Annappes

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Château de Montalembert vers 1900
Château de Montalembert vers 1900
Ne pas confondre avec Hannappes.

Annappes est un village du Nord de la France sur la Marque qui a formé en 1970 avec les communes d’Ascq et de Flers-lez-Lille la ville nouvelle de Villeneuve-d’Ascq. C’est aujourd’hui encore un quartier de la ville.

Sommaire

[modifier] Étymologie du nom « Annappes »

L'origine du nom est très trouble.

Théodore Leuridan, dans une notice historique sur Annappes, envisage plusieurs solutions

  • asnapis formé du radical goth ap, ahva = eau (aqua en latin);
  • mot signifiant en celtique "à une courbure de rivière";
  • contraction de "ad Menapios" : Annappes était situé à l'extrémité du territoire des Nerviens vers le pays des Ménapiens.

Dauzat et Rostaing, dans le Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, pensent que le nom vient du germanique hanap, chanvre.

[modifier] Blason

Blason d'Annappes
Blason d'Annappes
  • De sinople à la bande échiquetée d'argent et de gueules de deux tires.

[modifier] Histoire

[modifier] Origines

On a trouvé dans les années 1980 dans le parc de l'actuelle école Saint-Adrien un fragment de hache polie en silex. Elle est estimée à environ -2000 ans. On a trouvé d'autres haches de ce genre dans la région de Lille, notamment dans les alluvions de la Deûle. Selon les historiens, ces haches sont attribuées à des populations employant un outillage de pierre taillée, mais déjà adonnées à l'élevage et l'agriculture. Cependant, il n'y a aucune preuve que l'homme se soit sédentarisé à cet endroit; en effet les archéologues n'ont retrouvé des traces d'occupation humaine qu'à la fin de l'indépendance gauloise, notamment des balles de fronde au Centre Marc-Sautelet. Cependant, il est probable que cet endroit n'était pas un lieu de résidence, mais simplement un de ces replis dans la forêt (décrits par Jules César) où se réfugiaient les Gaulois de la région à l'approche des légions romaines.

[modifier] Le domaine d'Asnapio

Annappes et ses environs sont au Moyen Âge le site d'un domaine royal, comme l'indique un texte du règne de Charlemagne. Ce dernier passera certainement par le domaine d'Asnapio pour aller inaugurer l'abbatiale de Saint-Riquier en l'an 800. En 836, l'empereur Louis le Pieux donne le domaine royal à sa fille Gisèle, épouse d'Évrard de Frioul. Ce couple noble fondera l'abbaye de Cysoing. Le marquis Bérenger Ier, un de leur fils, héritera d'Annappes; il sera par la suite roi des Lombards, puis empereur des Romains.

Lors de la venue de Charlemagne pour l'inauguration de l'abbatiale de Saint-Riquier en 800, ses envoyés royaux dressèrent un inventaire de Annappes. La description fut tellement minutieuse qu'elle fut recopiée comme exemple dans un manuel de gestion des fermes impériales, le "Capitulaire de Villis".

Asnapio (son nom à l'époque) était un domaine carolingien très riche. Il y vivait une centaine de personnes dans la ferme entourée de vergers. Les paysans cultivaient des céréales sur le Mélantois. Les rendements étaient assez élevés, et près de la Marque étaient installées cinq moulins et quatre brasseries qui fabriquaient la cervoise des tenanciers. Le domaine avait été bâti près des marais car Asnapio était un haras qui fournissait la cavalerie impériale. Voici la composition de son cheptel en 799 :

  • 51 juments, 3 étalons, 10 poulains, 2 ânes,
  • 16 bœufs, 50 vaches ayant vêlé, 20 génisses, 3 taureaux, 38 veaux,
  • 260 porcs, 100 porcelets, 5 verrats,
  • 150 brebis, 120 moutons, 200 agneaux,
  • 30 chèvres, 3 boucs, 30 chevreaux; 30 oies, 80 poulets, 22 paons.

