Libelle

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Le Gazetier cuirassé, libelle de Théveneau de Morande.
Le Gazetier cuirassé, libelle de Théveneau de Morande.

Un libelle est depuis l’Antiquité un terme de droit canon et romain qui désigne soit un mémoire remis au magistrat, soit de façon plus générale toute pièce écrite. Elle se décline en différents actes ou pièces, comme le « libelle d’exploit », le « libelle de divorce », le « libelle de proclamation », le « libelle d’accusation » ou encore le « libelle d'anathème ». On disait aussi bien « libeller » , pour dire rédiger toute espèce de jugements, de sentences.

Ensuite à l'époque moderne, le terme prit un sens plus restreint pour désigner « un livre, écrit, ou chanson, soit imprimé ou manuscrit, fait et répandu dans le public dans le but d'attaquer l'honneur et la réputation de quelqu'un ».[1]. Ainsi, à partir du XVIe siècle, le libelle devint un genre littéraire, que l'on qualifie parfois de libelle diffamatoire, infâme, injurieux, scandaleux ou clandestin pour le distinguer de son acception première.

Sommaire

[modifier] Caractéristiques

Petit livre de caractère satirique , insultant ou diffamatoire . Au sens premier [2], un libelle désigne un petit livre et souvent les libelles sont des ouvrages ou des textes courts. Le mot libelle, conformément à son étymologie libellus : « petit livre », ne comportait pas, à l’origine, une idée défavorable, ne désignant qu’un écrit d’une exposition courte, rapide, précise.

Dans sa Dissertation sur les libelles diffamatoire, Pierre Bayle [3] définit le libelle comme un texte à la fois opposé à la critique et à la satire. Contrairement à la satire, ses cibles ne sont pas des modèles, à la manière des Caractères de La Bruyère, mais des personnes ou des institutions précises. Contrairement à la critique, l’auteur des libelles est anonyme ou dissimulé sous un pseudonyme.

Le libelle politique peut être rapproché du pamphlet, bien qu'il n'en ait pas forcément la violence, le libelle littéraire, de l'épigramme. Voltaire distingue libelles politique, religieux et littéraire. « Les honnêtes gens qui pensent, dit-il, sont critiques, les malins sont satiriques, les pervers font des libelles. »

Le terme désigne au-delà un genre littéraire considéré comme mineur, voire criminel :

« On nomme libelles de petits livres d’injures. Ces livres sont petits, parce que les auteurs ayant peu de raisons à donner, n’écrivant point pour instruire, et voulant être lus, sont forcés d’être courts. Ils y mettent très rarement leurs noms, parce que les assassins craignent d’être saisis avec des armes défendues. »[4]

C'est encore l'avis de Gabriel Naudé, dans son Marfore ou discours contre les libelles (1620) :

« les libelles se vendent en secret, s’achètent bien cher, ne valent rien, et sont encore plus mal faits comme venant des mains d’une populace rude, ignorante et mal polie. »

[modifier] Histoire

Avec l’évolution du terme « libelle », peu à peu le sens d’accusation a dominé, puis celui d’accusation scandaleuse et même de mensonge. On entend aujourd’hui par libelle un écrit essentiellement diffamatoire, souvent calomnieux et, en général, anonyme : l’arme de la méchanceté et de la lâcheté. Ordinairement en prose, les libelles peuvent cependant être en vers et, dans ce cas, ils affectent le tour et l’allure de la chanson. Le libelle est à la littérature ce que la caricature est au dessin. Beaucoup des chansons les plus populaires de l’Ancien régime contre des généraux, des ministres, n’étaient autre chose que des libelles. Dans la France d’Ancien régime, l’auteur du libelle, l’imprimeur et le libraire encouraient également la peine de mort. La politique et les lettres en firent néanmoins également éclore à foison.

[modifier] Antiquité

La loi des Douze Tables prononçait la peine de mort contre celui qui chansonnait un citoyen romain.

[modifier] Au XVIe siècle

Au XVIe siècle, les batailles de l’érudition se livraient fort souvent à coups de libelles, aussi donna-t-on le nom de gladiateurs aux écrivains qui rivalisaient ainsi de science et d’injures.

