Delattre, 52 ans (patron de café de la gare).
  • 26. Henri Delbecque, 54 ans (jardinier-concierge d'André Guermonprez).
  • 27. Fernand Delcroix, 23 ans (gérant de la succursale des Docks du Nord).
  • 28. Paul Delemotte, 40 ans.
  • 29. Albert Demersseman, 25 ans.
  • 30. Michel Depoorter, 50 ans (commerçant).
  • 31. Charles Descamps, 40 ans.
  • 32. Marcel Descatoires, 43 ans.
  • 33. Gaston Desmettre, 45 ans (employé de chemin de fer, sinistré d'Hellemmes
  • 34. Louis Desrumaux, 18 ans (habitant de Tressin).
  • 35. Emile Dété, 47 ans.
  • 36. Léon Dewailly, 41 ans (entrepreneur de couverture).
  • 37. Henri Dillies, 47 ans.
  • 38. Charlemagne Dubrulle, 64 ans (épicier).
  • 39. Roger Duretz, 23 ans (employé de chemin de fer).
  • 40. Charles Dutilloy, 45 ans (membre du réseau W.O).
  • 41. Georges Facon, 40 ans.
  • 42. Maurice Follet, 40 ans.
  • 43. Jules Francke, 36 ans (sinistré de Fives).
  • 44. Henri Guilleron, 60 ans (abbé, curé).
  • 45. André Grimopont, 35 ans (employé de chemin de fer).
  • 46. André Guermonprez, 39 ans (industriel).
  • 47. Raoul Hebert, 45 ans.
  • 48. Jules Hennebique, 55 ans.
  • 49. Apollinaire Hennin, 71 ans.
  • 50. Jules Horbez, 52 ans.
  • 51. Pierre Lallard, 43 ans (prisonnier rapatrié).
  • 52. Maurice Langlard, 46 ans (dirigeant de la Ligue ouvrière chrétienne).
  • 53. Constant Lautem, 38 ans (garde-voie).
  • 54. Gustave Lhernould, 48 ans.
  • 55. Paul-Henri Lhernould, 17 ans (élève de seconde au collège moderne de Lille).
  • 56. Paul-Alphonse Lhernould, 57 ans.
  • 57. Paul Leruste, 33 ans.
  • 58. Paul Macaigne, 53 ans (grand blessé)
  • 59. Georges Marga, 24 ans.
  • 60. Maurice Menez, 41 ans.
  • 61. Paul Meplont, 72 ans.
  • 62. François Noblecourt, 45 ans.
  • 63. Jean Nuyttens, 40 ans.
  • 64. André Ollivier, 31 ans (aiguilleur de trains).
  • 65. Paul Otlet, 36 ans.
  • 66. Georges Oudart, 35 ans (artisan-menuisier, ancien prisonnier).
  • 67. Arthur Pottié, 71 ans.
  • 68. Raphaël Poulain, 31 ans.
  • 69. Arthur Rigaut, 49 ans.
  • 70. Auguste Ronsse, 63 ans.
  • 71. Jean Roques, 16 ans (élève au lycée Faidherbe à Lille).
  • 72. Maurice Roques, 48 ans.
  • 73. Robert Rouneau, 45 ans.
  • 74. Lucien Sabin, 42 ans (industriel, ancien capitaine de chars).
  • 75. Henri Six, 29 ans.
  • 76. Gustave Thieffry, 66 ans.
  • 77. Maurice Thieffry, 47 ans.
  • 78. Michel Thieffry, 19 ans.
  • 79. Jean Trackoen, 20 ans (ouvrier métallurgiste).
  • 80. René Trackoen, 16 ans (ouvrier métallurgiste).
  • 81. Robert Trehoust, 38 ans (ex-lieutenant d'artillerie, prisonnier rapatrié)
  • 82. Roger Vancraeynest, 16 ans.
  • 83. Maurice Vandenbussche, 22 ans (cheminot).
  • 84. René Vandermersche, 24 ans (membre du réseau Voix du Nord).
  • 85. Albert Vanpeene, 22 ans (employé de chemin de fer).
  • 86. Paul Vermus, 59 ans.

Le massacre compte aussi des rescapés et de nombreux blessés. Les blessés dénombrés étaient Arthur Bettremieux, 17 ans ; Jean Cardon, 45 ans ; Édouard Carton, 20 ans ; Léon Chuffart, 31 ans ; Richard Dejonghe, 54 ans ; Gustave Mérie, 59 ans ; Clovis Pelloquin, 45 ans ; Assène Sion, 63 ans ; Gustave Vancraeyenest 51 ans ; Oscar Vanmœrbeke, 68 ans.