C'est l'époque de l'invasion du continent par les Vikings. En 881, les Normands pillent de leur camp de Courtrai le domaine d'Annappes, et aucun texte ne le mentionne plus.

[modifier] Comté de Flandre

Au Xe siècle, le comte de Flandre, installé à Lille, accapare le territoire d'Annappes. Tous les villageois sont désormais soumis au pouvoir comtal. Le comte désigne un maire, un officier comtal, pour administrer le domaine d'Annappes. En 1066, Baudouin V de Flandre donne, par la charte de dotation Saint-Pierre de Lille, les deux tiers des revenus de l'église d'Annappes. Cependant, on ne sait pas s'il y a un lien entre cette église et l'actuelle église Saint-Sébastien d'Annappes. À cette époque, Annappes entretient des relations étroites avec ses voisins, les villages d'Ascq et de Flers. Le comte Baudouin IX démembra une partie de son domaine de la mairie d'Annappes pour donner un fief à Gilbert de Bourghelles; celui-ci y créa son manoir,la maison forte de Quiquempois, vers 1200.Gilbert,marié à la veuve du châtelain de Lille,assura cette fonction militaire au début du XIIIe siècle.Lors du départ du comte pour la croisade,Gilbert de Bourghelles,seigneur de Quiquempois fut l'un des quatre bailli-procurateurs du comté de Flandre.Après la disparition de Baudouin IX,devenu empereur de Constantinople,en 1205,le seigneur de Quiquempois joua un rôle éminent auprès des héritières du comté.En 1214, c'est lui qui conseilla le nouveau comte de Flandre, Ferrand de Portugal. L'alliance avec Jean sans Terre et l'empereur germanique Otton IV lui fut fatale lors de la bataille de Bouvines le 27 juillet 1214.

Le comte dote les établissements religieux de certaines de ses terres. C'est ainsi que l'hôpital Saint-Sauveur possède une grande ferme à blé à Annappes au XIIIe siècle. C'est à cette époque que les Le Preudhomme, bourgeois lillois, récupèrent la mairie comtale d'Annappes, et que l'échevinage( conseil municipal) se charge de définir des règlements communs aux trois villages d'Annappes, Ascq et Flers.

Bien que le territoire soit riche, la population paysanne vit de manière très précaire, et doit subir plusieurs famines au XIVe et au XVe siècle, notamment durant l'année 1316 suite à de mauvaises récoltes l'année d'avant. Un autre malheur s'abat sur la région, la guerre. De 1297 à 1304, les troupes des français de Philippe IV de France et celles des Flamands ravagent les cultures et brûlent le village. En 1340, au début de la guerre de Cent Ans, le village est occupé militairement. En 1349, c'est la peste noire qui s'abat sur la région. À cette époque, la population d'Annappes a diminuné considérablement.

Au XVe siècle, l'économie du village se redresse doucement, malgré les pestes périodiques, les mauvaises récoltes et la présence presque constante de militaires. Après avoir été brûlée par les troupes de Louis XI, l'église est reconstruite; les parties les plus anciennes de l'église d'Annappes remontent à cette époque.

[modifier] L’époque bourguignonne

Le comté de Flandre est rattaché au Duché de Bourgogne par le mariage en 1369 de Marguerite de Male, comtesse de Flandre, et de Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne.

La population recommence à croître très rapidement, même si Annappes reste plus petits qu'Ascq et Flers. En 1449, des enquêtes fiscales comptent 78 habitants à Annappes. Après les affrontements entre Charles le Téméraire de Bourgogne et Louis XI de France, la population est en 1498 de 410 habitants à Annappes. En 1505, 500 personnes habitent le village, et le cheptel est de 34 chevaux, 20 poulains, 284 vaches, 408 moutons. Cependant, une proportion entre 30% et 50% de la population, parfois plus, est très pauvre et ne peut pas payer d'impôts, alors que se multiplient les seigneurs qui ont des droits tant sur les hommes que sur les choses.