L’époque de la Ligue fut très féconde en libelles, dont quelques-uns couronnaient la calomnie par l’appel à l’assassinat. Ceux de la Fronde ne furent pas moins nombreux que ceux de la Ligue, mais ils furent moins meurtriers. Les mazarinades en offrirent par milliers. Le libelle montait alors dans la chaire et donnait le ton au sermon.

[modifier] Au XVIIe siècle

Les querelles des jésuites et des jansénistes n’ont pas eu souvent d’autres armes que le libelle. Les Lettres provinciales du soi-disant sieur de Montalte furent traitées de libelles avant de conquérir leur place au premier rang des chefs-d’œuvre de l’éloquence française.

[modifier] Au XVIIIe siècle

Les luttes philosophiques et littéraires du XVIIIe siècle produisirent divers types de libellistes : Fréron, Linguet, Nonnotte, La Beaumelle, etc. En butte à tant d’anonymes diffamations, Voltaire n’a pas craint de rendre la pareille à ses ennemis.

[modifier] Libelles sous Louis XV

[modifier] Libelles prérévolutionnaires

[modifier] Libelles contre Marie-Antoinette

[modifier] Au XIXe siècle

Quand le journal fut entré dans les mœurs politiques, le libelle fut remplacé par la polémique périodique qui, dans les temps de troubles, n’est ni plus sincère ni moins injurieuse. L’art de diffamer devint une profession bien payée, sinon considérée, et protégée au besoin par l’épée du spadassin.

En dehors du journalisme, le libelle changea de nom : abjurant la calomnie et l’anonymat, il devint le pamphlet. Paul-Louis Courier et de Cormenin furent les plus célèbres pamphlétaires du XIXe siècle. Mais bien d’autres firent des pamphlets qui ajoutèrent à leur notoriété ou à leur gloire. Sous l’Empire, les écrits injurieux contre le souverain tombaient sous le coup de la loi de lèse-majesté. Un pamphlet de Chateaubriand, De Buonaparte et des Bourbons, valut à Louis XVIII autant qu’une armée.

Le pamphlet peut également être œuvre de poète : témoin la fameuse Némésis, de Méry et Barthélemy ; témoin encore, les célébrissimes Châtiments, de Victor Hugo contre « Napoléon le petit ».

Libelles et pamphlets furent souvent poursuivis par les lois, impuissantes contre eux quand l’opinion leur était favorable. Sous le second Empire, qui n’admettait pas la preuve du fait et qui, par un effet de la jurisprudence protégeait à la fois les vivants et les morts, tout écrit médisant était soumis à la loi sur la diffamation.

[modifier] Notes

  1. Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, article « Libelle »
  2. En suivant l'étymologie, libellus, diminutif de liber.
  3. Cité par Philippe Roussin, « Critique et diffamation chez Pierre Bayle » in Critique et affaires de blasphème à l’époque des Lumières, Honoré Champion, Paris, 1998, pp. 15-72.»
  4. Voltaire, « Libelle », « Quisquis (du) de Ramus ou La Ramée, avec quelques observations utiles sur les persécuteurs, les calomniateurs, et les faiseurs de libelles. » Dictionnaire philosophique.

[modifier] Bibliographie

  • Lucien Bély, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, Fayard, 1990.
  • Michel Delon, « Subversion littéraire, subversion politique : des Lumières à la Révolution », in Universalia, 1992, pp. 404-6.
  • Christian Jouhaud, Mazarinades : la Fronde des mots, Aubier, collection historique.
  • Barbara de Negroni, Lectures interdites. Le travail des censeurs au XVIIIe siècle, 1723 – 1774, Bibliothèque Albin Michel – Histoire, Paris, 1995.
  • Simon-Nicolas-Henri Linguet, Théorie du libelle, on l’Art de calomnier avec fruit, Amsterdam [Paris], 1775, in-12
  • Charles Nisard, Les Gladiateurs de la république des lettres aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, Michel Levy frère, 1860, 2 vol. in-8°
  • Charles Nisard, Les Ennemis de Voltaire, 1853, in-8°
  • Philippe Roussin, « Critique et diffamation chez Pierre Bayle » in Critique et affaires de blasphème à l’époque des Lumières, Honoré Champion, Paris, 1998.

[modifier] Voir aussi

wikt:

Voir « libelle » sur le Wiktionnaire.

[modifier] Liens internes

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