[modifier] Réactions

La nouvelle du massacre se répand rapidement dans toute la région du Nord. Il n'y aura pas de réaction du gouvernement français. Radio Paris se contentera de dire injustement que « quatre-vingt six terroristes ont été fusillés à Ascq dans le Nord ». La France occupée craint les Allemands. Par contre, les rapports de police condamneront fermement l'acte nazi dans les mêmes termes que la population.

Le 3 avril 1944 paraît dans les journaux un communiqué du Generalieutenant Bertram, qui affirme que la population avait tiré des coups de feu sur le convoi, ce qui justifie une riposte. Bertram refuse de modifier son avis à la population malgré l'intervention du préfet Carles. Certains journaux refusent de publier l'avis, notamment le Journal de Roubaix et le Grand Écho du Nord. L'administration allemande tente d'étouffer l'affaire et demande à tous les maires et les personnages officiels de l'arrondissement de Lille de minimiser les faits. En outre, la Kommandantur interdit la circulation entre 20 h et 6 h pour l'arrondissement de Lille et la région de Douai.

La population de la région est indignée. Le personnel des ateliers de la SNCF à Hellemmes refuse de travailler le 3 avril, et au dépôt de Lille-Delivrance le travail est fortement ralenti. Le Front National appelle la population du Nord à se rendre aux obsèques. Une foule estimée à {25 000personnes se rendra à Ascq le 5 avril à 11 h 30 pour les funérailles. Aucun uniforme allemand ne sera vu, suite à une demande du préfet Carles. Cette même journée sont recensés par la police beaucoup de mouvements liés au massacre. Sur 38 usines de la région lilloise (avec un total de {11 820 ouvriers), 1 535 vont aux obsèques, 1 443 ont observé une minute de silence, 800 ont travaillé pour donner une heure de salaire aux veuves, 7 177 ont cessé le travail de 11 h 30 à 12 h. Seuls 875 ouvriers ne se sont pas associés à ces manifestations.

Malgré l'interdiction formelle des allemands de prononcer un discours, le cardinal Liénart s'exprime devant la foule et les victimes où il déclare : « j'adresse à toutes les autorités dont la présence donne à cette cérémonie le caractère d'un hommage officiel de la France à ses morts, l'expression de ma vive gratitude ». Les groupements officiels multiplient les motions de protestation et demandent réparation. Un peu d'argent sera donné par les instances officielles pour les orphelins, et beaucoup d'ouvriers travaillèrent en plus pour donner une part de leur salaire aux veuves. La solidarité des gens de la région sera jugée exemplaire par beaucoup d'observateurs.

Du côté allemand, les SS sont vivement félicités par leurs supérieurs. Ainsi, dans la nuit même du massacre, Jura resté à Ascq reçoit la visite d'un lieutenant-colonel (certainement le colonel Hartmann de Lille) qui lui dit « Il est agréable de constater qu'il existe encore des commandants de transport à qui des ordres ne sont pas nécessaires pour de telles choses ». D'autres militaires viennent le féliciter. Le 10 mai 1944, le major Bremer, commandant le groupe motorisé de reconnaissance de la 12e SS, déclare dans un « ordre spécial » : « Au nom du commandant de la division, j'exprime ma reconnaissance au lieutenant SS Hauck » et qualifie son action d'exemplaire, tout en déplorant les pillages commis auprès de la population civile.

Le 15 avril 1944, des auditeurs clandestins de la radio anglaise BBC entendent Maurice Schumann parler du massacre. L'État français n'a toujours pas pris position. Le maréchal Pétain en sera informé comme pour le massacre de Rouffignac, mais il faudra attendre celui d'Oradour-sur-Glane pour que le chef de l'État français écrive une lettre à Adolf Hitler à propos de la férocité des représailles des troupes SS. Hitler ne reçut probablement jamais cette lettre, car personne ne voulait la lui faire transmettre, et que la situation du Führer commençait déjà à être critique. Le 12 mai, sur la BBC, Maurice Schumann appelle la SNCF à « venger les morts d'Ascq ». Le journal publié par l'Office d'Information de Guerre du gouvernement des États-Unis, L'Amérique en Guerre, relate le massacre d'Ascq dans son édition du 19 avril 1944. De nombreux journaux inofficiels évoquent également la tuerie.