En 1477, à la mort du dernier duc de Bourgogne Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne épouse le Habsbourg Maximilien d'Autriche, qui prend ainsi le titre de comte des Flandres. À la fin du règne de l'empereur romain germanique Charles V, les Flandres espagnoles échoient à son fils aîné. Annappes passe donc sous la tutelle de Philippe II d'Espagne, roi d'Espagne. Ils reste sous autorité espagnole jusqu'au règne de Philippe IV d'Espagne.

La région est encore touchée par les maladies, comme une peste en 1534 et la typhoïde dans les marais. Des maladies s'abattent aussi sur le bétail.

[modifier] Débuts en France

En 1667, Louis XIV fait le siège de Lille, et la prend. Annappes devient alors un village français en 1668 par le traité d'Aix-la-Chapelle.

Le village subit constamment les maux de la guerre: logements des troupes, réquisition en tous genre, ravages et exaction des soldats. De 1708 à 1713 la région est occupée par les Britannico-Hollandais de Marlborough, qui reviendront en 1744.

En 1737, le curé d'Annappes soutient un long procès pour obtenir la prise en charge d'un vicaire par le chapitre Saint-Pierre. Grâce à lui, on sait que le canton de Marchenelles, d'Hempempont et du Recueil était appelé « la petite Hollande » car les habitants fréquentaient très rarement les églises. À cette époque, on répertorie à Annappes en 1737, 180 ménages et 1021 habitants.

Le roi permet en 1774 le partage des marais entre les trois villages et leurs voisins, et ceux-ci seront asséchés en 1781. À cette même époque, l'alphabétisation progresse. Entre 1737 et 1789, 50% des hommes et 32% des femmes savent signer leur acte de mariage à Annappes. La vie culturelle se développe aussi, avec des ducasses deux fois par an dans le village. On y fête aussi la Saint-Jean, la Saint-Martin et la Saint-Éloi. À Annappes comme à Flers sont organisés des concours de tir à l'arc très prisés, où on couronne celui qui abat le geai

[modifier] Révolution française et guerres napoléoniennes

Comme à Lille, il n'y a pas de révolution populaire chez les paysans en 1789; de plus les événements parisiens leur arrivent avec plusieurs jours de retard, et ils sont occupés par la répartition de leur marais communaux. En janvier 1790, Jean-Baptiste Béguin est élu maire d'Annappes. A. Boussemart lui succèdera.

En avril 1792, lors de la déclaration de guerre contre l'Autriche, des régiments se regroupent entre Lille et Baisieux, pour être dirigés vers l'ennemi. Mais à l'approche de l'ennemi au "Pas de Baisieux", dès les premières canonnades, ils battent en retraite vers Lille, où la foule massacrera le général Dillon. Les Autrichiens dirigés par le duc de Saxe-Teschen occupent la région après avoir pris Roubaix, Tourcoing et Lannoy. Cependant, ils lèvent le siège de Lille le 8 octobre face à l'impossibilité de s'emparer de la ville. La rivière la Marque sépare les troupes républicaines qui stationnent à Flers, Annappes et Ascq des Autrichiens de la fin 1792 au début de 1794. La coalition formée contre la France envahit le village en 1794, mais la victoire de Tourcoing, le 18 mai 1794, repousse l'ennemi.

Sous la Terreur, les biens des émigrés sont confisqués. De même, l'argenterie et les objets de cultes de l'église Saint-Sébastien sont inventoriés, envoyé à Lille et récupérés par l'État. L'église sera même vendue le 29 septembre 1798 aux enchères en même temps que celle d'Ascq et celle de Flers, mais ne sera pas démolie. Après le Concordat, elle sera reprise par les religieux.

À partir de 1800, les maires sont nommés par le préfet. Le premier sera P.J. Mahieu pour Annappes.

Les guerres de l'Empire sont gourmandes en individus, et les hommes du village sont très nombreux à se mutiler ou à se cacher dans les carrière de Lezennes.

