Gracchus Babeuf

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Babeuf
Babeuf

François Noël Babeuf, connu sous le nom de Gracchus Babeuf, né le 23 novembre 1760 à Saint-Quentin (Picardie) et mort à Vendôme (Loir-et-Cher) le 8 prairial an V (27 mai 1797), est un révolutionnaire français.

Il fomenta contre le Directoire la « conjuration des Égaux » et fut exécuté. Sa doctrine, le « babouvisme », est précurseur du communisme.

Sommaire

[modifier] Premières années

Dès l'âge de 12 ans, il travaille comme terrassier au canal de Picardie. À 17 ans, il réussit à se faire engager comme apprenti chez un notaire feudiste. En 1781, âgé de 21 ans, il commence à exercer pour son propre compte à Roye.

Inspiré par la lecture de Rousseau, et constatant les conditions de vie très dures de l'immense majorité de la population, il développe des théories en faveur de l'égalité et de la collectivisation des terres. En 1788, il commence l'écriture du Cadastre perpétuel, qui sera édité en 1789.

[modifier] Les débuts de la Révolution

En mars 1789, Babeuf participe à la rédaction du cahier de doléances des habitants de Roye. Suite à l'échec de son Cadastre perpétuel et surtout au début de la Révolution française, il devient journaliste. Il est ainsi correspondant du Courrier de l'Europe (édité à Londres) à partir de septembre 1789.

Il se bat contre les impôts indirects, organise pétitions et réunions. En conséquence, il est arrêté le 19 mai 1790 et emprisonné. Il est libéré en juillet, grâce à la pression du révolutionnaire Jean-Paul Marat. À la même époque, il rompt avec le catholicisme (il écrira en 1793 : « Le christianisme et la liberté sont incompatibles »).

Il lance son propre journal en octobre 1790, Le Correspondant picard, dans lequel il s'insurge contre le suffrage censitaire mis en place pour les élections de 1791. Le journal est contraint à la disparition quelques mois plus tard, mais Babeuf continue à se mobiliser aux côtés des paysans et des ouvriers picards. Il est contraint de fuir à Paris en février 1793.

[modifier] La république montagnarde

Arrivé à Paris, Babeuf prend parti pour les jacobins contre les girondins. Il entre en mai 1793 à la Commission des subsistances de Paris. Il y soutient les revendications des sans-culottes.

Il est ensuite emprisonné du 14 novembre 1793 (24 brumaire an II) au 18 juillet 1794 (31 messidor an II). Dix jours après sa libération, c'est le coup d'État contre Robespierre et les montagnards, le 9 thermidor (27 juillet 1794). Babeuf critique l'action des montagnards concernant la Terreur, disant : « Je réprouve ce point particulier de leur système », mais inscrit son action dans leur continuité, tout en voulant passer de l'égalité « proclamée » à l'égalité dans les faits (la « parfaite égalité » pour laquelle il milite).

[modifier] La réaction thermidorienne

À partir du 3 septembre 1794, Babeuf publie le Journal de la Liberté de la presse, qui devient le 5 octobre (14 vendémiaire an III) Le Tribun du peuple. Ce journal acquiert une forte audience. Il adhère à la même période au Club électoral, club de discussion de sans-culottes. Le 3 novembre, il demande que les femmes soient admises dans les clubs.

Abandonnant le prénom Camille, qu'il avait adopté en 1792, il se fait alors appeler Gracchus, en hommage aux Gracques, initiateurs d'une réforme agraire dans la Rome antique. Babeuf défend la nécessité d'une « insurrection pacifique ». Il est de nouveau incarcéré le 19 pluviôse (7 février 1795).

De fait, nombre de révolutionnaires sont alors en prison, ce qui est l'occasion pour Babeuf de se lier avec des démocrates comme Augustin Darthé ou Filipo Buonarroti.

[modifier] La conjuration des égaux

Libéré le 18 octobre 1795 (26 vendémiaire an IV), il relance rapidement la publication du Tribun du peuple.

Le gouvernement a une politique de répression de plus en plus forte avec la fermeture du Club du Panthéon, où sont présents nombre d'amis et de partisans de Babeuf, et la tentative d'arrestation de Babeuf en janvier 1796. Mais il parvient à s'enfuir et entre dans la clandestinité.

Cette impossibilité d'agir légalement aboutit à la création de la « Conjuration des égaux » dirigée par Babeuf, Darthé, Philippe Buonarroti, Sylvain Maréchal, Félix Lepeletier (frère de l'ancien député Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau), Antoine Antonelle. Le réseau des « Égaux » recouvre tous les arrondissements de Paris et de nombreuses villes de province. À sa tête, un « Directoire secret de salut public », dirigé par Babeuf, coordonne la lutte.

Le but est de continuer la révolution, et d'aboutir à la collectivisation des terres et des moyens de production, pour obtenir « la parfaite égalité » et « le bonheur commun ».

Grâce aux informations d'un indicateur, Georges Grisel, la police arrête Babeuf, Buonarroti, Darthé et les principaux meneurs des Égaux le 10 mai 1796 (19 floréal an IV). Une tentative populaire de les libérer échoue le 29 juin (11 messidor). Une deuxième tentative échoue également. Pour éviter que le peuple ne les libère, les Égaux sont transférés à Vendôme (Loir-et-Cher).