[modifier] Procès

Les résistants d'Ascq sont arrêtés quelques semaines plus tard, jugés par un tribunal allemand et exécutés au fort de Seclin le 7 juin 1944.

Le 2 août 1949 s'ouvre au palais de Justice de Lille le procès des SS de la division responsable du massacre d'Ascq. À part le chef du convoi, le lieutenant Hauck, les responsables de la tuerie sont absents et il n'y a que des subalternes. Il faut dire que la 12e SS a subi de lourdes pertes en Normandie quelques mois après le massacre d'Ascq. Dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, alors que la compagnie repasse dans le Nord, un de ses camions culbute dans le Thon à Etreaupont, près de Chapelle-en-Thiérache. Ce camion rempli d'archives contenait tous les rapports des gradés responsables du massacre d'Ascq.

La loi Ascq-Oradour de septembre 1948 fait d'un membre quelconque de la division le responsable des exactions de ses compagnons. Le 6 août 1949, tous les inculpés à l'exception d'un seul sont condamnés à mort.

Les avocats de la défense font appel à la Cour de Cassation qui rejette le pourvoi le 3 juin 1950. Suite à divers rebondissements, notamment plusieurs révisions du procès et la présence d'un faux dans l'acte remis à la Cour Suprême, le président René Coty en possession d'une supplique de quelques veuves d'Ascq, transforme les peines en 10 années de travaux forcés. En 1956, huit des accusés sont libérés et rejoignent l'Allemagne. Walter Hauck, condamné à perpétuité, bénéficie d'une remise de peine, et quitte la prison de Loos en 1957 pour l'Allemagne.

[modifier] Résistance et contre-terrorisme

Les Nazis voyaient la Résistance (qui utilisait des tactiques de guerilla) comme du terrorisme, et les partisans comme des terroristes.
La principale difficulté était d'éliminer un ennemi sans visage qui n'hésiterait pas à attaquer n'importe quelle force d'occupation puis à disparaître dans la foule des civils.
L'attaque sur du personnel non-combattant revenait à déclarer une guerre totale dont les civils avaient à assumer les conséquences pour « supporter » la Résistance. Aussi les Allemands pensèrent qu'il était justifié d'épargner la vie de leurs compatriotes en liquidant les « terroristes » et en anéantissant brutalement leurs « sympathisants » supposés.

Le massacre d'Ascq faisait donc partie de cette politique globale de contre-terrorisme lancée pour briser l'aide à la Résistance et installer la collaboration par la crainte.
Ce raisonnement brutal se retrouve dans la série de massacres aveugles et connus, par exemple le massacre d'Oradour-sur-Glane, celui du village soviétique de Kortelisy (maintenant en Ukraine), du village de Lidice (en République tchèque) et des villages Italiens de Sant'Anna di Stazzema et de Marzabotto.

[modifier] Commémorations

Régulièrement, le village d'Ascq a commémoré le massacre au cours du XXe siècle.

  • Le 29 juin 1947, le général de Gaulle se rend sur les lieux du massacre. Il est reçu par le conseil municipal et Isidore Hofman, le maire du village.
  • Le 13 juillet 1947, Vincent Auriol, président de la République, pose la première pierre du monument des fusillés. Il est accompagné d'un dispensaire, à la demande des veuves. L'ensemble est construit par les architectes Luc et Xavier Arsène-Henry, et inauguré en 1955
  • En 1949, la commune d'Ascq reçoit une décoration : la Croix de guerre 1939-1945.
  • En 1952, la commune reçoit la Légion d'honneur.
  • En 1964, une délégation chrétienne d'Ascq est reçue à Rome par le Pape Paul VI.
  • En 1969, la municipalité organise le 25e anniversaire du massacre, en présence de nombreuses personnalités dont le ministre François-Xavier Ortoli et le cardinal Liénart. Le docteur J-M. Mocq publie : Ascq, la nuit la plus longue, la première histoire des événements d'Ascq.
  • En 1970, la ville nouvelle composée d'Ascq, Annappes et Flers-lez-Lille devient Villeneuve-d'Ascq et non Villeneuve-en-Flandre comme initialement prévu. Des routes commémorent l'événement, comme la rue des Martyrs du 2 avril 1944 (on notera que la rue des Fusillés commémore un autre événement du 7 juin 1944).
  • En 1983, le Tertre des Massacrés est visité par François Mitterrand, président de la République.
  • En 1984, le musée du Souvenir des victimes d'Ascq, créé par le docteur Jean-Marie Mocq et Gérard Chrétien, fils de massacré, est inauguré par Pierre Mauroy, Premier ministre.
  • En 1994, pour les 50 ans, des commémorations importantes sont organisées.
  • En 2005, inauguration du nouveau musée commémoratif : le Mémorial Ascq 1944.