[modifier] XIXe siècle

L'activité d'Annappes reste essentiellement artisanale et agricole. De grands propriétaires restent au pouvoir du bourg, comme le baron d'Empire Romain-Joseph de Brigode-Kemlandt - député du Nord 19 ans entre 1805 et 1837 et maire de la commune de 1814 à 1848 - et ses amis De Clercy et De Montalembert qui dominent le village. La politique de l'époque a très peu d'influence sur la population, qui s'adapte immédiatement à la royauté, la république et l'empire. Encore à cette époque, les villages souffrent des épidémies et de conditions de travail difficiles (repos dominical pas respecté, travail des enfants, etc.).

Annappes reste très rural et a du mal à accepter le progrès, ainsi les automobilistes d'Annappes se voient conseillés en 1903 de prendre exemple sur les chevaux. En 1875, Louis SPRIET, cultivateur à Annappes, décide de développer l'exploitation familiale et fait construire en 1876 une distillerie agricole de grains. Par alliance, un autre cultivateur (de Bouvines), devient propriétaire du bâtiment en 1898. Il transforme l'activité et fait édifier une brasserie qu'il baptise du prénom de son épouse "Brasserie Sainte-Marie". La ferme continue de fonctionner, pendant que la brasserie devient une entreprise très florissante. En 1971, avec la construction de la ville nouvelle, l'expropriation est décidée et la brasserie abattue en 1973.

[modifier] XXe siècle

La France entre dans la Première Guerre mondiale, où beaucoup de villageois moururent. À partir d'octobre 1914, les Allemands occupent la région, jusqu'à la libération par les Britanniques en octobre 1918.

Avec la montée en puissance de la métropole lilloise, de plus en plus de gens commencent à habiter en périphéries, et la population du village augmente considérablement. En 1939, Annappes compte environ 4000 habitants. Dans la première moitié du XXe siècle, Annappes est composée à 75% d'ouvriers, mais reste un pays à caractère villageois dirigé par les autorités traditionnelles. Les relations avec les pouvoirs et la vie communautaire persiste selon les anciens modes, car il n'y a à Annappes que peu de professions libérales ou de bourgeoisie industrielle.

La région subit de plein fouet la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette période, Annappes dépend du commandement allemand de Bruxelles, et n'aura jamais fait partie du gouvernement de Vichy. L'occupation allemande durera de mai 1940 à septembre 1944, et la zone sera encore une fois libérée par les Britanniques.

En 1958 l'Association des Paralysés de France crée le Centre de rééducation fonctionnelle Marc-Sautelet, qui ne cessera de se développer depuis lors.

De 1964 à 1967 un campus universitaire scientifique est créé sur des terrains majoritairement situés au sud de la commune d'Annappes. La Faculté des Sciences de Lille, aujourd'hui Université des Sciences et Technologies de Lille, s'y installe.

En 1967, la communauté urbaine de Lille est créée et regroupe 89 communes dont Annappes, Ascq et Flers. Le 4 février 1970, lors d'une conférence de presse, les mairies d'Annappes, d'Ascq et de Flers annoncent que leurs communes vont fusionner. Le 25 février, Annappes n'existe plus en tant que commune et devient un simple quartier de la ville nouvelle de Villeneuve-d'Ascq. En 1974, Annappes comptait 13800 habitants.

[modifier] Célèbres résidents

[modifier] Curiosité

Auguste Labbe, chansonnier lillois, écrit en 1896 un poème à la gloire d'Annapes : "Des bons indrots, ch'ti là ch'est l'crème Et les Lillos les pus sérieux Vous dirons qu'ch'est Annapp' qu'on aime Ch'est Annapes qu'on aime l'mieux!"

Un Arbre de la Liberté a été planté en 1848 sur la place du village pour fêter l'avènement de la Seconde République. Église Saint-Sébastien (XIIe siècle) abritant la crypte de la famille du Comte de Montalembert. Villa Gabrielle (XVIIIe siècle), anciennement rattachée aux Hospices de Lille.

[modifier] Bibliographie

Par Th. Leuridan, 1989, réimp. édit. 1881, 14 X 20, br., 112 pp. ISBN 2-87760-180-3