Une haute cour est constituée, et le procès s'ouvre à Vendôme le 20 février 1797 en présence de deux ministres. Le 16 avril, Lazare Carnot avait fait voter une loi qui punissait de mort l'apologie de la Constitution de 1793 et les appels à la dissolution du Directoire [1]. Babeuf, à qui on reproche l'initiative du complot, et Darthé, qui s'est enfermé lors des débats dans le mutisme le plus total et à qui l'on reproche la rédaction de l'ordre d'exécution des Directeurs, sont condamnés à mort [1]. Babeuf et Darthé tentent de se suicider et sont guillotinés le 8 prairial an V (27 mai 1797). Buonarroti, Germain et cinq autres accusés sont condamnés à la déportation. Cinquante-six autres accusés, dont Jean-Baptiste-André Amar, sont acquittés.

[modifier] Le projet de décret (extrait)

Buonarroti citera ce projet qui devait installer une république égalitaire à la suite de la conjuration :


Organisation générale :

Article premier : Il sera établi dans la république une grande communauté nationale.

Art. 2 : La communauté nationale a la propriété des biens ci-dessous : - Les biens qui étant déclarés nationaux, n’étaient pas vendus au 9 thermidor de l’an II ; - Les biens des ennemis de la révolution (…) ; - Les biens échus ou à échoir à la république par suite de condamnations judiciaires ; - Les édifices actuellement occupés pour le service public ; (…) - Les biens de ceux qui en feront abandon à la république ; - Les biens usurpés par ceux qui se sont enrichis dans l’exercice des fonctions publiques ; - Les biens dont les propriétaires négligent la culture.

Art. 3 : Le droit de succession ab intestat ou par testament est aboli : tous les biens actuellement possédés par des particuliers écherront, à leur décès, à la communauté nationale. (…)

Art. 5 : Tout Français de l’un ou l’autre sexe, qui fait abandon à la patrie de tous ses biens et lui consacre sa personne et le travail dont il est capable, est membre de la grande communauté nationale.

Art. 6 : Les vieillards qui ont atteint leur soixantième année et les infirmes, s’ils sont pauvres, sont de droit membres de la communauté nationale.

Art. 7 : Sont également membres de la communauté nationale les jeunes gens élevés dans les maisons nationales d’éducation.

Art. 8 : Les biens de la communauté nationale sont exploités en commun par tous ses membres valides.

Art. 9 : La grande communauté nationale entretient tous ses membres dans une égale et honnête médiocrité : elle leur fournit tout ce dont ils ont besoin.

Art. 11 : À dater du…, nul ne pourra être fonctionnaire civil ou militaire, s’il n’est pas membre de ladite communauté. (…)


Des travaux communs :

Article premier : Tout membre de la communauté nationale lui doit le travail de l’agriculture et des arts utiles dont il est capable.

Art. 2 : Sont exceptés, les vieillards âgés de 60 ans et les infirmes. (…)


De la distribution et de l’usage des biens de la communauté :

Art. 2 : La communauté nationale assure, dès ce moment, à chacun de ses membres : - Un logement sain, commode et proprement meublé ; - Des habillements de travail et de repos, de fil ou de laine, conformes au costume national ; - Le blanchissage, l’éclairage et le chauffage ; - Une quantité suffisante d’aliments en pain, viande, volaille, poisson, œufs, beurre ou huile ; vin et autres boissons usitées dans les différentes régions ; légumes, fruits, assaisonnements et autres objets dont la réunion constitue une médiocre et frugale aisance ; - Les secours dans l’art de guérir. (…)

Des monnaies : Article premier : La république ne fabrique plus de monnaie. Art. 2 : Les matières monnayées qui écherront à la communauté nationale seront employées à acheter chez les peuples étrangers les objets dont elle aura besoin. Art. 3 : Tout individu non participant la communauté, qui sera convaincu d’avoir offert des matières monnayées à un de ses membres, sera puni sévèrement. Art. 4 : Il ne sera plus introduit dans la république ni or ni argent. (…)

[modifier] La postérité de Babeuf

  • Certains parlent d'un courant politique qui serait propre à Babeuf, le babouvisme dont se rapprocherait Auguste Blanqui, revendiquant l'égalitarisme et esquissant un présocialisme utopique.
  • Friedrich Engels et Karl Marx ont reconnu en lui un précurseur du communisme, et en la Conjuration des Égaux « le premier parti communiste ». Babeuf est souvent considéré comme le premier véritable militant communiste.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Maurice Dommanget, Babeuf et la conjuration des égaux, Spartacus, 1989.
  • Robert Legrand (avant-propos d'Albert Soboul), Babeuf et ses compagnons de route, Société des études robesperristes, coll. « Bibliothèque d'histoire révolutionnaire », 3e série, n°20, Paris, 1981.
  • Jean Bruhat, Gracchus Babeuf et les Égaux ou « le premier parti communiste agissant », Librairie académique Perrin, 1978.
  • Notice dans le Dictionnaire politique de Duclerc et Pagnerre, Paris, 1842.
  • Philippe Buonarroti, Gracchus Babeuf et la conjuration des égaux, 1828.
  • Jean Soublin, Je t'écris au sujet de Gracchus Babeuf, Atelier du Gué, 2001.

[modifier] Références

  1. ab article Babeuf de F.Wartelle, in Dictionnaire historique de la Révolution française dirigé par Albert Soboul, PUF, 1989