Chaque dimanche des Rameaux depuis 1945 sans exception, le souvenir du massacre est célébré à Ascq. Une double commémoration a lieu tous les cinq ans avec une marche aux flambeaux.

[modifier] Mémorial Ascq 1944

Musée de la commémoration du massacre des 1er et 2 avril 1944 à Ascq. Le Mémorial Ascq 1944[8] a succédé au musée du Souvenir ouvert par le docteur Jean-Marie Mocq et Gérard Chrétien en 1984.

Le mémorial se trouve dans l'ancien dispensaire d'Ascq au Tertre des Massacrés, rue Mangin à Villeneuve-d'Ascq. Dès la fin de la guerre, en 1945, les veuves ont souhaité que là où leurs maris et leurs fils avaient péri, on édifie un dispensaire moderne pour la consultation des nourrissons : là où la violence de guerre avait apporté la mort, tout soit fait pour préserver et soutenir la vie. Le dispensaire d'Ascq a été inauguré en 1955.

La muséographie du Mémorial est fondée sur l'ouvrage du Docteur Mocq : Ascq, la nuit la plus longue paru en 1969. Des « livres » sous forme de panneaux d'exposition présentent les faits, comme l'ouvrage de l'historien du massace d'Ascq a montré les faits tels qu'ils se sont déroulés en ordonnant les témoignages nombreux des habitants d'Ascq.

Le but du Mémorial est de présenter les civils face à la guerre.

Un audio-visuel présente l'histoire du village d'Ascq, replaçé dans son contexte régional et national, depuis la Première Guerre mondiale et sa première occupation jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale.

Une ligne chronologique forme un « fil rouge » au travers du circuit de visite. Elle présente les faits internationaux et nationaux et permet de situer aussi les événements locaux et régionaux de 1914 à 2005.

Les thèmes de la visite du mémorial Ascq 1944 :

  • La première Guerre mondiale, une occupation et ses conséquences.
  • Ascq de la reconstruction à la crise entre les deux guerres.
  • Le Nazisme menace l'Europe, la « jeunesse hitlerienne ».
  • L'entrée dans la Seconde Guerre Mondiale, le BEF, mai 1940, l'Exode.
  • L'oppression de l'Occupation et du régime de Vichy en zone interdite.
  • La France libre et la Résistance intérieure, les réseaux locaux.
  • La violence pendant la Seconde Guerre Mondiale, Ascq 1er avril 1944.
  • Les responsabilités des SS de la division « Hitlerjugend » et les procès d'après-guerre.
  • Les commémorations du massacre d'Ascq.
  • Préserver la Paix, institutions internationales et ONG.

[modifier] Sources, notes et références

  1. Édition J'ai lu, p. 353
  2. Raymond Cartier, La seconde Guerre mondiale, Tome II, éd. Presses de la Cité, page 324
  3. Pour les alliées les deux gares ne formaient qu'une même cible.
  4. Moyenne d'âge après amalgame de 17 ans et demi.
  5. Environ 45 000 hommes dont une bonne part de SS déplacés par 127 trains TCO pour le seul mois de janvier 1944 selon le dossier Sherrington, c'est-à-dire bien avant le lancement du plan de tromperie Fortitude South.
  6. Notamment à Montreuil-sur-Mer, comme l'a établi le cercle historique de Montreuil-sur-Mer ; cf. également : Roger Hesketh, Fortitude, édition The overlook press p. 236, et : Pierre Nord, Mes camarades sont morts, Tome I, éd. J'ai lu, p. 112.
  7. Dossier Sherrington consultable aux archives nationales.
  8. Mémorial Ascq 1944
  • Die faschistische Okkupationspolitik in Frankreich (1940- 1944) Dokumentenauswahl. Hg. und Einl. Ludwig Nestler. Berlin: Deutscher Verlag der Wissenschaften, 1990 (ISBN 3326002971).
  • Docteur Jean-Marie Mocq La 12e SS Hitlerjugend massacre Ascq, cité martyre (album historique), Ed. Heimdal, 1994
  • Claudia Moisel, Frankreich und die deutschen Kriegsverbrecher: Politik und Praxis der Strafverfolgung nach dem Zweiten Weltkrieg. Göttingen: Wallstein, 2004 (ISBN 3892447497).

[modifier] Liens internes

[modifier] Lien externe

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